Structure du marché boursier européen 2.0
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Niki Beattie, chef de la direction, Market Structure Partners
Dans l’épisode 46, Niki Beattie, spécialiste de la structure des marchés européens, fait le point sur les principaux sujets d’intérêt au Royaume-Uni et partout sur le continent. Écoutez-la aborder l’évolution de la discussion à propos du débat sur la bande consolidée, se pencher sur la bataille des inscriptions à la cote entre Amsterdam et la Bourse de Londres (LSE) à la suite du Brexit, expliquer comment le continent et le Royaume-Uni divergent sur les règles sur la négociation opaque de la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID), et plus encore.
[MUSIQUE]
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 46 de la série balado de Valeurs Mobilières TD, Bid Out – A Market Structure Perspective from North of 49th. Ici votre animateur, Peter Haynes. Aujourd’hui, j’accueille quelqu’un qui participa souvent à cette série de balados : Niki Beattie, présidente et chef de la direction de Market Structure Advisors à Londres. Elle revient à notre émission pour la deuxième fois pour informer nos auditeurs de l’évolution de la structure des marchés de l’autre côté de l’océan, en Europe. Merci de participer à nouveau à ce balado, Niki. Je suis ravi de discuter avec toi.
NIKI BEATTIE : Merci pour l’invitation, Peter. J’ai hâte d’avoir une autre conversation avec toi.
PETER HAYNES : Comme toujours, avant de commencer, j’aimerais souligner certaines choses. Je veux rappeler à notre auditoire que le balado est présenté à titre informatif. Les opinions dans ce balado n’engagent que les personnes qui les expriment et peuvent ou non représenter les opinions de la TD ou de ses filiales. Et bien sûr, les renseignements dans ce balado ne doivent pas être interprétés comme des conseils en matière de placement, de fiscalité ou autre.
Niki, beaucoup de choses ont changé depuis notre dernière conversation en janvier 2021.
Je me souviens qu’à ce moment-là, tu étais en plein Brexit.
Tu commençais ton parcours pour une bande consolidée, sur lequel tu as beaucoup travaillé et vous révisiez certaines des règles de la MiFID qui ont été modifiées par la suite.
Je suis curieux. Nous sommes aujourd’hui en juin 2022. Quels sont les sujets de conversation les plus courants dans les discussions actuelles avec les investisseurs du côté acheteur?
NIKI BEATTIE : Il n’y a aucun doute sur le fait que le bande consolidée est encore la conversation dominante de tous les points de vue, vraiment. C’est certainement ce qui préoccupe le plus les gens.
Je pense qu’au-delà de ça, il y a beaucoup de discussions sur les répercussions du Brexit et les divergences potentielles du Royaume-Uni par rapport à l’Union européenne. Cela implique les plateformes de négociation opaques, comme le plafond double de volume, où la négociation a été restreinte par l’UE, mais dont s’écarte le Royaume-Uni; ou l’assouplissement de la négociation d’actions au Royaume-Uni pendant que dans l’Union européenne, on veut tout de même s’assurer que toutes les opérations effectuées par les investisseurs de l’UE ainsi que les actions émises se font dans l’UE. Il y a donc des restrictions sur les négociations, alors que le Royaume-Uni s’en éloigne. C’est vraiment un sujet de conversation important.
Le paiement pour le flux d’ordres, Robinhood et tout ce qui s’est produit depuis. Les conversations sur ces sujets ont augmenté en Europe, et les gens en parlent beaucoup maintenant; même si j’en entends beaucoup moins parler de la part des investisseurs du côté acheteur. Il y a plus d’organismes de réglementation.
Une des choses intéressantes qui est encore subtile, mais qui commence à prendre plus de place dans la conversation, est la réglementation potentielle des plateformes technologiques qui réunissent les acheteurs et les vendeurs. Par exemple, les fournisseurs de technologie qui ne sont pas des systèmes multilatéraux de négociation , mais fournissent beaucoup de processus de type « demande de cotation », principalement pour les investissements sans participation au capital, mais qui sont bilatéraux pour eux mais qui pourraient être multilatéraux pour les organismes de réglementation, ce qui signifie qu’un grand nombre de fournisseurs de technologies pourraient devoir devenir des organismes de réglementation en tant que plateformes de négociation. Pour le moment, ça semble peu plausible.
PETER HAYNES : Mais c’est ce qui est arrivé quand le monde des actions aux États-Unis a été pris par surprise quant à la réglementation des systèmes automatisés de saisie d’ordres et de toutes les règles mises en place pour les opérations du Trésor. Et en lisant entre les lignes techniques dans ce document de 600 pages, les gens ont commencé à penser que ça avait des répercussions sur les fournisseurs. Ça avait des répercussions sur les personnes qui envoient des manifestations d’intérêt. Et tout d’un coup, toutes ces entités différentes devront-t-elles être réglementées? Il s’agit certainement d’un dossier réglementaire très médiatisé qui est à la vue de tous et fait l’objet de commentaires. Je ne suis pas surpris que cette conversation se déroule de la même façon en Europe.
On va se pencher sur certains des sujets que vous venez de mentionner. Je vais commencer par la bande consolidée. Il a été question récemment d’ajouter des renseignements avant l’opération dans la bande consolidée, au lieu d’agir comme une bande consolidée après l’opération. Pouvez-vous dire à nos auditeurs d’où vient cette discussion, et la probabilité que vous vous retrouviez essentiellement avec quelque chose comme un Plan d’investissement systématique, sans trop comparer avec les États-Unis?
NIKI BEATTIE : Oui, Peter, ça vaut peut-être la peine de dire à vos auditeurs que ma société était l’auteur du rapport pour la Commission européenne pour déterminer si nous devrions ou non avoir une bande consolidée. La grande majorité des gens à qui nous avons parlé dans le cadre de cette étude, et la recommandation que nous avons faite à la Commission européenne, est que les données sur le libre-échange devraient être incluses. Nous avons donc fait cette recommandation en 2020.
Depuis, il y a eu beaucoup plus de discussions, et c’est encore à l’ordre du jour bien que les négociations soient sur le point d’aboutir. Comme vous pouvez vous y attendre, les principaux opposants à un tel mouvement sont les bourses qui craignent de perdre des revenus. Elles continuent donc de faire du lobbying auprès des décideurs et dire que l’utilisation d’un système avant l’opération n’est pas nécessaire.
Mais le côté acheteur et le côté vendeur, en général, les associations commerciales, ont fait part de leurs réflexions la semaine dernière. La majorité des intervenants disent qu’ils ont besoin d’un système avant l’opération, et c’est fou qu’on n’en ait pas. La politique y fait obstacle. On est en négociation en ce moment, et personne ne sait vraiment comment ça va se terminer.
PETER HAYNES : OK, alors est-ce qu’il y a un mécanisme, si le système avant opération est mis en place, pour que les bourses poursuivent l’UE pour avoir instauré cette règle? De la même façon que les bourses ont poursuivi la SEC au sujet des frais d’opération mis à l’essai plus récemment relativement aux données sur les marchés?
NIKI BEATTIE : Oui, c’est une question intéressante. Je ne pense pas que la législation fonctionne tout à fait de la même façon. Mais je pense que les bourses pourraient dire : c’est notre propriété intellectuelle et vous ne pouvez pas faire ça. Elles pourraient donc contester sur la base de la propriété intellectuelle. On a pas vraiment la même façon de faire, si je comprends bien, aux États-Unis, où les entreprises peuvent poursuivre certaines structures juridiques qui ont été mises en place dans différents domaines. En Europe, on est plus centré sur la propriété intellectuelle des données. Ce ne serait pas un processus naturel découlant des décisions réglementaires, si vous comprenez ce que je veux dire.
PETER HAYNES : C’est vrai. Le marché européen a toujours été un marché axé sur la meilleure exécution. En fait, je préfère personnellement ce modèle à celui qu’on a en Amérique du Nord. Mais en ajoutant potentiellement une bande consolidée avant l’opération à ce qui est offert sur le marché, ça pourrait entraîner un changement vers une règle de protection des ordres.
Quelqu’un en a parlé dans le cadre d’une transition vers un système préopération? J’espère que vous n’irez pas jusque-là, mais je me demande si vous en avez parlé.
NIKI BEATTIE : J’espère que nous n’irons pas jusque-là. Je pense que la plupart des gens ne comprennent pas la règle de protection des ordres. Pour le moment, le débat porte sur la question de savoir si oui ou non la meilleure exécution doit être mesurée en fonction de la bande consolidée. Et cela mène naturellement à une discussion sur la protection des ordres.
On n’a donc pas eu la deuxième partie de cette discussion. La première partie est en cours : est-ce que ce système devrait être obligatoire? Si c’est le cas, à quoi est-ce que ça doit servir, et qu’est-ce que ça signifie vraiment?
Et la plupart des gens ne comprennent pas les conséquences. Les conséquences sont-elles semblables à ce que vous faites avec les lots irréguliers quand vous commencez à utiliser ce type d’environnement? Est-ce qu’on devrait avoir cinq niveaux de données plutôt qu’un seul? Donc la plupart des gens qui ne sont pas passés par là n’ont pas encore eu ces discussions.
Mais en ce moment, on parle beaucoup du lien entre ces deux éléments. En fait, l’Autorité européenne des marchés financiers a publié un message indiquant que ça doit être lié à la meilleure exécution.
Je crois qu’une bande consolidée et la meilleure exécution peuvent être liées mais pas de manière obligatoire. Donc, si vous devez démontrer la meilleure exécution, vous diriez : eh bien, d’accord, j’ai regardé la bande consolidée, et c’est là que j’ai trouvé mes réponses. Ça ne veut pas dire que ça doit être obligatoire. Ça ne signifie pas qu’on doit avoir une règle de protection des ordres. On a beaucoup d’autres complications dans la structure du marché européen, comme plusieurs chambres de compensation entre autres; ce serait beaucoup plus difficile d’instaurer ce genre de choses.
PETER HAYNES : Oui, il est parfois dangereux de se tourner vers d’autres marchés et de se dire, hé, c’est comme ça en Australie, au Brésil ou au Canada. Pourquoi ne pas le faire ici? Pourtant, à première vue, ça pourrait sembler une bonne idée. Mais quand on creuse, on se rend compte que notre structure est très différente.
Le seul aspect de la bande consolidée qui est resté un peu flou, c’est d’abord qui va le produire, et quel est en sera le coût? J’ai lu le rapport et je sais quel est le coût suggéré que vous aviez calculé. Qui pourrait le produire? Combien demanderont-ils pour le faire?
Et, surtout, qu’en est-il des dernières nouvelles sur qui a droit à une part de ces revenus? Parce qu’à l’origine, les bourses ne voulaient pas passer la rondelle – désolé j’ai utilisé une expression canadienne –, elles étaient les seules à pouvoir participer à ce partage de revenus.
NIKI BEATTIE : Si je reviens à notre recommandation pour 2020, ça devrait être une organisation gérée comme un service public avec un type de partenariat avec les organismes de réglementation et une habilitation pour imposer des amendes et pénaliser les gens pour la piètre qualité des données, et ainsi de suite.
La Commission européenne n’a pas suivi cette voie dans sa recommandation. Elle a laissé entendre qu’il devrait y avoir des soumissionnaires concurrentiels... pardon, pas seulement des soumissionnaires, mais des systèmes consolidés concurrentiels. Si vous avez des systèmes consolidés concurrentiels, c’est beaucoup plus difficile d’appliquer les règles et d’appliquer les normes. Personnellement, j’ai encore du mal à comprendre comment ça va fonctionner.
Selon nous, quand on a recommandé que ça soit un service public, on se disait que ça serait beaucoup plus facile d’évaluer les revenus qui seraient versés au même endroit et la façon dont ils seraient partagés; et que l’organisation de services publics comporterait la gouvernance des deux... de tous les types d’intervenants. Il y aurait donc le côté acheteur, le côté vendeur et les bourses. Et ils doivent s’entendre entre eux quant à l’utilisation qui serait faite et à la façon dont les revenus seraient répartis.
Encore une fois, parce que la Commission européenne a recommandé qu’on ait des fournisseurs concurrents, ce n’est pas clair pour moi comment les revenus seraient ensuite distribués, et ainsi de suite. L’idée de la Commission européenne est qu’il faut qu’il y ait des inégalités, qu’il faudrait qu’il y ait une sorte de revenu garanti pour les bourses pour que ça soit acceptable pour elles.
Maintenant, je pense que la plupart des acteurs qui veulent exécuter ces systèmes consolidés sont des sociétés technologiques très simples. Je ne pense pas qu’ils aient le bilan nécessaire pour commencer à garantir des revenus aux bourses, et ainsi de suite.
Je pense qu’il y a un million de défauts dans ce que la Commission européenne a publié. Et peut-être encore une fois, juste pour rappeler aux auditeurs, la Commission européenne est l’organe exécutif ou la fonction publique du Parlement européen. La Commission européenne elle-même ne fait que des recommandations. Ce qui se passe maintenant, c’est que ce sont les décideurs qui entrent en jeu... les politiciens eux-mêmes. Tout cela fait l’objet de débats et de négociations au Parlement.
Il y a donc des politiciens qui croient qu’on ne devrait pas avoir de concurrence dans la bande consolidée; et il y a encore des discussions à ce sujet. Encore une fois, le problème, c’est que la plupart des gens ne comprennent pas vraiment de ce que ça veut vraiment dire. La concurrence semble être une bonne idée, mais elle pourrait ne pas l’être.
Pour répondre à votre question, on ne le sait pas vraiment. Tout ça n’est pas encore réglé. Mais je pense que la discussion sur la concurrence rendrait très difficiles le partage des revenus et l’atteinte d’une sorte d’entente sur une solution réalisable. Et ça me fait perdre tout espoir d’obtenir un jour une bande consolidée viable.
PETER HAYNES : Eh bien, l’histoire n’est pas terminée. Tout ça me donne envie de vous inviter de nouveau quand les discussions seront terminées pour qu’on puisse en parler. Encore une fois, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé aujourd’hui. Avant de passer à d’autres sujets, vous avez parlé de divergences sur les capitaux sombres.
Je sais qu’en vertu de la MiFID, il y avait la règle de plafond double... 4 % sur un marché, et pas plus de 8 % sur tous les marchés. Ensuite, un changement de règle a été proposé. Est-ce que vous venez de dire que c’est seulement... que le plafond unique n’est proposé que pour le Royaume-Uni, ou est-ce que l’UE propose également une règle de capitalisation unique? Vous pourriez peut-être nous dire où se situe cette divergence entre le Royaume-Uni et l’Europe.
NIKI BEATTIE : En gros, le Royaume-Uni relâche toutes les règles relatives aux limites de volume. Paradoxalement, l’Union européenne va dans la direction contraire. L’UE tente de restreindre les opérations dans les plateformes de négociation opaques en maintenant les limites de volume actuelles, mais en les ajustant.
Elle va aussi imposer des restrictions sur l’annulation du cours de référence, comme les opérations sur valeur médiane pour les internalisateurs systématiques, et les obligations de négociation d’actions dont j’ai parlé plus tôt. Le Royaume-Uni veut vraiment se débarrasser des restrictions sur le plafond double qui sont en vigueur en ce moment. C’est probablement la plus grande divergence entre les deux.
PETER HAYNES : Entre-temps, la MiFID a proposé de délaisser le plafond double pour maintenir un plafond unique de 7 % pour les opérations dans les plateformes opaques? Est-ce exact?
NIKI BEATTIE : Oui, c’est exact.
PETER HAYNES : Est-ce que c’est déjà en place? Ou quand cela se fera-t-il?
NIKI BEATTIE : Non, ce sont toutes des propositions pour le moment.
PETER HAYNES : OK, donc plus tard en 2022, on va pouvoir s’attendre à ce que ces règles, en supposant qu’elles soient approuvées, seraient mises en œuvre?
NIKI BEATTIE : Oui.
PETER HAYNES : OK, tu as mentionné les facilités bilatérales, différents noms et différents secteurs. Je vais vous expliquer un peu le contexte. Sur ce sujet particulier, l’Europe a ce qu’on appelle maintenant les internalisateurs systématiques, ou IS. Et ils ont reçu beaucoup d’attention en Amérique du Nord, ces types de lieux, et ont sans doute mené à la création de facilités bilatérales similaires aux États-Unis.
Un rapport récent de BestEx Research, la société de Hitesh Mittal, suggérait que les négociations avec des facilités bilatérales ou les plateformes d’un seul courtier aux États-Unis ont fait l’objet d’un degré élevé de fuite d’information en raison de la segmentation du flux. Le rapport BestEx suggère que les plateformes à un seul courtier offrent tellement d’économies aux coûts d’exécution des algorithmes que ni les courtiers ni les exploitants de plateformes à un seul courtier ne veulent examiner si ces préoccupations liées aux fuites sont valides, car la structure actuelle est avantageuse pour les deux. As-tu entendu des préoccupations semblables sur les internalisateurs systématiques en Europe, et peux-tu informer notre auditoire de la croissance de ces plateformes?
NIKI BEATTIE : Alors oui, on entend certainement des préoccupations semblables. Il y a toujours ce compromis entre, je pense, un meilleur prix d’un côté parce qu’il s’agit d’une conversation bilatérale, et d’un autre côté, il y a une sorte de fuite d’information. C’est au cœur de beaucoup de discussions autour des internalisateurs systématiques, et de savoir s’ils sont bons pour le marché.
Le marché des internalisateurs systématiques est certainement en croissance. Cela inquiète l’Union européenne. Je pense que le Royaume-Uni est beaucoup plus détendu à ce sujet.
Je veux juste que ça soit clair, quand j’ai parlé des systèmes multilatéraux par rapport aux systèmes bilatéraux. D’une certaine façon, un internalisateur systématique est déjà considéré comme réglementé, parce qu’ils ont certaines obligations en tant qu’internalisateur systématique reconnu. Les organisations qui craignent de devenir réglementées ne sont pas elles-mêmes des internalisateurs systématiques ou des organisations à plateforme de données unique. En fait, elles sont comme les lieux de gestion des ordres... ou des fournisseurs, désolé. Ça peut être un Aladdin ou un Charles River qui pourrait être touché par ce type de réglementation qu’ils tentent de mettre en place.
PETER HAYNES : Eh bien, aux États-Unis, ces plateformes à un seul courtier ne sont pas réglementées, et cela suscite certaines préoccupations. Je dirais qu’une plateforme à un seul courtier aux États-Unis agit exactement de la même façon qu’un internalisateur systématique en Europe. En fait, en général, ce sont les mêmes organisations. Les uns sont réglementés – les internalisateurs systématiques en Europe – et les autres non, en Amérique du Nord. Et je sais que c’est tout à fait distinct des fournisseurs dont vous parlez.
NIKI BEATTIE : Et oui, vous avez raison. Un internalisateur systématique et une plateforme de données uniques sont très semblables. Mais nous avons une définition réglementaire claire à ce sujet, et vous ne l’avez pas. Par conséquent, il n’y a pas d’obligations liées aux plateformes aux États-Unis comme il y en a ici en Europe.
PETER HAYNES : Je comprends que les internalisateurs systématiques représentent environ 4 % du volume consolidé en Europe. Il y a aussi les ventes aux adjudications périodiques effectuées par divers organismes. Je suppose que certains d’entre eux sont semblables aux intériorisateurs systématiques. Comment fonctionnent ces adjudications périodiques? Quelle est l’ampleur du flux sur ces sites et qui sont les principaux fournisseurs?
NIKI BEATTIE : OK, pour répondre à la question à l’envers, les principaux fournisseurs sont les grandes bourses qui font ces adjudications. D’une certaine façon, c’était leur façon de balancer une partie du flux d’internalisateur et de donner confiance aux gens sur le fait qu’ils ne pourraient pas avoir la même fuite d’information qu’ils auraient pu avoir pendant les opérations continues.
Ensuite, il y a eu beaucoup de problèmes liés au fait qu’ils ne prenaient que des cours intermédiaires. Par conséquent, que faisaient-ils vraiment? C’est pourquoi l’UE a décidé de se montrer plus stricte sur des choses comme l’utilisation du point médian de négociation. En général, ce n’est pas un très bon comportement de ces adjudications périodiques. C’est pourquoi les gens essaient de resserrer les règles.
Et à part ça, qu’est-ce que je peux vous dire sur leur fonctionnement? Avez-vous des adjudications périodiques aux États-Unis et au Canada?
PETER HAYNES : Non, mais il y a de la pression en ce sens. Il y a eu diverses propositions. Certains systèmes automatisés de saisie d’ordres qui utilisent des périodes sont proposés. Mais en général, quand on parle de millisecondes, y a-t-il vraiment une différence entre la négociation continue et les adjudications? Je sais que les millisecondes sont importantes pour un certain segment du marché. Mais si je comprends bien, c’est généralement toutes les 100 millisecondes... il y aura correspondance dans l’adjudication périodique de XYZ. Est-ce le processus à suivre? Est-ce la série chronologique typique que vous examinez?
NIKI BEATTIE : Pour certains, oui. Certains ont une période plus longue. Ensuite, il y a des problèmes comme les adjudications, elles se qualifient d’adjudications, mais elles n’affichent pas vraiment les données sur ce qui est mis aux enchères à ce moment-là. Il y a beaucoup de discussions sur les adjudications, ou est-ce une façon pour certains de faire le travail en faisant une adjudication mais qu’en fait, le même courtier se trouve des deux côtés de l’opération.
Il y a donc beaucoup de consternation quant à ce qui constitue un bon comportement lors d’une adjudication périodique, par opposition à un mauvais comportement. Je pense aussi que les bourses n’ont pas été complètement transparentes sur ce qui se passe lors des ventes aux enchères, même en ne fournissant pas le volume et le cours des titres négociés lors des adjudications, par exemple, parce que pour eux, c’est une façon de se protéger. C’est une nouvelle entreprise et ils pensaient qu’ils allaient perdre des clients au profit des marchés des titres à revenu fixe et hors cote. Mais ils sont réticents à les gérer d’une façon qu’on considère comme des adjudications normales dans le cadre d’une bourse. On parle beaucoup de ce sujet.
PETER HAYNES : Si je comprends bien, les chiffres représentent environ 4 % des volumes consolidés et des adjudications périodiques. Il y a donc des internalisateurs systématiques et des adjudications périodiques étrangers. On parle maintenant d’une part importante du volume quotidien.
Les organismes de réglementation se demandent si ces IS et les adjudications périodiques sont un arbitrage des règles de la négociation sur plateformes sombres en Europe, est-il possible qu’il y ait des changements de règles pour ces types de lieux?
NIKI BEATTIE : Oui, je pense que c’est exactement la raison pour laquelle l’UE s’est en fait resserrée sur plusieurs choses qui se passent en ce moment. La grande question est de savoir si une adjudication périodique... est-ce qu’elle devrait être d’un plafond double de volume, par exemple? Donc, que vous soyez d’accord ou non avec l’existence d’un plafond double de volume, est-ce que ce n’est pas de la négociation sombre? Par conséquent, pourquoi ne contribue-t-elle pas aux volumes d’opérations sombres, plutôt que de dire que c’est un marché visible, alors que ce n’est pas du tout le cas?
Certaines lignes directrices ont donc été publiées par la FCA du Royaume-Uni sur les adjudications périodiques et leur fonctionnement. Et cela a amélioré les comportements et les mécanismes, et les a rendus plus transparents.
Mais je pense qu’il reste encore beaucoup à faire. Et certainement, si vous les mettez en place en Amérique du Nord, je pense que vous ou les organismes de réglementation devez vraiment penser beaucoup à ça. Quel est ce type de comportement? Qu’est-ce que les gens attendent?
Parce qu’ils se produisent, apparemment, sur des bourses, les gens pensent simplement que ça fait partie d’un marché visible. C’est devenu un peu une blague, parce que ce n’est pas vraiment le cas. C’est pourquoi vous devez comprendre, est-ce que c’est un volume dans un marché visible ou est-ce vraiment dans le marché sombre? Qu’est-ce que cela signifie?
PETER HAYNES : Je pense que c’est un arbitrage des règles de la négociation sur le marché sombre. Il s’agit de savoir si les organismes de réglementation peuvent rattraper le retard. Les règles des marchés sombres n’étaient peut-être pas logiques au départ. Mais les règles sont là, et ensuite, tout le monde essaie de les contourner.
Je comprends qu’il y a une occasion de ce que l’Europe appelle une grande aubaine. Et ça concerne les règles relatives au paiement des ordres, et un compromis avec les discussions sur la bande consolidée. Alors, peux-tu nous expliquer le processus de paiement des ordres? Sujet d’actualité aux États-Unis, car on s’attend tous à ce que la SEC publie bientôt une proposition de règle qui peut inclure une interdiction de la pratique, et une certaine forme de limitation, des rabais sur les bourses.
Gary Gensler, le président de la SEC, mentionne souvent l’interdiction sur le paiement du flux d’ordres au Royaume-Uni et au Canada comme précédent d’une interdiction potentielle aux États-Unis. Personnellement, ça me fâche d’entendre Gensler dire ça au sujet du Canada, car des marchés au Canada dont les structures de frais sont inversées reproduisent les paiements hors bourse pour les paramètres économiques du flux d’ordres; et ces marchés ont 25 % du volume quotidien d’opérations sur ces marchés.
Mais on a beaucoup parlé du processus de paiement pour le flux d’ordres (PFOF) en Europe. Certains pays veulent qu’il soit interdit. D’autres veulent que ce soit codifié comme une pratique juridique. Et certains participants veulent une grande aubaine. Parle-nous des dernières nouvelles sur ce sujet.
NIKI BEATTIE : Qu’est-ce que vous entendez par une grande aubaine?
PETER HAYNES : La grande aubaine à laquelle je fais référence c’est la possibilité que les règles entourant la bande consolidée par les bourses soient échangées dans certains pays, ce qui pourrait, si vous interdisez le PFOF, alors vous allez... comme en Allemagne, par exemple, ils suggèrent que si vous interdisez le PFOF, vous récupérez certaines des règles suggérées pour les systèmes consolidés, parce que l’Allemagne peut vouloir protéger sa principale institution, la Deutsche Boerse. C’est ce à quoi je fais référence. Je pensais qu’il y avait une possibilité de grande aubaine. Est-ce exact?
NIKI BEATTIE : Oui, vous avez raison. C’est exact. Désolé, je ne connaissais pas la terminologie.
Mais, c’est intéressant. Donc, si on recule de deux ans, le paiement du flux des ordres et la bande consolidée n’étaient pas vraiment liés. Et maintenant, ce qu’on découvre... J’ai parlé plus tôt de tout le monde à la table des négociations en ce moment. La Commission européenne a publié ses plans liés à une bande consolidée qui n’avait rien à voir avec le paiement des ordres. Et tout à coup, à la table de négociation, les lobbyistes pour les différents marchés et les décideurs sont soudainement en train d’avoir une conversation sur la bande consolidée et le PFOF ensemble.
Vous avez tout à fait raison. Par exemple, vos observations sur le Royaume-Uni, qui interdit le paiement pour le flux d’ordres, c’est tout à fait le cas. Il n’y a pas vraiment d’interdiction codifiée de ce que vous appelez le marché inversé sur les bourses pour ce qui est des rabais. Mais les rabais font sourciller, de même que ce type de modèle boursier.
Plusieurs pays d’Europe ont interdit ou n’ont pas interdit le paiement des ordres. L’Allemagne, par exemple, le permet, comme vous venez de le dire. Elle permet également les modèles de rabais pour les bourses. C’est donc un mélange d’opinions sur le paiement des ordres.
L’Autorité européenne des marchés financiers a publié des lignes directrices qui disent : ça ne devrait pas se produire, mais ils n’ont pas beaucoup de mordant.
La discussion porte principalement sur les données après l’opération seulement. Si on revient à la discussion sur la bande consolidée, les bourses ont concédé que la bataille est à moitié gagnée; qu’on ne peut pas ne pas avoir de bande consolidée. Pour eux, le meilleur scénario c’est qu’elle soit appliquée après l’opération seulement. Et ils disent que, en fait, si vous n’avez qu’une bande après l’opération, c’est suffisant pour nous pour pouvoir faire le suivi des paiements pour le flux d’ordres; et on peut faire tout ce qu’on doit faire pour la discussion sur le paiement des ordres. Par conséquent, c’est une bonne raison d’avoir des données après l’opération seulement. On n’a pas besoin de ces renseignements avant les opérations. Je trouve que c’est une discussion assez compliquée.
Je dois dire que c’est surtout l’Allemagne qui exerce des pressions maintenant et qui veut que ce paiement pour que le flux des ordres soit légitime. Et on pourrait être cynique, parce qu’ils ont un certain nombre de plateformes de négociation de détail qui se comportent très bien; et donc qui alimentent les marchés financiers allemands et la bourse elle-même.
Honnêtement, toute cette conversation est devenue très confuse.
Comme je l’ai dit, c’est à la table des négociations en ce moment.
On ne sait pas très bien où tout cela va nous mener.
PETER HAYNES : Il y a eu un article au cours des derniers mois qui... Je ne sais pas exactement sur quel marché, mais tu pourrais peut-être nous expliquer... où au moins un courtier sur le marché payait les frais après les opérations... ou les bourses, devrais-je dire, payaient les frais après l’opération, et cela a été considéré comme une forme de paiement pour le flux des ordres. Est-ce que c’était en Allemagne ou ailleurs? Et ça avait un lien avec l’article typique dans le journal américain, le paiement pour le flux des ordres, malgré ce que certains disent, est utilisé en Europe. Pouvez-vous penser à un exemple précis?
NIKI BEATTIE : Je ne sais pas. Il y a eu deux études universitaires. Je ne sais pas si c’est ce dont tu parlais? L’organisme de réglementation néerlandais a publié une étude qui disait que le paiement du flux des ordres a aggravé les prix pour les investisseurs. Et l’Allemagne – en fait, c’était une étude universitaire parrainée par Trade Republic, qui a dit exactement le contraire. Vous pourriez être un peu plus cynique et dire qu’elle avait été payée par Trade Republic, bien que les universitaires affirment que ça n’a pas eu d’effet sur leur réflexion. Je ne sais pas si c’est ce dont tu parlais, ou s’il y avait d’autres renseignements.
PETER HAYNES : Je ne suis pas certain, mais pour être clair, Trade Republic c’est comme un Robinhood en Allemagne. Est-ce exact?
NIKI BEATTIE : Oui, c’est tout à fait exact.
PETER HAYNES : Vous avez parlé plus tôt d’une certaine divergence entre les règles en vigueur au Royaume-Uni et celles de l’UE. Et c’est ce qui s’est passé ici, quelques années après le Brexit. J’aimerais parler un peu du Brexit pour savoir qui sont ceux qui, selon toi pourraient être considérés comme des gagnants et des perdants.
NIKI BEATTIE : Tu veux parler des participants au marché dans le cadre du Brexit?
PETER HAYNES : Oui, l’un ou l’autre des participants au marché, mais peut-être plus précisément en ce qui concerne les bourses. J’ai lu qu’Euronext Amsterdam gagne la bataille du PAPE contre la Bourse de Londres. Je trouve que c’est presque choquant.
Pourquoi Euronext Amsterdam a-t-elle connu un tel succès par rapport à la Bourse? Et est-ce que vous placeriez dans ces catégories de gagnants et de perdants Amsterdam comme gagnant et la Bourse de Londres comme perdante?
NIKI BEATTIE : Si on parle des marchés primaires, si je recule de 10 ou 20 ans, plusieurs sociétés qui avaient des inscriptions nationales sur les marchés européens se sont finalement installées et inscrites à Londres, parce que le bassin de capitaux y était de plus en plus – pour toute l’Europe, Londres était vraiment en train de gagner ce bassin de capitaux. Et c’est là que se trouvait l’expertise.
Je pense que la pression politique sur les champions nationaux se fait maintenant sentir; la Royal Dutch Shell, par exemple, est sous pression, et je pense que les politiciens devraient bouger. Mais les fonds de capitaux sont maintenant plus fragmentés en Europe, et ils ne sont plus seulement à Londres, au même endroit. C’est donc moins intéressant de l’inscrire à Londres.
Et je pense que la vérité est aussi... tu poses des questions plus générales sur les gagnants et les perdants. En raison de l’obligation de négociation d’actions, dont on a parlé plus tôt, qui est l’obligation qui exige de toute personne qui fait partie de l’UE de négocier une action de l’UE à une bourse de l’UE ou sur un système multilatéral. Par exemple, s’il s’agit d’une action émise en France, un investisseur de l’UE au sein de l’UE ne peut pas la négocier au Royaume-Uni, par exemple.
D’une certaine façon, les liquidités ont diminué. Eh bien, elles sont certainement revenues au sein de l’Union européenne. Mais des gens comme Cboe ont créé leur propre entité dans l’UE, même si la Bourse de Londres a sa propre entité dans l’UE. Le capital et les opérations ont changé, mais les gens qui sont propriétaires de ces liquidités sont les mêmes que nous connaissions auparavant.
Je pense que l’autre chose qui se passe aussi est qu’il y a maintenant un combat pour la compensation dans l’UE. Et même si, du point de vue des produits dérivés, c’est assez difficile de simplement changer la compensation du point de vue du marché des actions en espèces, une grande partie de cette activité vient de revenir dans les centres de données de l’UE.
Aujourd’hui, les marchés européens semblent être les gagnants, mais pas à un seul endroit. Ce n’est pas seulement aux Pays-Bas, c’est en France, c’est an Allemagne. Je pense que tous les marchés ont été un peu avantagés et que le Royaume-Uni a perdu.
PETER HAYNES : Au profit des nord-américains qui ne portent peut-être pas autant attention aux pressions pour Royal Dutch Shell de quitter Londres, qui viennent du gouvernement néerlandais je suppose, pour tenter de déplacer son inscription principale à Amsterdam. Est-ce là le but de cette discussion?
NIKI BEATTIE : Oui. Je ne sais pas si c’est vrai ou non, mais vous pouvez imaginer que politiquement, on ne veut pas ça après le Brexit. On veut que les champions nationaux reviennent dans notre marché intérieur.
PETER HAYNES : Je sais que ce n’est pas si simple de se relocaliser. Il y a sûrement beaucoup de questions fiscales qui entrent dans ce type de discussion avant que cela se produise.
J’ai écouté récemment un balado sur le nouveau London Stock Exchange Group, ou groupe LSG. Et il est clair pour moi que Refinitiv et FTSE Russell, qui sont des composantes par abonnement de cette entité, sont les chouchous de cette société consolidée. Y a-t-il une possibilité ou une rumeur que le London Stock Exchange Group vende la Bourse de Londres?
NIKI BEATTIE : Eh bien, je spécule là-dessus, mais ce n’est pas une rumeur que j’ai entendue ailleurs. Et je ne pense pas que c’est ce qu’ils pensent en ce moment. Mais à long terme, vous pouvez voir où ce monde s’en va. La Bourse de Londres a avalé cette énorme baleine de Refinitiv. Et ça éclipse ses activités d’échange de titres.
Les entreprises cotées en bourse ont des marges beaucoup plus faibles. La Bourse n’a pas vraiment réussi à créer une activité de produits dérivés. C’est donc encore une bourse au comptant.
On voit que ça devient une partie moins importante de l’ensemble de la Bourse de Londres. Et les gens vont détourner des ressources et faire les choses à différents endroits et la Bourse elle-même pourrait en souffrir. À un moment donné, ils doivent la gérer comme une entité réglementée distincte, qui est coûteuse en soi.
À un moment donné, on peut imaginer que les gens vont dire : « Pourquoi ne pas simplement se départir de ça? »
PETER HAYNES : Ça serait exactement la même discussion qu’ICE pourrait avoir au sujet de la NYSE aux États-Unis. Je ne dirais pas que c’est quelque chose qui serait pertinent pour TMX, parce qu’elle est encore principalement, ou plutôt, elle est principalement dominée par sa présence commerciale au Canada.
Mais il s’agit de questions politiques importantes. Et si je me mets dans la peau d’un gouvernement, je ne suis pas certain d’être heureux que le centre de l’univers du capital de notre pays fasse maintenant partie d’une plus grande organisation. C’est préoccupant. Je ne serais pas surpris que des politiciens au Royaume-Uni, aux États-Unis et ailleurs ne soient pas nécessairement heureux de cette situation à long terme.
NIKI BEATTIE : D’une part, je suis d’accord avec vous. Je pense qu’une des grandes forces du Royaume-Uni est qu’il a toujours été ouvert à la concurrence. La Bourse de Londres est évidemment l’icône des marchés du Royaume-Uni. Mais il y a en fait environ 45 systèmes multilatéraux de négociation au Royaume-Uni. Il y a beaucoup de plateformes d’échange et de négociation, et la Bourse est très ouverte.
Contrairement à ce qu’on disait plus tôt sur l’obligation de négociation d’actions, l’UE, en créant cette obligation de négociation partagée et en forçant les gens à négocier sur les plateformes qui se trouvent dans l’UE uniquement, ne montre pas une mentalité très ouverte. Ça ne mène pas à l’innovation. Ça commence à entraîner une stagnation des bourses. Le Royaume-Uni s’en tire très bien, car il soutient cette évolution. Ça crée un environnement qui soutient l’utilisation des plateformes de négociation alternatives et concurrentes.
Je pense que là où il y a un grand décalage, c’est que je continue de lire sur la stratégie numérique du Royaume-Uni, et on va attirer de nouvelles inscriptions, et on va être l’endroit où les fintechs vont s’inscrire. Mais toutes les discussions tournent autour de la Bourse de Londres.
Et les politiciens eux-mêmes n’ont pas vraiment compris qu’ils ont un autre marché très dynamique qu’ils pourraient encourager. Et peut-être qu’ils devraient arrêter de toujours se tourner vers la Bourse de Londres lorsqu’ils tentent d’établir des politiques et qu’ils se rendent compte que la Bourse n’est qu’une petite partie de ce marché. La pensée n’est pas vraiment aboutie, mais l’environnement créé par le Royaume-Uni est un bon choix pour des marchés alternatifs.
PETER HAYNES : Je me souviens d’un ancien cadre supérieur très sage, au Canada, qui avait été interrogé sur la concurrence du TMX quand Alpha a été lancée en 2007 ou en 2008. Et cette personne a judicieusement dit de faire attention à ce que vous souhaitez. Si Alpha connaît trop de succès, vous pourriez nuire à la marque TMX, c’est-à-dire à l’image du Canada.
Et j’y ai toujours pensé quand je regardais Alpha grandir. Évidemment, nous sommes en concurrence avec d’autres marchés ici au Canada. Mais ce qu’on ne veut pas, en fin de compte, c’est dans l’intérêt de tous les Canadiens de s’assurer que la marque TMX demeure très forte.
L’une des choses intéressante que fait la Bourse de Londres est qu’elle déménage son centre de données de l’extérieur de Londres vers l’Italie. Je me pose la question. Ça va ajouter un peu de latence aux messages aller-retour, du moins pour le retour. Est-ce que quelqu’un est mécontent de cette décision?
NIKI BEATTIE : Je n’ai certainement pas participé aux conversations où cette question était examinée. Je pense que les gens s’habituent au fait que, avec le Brexit, on va avoir des centres de données à différents endroits. Et les gens qui s’en soucient vraiment vont simplement s’installer en Italie, je pense. Je ne pense pas que ce soit un gros problème pour les gens.
PETER HAYNES : Voici un problème dont on a beaucoup parlé avant la pandémie, et ça pourrait réduire la plage de négociation en Europe, la séance actuelle étant de huit heures et demie. La Bourse de Londres a envoyé un sondage aux participants sur différentes options pour ajuster la séance de négociation ordinaire. Je me souviens que la majorité des commentaires étaient en faveur d’une séance régulière plus courte, bien qu’une foule d’options différentes aient été fournies. Est-il possible que ce sujet refasse surface?
NIKI BEATTIE : Certainement. Je dirais que ça s’est bien passé pendant la pandémie, parce que tout le monde travaillait de la maison. Ça a changé le point de vue des gens. Mais j’ai entendu des rumeurs au sujet de cette conversation qui refait surface, et les gens qui veulent encore réduire leur journée de travail.
PETER HAYNES : Eh bien, je suis d’accord. J’espère que c’est quelque chose qui finira par rester au premier plan.
Changeons de sujet, alors que nous sommes sur le point de conclure, à un récent événement de négociation très médiatisé qui s’est produit dans la ville. La London Metals Exchange, ou LME, est dans la mire des intermédiaires après sa décision d’annuler plutôt que de maintenir ou de revoir les négociations massives de nickel juste après le début de la guerre en Ukraine. De toute évidence, cet événement a été bien publicisé.
Pour moi, tout cet événement était évitable si la Bourse avait porté attention aux changements apportés à la structure des marchés mondiaux, et ajouté des limites de fourchette de prix à ses marchés du nickel et d’autres métaux, comme la plupart des marchés boursiers, y compris le NASDAQ, Nordic, TSX et les bourses américaines après le krach éclair. Pourquoi la LME a-t-elle été prise au dépourvu dans ce récent resserrement du nickel?
NIKI BEATTIE : Je pense que la LME n’a pas modernisé son modèle global de marché depuis un certain temps. Je pense qu’on l’a tous senti, il y a des hésitations entre garder le parquet de la bourse ou passer aux marchés entièrement automatisés. Il n’y a simplement pas de culture liée aux livres d’ordres à cours limité centraux de la façon dont nous savons faire les choses.
Voyons les choses en face : je ne l’excuse pas. Pour une Bourse en 2022, la structure de la LME semble complètement archaïque. Mais en même temps, il nous a fallu un krach éclair pour mettre en place des choses comme les coupe-circuits, et ainsi de suite. On n’avait pas ça avant. Oui, ils ont eu, quoi, 14 ans ou quelque chose comme ça pour réfléchir à ce qui s’est passé et pour modifier leurs marchés. Mais je suppose que c’est une culture différente. C’est un groupe de personnes différent.
L’autre chose que je trouve très intéressante, c’est que la LME elle-même dit qu’elle avait besoin des données hors cote. Elle n’avait pas les renseignements qu’elle aurait dû avoir, entre autres.
Mais ça me ramène à toute la discussion sur la bande consolidée où on a commencé : qui a besoin de quelles données pour faire son travail? Une partie de moi se dit : pourquoi la LME devrait-elle s’inquiéter des données hors cote? Ce n’est pas son problème. Mais si elle en avait besoin, ce serait beaucoup mieux si les données étaient regroupées au même endroit. Oui, il y a beaucoup d’eau sous le pont en ce qui concerne les enquêtes en cours, et beaucoup de gens en colère.
PETER HAYNES : Est-ce qu’il y a une solution potentielle? Certains intermédiaires ont dit qu’ils pourraient quitter la Bourse. Évidemment, les intermédiaires sont très importants pour tout écosystème de négociation. Mais est-ce qu’il y a beaucoup de questionnement à la Bourse de Londres ou en ville sur le fait que la LME pourrait avoir nui à sa marque au point où les marchés concurrents pourraient profiter de l’occasion et saisir certains produits?
NIKI BEATTIE : Oui vraiment. Je pense que CME et ISO sont bien placées pour le faire. C’est une grande honte, mais il faut parfois une crise pour que les gens se réveillent et réalisent ce qui se passe. Il y a probablement eu trop de compromis pour apaiser les personnes qui ne voulaient pas moderniser la Bourse par le passé; et c’est à ça que ça mène. Je pense donc que ça a été incroyablement dommageable pour la marque LME.
PETER HAYNES : Il n’est probablement pas trop tard pour régler le problème. Je le crois vraiment. J’espère qu’ils tiendront compte des conseils des gens qui disent qu’ils doivent se moderniser.
On va terminer la conversation. Sur le site Web de votre conseiller en structure de marché. Vous mettez de l’avant votre expertise dans les marchés numériques et des cryptomonnaies. Personnellement, je résiste à devenir un expert en structure du marché des cryptomonnaies, mais vous n’avez pas cette résistance. Croyez-vous que la structure des marchés boursiers et de la cryptomonnaie convergeront, et qu’à un moment donné, chaque titre sera échangé sous forme de jeton?
NIKI BEATTIE : OK, alors oui, premièrement je ne prétends pas être une experte. Je pense que personne ne l’est vraiment.
PETER HAYNES : Le jeune de 22 ans qui est assis à côté de moi c’est mon partenaire qui vient de sortir de l’université, c’est un expert, ou aussi près d’un expert qu’on pourrait l’être. C’est cette génération-là. Pour nous, Niki, ce sera difficile.
NIKI BEATTIE : Cette génération est experte dans certains domaines. Et je trouve ça intéressant, alors si vous écoutez le témoignage de FTX au Congrès, etc.
PETER HAYNES : Oui.
NIKI BEATTIE : Ces gens-là sont vraiment bons pour comprendre le marché de détail et le marché de la négociation de cryptomonnaie. Mais pour traduire ça dans un marché institutionnel, et comprendre la structure du marché et la raison qui nous pousse à mettre en place certaines structures pour le marché institutionnel, ils ne sont pas des experts dans ces domaines-là.
Pour répondre à votre question, est-ce que je crois que les jetons vont tout remplacer? Oui, je pense que tout sera numérisé. Je crois que tous les actifs seront numérisés. Peu importe qu’il s’agisse de titres, de maisons ou de voitures. Tout sera numérisé.
PETER HAYNES : Dans combien de temps?
NIKI BEATTIE : De 5 à 10 ans. Ce que je dis pour le moment, c’est qu’on est un peu dans le Far West sur le marché de la cryptomonnaie. Il y a des gens qui se définissent eux-mêmes comme étant des bourses et des dépositaires d’actifs, etc. Mais ils ne sont pas... ils ne cadrent pas avec notre vision réglementaire actuelle de ce qu’est un dépositaire; ou même de ce qu’est une bourse.
Je pense qu’on est à un point de convergence où on parle tous de finance décentralisée. Mais qu’est-ce que la finance décentralisée? Et est-ce que ça peut tout simplement exister dans un monde sans offrir de service et de confort aux gens? Et je pense qu’on va trouver un modèle hybride où la finance traditionnelle et la finance décentralisée vont devoir fusionner dans un environnement de haute technologie.
Et c’est là que je pense que la personne assise à côté de vous qui est un spécialiste des bourses numériques, a en fait beaucoup à apprendre, et vous avez beaucoup à apprendre de lui. Et maintenant, on doit... il y a eu beaucoup de volatilité sur le marché. Et je pense qu’on va devoir se mettre un peu d’accord. Et ils se rendent compte qu’il y a beaucoup de choses qu’ils ignorent mais qui seront nécessaires pour faire avancer la cause. Et il y a beaucoup de choses qu’on va devoir probablement tous apprendre.
Mais je pense que l’essentiel, c’est qu’on règle ce problème en réglant certains des problèmes sur les marchés de la cryptomonnaie. Peu importe si vous croyez en l’avenir des cryptomonnaies ou non, et comment les choses vont évoluer. Je pense que les problèmes qu’on a maintenant doivent être résolus dans ces marchés. Ça ressemble à la gestion du risque, aux dépositaires, êtes-vous vraiment un dépositaire? Quel est le bilan derrière certaines de ces choses?
Parce que si les institutions veulent s’impliquer, on doit trouver une solution. Quand le problème sur le marché de la cryptomonnaie sera réglé, ça va rouler sans arrêt. Aucune de nos structures de marché actuelles ne peut y faire face. Alors, quand on va régler ce problème sur ce marché-là, on va en fin de compte établir ce que la nouvelle structure de marché va être pour tout ce qu’on voit aujourd’hui.
PETER HAYNES : Je partage entièrement vos sentiments. Et je tiens à dire ceci avec le... Je dois trouver les bons mots parce que je ne veux pas être offensant. Mais quand on regarde des actions comme GME, la société de cinéma aux États-Unis, qui sont devenues des « actions-mèmes », elles se négocient à des évaluations qui n’ont absolument rien à voir avec la réalité. Évidemment, GameStop est GME, et elles sont autorisées à le faire parce qu’il n’y a aucune propriété institutionnelle de ces titres pour créer un processus pour déterminer les prix de façon rationnelle. C’est la même chose que la cryptomonnaie.
Quand les institutions financières auront participé, la tarification va être rationnelle. Il faut que ça arrive. Et je crois vraiment que c’est le catalyseur d’une façon ou d’une autre de tout transférer à des opérations par jetons, pour déterminer où se situent les cryptomonnaies dans le monde de la monnaie fiduciaire et par rapport aux gouvernements. Et ce sera vraiment intéressant de voir comment ça se passe.
J’espère que vous accepterez de revenir. Je ne veux pas dire, ou je n’ose pas dire, qu’on va parler davantage de cryptomonnaie que des actions. Je ne pense pas que ça soit le cas. Mais on va peut-être inclure une autre discussion sur le développement de ce marché. Vous pourrez faire le point sur l’Europe, et on vous parlera de l’Amérique du Nord.
Et je dois lever mon chapeau aux organismes de réglementation canadiens. Ils travaillent très fort pour contrôler et réglementer les plateformes de cryptmonnaie qui fonctionnent au Canada. Je suis vraiment impressionné par la façon dont ils ont géré les choses. Il y a eu la première demande de systèmes automatisés de saisie d’ordres, qui est essentiellement un marché pour le commerce de cryptomonnaie au Canada, qui a été déposé il y a quelques semaines par Coinsquare... non lié à Coinbase. Ce sont des noms semblables.
Et c’est drôle, beaucoup de gens impliqués dans Coinsquare sont d’anciens dirigeants d’ITG Canada. Ils ont grandi dans le monde des actions et sont maintenant de bien des façons des dirigeants d’une partie de la prise de décisions à l’égard de ces systèmes qui se concentrent sur le chiffrement. C’est davantage lié à tout ce processus de réflexion sur la convergence, j’en suis sûr.
NIKI BEATTIE : Je pense qu’on voit maintenant beaucoup de gens avec de l’expérience dans ce marché. Et ils vont apporter sur le marché ce que beaucoup de... il a été lancé par la jeune génération. Mais je pense que c’est une rencontre... le marché est déjà ébranlé. Je pense que les gens se rendent compte qu’il faut faire croître ces entreprises et pour prendre de l’expansion sur les marchés institutionnels, il faut faire différemment. Et vous devez utiliser ce type d’expérience. Il y a donc beaucoup de choses qui se passent.
Je crois que pour résoudre ces problèmes, il va falloir en prendre une partie à l’extérieur des territoires et des règlements actuels du marché; parce que le problème, c’est que la réglementation n’est pas faite pour ça en ce moment. Vous devez presque résoudre ce problème à l’extérieur des territoires. Je n’aime pas l’idée que les choses ne soient pas réglementées, mais c’est là où nous en sommes maintenant. Ensuite, vous les ramenez dans l’environnement réglementé, et la réglementation doit s’adapter en conséquence.
Je pense que l’UE travaille très fort sur son règlement MiCA, qui traite des marchés de la crypto et des actifs numériques. Je pense que le Royaume-Uni est plus en retard, en fait pour ce qui est de déterminer où les choses devraient aller. Ce sera très intéressant à observer. J’aime vraiment appeler ça des actifs numériques, et pas seulement de la cryptomonnaie, parce que je pense que « crypto » rétrécit le champ de ce que c’est en fin de compte.
PETER HAYNES : Oui, je suis tout à fait d’accord. Et je dois dire que la demande de Coinsquare pour ce système faisait cinq pages; les gens disaient : eh bien, une demande de système de négociation typique fait 500 pages. Mais la réalité, c’est que les organismes de réglementation créent une zone d’atterrissage plus large. Et je pense qu’au fil du temps, ils vont contrôler les choses. Je pense que leur approche se situe dans la fourchette intermédiaire dont vous avez parlé.
Merci beaucoup, Niki. C’était une excellente discussion, une excellente mise à jour. J’ai hâte de te retrouver pour une autre discussion.
NIKI BEATTIE : OK, Peter. Merci beaucoup, c’est un plaisir de discuter avec toi.
[MUSIQUE]
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Niki Beattie
Chef de la direction, Market Structure Partners
Niki Beattie
Chef de la direction, Market Structure Partners
Niki Beattie
Chef de la direction, Market Structure Partners
Niki est chef de la direction de Market Structure Partners, une société qu’elle a fondée en 2008 et qui fournit des conseils stratégiques sur les problèmes de structure des marchés financiers aux bourses mondiales, aux chambres de compensation, aux entreprises technologiques et aux participants au marché. En plus d’être une spécialiste de la structure des marchés financiers, elle a joué un rôle déterminant dans la création de concurrence et de changements dans le contexte commercial européen tout au long de sa carrière.