Aider l’Ouest à tenir le coup
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 26, Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD, aborde les implications politiques d’une inflation à long terme. Il rappelle aux auditeurs la situation qui prévalait dans les années 1970 et 1980, alors que l’inflation était l’enjeu central des élections au Canada. Il donne aussi son point de vue sur la guerre en Ukraine, indiquant que l’Occident fait sa part pour rétablir l’équilibre en isolant la Russie et en mettant un frein à son approvisionnement lucratif de l’Europe en énergie. Frank explique ensuite comment la victoire d’Emmanuel Macron sur Marine Le Pen, la candidate d’extrême droite à la présidence en France, réduit le risque d’un schisme avec l’Occident. Il explique comment cela pourrait aussi influer sur la recherche de solutions d’énergie de remplacement, y compris l’énergie nucléaire. Frank conclut l’épisode en offrant des conseils judicieux aux dirigeants d’entreprise au sujet du débat sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, établissant un lien important avec la souveraineté de l’Ukraine.
FRANK MCKENNA : Je pense que le monde brûle. Je pense que ce qui se passe en Ukraine est une menace pour la planète entière. Et je pense que la seule façon de régler ce problème est d’assécher les sources.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 26 de notre balado mensuel de Valeurs Mobilières TD sur la géopolitique avec notre invité, l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes. Je serai votre animateur pour l’épisode d’aujourd’hui : Aider l’Ouest à tenir le coup. Mais d’abord, je tiens à rappeler aux auditeurs que cette série de balados TD est présentée à titre informatif seulement. Les opinions dans ce balado n’engagent que les personnes qui les expriment et peuvent ou non représenter les opinions de la TD ou de ses filiales. Elles ne doivent pas être considérées comme des conseils de placement, de fiscalité, etc.
Commençons par l’inflation, Frank. Au début, certains soutenaient qu’elle était transitoire et qu’elle allait diminuer. Maintenant, il est clair que pour diverses raisons… la COVID, les mesures du gouvernement, les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et, plus récemment, les répercussions de la guerre sur l’agriculture et les prix de l’énergie, l’inflation n’est pas transitoire et c’est même le principal ennemi des banques centrales du monde.
Les prévisions d’inflation inquiètent les économistes plus que l’inflation elle-même, car les prévisions peuvent devenir prophéties qui s’autoréalisent. Quelles sont les conséquences politiques d’une inflation prolongée et qu’est-ce que les gouvernements peuvent faire pour aider, étant donné que l’inflation affecte les populations les plus faibles de façon disproportionnée?
FRANK MCKENNA : Tout à fait. L’inflation est probablement maintenant l’ennemi public numéro un.
FRANK MCKENNA : Eh bien, on a eu des élections où on s’est battu sur le sujet, si vous vous souvenez de l’époque de Trudeau, le père, ils avaient une commission sur les salaires et les prix pour geler la hausse des prix. Et on a eu des élections au Nouveau-Brunswick qui ont été largement centrées sur l’augmentation des primes d’assurance. Encore une fois, les consommateurs étaient directement touchés.
Je me souviens de l’époque où j’étais jeune avocat, j’essayais de vendre des biens immobiliers en même temps. On pensait vraiment que le marché immobilier était en plein essor et on a construit 20 ou 30 maisons. Au moment où les maisons ont été terminées, le taux d’intérêt était de 21 %. Elles étaient devenues presque inabordables pour tout le monde.
L’inflation est donc un corollaire naturel : des taux d’intérêt élevés ou plus élevés qui essaient de ralentir l’économie. Et ces taux d’intérêt élevés, c’est de l’argent en moins pour beaucoup de gens. Pour ceux qui sont déjà en difficulté, très franchement cela peut être le coup de grâce. Donc les conséquences, un peu d’inflation, ce n’est pas si terrible que ça. Certains gouvernements vous diraient même franchement que ça les aide à réduire une partie de la dette qu’ils ont créée. Ça n’est pas bien grave. Mais quand on va bien au-delà d’une petite inflation, ça a des conséquences réelles sur l’économie.
PETER HAYNES : Je veux parler des conséquences réelles pour les électeurs. Près de 30 % des travailleurs canadiens sont syndiqués. Beaucoup travaillent pour des entreprises qui protègent les retraites de l’inflation, mais parfois seulement quand le fonds de retraite est entièrement capitalisé. La remontée des actions au cours des dernières années a probablement aidé certains de ces fonds à être entièrement financés. Quoi qu’il en soit, vous attendez-vous à ce que les syndicats au Canada et partout dans le monde, deviennent plus agressifs en matière de salaires et de pensions à cause de l’inflation prolongée?
FRANK MCKENNA : Absolument. Absolument. La négociation collective est toujours une question de pression. Et l’offre et la demande jouent un grand rôle dans cette pression. Dans ce cas-ci, presque tous les chefs de file sectoriels à qui j’ai parlé sont à court de travailleurs. Et on a du mal à simplifier les rouages de l’immigration même si le Canada a une politique d’ouverture à l’égard du reste du monde, contrairement aux États-Unis et à d’autres endroits. Nous sommes très ouverts.
On est vraiment en train d’accélérer le processus, mais on a toujours trop peu d’immigration. Le taux de fertilité naturel est inférieur à zéro. Vous n’avez donc pas assez de travailleurs. La population vieillit. Il y a moins de travailleurs à cause de la pandémie. Certains font des choix de style de vie, comme de ne pas travailler à temps plein, voire même à temps partiel, ou dans un bureau.
L’offre de main-d’œuvre est donc très perturbée et tout le monde cherche des travailleurs. Cela ne peut qu’accroître la force de la main-d’œuvre actuelle. Et on le constate non seulement dans les négociations collectives plus agressives, mais aussi dans les nouveaux domaines de syndicalisation pour la main-d’œuvre.
On observe, surtout aux États-Unis, des attaques contre Amazon, Apple et d’autres entreprises. Les syndicats vont probablement exercer de plus en plus de pressions et utiliser la puissance de négociation quasi inédite qu’ils ont en ce moment.
PETER HAYNES : Vous avez parlé de certaines conversations que vous avez avec les dirigeants. J’aimerais m’attarder un peu là-dessus pour le Canada en particulier. Le Canada affiche habituellement un rendement supérieur en fin de cycle. Et le contexte actuel témoigne vérifie ce principe. Le S&P a reculé de plus de 10 % depuis le début de l’année. Et le NASDAQ a baissé de plus de 18 %, je pense. Pourtant, l’indice composé S&P/TSX et sa combinaison d’actions de services financiers et de produits de base a baissé seulement un peu.
Vendredi, la Bank of America a publié un rapport sur les achats au Canada. Quand vous parlez à des dirigeants d’entreprise et à des professionnels des placements, avez-vous l’impression que beaucoup ont un sentiment positif à l’égard du Canada?
FRANK MCKENNA : Il y a un vieil adage de Robert Burns : Ah, si quelque Puissance nous accordait le don de nous voir tels que les autres nous voient! En fait, je pense que nous devenons un peu plus courageux au Canada lorsque les autres nous voient d’un œil favorable. Et c’est de cela qu’il est question ici. La Bank of America, mais aussi le Wall Street Journal, qui utilise une lettre d’opinion affirmant que tout ce que la Russie produit, le Canada le fait aussi. Il faut donc regarder vers le Canada.
Et donc on nous regarde. Et je pense que cela a légèrement amélioré la confiance du pays. Je ne dirais pas que c’est exceptionnel, mais il y a une petite amélioration de la confiance. Voilà pour les bonnes nouvelles. J’aimerais pouvoir dire le contraire, mais je ne m’attends pas à un raz-de-marée d’investissements étrangers.
Certains vont chercher des créneaux. Les personnes qui sont dans la valeur ajoutée dans l’alimentation, par exemple ou qui créent des produits contenant des céréales, etc., se tourneront vers le Canada. Certaines multinationales le feront certainement. Et c’est ce qu’elles font en ce moment même.
Le plus gros problème, c’est que notre force dominante est l’énergie. Et même si, en ce moment, les rendements de l’énergie sont incroyables… ils sont astronomiques pour le pétrole et le gaz… le délai d’exécution d’un projet au Canada n’est vraiment pas bon pour un investisseur averti.
La plupart des acteurs mondiaux de l’énergie quittent le Canada et ne reviennent pas. Avec les sables bitumineux en ce moment, vous pourriez certainement obtenir un excellent rendement sur investissement. Mais il faut envisager un horizon de 20 ans. Et il vous faudra 20 ou 30 milliards de dollars. Il faut vraiment être convaincu que le prix restera élevé pendant des décennies, et que le contexte réglementaire ne changera pas et que vous pouvez réaliser quelque chose dans un délai raisonnable.
Malheureusement, rien de tout cela n’est possible au Canada. Ceux qui ont des actifs à long terme et qui ont de l’argent injecté s’en sortiront très bien. Mais pour ce qui est des nouvelles dépenses en immobilisations importantes, ça sera limité par le contexte dans lequel on fonctionne au Canada.
PETER HAYNES : Vous avez mentionné l’exode des sociétés canadiennes du secteur de l’énergie et en particulier des investissements étrangers. Vous avez mentionné les longs délais. Joe Manchin s’est rendu en Alberta il y a quelques semaines. Et il est… évidemment le vote décisif. C’est du moins ce que pense le Sénat aujourd’hui. Il indique encore une fois qu’il soutient ce qu’il appelle une nouvelle image de marque.
Je sais que je vous ai posé la question le mois dernier. Je vais peut-être vous poser la question tous les mois maintenant. Frank, est-ce que tout ça va quelque part? Comment interprétez-vous la visite de Manchin à Jason Kenney? Et est-il possible qu’un nom différent ajouté à ce projet puisse le relancer?
FRANK MCKENNA : Je pense que le monde brûle. Je pense que ce qui se passe en Ukraine est une menace pour la planète entière. Et je pense que la seule façon de régler ce problème est… Je me répète… il faut assécher les sources. Non pas par méchanceté, mais pour se protéger, on doit retirer son monopole à la Russie pour toutes ces ressources qu’elle a en grande abondance.
Certains pays peuvent prendre les devants et contribuer à cette stratégie. Le Canada en est un. On devrait avoir le projet Énergie Est, qui permettrait de transporter du pétrole et du gaz partout au Canada jusqu’à la côte atlantique. Et à partir de là, il serait transporté en Europe. On devrait avoir le projet de gaz naturel qui a été proposé pour le Saguenay. Ce serait le programme de GNL le plus propre du monde, un pipeline détenu par les Premières Nations, qui amènerait la production de l’Alberta jusqu’aux côtes du Québec, puis en Europe.
On devrait avoir tout ça. On devrait avoir le projet Keystone XL, qui ferait passer un million de barils de pétrole par jour aux États-Unis, pour remplacer le pétrole là-bas, qui serait envoyé en Europe ou ailleurs sur le marché mondial. On devrait avoir tout ça, Peter. Mais rien de tout n’aura lieu.
Le projet Keystone XL ne se concrétisera pas et ce, malgré ce que Manchin dit, parce que Biden, et avant lui, Obama, ont mis un frein à ce projet pour faire plaisir à la gauche progressiste du Parti démocrate. Et je ne pense pas qu’ils puissent revenir en arrière. Même si ce n’est pas rationnel, je ne pense pas qu’ils puissent faire marche arrière.
De même, les deux autres projets dont j’ai parlé doivent obtenir le soutien du Québec. Je ne crois pas que cela se produira. Je ne pense pas que les gens au Québec… Je suis certain qu’ils sont très sensibles à ce qui se passe en Ukraine, mais je ne pense qu’ils feront de compromis pour permettre aux ressources de passer par le Québec pour aller en Europe. C’est tout simplement politique.
Ça semble banal de dire que le problème est politique, mais j’ai appris que parfois, c’est la vérité, malheureusement c’est politique. Et je pense que tous ces projets, pour des raisons politiques, ne verront pas le jour. Par conséquent, cela réduira notre contribution à l’effort de guerre mondiale.
PETER HAYNES : C’est malheureusement la réponse à votre question. Mais vous comprenez la politique mieux que quiconque. Et comme vous le dites, c’est la réponse à cette question. Passons à la guerre en Ukraine, on arrive au deuxième mois de ce terrible conflit, quelle est votre évaluation grand angle de l’attaque russe?
FRANK MCKENNA : Je regarde ça toute la journée, toute la nuit. Ça me fascine, c’est un peu macabre. De toute évidence, en ne gagnant pas, la Russie a perdu son premier round. Et je pense qu’ils l’ont perdue de manière honteuse. Ils vont devoir en tirer beaucoup de leçons et travailler pour refaire bonne figure.
Maintenant, ils se préparent à une victoire potentielle dans une zone où ce potentiel existe parce que la population est bien plus en faveur des Russes. Ils n’allaient jamais réussir à Kyiv ou dans d’autres grandes villes. Ils se sont fixé de meilleurs objectifs. C’est une meilleure position tactique. Ils peuvent déployer cette immense artillerie sur un front de 340 milles à l’heure. Et ils ne peuvent pas faire abstraction des pertes dévastatrices qu’ils ont subies en évacuant les gens par route et par chemin de fer.
Il y a un meilleur soutien logistique. Ils peuvent retourner en Russie pour obtenir du soutien logistique. Ils ont tous ces avantages. Et c’est plus logique sur le plan stratégique, parce que ce qu’ils ont clairement l’intention… un commandant a récemment révélé… qu’ils veulent contrôler complètement le sud de l’Ukraine jusqu’en Moldavie. En fait, ils veulent rejoindre la Crimée et Odessa et isoler l’Ukraine de la mer Noire. Leurs objectifs stratégiques sont définis plus clairement qu’avant. C’est bien, et c’est aussi mauvais parce que cela crée une attente, et Poutine va devoir tenir cette promesse.
Après, il faut espérer, c’est ce que je fais. Les Ukrainiens se sont révélés être des guerriers extraordinaires. Héroïques et féroces. Ils se battent pour leur pays et leur famille. Et vous ne pouvez tout simplement pas attribuer cela aux Russes, qui ne montrent aucune de ces caractéristiques pour le moment.
Quand j’étais petit à la ferme, on disait que l’important ce n’est pas la taille du chien qui se bat, mais l’envie de se battre du chien qui se bat. Et dans ce cas-ci, la Russie a peut-être de loin le plus gros et le meilleur chien. Mais pour ce qui est de l’envie de se battre, elle est du côté de l’Ukraine. L’Ukraine a maintenant les excellentes armes dont elle avait besoin.
Et si elle peut obtenir les S-300 pour éliminer une partie des avions russes en haute altitude qui offrent une couverture aérienne et si elle peut utiliser des drones suicide pour supprimer l’armement qui est déployé contre elle… elle dispose d’une quantité importante d’armes sophistiquées. Et si vous suivez le conflit de près, il y a des groupes de spécialistes qui analysent la guerre minutieusement et peuvent vous dire exactement combien d’équipement lourd la Russie a perdu. Et il s’agit d’environ 3 000 unités.
La Russie peut les remplacer, mais elle va les remplacera par de vieux équipements, de vieux chars et de vieux véhicules blindés, etc. Alors que l’Ouest fournit maintenant à l’Ukraine l’équipement de pointe le plus récent. Les chars se sont révélés très vulnérables aux NLAW qui se portent à l’épaule et aux autres missiles qui sont lancés à partir de positions terrestres. Les javelots, etc.
C’est donc vraiment incroyable ce que l’Ukraine peut faire. Et plus ils reçoivent de drones, plus ils créent le substitut d’une grande force aérienne avec une petite force aérienne bon marché. Je pense donc qu’ils ont des avantages. Leur moral est bon. Ils travaillent dur. Ils ont réussi à faire tomber au moins un important symbole. Un autre navire de ravitaillement important a été endommagé au point d’être hors service. Un troisième navire a également été endommagé. Ils ont tué au moins huit généraux, et peut-être même deux de plus au cours des derniers jours. Ils se défendent donc vraiment bien contre les Russes.
Permettez-moi de conclure sur ce point en disant que je pense que les Ukrainiens ne peuvent pas faire plus qu’ex aequo face aux Russes. S’ils pouvaient faire ça déjà, ce serait une grande victoire. Ce qu’il faut, c’est que le reste du monde s’engage et, je le répète, qu’on assèche les sources. Pour retirer l’argent qui alimente cette guerre. La Russie gagne des centaines de milliards de $ de son pétrole et de son gaz chaque année. Et plus ils alimentent la crise, plus les prix de ces produits de base sont élevés.
On doit donc trouver des façons d’acheminer plus de pétrole et de gaz vers les marchés qui sont alimentés par la Russie. On soit se tourner rapidement vers les ressources renouvelables. Mais entre-temps, on doit éviter toute pénurie avec les énergies non renouvelables, comme le pétrole et le gaz. Et on doit aussi réutiliser le nucléaire.
Ceux qui pensent que le nucléaire n’est pas une ressource renouvelable doivent vraiment revoir leurs copies, car non seulement c’est faux sur le plan de la physique, mais leur vision géopolitique du monde est également erronée. On doit faire tout ça. Et puis on doit espérer. Il faut que la chance soit de notre côté.
Et par chance, je veux dire qu’il faut que l’ennemi soit affaibli. Si la Russie commence à faiblir, est-ce que cela changera quelque chose? Si on peut assécher leurs sources assez longtemps, si on arrive à persuader l’Inde, la Chine ou le Moyen-Orient de moins les soutenir et de les mettre vraiment sous pression, ça aidera beaucoup l’Ukraine sur le champ de bataille.
PETER HAYNES : Vous avez parlé des énergies renouvelables. C’est une transition intéressante. Nous avons les élections en France en ce moment. Mais c’est une transition intéressante vers les enjeux ESG, et c’est très intéressant de voir l’évolution de cette discussion chez les dirigeants.
Frank, vous êtes le président d’une société cotée en bourse, Brookfield. Et vous êtes membre du conseil d’administration de plusieurs autres sociétés, dont CNQ. Les exigences des investisseurs à l’égard des émetteurs changent et vous le savez très bien, l’empreinte carbone semble avoir reculé face au problème d’indépendance énergétique, sur lequel vous avez consacré beaucoup de temps plus tôt, avec la dissociation d’avec la Russie, et même le soutien aux entreprises d’armes qui aident à défendre l’Ukraine.
En tant que dirigeant, membre du conseil d’administration et président, quels conseils avez-vous pour les sociétés qui pourraient avoir des difficultés à suivre l’évolution des exigences ESG de ses fournisseurs de capital?
FRANK MCKENNA : Oui. Très bonne question, Peter. Il ne fait aucun doute qu’au niveau du conseil d’administration, on fait face à… et je ne dis pas ça de façon péjorative… je le dis positivement… des demandes très importantes et croissantes en matière de divulgation des facteurs ESG et des mesures à prendre en tout temps. Je pense que c’est bien. C’est sain. Cela a entraîné beaucoup de changements très positifs et cela continuera de le faire.
Je ne pense pas que ça va changer. Je pense que les investisseurs avertis sont conscients du contexte géopolitique. Et ils vont mettre un peu d’eau dans leur vin. Ils vont comprendre, par exemple, que dans l’Ouest canadien, à la demande des gouvernements, il y aura jusqu’à moitié plus d’un million de barils de pétrole par jour produit et mis sur le marché en raison de la situation géopolitique, qui est grave.
Je pense qu’il n’y aura pas de problème pour les investisseurs avertis. Je ne veux pas manquer de respect aux investisseurs moins avertis, mais je parle des écologistes extrêmes alimentés par de grandes fondations, etc., presque toutes à l’extérieur du pays. Pour eux, j’utilise l’expression que j’ai toujours utilisée. Ils préfèrent se battre que gagner. Et ils sont dans l’idéologie à ce sujet, peu importe ce qui se passe en Ukraine, une goutte de pétrole supplémentaire est une mauvaise chose.
Je pense qu’en tant qu’administrateur, il faut mettre ce public de côté pour le moment et lui dire qu’on s’occupera de ça plus tard. Entre-temps, on doit composer avec la réalité sur le terrain. Et la réalité sur le terrain, c’est qu’on doit ouvrir les vannes des industries conventionnelles pendant un court moment, espérons-le… tout en injectant de l’argent dans le secteur des énergies renouvelables et s’assurer qu’on pourra remplacer la demande à long terme de carburants à base de carbone par les énergies renouvelables.
Et dans cette réflexion, j’espère qu’il y aura un moment de révélation sur le nucléaire. Je pense qu’il va être très difficile pour nous de fermer les vannes de la Russie, sans que le nucléaire soit l’une des options. Et je vous l’ai dit déjà, mais… je vais le répéter. À un moment donné, l’Allemagne était alimentée à près de 30 % par l’énergie nucléaire. Il n’y avait pas de risque environnemental important. On est maintenant à presque 0 % de nucléaire en raison du militantisme environnemental en Allemagne.
Et ça a permis à la Russie d’intervenir, de combler ce vide, et elle a maintenant l’Ukraine et le monde en otage. On doit juste avoir un certain équilibre et dire, d’accord, à court terme, on va régler ce problème. À plus long terme, on passe au renouvelable peut-être même plus rapidement que prévu. Mais, il ne faut pas laisser un seul acteur, et pas juste la Russie, mais un seul acteur sur la planète avoir ce pouvoir de vie et de mort sur le reste d’entre nous.
PETER HAYNES : Frank, je suppose que s’il y a un facteur positif de la hausse des prix de l’énergie, c’est l’espoir qu’un pays comme le Canada puisse prendre une partie des revenus supplémentaires et en faire un investissement important dans les énergies renouvelables, comprendre et anticiper ces problèmes, et trouver la meilleure technologie. Je suppose qu’on peut espérer qu’une partie de cet argent sera investi de cette façon et que ça ne sera pas nécessairement des dépenses supplémentaires pour les gouvernements. C’est évidemment une préoccupation que vous avez soulevée plus tôt.
FRANK MCKENNA : Il faut reconnaître que le gouvernement du Canada a écouté l’industrie, en affirmant qu’on peut aider à régler le problème du carbone. On a besoin d’outils. Et l’introduction du crédit d’impôt pour le captage et la séquestration du carbone et la collaboration avec les grands producteurs pétroliers du Canada et les provinces, qui passent largement inaperçues, mais ça ne devrait pas être le cas, car ça représente une décision très difficile pour le gouvernement, et c’est un grand pas en avant pour le Canada.
Je répète ce que j’ai déjà dit, Peter. Vous n’allez pas obtenir des pratiques environnementales de premier plan de la Russie, du Nigeria, ou de l’Arabie saoudite, ou de beaucoup d’autres pays. Mais ce sera le cas avec le Canada. Et le fait que le Canada tire actuellement un peu de profit de son énergie devrait être salué comme une bonne nouvelle par tous ceux qui se soucient d’un meilleur avenir énergétique.
PETER HAYNES : Vous avez utilisé l’expression « assécher les sources » à quelques reprises aujourd’hui. Macron a remporté une victoire en France hier, ce qui est important parce que son principal concurrent, Marine Le Pen, était très redevable au Kremlin ou aurait certainement voulu continuer de recevoir de l’énergie de la Russie. On n’a plus à se soucier de ce problème.
Mais j’aimerais vous demander. Macron a fini par gagner de 17 %. Et avant l’élection, il avait fait référence à l’élection elle-même comme un référendum sur l’Europe. Êtes-vous préoccupé, Frank, par le soutien important à Le Pen signalant peut-être un risque pour l’unité occidentale dans la lutte contre la Russie? J’aimerais comprendre. Que pensez-vous que le président Macron peut faire pour unir les électeurs français polarisés avant les élections législatives, qui auront lieu en juin?
FRANK MCKENNA : Macron est l’un des dirigeants qui sont montés dans mon estime au cours des six derniers mois. Il a vraiment tenu tête à Poutine il a essayé très activement de trouver une solution très solide pour soutenir l’Ukraine. Je pense qu’il a atteint une maturité en tant que leader et, d’une certaine façon, il comble le vide laissé par le départ d’Angela Merkel. Je pense donc que la victoire a été une assez bonne victoire.
C’est la question la plus importante de ces élections. Cela ne veut pas dire que c’est la question la plus importante pour les électeurs. Et il pourrait dire, écoutez, je veux que ce vote concerne l’avenir de l’Europe. Mais ils peuvent répondre non. Ils veulent qu’il s’agisse de l’inflation, des prix de l’essence, etc. Je pense donc que, dans ce malaise général, c’est une victoire assez convaincante de sa part.
Et plus encore, c’est une victoire très importante pour l’Europe. Cela signifie que le projet européen continue d’être soutenu par les pays les plus forts. C’est une très bonne nouvelle. Et cela signifie que le niveau de conviction nécessaire pour soutenir l’Ukraine et les autres pays baltes et de tenir tête à Poutine restera très solide. À tous les égards, c’est une bonne nouvelle.
Macron a du pain sur la planche pour unir les électeurs, c’est sûr. Il semble avoir largement perdu le vote de la classe ouvrière. Et il doit communiquer avec eux. Il devra peut-être aussi se pencher sur la législation du travail ou le salaire minimum. Il essaie de créer un pays propice aux affaires. Les gouvernements précédents en avaient fait un endroit où investir. Je pense qu’il a réussi ce qu’il voulait faire.
Maintenant, il doit revenir en arrière et s’assurer de régler les problèmes de ceux qu’il a laissés sur le chemin. Et tous les politiciens doivent analyser les résultats d’une élection. S’ils sont intelligents, ils ne sont pas arrogants à l’égard de leur victoire, mais ils font preuve d’humilité à l’égard des personnes qui ne les ont pas soutenues et tentent de comprendre pourquoi.
PETER HAYNES : Frank, au niveau des élections et plus près de chez nous, les Ontariens se préparent à aller voter en juin. Doug Ford est en tête par rapport aux libéraux, selon un récent sondage Ipsos de la mi-avril. Mais sa marge d’avance a diminué de 3 %, malgré le fait que les libéraux de l’opposition démarrent avec très peu de sièges actuellement. Quelles sont vos attentes là-dessus et peut-on s’attendre à des surprises?
FRANK MCKENNA : Oui. Je dirais qu’à ce stade-ci, il est peu probable qu’il y ait de surprise. La tendance générale des sondages est la réélection de Ford. Le dernier sondage était un peu aberrant. C’est peut-être le début d’une nouvelle tendance. Mais pour le moment, c’est une anomalie.
Je dirais que le problème existant aurait tendance à être davantage un gouvernement majoritaire ou un gouvernement minoritaire. Je pense que les libéraux sont en meilleure posture. Ils ont de la force dans les régions plus urbaines et ne devraient pas perdre autant de votes que le NPD. Et si quelqu’un veut défier les conservateurs, ce seront les libéraux. Et je pense que c’était le cas dans le sondage que vous avez mentionné.
Je ne pense pas que Ford aurait pu être réélu il y a quelques années. Il avait vraiment une administration chaotique à bien des égards. Et sa dotation en personnel n’était tout simplement pas suffisante. Mais cela semble s’être amélioré. On met davantage l’accent là-dessus maintenant. C’est beaucoup plus un homme du peuple, un populiste, si vous voulez. Il a gagné certaines circonscriptions en augmentant le salaire minimum, par exemple, et ainsi touché les travailleurs. Ces choses sont importantes. Vraiment communiquer avec le gouvernement du Canada.
C’est incroyable à quel point la relation est symbiotique entre ces deux gouvernements. Ils font des annonces très importantes presque toutes les semaines, parfois tous les jours ensemble. Et je peux vous le dire parce que j’ai été dans l’autre position que ça rend le parti provincial fou quand le parti fédéral devient un accessoire de campagne pour le Premier ministre.
Mais cette relation semble très efficace, et c’est bon pour l’Ontario si le maire et le Premier ministre peuvent s’entendre et faire affaire ensemble. Je pense que c’est positif pour le Premier ministre. Et en ce moment, on ne lui reproche pas l’inflation autant qu’à d’autres gouvernements ailleurs. Il pourra donc peut-être se sortir de cette période et obtenir une majorité. Et si je faisais des prédictions aujourd’hui, c’est ce que je dirais.
PETER HAYNES : Eh bien, on parlera beaucoup plus de la politique canadienne dans notre prochain épisode, avec notre honorable Rona Ambrose, qui nous parlera de la course à la direction du Parti conservateur, qui aura lieu avant le vote du 10 septembre. Et je suppose qu’on verra aussi des débats au cours des prochaines semaines. Ron va nous faire part de ses commentaires à ce sujet. Et je suis sûr que nous aurons son point de vue sur les deux élections provinciales en Ontario en juin et plus tard cette année au Québec. On a tous les deux hâte d’entendre Rona, qui est évidemment une experte dans ce domaine.
Pour terminer, Frank, on termine toujours par ça, l’équipe de baseball de Toronto, les Blue Jays. On a gagné une série, mais on a quelques préoccupations. On commence par les blessures. Je sais que chaque équipe fait face à des blessures. Les White Sox de Chicago viennent d’être décimés à cause de ça. Mais les Blue Jays aussi. Ils ont perdu Teoscar Hernandez, à mi-parcours. On a perdu notre receveur partant, Danny Jansen. On a aussi perdu l’un de nos lanceurs partants, Hyun-jin Ryu.
Il y a aussi eu de mauvaises statistiques avancées pour notre lanceur finisseur Jordan Romano. Et il ne jouera pas en fin de semaine. J’espère que ce n’est pas le début d’une tendance. Qu’en pensez-vous, Frank? Êtes-vous satisfait ou préoccupé par notre départ à 10 et à 6?
FRANK MCKENNA : Non. Je suis vraiment très content. Il y a un ou deux matchs qu’on n’a pas gagnés, un en fin de semaine et un à New York. Mais il y a aussi trois, quatre ou cinq matchs qu’on a gagnés qu’on aurait facilement pu perdre. J’en suis très satisfait.
Ce qui me préoccupe, ce sont certaines choses que vous avez mentionnées. C’est un petit fait, mais je pense que c’est exact. En 1961, Roger Maris a enregistré 61 coups de circuit et a vraiment établi un record à l’ère du baseball sans Booster Juice. C’était un exploit. Vous pouvez imaginer le clip où il a frappé ces coups de circuit. Il n’a pas fait un seul but sur balles intentionnelle cette année-là, pas un seul.
Et la raison était que Mickey Mantle, qui avait 54 coups de circuit, frappait derrière eux et avait un taux de succès de 0,317. Tout ça pour dire que je pense que Larry Guerrero est non seulement un joueur divertissant, mais aussi l’un des plus grands talents du baseball aujourd’hui. Mais il a besoin d’aide. Et vous l’avez remarqué, parce que vous êtes un observateur avisé du jeu, il récupère toutes les balles hors marbre. Et il a tendance à faire beaucoup plus de balles intentionnelles. Il frappe plus de balles simples. Il maintient son pourcentage de base très élevé, mais il ne reçoit pas les balles dans la zone de prises qu’il peut utiliser pour marquer plus de buts.
Donc, plus vite Teoscar revient… On me dit qu’il faudra peut-être encore quelques semaines avant son retour. Il doit revenir. Entre-temps, Gurriel a vraiment redoublé d’efforts. Et je pense que Gurriel est vraiment l’une des vedettes à ce jour. Il ne se rend pas autant dans l’autre champ, donc on peut moins compter sur lui. Mais il se débrouille bien.
Et j’adore Espinal. Je dois vraiment souligner sa contribution. Pour moi, c’est un héros dans la façon dont il se comporte cette année. Danny Jansen, on a besoin qu’il revienne. J’ai lu ce que Moreno fait dans les ligues mineures. Et il se joindra sûrement au grand club à un moment donné au cours de l’année.
Mais on a quelques lacunes. Ryu en est peut-être une. Selon moi, il y a beaucoup d’incertitude. Mais d’un autre côté, notre sang latino-américain n’est pas encore en train de bouillir. Et je pense qu’une fois que le temps se sera réchauffé, on verra beaucoup d’attaques de cette équipe. Et ça va être encore plus amusant à regarder.
PETER HAYNES : Non, je suis d’accord. On va avoir beaucoup d’autres choses à dire sur les Blue Jays. Et je suis heureux que nous ayons 162 matchs cette année. Ça va être super. Comme toujours, merci beaucoup, Frank. J’ai hâte que Rona se joigne à nous le mois prochain. On discutera à ce moment-là.
FRANK MCKENNA : Super. Merci.
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, il a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a déjà été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.