Marchés
Conversation avec la Banque européenne d’investissement
Animateurs : Richard Kelly, chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD, et Laura Quinn, directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Invitée : Eila Kreivi, chef, Marchés des capitaux, Banque européenne d’investissement
Cinq questions clés en 10 minutes : Richard et Laura se joignent à Eila Kreivi, chef, Marchés des capitaux à la BEI, pour explorer les perspectives de financement pour les investisseurs mondiaux, les occasions de croissance pour les technologies de chaîne de blocs, les principaux points à retenir de la COP26, et discuter du rôle essentiel que les plus grandes institutions financières de l’Union européenne doivent jouer dans une économie post-pandémie.
RICHARD KELLY : Merci de vous joindre à nous pour un autre épisode de notre série de balados 5x10 sur les émetteurs. J’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui Laura Quinn, directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD, à Dublin, ainsi qu’Eila Kreivi, directrice et chef, Marchés des capitaux, à la Banque européenne d’investissement, ou BEI.
On continue de constater une grande volatilité sur les marchés et dans notre vie personnelle, mais de nombreux signes indiquent qu’on passe à la prochaine étape de la reprise mondiale. La principale différence, c’est ce à quoi ça ressemble, selon la personne à qui on parle ou les aspects qu’on examine. Aujourd’hui, on voulait saisir une autre occasion d’avoir un nouveau point de vue sur ce à quoi ces perspectives pourraient ressembler, alors qu’on franchit la prochaine étape pour réussir à composer avec la grande incertitude qui persiste.
Aujourd’hui, on se penche sérieusement sur la façon dont la BEI examine ses priorités et ses objectifs pour l’année à venir, compte tenu de l’évolution des perspectives. Sur ce, je cède la parole à Laura Quinn, qui va présenter notre invité.
LAURA QUINN : Bonjour Richard. Eila est directrice et chef, Marchés des capitaux, à la Banque européenne d’investissement. La BEI gère des dettes impayées de plus de 430 milliards d’euros. Son programme de financement typique varie entre 50 et 75 milliards d’euros par année, et elle est une grande pionnière dans le domaine ESG. Eila siège à de nombreux comités pour faire progresser les enjeux ESG en Europe.
Sur ce, Eila, je sais que vous travaillez à la BEI depuis plus de 20 ans. Et pendant cette période, les marchés financiers ont connu de nombreuses périodes difficiles. Par exemple, durant la crise de la dette européenne et, plus récemment, durant la pandémie. Évidemment, personne n’aurait pu prédire les répercussions que cette situation aurait eues sur le marché. Dans cette optique, j’aimerais savoir ce qui, selon vous, pourrait être le plus grand risque auquel feront face les marchés des capitaux au cours des 12 prochains mois?
EILA KREIVI : Merci, Laura, pour cette présentation et cette question. Évidemment, tout le monde dirait que c’est toujours difficile à voir, mais c’est vrai d’une certaine façon. On ne semble jamais regarder dans la bonne direction quand on pense aux risques et à la source de la prochaine crise, et absolument personne n’aurait pu prédire cette pandémie.
C’est tout à fait vrai, et ce n’est peut-être pas le domaine d’expertise de nos spécialistes des finances. Mais je pense que nous ne nous attendions certainement pas à ce que cette pandémie perturbe les chaînes d’approvisionnement mondiales et les problèmes qu’elle a causés dans les échanges commerciaux. Et ça empêche les entreprises de produire leurs biens. Ça les empêche de vendre lorsque la demande est là, et ainsi de suite. Ce n’est pas seulement du côté des semi-conducteurs, mais dans tous les secteurs. Il y a des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux domaines. Les gens ont quitté leur profession précédente pour faire autre chose, et ainsi de suite.
Donc je pense que c’est la situation que personne n’a vue venir. On se demandait si on allait avoir une reprise en V ou en L, ou peu importe la forme, mais, de toute façon, pour la plupart d’entre nous, je pense qu’on n’a pas vu ce problème venir. Et maintenant, je me demande si on sous-estime aussi les conséquences de cette situation. Et puis, bien sûr, je parle des pressions inflationnistes, parce que personne ne parle d’inflation depuis plus de 10 ans. Et on ne sait peut-être même plus à quoi ça ressemble ou à quoi ça va ressembler à l’avenir. Ça peut être différent de la dernière fois.
Je ne dis pas que je fais de l’insomnie à cause de ça, mais je pense que ça pourrait créer des situations auxquelles on n’a pas pensé ou prendre une tournure à laquelle on n’a pas songé non plus. Et maintenant, depuis que je suis dans ce monde où les banques centrales injectent des liquidités sur le marché, où les taux sont très bas, voire négatifs...
Et puis quand les investisseurs ont jeté l’éponge il y a longtemps pour acheter du papier à long terme à ces niveaux, et que la courbe s’accentue et que les taux augmentent, je me demande juste si ça pourrait causer beaucoup de dommages. C’est ma principale préoccupation, mais si vous me demandez d’évaluer ça sur une échelle, de déterminer quelle ampleur ça a? Je ne sais vraiment pas, mais c’est ce que je considère comme un risque pour les marchés des capitaux pour les 12 prochains mois.
RICHARD KELLY : Il y a assurément un certain nombre de risques et d’incertitudes. Je me demande si vous voyez ça aussi comme une occasion. Vous avez beaucoup parlé de la liquidité des banques centrales, mais il y a aussi des objectifs budgétaires et d’infrastructure qui n’étaient peut-être pas prévus il y a plusieurs années et qui sont maintenant possibles. Il y a des domaines et des champs d’action qu’on peut intégrer. Donc, pour les 12 prochains mois, voyez-vous des occasions importantes? Ou est-ce qu’il y a des aspects sur lesquels vous vous concentrez lorsque vous examinez vos perspectives de financement pour 2022?
EILA KREIVI : Eh bien, si on parle du financement de la BEI pour 2022, la bonne nouvelle dans ce scénario, c’est que nous n’avons pas un programme de financement très important. Nous en sommes maintenant à un peu moins de 55 milliards d’euros, et c’est à peu près à ce montant-là que nous allons rester. Pour l’an prochain, nous n’avons pas encore établi les chiffres définitifs, mais le risque est plutôt à la baisse qu’à la hausse par rapport à ce chiffre. Ce sera probablement un peu moins que le montant de 55 milliards cette année, ce qui est peut-être une bonne chose dans les scénarios possibles que j’ai mentionnés.
Les domaines intéressants sont, bien sûr, par exemple, la finance durable, dont on va parler peut-être un peu plus tard, mais il se passe beaucoup de choses dans ce domaine-là, et on s’adapte également à ça. Comme vous le savez peut-être, on s’intéresse à ce domaine-là, et je pense qu’il y a des choses très intéressantes à partir de là. Surtout dans le secteur des finances, qui prend de nouveaux engagements en ce moment.
Ensuite, il y a le développement technique, c’est-à-dire les chaînes de blocs et la numérisation, mais ce n’est pas mon domaine d’expertise par excellence, je dois l’admettre. Mais je pense qu’il va aussi y avoir des développements, qui vont être très intéressants, et qui pourraient façonner notre monde à long terme, et même beaucoup.
RICHARD KELLY : Et vous avez parlé de durabilité, et c’est probablement l’un des domaines pour lesquels les choses ont été accélérées, tant du point de vue de l’émetteur que de l’investisseur, et qui ont été mis en lumière. Et je sais que c’est un domaine dans lequel vous travaillez beaucoup depuis un certain temps. Alors que vous regardez ce qui est beaucoup plus important et les occasions par rapport à ça, quels sont, selon vous, les plus grands risques en ce qui concerne le développement des marchés verts et sociaux en 2022, pour vous-même et pour l’ensemble des émetteurs souverains, supranationaux et agences?
EILA KREIVI : C’est une très bonne question, surtout maintenant qu’on suit ce qui se passe à Glasgow. Et je ne pense pas être la seule à le dire; je ne suis pas très impressionnée par ce qui se passe. Et je pense que le secteur financier se porte très bien. Je veux dire, surtout quand on parle des investisseurs, des banques aussi, qui essaient de s’améliorer, qui deviennent plus transparents. Mais je ne suis pas très impressionnée par ce que font les gouvernements. Et ils semblent reculer dans certains cas, ils ne progressent pas. Ils veulent trouver des excuses pour continuer à utiliser les combustibles fossiles, et ainsi de suite.
Je pense que le plus grand risque dans ce domaine vient de la vue d’ensemble en contexte. Pas du secteur financier, je pense, qui a vraiment pris cette idée au sérieux et qui va de l’avant. Mais si les gouvernements n’agissent pas et n’appuient pas cette initiative, je pense que ça risque de perdre encore plus de terrain. Et je parle de tous les coins du monde, où les États-Unis sont maintenant beaucoup plus impliqués dans cette discussion qu’auparavant. Mais la Chine semble peut-être reculer un peu. Avec l’Union européenne, on discute de ce qui devrait ou ne devrait pas être inclus dans la taxonomie, ce qui déborde un peu du cadre de la discussion, et ainsi de suite.
C’est donc ce qui me préoccupe. J’espère qu’on s’en tient toujours à une approche fondée sur la science. Il faut avoir l’information scientifique clairement en contexte. On peut ensuite décider ce qu’il faut faire en pratique, mais il faut aussi déterminer l’objectif, la façon d’y arriver et le parcours à suivre. Ça devrait être fondé sur des données scientifiques, et non sur des discussions politiques.
RICHARD KELLY : Merci, et c’est intéressant que vous mentionniez le secteur gouvernemental, car je pense que c’est un secteur qui suscite de nombreuses questions, et on peut vraiment remonter des décennies en arrière pour voir l’évolution des réactions aux crises en Europe. Et je pense que c’est le nombre d’organisations auxquelles les investisseurs et tout le monde doivent faire face, que ce soit la BEI, l’Union européenne ou le Mécanisme européen de stabilité. Un certain nombre d’initiatives différentes qui tentent de s’unir pour se concentrer sur différentes crises, différents domaines pour faire progresser l’économie et les marchés.
La question qui revient toujours est la suivante : devrait-il y avoir un regroupement de ces institutions, de leurs capacités de financement et de leurs initiatives pour les rendre plus efficaces? Et je me demande ce que vous pensez de cette idée, à savoir s’il serait avantageux de regrouper et de fusionner beaucoup de ces secteurs à l’avenir?
EILA KREIVI : Oui. Je peux comprendre que cette question se pose parfois. Mais si on examine la situation de plus près, on peut voir qu’il n’est pas nécessaire de regrouper ces institutions. On a toutes nos propres domaines sur lesquels on travaille bien. Évidemment, la Commission européenne est quasi souveraine. Elle emprunte au nom d’entités souveraines. Son rôle est très différent. Et la question est de savoir si les États membres empruntent directement ou si l’Union européenne emprunte en leur nom.
Le Mécanisme européen de stabilité, ou MES, est une institution d’intervention en cas de crise. De plus, seuls les gouvernements de la zone euro sont propriétaires de cette institution. Alors que la Commission européenne, et nous, bien sûr, comptons tous les autres membres de l’Union européenne parmi nos membres ou actionnaires. Pour ce qui est du MES et de la Commission européenne, les deux institutions accordent des prêts aux gouvernements.
La BEI est celle qui finance les investissements dans l’économie réelle. On ne prête pas beaucoup aux gouvernements. On peut le faire, mais ils sont vraiment minoritaires parmi nos clients. On accorde des prêts au secteur privé, aux sociétés, aux banques, à des projets de financement, et à certaines entités souveraines, comme les régions et les municipalités, mais pour les investissements, on ne finance pas leurs budgets ou leurs programmes, comme le soutien social. On finance leurs placements, et on a une très grande expertise dans tous ces domaines. Si vous cherchez les meilleurs experts en environnement ou en construction de routes ou d’hôpitaux, peu importe, vous pouvez vous tourner du côté de la BEI.
Donc ces trois institutions remplissent un rôle très différent. On a aussi des volumes très différents de nos jours. Mais pour ce qui est de l’efficacité du financement, je ne pense pas que ce soit vraiment un problème dans le monde d’aujourd’hui. Donc, de ce point de vue-là, je ne pense pas non plus que ce soit nécessaire de regrouper les institutions. Donc, pour moi, on a toutes notre travail à faire, et on a toutes notre rôle à jouer. Je ne vois pas vraiment la nécessité d’un regroupement.
Bien sûr, on se parle toutes très souvent, on suit les activités des autres et on essaie de... par exemple, les investisseurs travaillent ensemble. Une fois par année, on tient toutes les trois un événement pour les investisseurs, qui est très populaire, et ça semble être déjà un événement bien établi. Et on en fait aussi plus de façon ponctuelle.
Mais je ne vois pas vraiment la nécessité d’en parler en détail.
RICHARD KELLY : Merci. Et peut-être que l’autre question qui se pose sur l’évolution et les marchés, ainsi que la place de la BEI, c’est dans le domaine des technologies, et le perturbateur qu’est la chaîne de blocs, et c’est un domaine où la BEI est un leader sur le marché. Et je me demande : prévoyez-vous une forte croissance dans ce domaine pour la BEI au cours des prochaines années?
EILA KREIVI : Eh bien, je m’attends à ce que nous ayons un rôle à jouer. C’est un tout nouveau domaine. Il y a beaucoup d’infrastructures à construire avant que ça ne prenne vraiment de l’ampleur. Et cette obligation qu’on a créée plus tôt cette année, ça a pris presque deux ans de travail, et en fait, on pensait que le plus gros du travail serait sur le plan technique. En fait, c’était plutôt du côté juridique, parce que la plupart des aspects qu’on devait définir n’existaient pas, et cela devait être fait, tant à l’interne à la BEI qu’à l’externe.
Il reste donc encore beaucoup de travail à faire avant que ça devienne un véritable exercice d’envergure, mais on doit s’engager à en faire plus. On travaille actuellement sur davantage de projets. Et si on pense aux obligations vertes, on les a lancées en 2007, mais il a fallu six ou sept ans pour qu’elles prennent vraiment leur envol à l’échelle institutionnelle. Je pense donc que ça va prendre aussi un certain temps. Je ne sais pas si ça va prendre autant de temps ou moins. Mais ce ne sera pas encore la principale tendance en 2022, et j’en suis assez certaine.
LAURA QUINN : D’accord. Eila, merci beaucoup d’avoir pris le temps d’avoir discuté avec nous aujourd’hui. C’était vraiment fascinant de connaître votre point de vue sur les occasions et les défis qui nous attendent pour la prochaine année. À la TD, nous avons hâte de travailler avec vous sur votre nouveau programme de financement. Je vous remercie encore d’avoir pris le temps de vous joindre à nous.
EILA KREIVI : Merci, et j’ai hâte moi aussi.
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Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard supervise l’équipe Stratégie mondiale et fournit des conseils stratégiques et de placement sur les devises, les taux, les produits de base et les marchés émergents du G10, ainsi que des analyses macroéconomiques mondiales descendantes, évaluant les tendances courantes dans les principales économies et les répercussions sur les marchés. Avant de se joindre à Valeurs Mobilières TD en 2010, il était économiste international principal aux Services économiques TD. Auparavant, il a travaillé pour le Fonds monétaire international à Washington, D.C., et pour plusieurs autres organismes de développement économique.
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura est responsable du montage et de la syndication de tous les produits à revenu fixe sur plusieurs marchés des devises. Elle se concentre sur le développement et la croissance des relations avec les clients actuels et nouveaux parmi les entités supranationales, les agences, les institutions financières et les sociétés émettrices. Avec plus de 20 ans d’expérience dans les marchés des capitaux, Laura a passé la majeure partie de sa carrière à Londres avant de déménager à Dublin, où elle dirige maintenant les équipes Montage et Syndication de la TD.