Marchés
Conversation avec le Mécanisme européen de stabilité
Animateurs : Richard Kelly, chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD, et Laura Quinn, directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Invité : Kalin Anev Janse, chef des finances, Mécanisme européen de stabilité
Cinq questions clés en 10 minutes : Le chef des finances, Mécanisme européen de stabilité, Kalin Anev Janse, explore les stratégies de financement pour 2022, ce à quoi les émetteurs supranationaux et souverains et les agences peuvent s’attendre des marchés des obligations vertes et sociales, et discute des plus grands risques auxquels feront face les marchés des capitaux au cours des 12 prochains mois.
RICHARD KELLY : Merci à tous de vous joindre à nous pour un autre épisode de notre série de balados 5x10 sur les émetteurs. Je suis très heureux d’être accompagné aujourd’hui de Laura Quinn, directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD, à Dublin, et de Kalin Anev Janse, chef des finances, Mécanisme européen de stabilité, ou MES.
J’ai vraiment l’impression que nous passons à la prochaine étape de la reprise. On constate que le retour à la normalité évolue à un rythme différent, à différents endroits. Et c’est ce qui crée le besoin d’ajustement des politiques, je pense, et de repenser de façon plus générale la meilleure façon de s’adapter pour l’avenir, ce à quoi on ne songeait même pas auparavant.
Aujourd’hui, nous voulions discuter de la façon dont le MES examine ses priorités et ses objectifs pour l’année à venir, alors que nous allons de l’avant. Donc, sur ce, je cède la parole à Laura Quinn, qui va présenter notre invité.
LAURA QUINN : Merci, Richard. Et merci, Kalin, de vous joindre à nous aujourd’hui. Kalin dirige l’équipe de financement et des relations avec les investisseurs pour le Mécanisme européen de stabilité. Il est le chef des finances et un membre du conseil d’administration du MES. Il est responsable de dettes impayées de 300 milliards d’euros. Et cette année seulement, son équipe a amassé un financement de 25 milliards d’euros.
Kalin, personne n’aurait pu prédire la pandémie de COVID-19. Heureusement, grâce aux vaccins, nous sommes en bien meilleure position aujourd’hui qu’il y a 12 mois. Mais cela a eu un impact sur les marchés financiers, en particulier au premier trimestre de 2020. Dans cette optique, j’aimerais savoir quels sont, selon vous, les plus grands risques auxquels les marchés des capitaux seront confrontés au cours des 12 prochains mois?
KALIN ANEV JANSE : Merci, Laura. Et je pense que c’est une excellente question pour commencer. Nous avons réagi assez rapidement à la crise en Europe, d’un point de vue monétaire, puis d’un point de vue budgétaire. Nous avons fait une première intervention seulement huit semaines après le début de la pandémie, qui a été approuvée en avril 2020 pour 540 milliards d’euros, dont un montant de 240 milliards a été octroyé par le MES, mon institution. Puis, l’été dernier, on a eu un montant de 750 milliards d’euros de la nouvelle génération de l’Union européenne.
Ça a impressionné les marchés. Selon de nombreuses personnes, l’Europe s’est vraiment bien comportée. Bloomberg affirme même aujourd’hui que le modèle européen est une réussite, qu’il a réagi à la crise du point de vue du vaccin, comme vous l’avez mentionné, mais aussi du point de vue budgétaire et monétaire.
Nous sommes donc en bonne position en Europe. Mais, bien sûr, il y a des risques. Et on doit faire très attention à la façon dont on sort de cette crise. J’ai bon espoir que les 750 milliards d’euros seront bien utilisés. Nous avons également la mesure de soutien dans le cadre de la crise pandémique, disponible jusqu’à la fin de 2022, qui a été instaurée par le MES, mais nous devons faire très attention à la façon dont nous sortirons de cette crise. Je suis donc très optimiste, et je suis certain qu’on y parviendra. Mais sortir d’une crise, c’est toujours la partie la plus difficile.
RICHARD KELLY : Merci, Kalin. Et si on examine l’autre aspect de la question, Laura a posé une question sur les plus grands risques. Mais avec certains des budgets les plus importants, avec une certaine capacité à sortir des sentiers battus dans un certain nombre de domaines, selon vous, quelles sont les plus grandes occasions pour le MES au cours des 12 prochains mois? Y a-t-il quelque chose dans le pipeline qui vous enthousiasme particulièrement du point de vue du financement?
KALIN ANEV JANSE : Donc le plus grand changement pour le MES, c’est que nous avons un nouveau mandat. Au milieu de la crise, nos gouvernements, les 19 pays de la zone euro, ont approuvé la mise à niveau de mon institution. Pour le moment, ça sera déployé dans toutes les capitales de la zone euro en 2022, donc l’an prochain.
Ça va nous fournir un nouvel instrument de prêt. On va donc devenir le filet de sécurité des banques, grâce au mécanisme de résolution unique. On va commencer à surveiller les 19 pays de la zone euro. Dans les nouvelles crises, il n’y aura pas de troïka, mais un tandem, la Commission européenne et le MES. Et on va évaluer plus en profondeur la viabilité de la dette et la capacité de remboursement des différents pays de la zone euro. Enfin, et surtout, nous allons jouer un rôle plus important en cas de différends entre le secteur privé et le secteur public, en cas d’émissions de titres de créance.
Maintenant, vous voyez une partie de ce nouveau mandat dans les médias. On a récemment publié un article dans lequel nous affirmons croire que les règles de l’union économique et monétaire doivent changer et que nous pourrions passer d’un ratio dette-PIB de 60 % à un ratio dette-PIB de 100 %, parce que le monde a changé. Mais on devrait s’en tenir, par exemple, au déficit de 3 %.
Du point de vue du financement, l’an prochain, nous allons demeurer un acteur régulier sur le marché. Nos émissions seront de 20 à 30 milliards d’euros. On veut conserver un important bassin d’investisseurs, et on a hâte de faire plus de tournées et de rencontrer les investisseurs physiquement.
RICHARD KELLY : Merci. J’aimerais revenir sur un point que vous avez mentionné... Vous avez parlé d’émissions de 20 à 30 milliards d’euros l’an prochain. Y a-t-il d’autres renseignements que vous pouvez fournir aux investisseurs mondiaux concernant ces plans pour les perspectives de financement pour 2022? Y a-t-il de nouveaux projets ou de nouvelles priorités stratégiques que vous essayez vraiment de mettre en œuvre?
KALIN ANEV JANSE : Certainement. Oui. Et je pense que pour les investisseurs, ce sont les détails qui comptent. On va donc faire un total de 26 milliards d’euros, pour être précis, l’an prochain : 18 milliards pour le Fonds européen de stabilité financière, ou FESF, et 8 milliards pour le MES. Nous allons avoir notre programme d’émission régulière de bons, donc de 3, 6 et 12 mois, et nous allons continuer de les émettre une fois par année, en dollars américains.
De plus, en 2022, la mesure de soutien dans le cadre de la crise pandémique de 240 milliards d’euros du MES va toujours être disponible. Les gouvernements peuvent encore en bénéficier. La question est de savoir si elle est utilisée si les écarts de taux commencent à s’élargir. La plupart des gouvernements considèrent donc le MES comme une ligne de crédit dans laquelle ils peuvent puiser si les écarts de taux sont trop importants, ce qui n’est pas le cas actuellement en raison de la réaction monétaire. Alors si les écarts de taux se creusent, il est plus probable que la mesure de 240 milliards d’euros soit utilisée par certains de nos États membres.
Il y a aussi le nouveau mandat, le filet de sécurité du mécanisme de résolution unique. Nous allons communiquer davantage avec les investisseurs pour leur expliquer les risques qui proviennent de l’Europe, mais aussi les occasions. Et il ne faut pas oublier que nous avons une capacité supplémentaire de 410 milliards d’euros. Par conséquent, si les répercussions de cette crise nous plongent dans des chocs symétriques, nous sommes là pour prêter main-forte.
RICHARD KELLY : Merci. Je voulais qu’on parle des facteurs ESG. Vous avez mentionné les risques et les occasions, et il n’y a probablement pas de meilleur exemple de transformation d’une crise en occasion que l’accélération importante dans le domaine ESG à l’échelle mondiale. Je me demande donc, comme vous faites partie de l’ensemble des émetteurs souverains, supranationaux et agences, quels sont, selon vous, les plus grands risques pour le développement futur des marchés des obligations vertes et sociales à l’approche de 2022 et au-delà?
KALIN ANEV JANSE : Pour moi, le plus grand risque, c’est certainement l’écoblanchiment. Le marché est actuellement extrêmement chaud. En octobre 2021, le marché des obligations ESG est passé à 2 000 milliards d’euros, seulement 11 mois après avoir coûté 1 000 milliards d’euros. Mais ça nous a pris 13 ans pour en arriver à ce premier millier de milliard. Il y a donc beaucoup d’émissions.
Mais, bien sûr, certaines obligations sont plus vertes que d’autres. Et je pense que ce qui est important pour 2022, c’est de s’assurer que les émissions d’obligations vertes, sociales ou gouvernementales, c’est-à-dire les émissions E, S ou G, sont vraiment E, S et G. Et je pense que la taxonomie de l’Union européenne, qui est de loin la réglementation la plus avancée, à l’échelle mondiale, tente d’y contribuer. Et j’espère que d’autres régions du monde vont emboîter le pas à l’Europe.
RICHARD KELLY : Merci. Et peut-être pourrions-nous revenir sur l’Europe pour conclure. Je pense que le MES a joué un rôle essentiel pour nous aider à traverser cette période, en apportant de la stabilité, et en traversant des crises au cours de la dernière décennie. Je pense que nous pouvons envisager la nouvelle génération de l’Union européenne comme le prochain volet de cette dernière pour essayer d’élargir davantage ce qu’on observe dans les institutions européennes, et la façon dont elles peuvent soutenir la reprise dans la région.
Je pense que la question qu’on se pose de plus en plus, et ce serait bien de connaître votre point de vue, c’est la suivante : croyez-vous que les grandes institutions européennes, soit le MES, la BEI et l’Union européenne, sont en mesure d’apporter ces capacités de financement et de les regrouper et de les fusionner à tout moment à l’avenir?
KALIN ANEV JANSE : Merci pour cette question. Et je me la suis souvent fait poser au cours des derniers mois. Et la réponse est non. Nous avons tous des objectifs, des actionnariats et des structures différents. Le MES est la seule institution de la zone euro comptant 19 actionnaires. La Banque européenne d’investissement est une BMD, une banque multilatérale de développement, qui finance des projets. Nous finançons des pays. Et l’Union européenne est une institution supranationale comptant les 27 pays; c’est donc une institution à l’échelle de l’Europe.
On voit aussi ce modèle dans les pays. En Allemagne, il n’y a pas de fusion entre le Bund et la KfW. Dans mon pays, les Pays-Bas, la NWB, la BNG et l’État néerlandais émettent également séparément sur le marché.
Ce qui est important, selon moi, pour les investisseurs, c’est qu’ils considèrent ces émetteurs comme similaires, même s’ils ne sont pas identiques. Alors ensemble, nous apportons environ 800 milliards d’actifs sûrs de l’Europe sur le marché en 2020. Et combiné à toutes les nouvelles mesures d’intervention en cas de crise, ce sera près de 2 000 milliards d’euros au cours des prochaines années. On aura donc de véritables actifs sûrs européens sur le marché provenant des trois institutions.
Et aussi [AUDIO OUT], comme nous sommes des citoyens européens, du moins mes actionnaires, qui représentent plus de 200 millions d’Européens, l’institution qui émet n’a pas d’importance. Pour eux, il est important que l’Europe règle les problèmes. Et je pense que c’est ce que font les trois institutions.
Et enfin, un point pour les investisseurs, parce que ce sont eux qui écoutent. Pour eux, les écarts de taux et les substitutions actives entre les trois institutions sont en fait très bons pour créer des liquidités. Et ils aplatissent la courbe, alors ils profitent des occasions qui en découlent. Donc du point de vue de la négociation, je pense que c’est formidable que nous ayons ces trois institutions. C’est une situation gagnant-gagnant, je dirais.
LAURA QUINN : Merci, Kalin. Ça termine très bien notre balado d’aujourd’hui. Je voulais vous remercier de vous être joint à nous. La conversation a été très enrichissante, et c’est fantastique de vous entendre dire à quel point vous êtes optimiste à l’égard des marchés et du MES. Merci beaucoup de vous être joint à nous.
KALIN ANEV JANSE : Merci. Ce fut un réel plaisir.
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Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard Kelly
Chef, Stratégie mondiale, Valeurs Mobilières TD
Richard supervise l’équipe Stratégie mondiale et fournit des conseils stratégiques et de placement sur les devises, les taux, les produits de base et les marchés émergents du G10, ainsi que des analyses macroéconomiques mondiales descendantes, évaluant les tendances courantes dans les principales économies et les répercussions sur les marchés. Avant de se joindre à Valeurs Mobilières TD en 2010, il était économiste international principal aux Services économiques TD. Auparavant, il a travaillé pour le Fonds monétaire international à Washington, D.C., et pour plusieurs autres organismes de développement économique.
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura Quinn
Directrice générale et chef, Marchés primaires, Valeurs Mobilières TD
Laura est responsable du montage et de la syndication de tous les produits à revenu fixe sur plusieurs marchés des devises. Elle se concentre sur le développement et la croissance des relations avec les clients actuels et nouveaux parmi les entités supranationales, les agences, les institutions financières et les sociétés émettrices. Avec plus de 20 ans d’expérience dans les marchés des capitaux, Laura a passé la majeure partie de sa carrière à Londres avant de déménager à Dublin, où elle dirige maintenant les équipes Montage et Syndication de la TD.