Quelle direction prendront les marchés au quatrième trimestre?
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Moti Jungreis, Vice-président à la direction, vice-président du Conseil et chef, Marchés mondiaux, Valeurs Mobilières TD
Quelle sera l’incidence du retrait graduel des mesures de relance de la Fed et des variants de la COVID-19 sur les économies qui sont en voie de se rétablir? La cryptomonnaie : technologie d’avant-garde ou combine à la Ponzi? Quelles sont les répercussions de la réglementation sur la finance décentralisée (FiDé)? Moti Jungreis fait part de ses réflexions à Peter Haynes alors qu’ils discutent de sujets d’actualité que de nombreux participants aux marchés surveillent de près.
NARRATRICE : Bienvenue au balado Point de vue de Valeurs Mobilières TD. Écoutez le point de vue de divers leaders d’opinion sur des thèmes clés qui influencent les marchés, les différents secteurs et l’économie mondiale aujourd’hui. Nous espérons que vous apprécierez cet épisode.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode trois du balado Point de vue de Valeurs Mobilières TD, qui porte sur des enjeux importants qui affectent les marchés financiers. Je m’appelle Peter Haynes et je serai votre animateur pour l’épisode d’aujourd’hui. Et j’ai le plaisir d’être accompagné de mon collègue Moti Jungreis, chef mondial, Marchés des capitaux, Valeurs Mobilières TD. Moti, bienvenue au balado.
MOTI JUNGREIS : Merci Peter. Merci de m’avoir invité.
PETER HAYNES : Moti, ce que j’aime le plus de mes discussions avec vous, c’est votre passion pour les marchés. Aujourd’hui, j’ai l’intention de couvrir quelques-uns des points névralgiques que les participants au marché surveillent de près, alors que nous entrons dans la phase finale de 2021. Commençons par la Fed. À sa dernière réunion du 22 septembre, le président de la Fed, M. Powell, a indiqué que le retrait graduel des mesures de relance commencerait aussitôt la réunion de novembre terminée. En même temps, 9 des 18 dirigeants de la Fed sont prêts à relever les taux l’an prochain. Prenons un peu de recul quelques instants. Et pouvez-vous expliquer à l’auditoire en quoi consiste exactement ce soi-disant concept d’assouplissement quantitatif? Et qu’est-ce que le retrait graduel des mesures de relance va signifier pour les prix des actifs?
MOTI JUNGREIS : Merci, Peter. L’assouplissement quantitatif est donc en fait une forme de politique monétaire non conventionnelle dans le cadre de laquelle la banque centrale achète des titres à long terme sur le marché libre. Dans certains cas, elle achète même des actions, surtout au Japon. En général, mais pas toujours, elle achète ces titres au moyen d’argent nouvellement créé. C’est pourquoi certains comparent ça à de l’impression d’argent.
Mais c’est en fait un peu plus complexe que ça. Les taux à long terme étant artificiellement abaissés par ces achats, l’intention est d’intégrer les taux d’intérêt plus bas, d’accroître les filtres de la masse monétaire dans l’économie et de promouvoir la croissance. Les obligations achetées par les banques centrales figurent au bilan. Le retrait graduel des mesures de relance est en fait le processus par lequel la banque centrale réduit ces achats et, par conséquent, supprime une partie du soutien au marché au sein de l’économie.
PETER HAYNES : Alors, selon vous, à la lumière des commentaires du président Powell concernant ce retrait et ses répercussions réelles, en particulier le retrait des mesures de relance aux États-Unis, quel impact cela pourrait-il avoir sur les prix des actifs?
MOTI JUNGREIS : Parlons un peu de ce retrait des mesures de relance. La Fed avait des obstacles à surmonter. Elle parle de progrès importants. Et ces obstacles ont été surmontés avec la réouverture de l’économie. Il y a donc eu des embauches et une hausse de l’inflation. Elle réfléchit peut-être aussi aux problèmes liés à l’offre. Mais ce n’est pas quelque chose que la Fed peut vraiment faire en imposant un assouplissement quantitatif. La Fed devrait donc commencer à retirer les mesures de relance à compter de novembre, comme vous l’avez indiqué. Et elle espère vraiment y mettre fin d’ici la fin juin 2022. La période de retrait des mesures est en fait plus courte que ce que la plupart d’entre nous sur le marché croyaient. Et c’est pourquoi, depuis la dernière réunion de la Fed, les taux d’intérêt ont augmenté, parce que les gens s’attendent à ce que l’arrêt des achats soit plus rapide qu’il n’avait été perçu avant cette réunion.
Toutefois, en ce qui concerne la hausse des taux d’intérêt, je pense que la barre est beaucoup plus haute. La Fed voir veut des signes de plein emploi. Elle veut voir l’inflation dépasser la cible à un niveau soutenu d’environ 2 % ou plus. Nous ne pensons pas que cela va se produire avant la fin de 2023. Mais le marché pense qu’à la fin de 2022, la Fed va commencer à relever les taux.
Le retrait graduel des mesures de relance devrait se traduire par des taux plus élevés. Pourquoi? Parce qu’en gros, si la Fed n’est pas l’acheteur marginal d’obligations, d’autres doivent venir acheter les obligations marginales. La Fed n’est pas tellement sensible aux prix, mais d’autres investisseurs pourraient l’être davantage. Et ils exigeront probablement des taux plus élevés. Historiquement, les taux plus élevés devraient avoir un effet quelque peu négatif sur les actifs à risque. Encore une fois, cela pourrait être positif pour certains secteurs du marché, comme les actions des banques.
Mais si la Fed peut se retirer lentement et que l’économie demeure solide, il faut s’attendre à ce que les marchés boursiers et le marché du crédit restent très solides. Je ne pense pas que, lorsqu’il est question d’assouplissement quantitatif et de retrait graduel des mesures de relance, on se pose aussi la question de ce qui se passe dans le reste du monde, parce qu’on parle d’autres banques centrales. Je pense qu’il est important de noter qu’avec cet assouplissement quantitatif au Japon, cet assouplissement quantitatif en Europe, je ne pense pas que l’Europe puisse être aussi rapide que la Fed. Je pense que la BCE va probablement continuer un peu plus longtemps que la Fed. Elle n’a pas le même problème d’inflation que les États-Unis. Et elle bénéficie d’un soutien budgétaire moins important que celui des États-Unis.
PETER HAYNES : Vous avez dit que le plan de réduction graduelle des mesures de relance s’inscrivait dans un calendrier offensif, qui prendrait fin d’ici juin 2022. Quand on pense à certains des principaux risques liés à ce plan de réduction des mesures de relance, est-ce que ça a seulement rapport avec des variants de la COVID ou est-ce qu’il y a d’autres facteurs que la Fed va prendre en considération pour déterminer le moment où elle va procéder à cette réduction?
MOTI JUNGREIS : Ce n’est pas seulement la COVID. C’est vraiment de voir que l’économie évolue. On a constaté des changements importants... et je pense qu’on va probablement en aborder quelques-uns plus tard, mais on a observé des changements importants dans la dynamique des marchés du travail. Et on doit s’assurer que l’économie continue de croître à un rythme relativement sain pour que la Fed puisse terminer le retrait des mesures de relance.
Il est toujours possible que l’économie ralentisse. Il est toujours possible que le variant Delta ou la COVID émergent de nouveau et créent plus de problèmes. Il n’est donc pas certain que la Fed va réduire les mesures de relance, puis augmenter les taux. Il faut donc que tout se déroule sans à-coups. Et c’est pourquoi la Fed a toujours été si prudente dans ce contexte.
PETER HAYNES : Vous avez parlé de travail il y a quelques instants. Et ces temps-ci, tout le monde semble avoir une explication sur la pénurie de main-d’œuvre, même si les taux de chômage demeurent supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie. Certains experts au Canada vont attribuer la faute à des instruments de soutien comme la PCU, même si toutes les grandes sociétés éprouvent des problèmes de chaîne d’approvisionnement, ce qui fait grimper les prix. Et la Fed elle-même a admis que l’inflation demeurerait supérieure à sa cible pour les cinq prochaines années. Êtes-vous d’accord avec l’opinion de la Fed selon laquelle l’inflation est actuellement temporaire?
MOTI JUNGREIS : Il y a quelques aspects qui ne fonctionnent pas dans ce cas-ci. Premièrement, ce n’est pas seulement une pénurie de main-d’œuvre, parce qu’il y a évidemment aussi d’importants problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement qu’on a tous connus dans notre vie quotidienne, où on a du mal à obtenir certains produits et où les prix ont augmenté. C’est un problème mondial. De toute évidence, avec le temps, le problème va se régler, espérons-le, mais il va falloir attendre de voir. Et puis, bien sûr, il y a les problèmes de main-d’œuvre et les pénuries, qui sont, comme vous le disiez, dus en partie à un programme gouvernemental qui a vraiment découragé les gens de retourner au travail.
Mais il y a aussi le fait que la pandémie nous a tous touchés. Beaucoup d’entre nous et certaines personnes ont choisi de déménager avec leur famille, de se concentrer sur le télétravail et de prendre des congés. Je pense donc que cela fait partie de l’équation. Et on doit s’assurer que les gens sont prêts à retourner au travail, alors que l’économie continue de rouvrir et que certains de ces programmes prennent fin. Et certaines de ces pénuries de main-d’œuvre vont s’atténuer.
Parce que si ce n’est pas le cas, l’inflation va persister. Et si les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement ne s’atténuent pas au cours des 6 à 12 prochains mois, l’inflation va persister aussi. En fin de compte, on pense que les choses vont se calmer. Mais c’est, si vous voulez, le grand risque, que les choses créent leur propre élan.
Si l’inflation des salaires commence à augmenter, que la Fed prenne du retard. Et puis il y a... je ne veux pas appeler ça l’inflation galopante, mais une inflation élevée pour les années à venir.
PETER HAYNES : Je suis convaincu que nous allons parler davantage de ce sujet au cours des prochains mois... en fait, je pense que ce sera le point le plus souvent abordé au cours des prochains mois en ce qui concerne les marchés et les attentes des gens à l’égard des marchés des capitaux.
La Fed obtient un crédit énorme, Moti, pour la façon dont elle a soutenu les marchés au début de la pandémie avec ses achats d’actifs. Et vous venez d’en parler... par rapport aux obligations et aux instruments de crédit.
Et comme vous le dites dans certains pays comme le Japon, les actions. Ces achats ont non seulement stabilisé les prix des actifs, mais ils ont aussi constitué un plancher dont les preneurs de risque pouvaient utiliser en répétant la même rengaine : « Ne vous battez pas contre la Fed. » Le soutien de la Fed s’est poursuivi pendant une longue période, ce qui a soulevé des questions au sujet du risque moral. En rétrospective, la Fed a pris des dispositions pour que les banques conservent des capitaux à long terme. En 1998. Elle a sauvé Bear Stearns, mais a décidé de laisser la Lehman faire faillite. Nous vivons dans une société populiste en ce moment. On l’a vu avec les résultats des dernières élections et certains discours des politiciens. Tout le monde veut une part du gâteau. Moti, craignez-vous que le risque moral soit en quelque sorte devenu un opioïde pour les marchés?
MOTI JUNGREIS : Alors, oui. Je pense que le risque moral est un gros problème. Mais commençons par parler de la COVID. Le gouvernement et les banques centrales, et pas seulement la Fed, partout dans le monde, ont fait un travail incroyable pour faire face à cette crise sans précédent. En gros, les liquidités, les prêts, si vous voulez, ont sauvé l’économie dans une crise qui s’est produite en si peu de temps, une crise sanitaire énorme, de toute évidence. Il ne faut donc pas oublier que c’était nécessaire à ce moment-là, soit en mars 2020.
Cela dit, quand je m’inquiète du risque moral, c’est vraiment d’un côté, la dette nationale budgétaire à l’égard de laquelle personne, aucun politicien, certains appellent ça même les populistes, n’a vraiment plus aucune responsabilité. À l’heure actuelle, partout dans le monde, les politiciens sont motivés par une politique budgétaire responsable. Pourquoi devraient-ils être responsables? Parce que les banques centrales, la Fed et d’autres, ont contribué à financer ces déficits à des taux d’intérêt extrêmement bas. Alors, en réalité, ils ne sont jamais appelés à être responsables, parce qu’il n’y a pas vraiment de crise de la dette émergente si les banques centrales achètent beaucoup d’obligations et contribuent à financer ces déficits. Je pense donc que c’est un domaine où il y a un risque moral.
Et c’est à la population de choisir un gouvernement responsable pour s’attaquer à ces problèmes croissants liés à l’augmentation importante des déficits et à la dette nationale. L’autre problème, c’est évidemment celui des marchés financiers. Pour revenir à ce que vous disiez tout à l’heure, si nous avons l’habitude d’être soutenus par la Fed chaque fois que le marché se replie suffisamment ou chaque fois qu’il y a une crise, alors nous n’avons pas vraiment de marché des capitaux libre. Nous n’avons pas de processus de détermination des prix. Et nous l’avons vu sur le marché obligataire.
Et je pense que c’est un risque moral important, car cela incite vraiment les gens à acheter des titres de créance importants sans vraiment faire le travail ou prendre des risques importants. Parce que la Fed est derrière eux. Et on a vu ça trop souvent au cours des 20 dernières années. Pour revenir à ce que vous disiez, ça a probablement commencé vers 1998. Mais ça s’est produit environ trois ou quatre fois depuis. Et à mon avis, c’est un réel problème pour le marché.
PETER HAYNES : Alors, pour terminer, passons à un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur. Et vous avez traité de ce sujet à plusieurs reprises sur votre page LinkedIn. Et c’est le monde en constante évolution des cryptomonnaies. Vous avez dit une fois, lors d’un appel avec un client, que, selon vous, les cryptomonnaies ont deux facettes. D’une part, les cryptomonnaies sont réelles. C’est le futur outil d’échange. Et ça va remplacer les monnaies fiduciaires. En revanche, les cryptomonnaies sont une grande combine à la Ponzi qui va entraîner d’importantes pertes. Alors Moti, il faut que je vous le demande : vers quelle facette penchez-vous?
MOTI JUNGREIS : Je dirais en plein milieu. C’est mon point de vue. Mais je pourrais choisir l’une ou l’autre. Mais quand on y pense, une chose est claire. La Chine nous a dit de quel côté elle se trouve et, de toute évidence, elle a banni les cryptomonnaies la semaine dernière. Et on ne doit pas ignorer ce fait-là. Certains ont tenté de ne pas en tenir compte, mais il s’agit de la deuxième économie en importance dans le monde, 1,4 milliard de personnes, qui a dit, en gros : eh bien, à notre avis, les cryptomonnaies sont essentiellement une combine à la Ponzi.
Peu importe comment elle appelle ça, elle a décidé que le risque associé aux cryptomonnaies était trop élevé. Alors maintenant, quand je regarde les cryptomonnaies en ce moment, je pense qu’il y a trois ou quatre aspects qu’il faut examiner. Il y a le bitcoin. Il y a ce que j’appellerais les réseaux, qui sont la plateforme, comme les Ethereum ou les Solanas de ce monde. Il y a aussi un secteur qui comprend des milliers de jetons, où, selon moi, on utilise essentiellement des stratagèmes de gonflage et de largage, et où la fraude et la médiatisation sont monnaie courante. Et il y a aussi les jetons non fongibles, que je vais ignorer complètement pour le moment.
Donc, si on regarde le bitcoin... on va en parler en premier, parce qu’il a certainement intéressé beaucoup de gens. Qu’est-ce que le bitcoin? C’est comme si on disait essentiellement : créons un or virtuel, une solution de rechange à l’or, une monnaie virtuelle. Quand cette monnaie-là va se négocier partout dans le monde, l’offre sera fixe, ce qui va permettre de créer une demande ou de décider de sa valeur. C’est vraiment les acheteurs et les vendeurs qui décident du prix. C’est une monnaie qui est donc de plus en plus acceptée et adoptée. Il y a eu beaucoup de produits dérivés liés aux FNB. Je pense que c’est un domaine où l’on peut justifier le besoin d’exister.
Et la seule chose pour laquelle je m’inquièterais ou au sujet de laquelle je mettrais les gens en garde, contrairement aux métaux précieux, où nous n’en avons que quatre sur Terre. Il n’y a que quatre métaux précieux sur Terre, et oui, l’offre augmente un peu chaque année. Pour ce qui des cryptomonnaies, personne n’empêche qui que ce soit de créer le bitcoin 2, 3 ou 4. Et ces monnaies-là pourraient être meilleures, mais avec les mêmes contraintes d’approvisionnement. Alors, pourquoi le bitcoin? Pourquoi pas autre chose? Et je pense que c’est quelque chose que les investisseurs doivent toujours garder à l’esprit. Pour l’instant, le bitcoin est certainement la principale cryptomonnaie, et il est en train d’être adopté. Mais dans quelques années, ce pourrait être autre chose.
Troisièmement, j’ai parlé des milliers de jetons qui ont d’abord été l’objet d’une blague, parfois d’une médiatisation, pour lesquels des promoteurs, des vedettes et d’autres ont fait la promotion d’un jeton qui n’a aucune raison d’être et qui ne sert qu’à employer un stratagème de gonflage et de largage. La situation n’est pas différente d’il y a 100 ans ou plus... on appelle ça les officines douteuses, les entreprises de vente sous pression, les actions minières, les actions cotées en cents, les stratagèmes de gonflage et de largage. C’est exactement la même chose. Encore une fois, c’est une autre conséquence imprévue d’une grande quantité d’argent dans le système en ce moment. Et je dirais, et c’est mon avis, et je conseille à tout le monde de rester le plus loin possible de ces activités-là.
Mais la partie la plus intéressante des cryptomonnaies, l’aspect le plus intéressant, ce sont ces nouvelles plateformes de chaîne de blocs axées sur la technologie qui tentent vraiment de décentraliser notre façon de faire des affaires, qu’il s’agisse de finance, de jeux ou d’autres secteurs. Et je pense que c’est un aspect très intéressant.
Alors, par exemple, et je vais vous donner un exemple extrême. Mais pensez à un monde où les garanties sont décentralisées. Et elles sont gérées selon un contrat intelligent, selon lequel, aussitôt que certains critères sont respectés, la garantie se déplace immédiatement n’importe où dans le monde. Ce que je veux dire par là, et je vais utiliser un exemple extrême, mais c’est un exemple qui peut vous faire réfléchir, disons que vous pouvez avoir un dentiste en Australie qui vous donne, Peter, un prêt hypothécaire pour votre maison ou un prêt pour votre voiture à Toronto. Pour lequel, selon des règles prédéfinies, votre maison et votre voiture sont données en garantie. Et si vous ne respectez pas les règles ou si vous omettez un paiement, la maison est presque automatiquement enregistrée au nom du dentiste australien au moyen de contrats intelligents et d’un registre décentralisé.
Et cet exemple peut sembler extrême, mais vous pouvez voir où se situe l’occasion. Et si on vit dans un monde comme celui-ci, on peut voir l’impact que ça aura sur le monde financier, l’impact sur les banques et sur les mouvements de capitaux à l’échelle mondiale. Je pense que c’est un secteur qu’on veut tous surveiller. C’est intéressant, car ça aurait pu aussi être une société technologique qui aurait pu le faire. Je sais qu’il s’agit nécessairement d’une cryptomonnaie, mais ça a fini dans ce domaine-là.
Et on a vu la montée en puissance de la plateforme liée à Ethereum ou à Solana, dont le prix, le prix du jeton, s’est multiplié par 100 au cours de la dernière année. Et j’ai parlé à quelqu’un qui comprend vraiment les cryptomonnaies la semaine dernière, et il est d’avis que Solana sera plus important qu’Ethereum. En gros, on a ce secteur-là qui est très intéressant, plein d’idées et d’innovations qui peuvent certainement changer le monde. Mais évidemment, cela comporte beaucoup de risques. Dans ce secteur-là, en général, les choses évoluent très, très rapidement. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’à moins d’être un vrai technophile, il est très difficile de suivre le rythme des changements. C’est très difficile de suivre le jargon.
Mais c’est un domaine très intéressant, même si seulement 5 %, ou 1 %, même si seulement 1 % des projets liés aux cryptomonnaies sur lesquels les gens travaillent fonctionneront à la fin, ils ont l’occasion ou le potentiel de changer beaucoup de choses dans différents secteurs. Évidemment, en finance, en particulier. Et c’est pourquoi je pense que tout le secteur de la finance décentralisée, qu’on appelle l’espace FiDé, est stimulant et qu’on ne peut pas l’ignorer. Personne sur les marchés des capitaux ne peut l’ignorer. Et on doit s’assurer de rester au fait du sujet et de suivre les dernières nouvelles.
PETER HAYNES : Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, Moti, et je suis constamment à la traîne de ce qui se passe dans le domaine des cryptomonnaies, et je dois toujours me rattraper. L’une des raisons pour lesquelles les gouvernements, comme la Chine, peut-être, sont préoccupés par le bitcoin et d’autres cryptomonnaies, c’est la perte potentielle de pertinence de leurs monnaies fiduciaires.
Dans le même ordre d’idées, lorsqu’on parle de finance décentralisée, ou FiDé, comme on l’appelle, les organismes de réglementation s’inquiètent de leur perte de contrôle sur les marchés des capitaux. En fin de compte, Moti, pensez-vous que les organismes de réglementation, et on le constate un peu aux États-Unis en ce moment, vont ralentir la réglementation en matière de cryptomonnaies et compliquer les choses pour ces sociétés de cryptomonnaies, ou de finance décentralisée, pour permettre, par exemple, aux actions de se négocier sur des plateformes décentralisées?
MOTI JUNGREIS : Absolument. Je pense que le problème auquel ce secteur est confronté, c’est le manque de possibilités. La réglementation de ce secteur est une bonne chose. Je pense que tout le monde dans ce secteur, à moins d’essayer de frauder ou d’appliquer un stratagème de gonflage et de largage, comprend que la meilleure voie à suivre est la réglementation. Le problème, c’est de savoir à quel point la réglementation doit être stricte. Parce que si on pense comme la Chine, c’est un problème. Mais quiconque pense... et c’est intéressant, parce que les gens qui ont lancé le bitcoin ou la théorie initiale derrière le bitcoin, les puristes, si vous voulez, voulaient un monde décentralisé.
Ça n’arrivera pas. Je ne vois tout simplement pas comment le gouvernement américain pourrait, demain matin, abandonner le dollar américain et tout ce que ça signifie. Au cours des 50 à 100 dernières années, la principale façon pour les États-Unis de dominer l’économie mondiale, et pas seulement l’économie mondiale, mais aussi du côté militaire, c’est le rôle du dollar sur le marché financier, la vigueur du dollar sur les marchés financiers.
Tout notre système de paiement, le système SWIFT, repose sur les dollars. Vous voulez imposer des sanctions à l’Iran? Vous ne pouvez le faire que parce qu’on utilise le système SWIFT en dollars américains. La seconde où les États-Unis cèdent leur souveraineté ou abandonnent le dollar et adoptent le bitcoin ou toute autre cryptomonnaie, c’est la fin des États-Unis tels que nous les connaissons. Je sais qu’en ce moment, certains politiciens jouent franc-jeu. Il y a clairement du battage médiatique. C’est peut-être un point de vue populiste, c’est populaire, ils ne veulent pas être les rabat-joie parce qu’il y a tellement d’investisseurs et de gens qui essaient d’investir dans ce secteur. Et comme je l’ai déjà dit, il y a des secteurs qui sont très intéressants et novateurs.
Mais de penser un seul instant qu’on laisserait une économie ouverte et une démocratie permettre quelque chose qui n’est pas réglementé et qui est décentralisé... Comme je l’ai dit, quelqu’un de l’Australie ou de la Chine pourrait avoir le contrôle. Je pense que c’est grotesque. Quelqu’un de plus intelligent que moi a dit que les cryptomonnaies seraient interdites dès qu’elles deviendraient trop importantes. Parce qu’essentiellement en ce moment, même s’il y en a beaucoup et qu’on peut parler d’une capitalisation boursière de 2 000 milliards de dollars pour l’ensemble des jetons, c’est encore gérable. Ça ne touche pas encore vraiment l’économie réelle. Ça ne constitue pas encore une menace pour la Fed.
Mais une fois que ça aura changé, des mesures énergiques vont être prises. Et je pense que la Chine agit ainsi parce qu’elle le voit. Elle voit ça venir. De toute évidence, elle a plus d’intérêt à contrôler son économie, son ordre social et sa structure sociale que, disons, les sociétés occidentales. Mais il ne faut pas se leurrer. Il y a des sociétés occidentales qui vont vouloir se protéger si elles estiment que ça représente une menace pour leur souveraineté, leur monnaie et leur indépendance.
PETER HAYNES : D’accord, Moti, alors qu’on termine, je m’en voudrais de ne pas vous demander de nous donner vos prévisions. Je sais qu’en règle générale, vous n’avez pas peur de donner votre opinion sur le marché. Selon vous, à quoi ressemblera l’indice S&P et les obligations américaines à 10 ans à la fin de l’année? Et puis, comme vous êtes un spécialiste des devises, à quoi ressemblera le dollar à la fin de l’année? Le taux en dollars canadiens par rapport aux dollars américains.
MOTI JUNGREIS : D’accord. Wow! Intéressant. Il y a beaucoup d’aspects. Supposons que l’économie continue de progresser. Et supposons que la Fed réduise ses mesures de relance. Et on a déjà connu une forte hausse des actions. Je dirais donc que ce qu’on observe ces derniers jours est une situation qui pourrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, c’est-à-dire que les actions de croissance vont avoir du mal à continuer de produire des rendements supérieurs. Les actions de valeur vont bien se comporter. Elles pourraient ne pas rebondir autant ou pas du tout, et je pense qu’on pourrait se retrouver avec un marché stationnaire d’ici la fin de l’année ou légèrement haussier ou baissier.
La volatilité va augmenter, principalement en raison de la Fed et de la réduction prévue des mesures de relance. Et les données vont devenir plus importantes parce qu’on revient à la première question : va-t-on resserrer nos positions en 2022? Va-t-on resserrer nos positions en 2023? Cela aura un impact sur les marchés boursiers. Si les obligations américaines à 10 ans terminent l’année à, disons, 1,75, ce qui n’est pas une mauvaise prévision, alors, comme je l’ai dit, ce sera plus difficile pour les marchés boursiers d’aller de l’avant. Mais le marché a prouvé que les investisseurs achètent à chaque baisse. Les investisseurs individuels dominent toujours. Encore une fois, s’ils retournent au travail et qu’ils négocient en dernier, ça pourrait nuire quelque peu aux marchés boursiers.
En ce qui concerne le dollar, évidemment, si l’on pense à la hausse des taux aux États-Unis, aux taux plus élevés et à la vigueur de l’économie, le dollar, en général, va bien se comporter. Cela dit, si on pense au Canada et au dollar canadien, je crois qu’on a vu le pétrole augmenter, que les produits de base continuent de bien se comporter et que l’économie se porte bien ici. On parle davantage de hausses de taux ici. Dans ce scénario, une fois qu’on aura surmonté cette légère correction boursière, que le marché va se stabiliser, le dollar canadien pourrait enregistrer un rendement supérieur à la fin de l’année.
Et je crois que nous sommes près de 1,275 au moment où on enregistre ce balado. Si je devais choisir entre 1,22 ou 1,32, je choisirais probablement 1,22. Et, encore une fois, 1,22, ça signifie un dollar canadien vigoureux et un dollar américain plus faible. Dans ce contexte, je crois que le dollar canadien surpasse en quelque sorte le reste du G10, tant que le gaz naturel, le pétrole et d’autres produits de base affichent un prix élevé, et qu’on a une économie qui est en plein essor. Pour revenir à ce que vous disiez, la PCU va cesser et les gens retournent au travail. Je pense donc que ce n’est peut-être pas une mauvaise situation pour le dernier trimestre de l’année.
PETER HAYNES : Eh bien, si le dollar canadien se renforce, tant mieux pour ceux d’entre nous qui, espérons-le, vont pouvoir un jour traverser la frontière pour se rendre aux États-Unis. Et, de toute évidence, cela va constituer un important catalyseur pour, selon moi, les développements continus entre les deux pays. On peut donc certainement espérer qu’un jour la frontière va rouvrir. Moti, merci beaucoup du temps que vous m’avez accordé aujourd’hui, comme toujours. Vous êtes très passionné par les marchés. J’apprécie vraiment que vous participiez à notre balado et j’espère avoir l’occasion de discuter avec vous plus tard pour voir si vos prévisions étaient exactes ou non.
MOTI JUNGREIS : Merci beaucoup, Peter.
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux balados, l’un sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Moti Jungreis
Vice-président à la direction, vice-président du Conseil et chef, Marchés mondiaux, Valeurs Mobilières TD
Moti Jungreis
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Depuis sa nomination en 2016, Moti Jungreis dirige les activités mondiales de vente, de négociation et de montage de Valeurs Mobilières TD. Sous sa direction, l’équipe Marchés mondiaux présente des solutions novatrices et effectue une mise en œuvre exceptionnelle en offrant les produits et les services des secteurs des titres à revenu fixe, des opérations de change, du crédit, de l’énergie, des métaux, des actions et du courtage de premier ordre à de grandes entreprises, des clients gouvernementaux et des clients institutionnels. En outre, Moti codirige Marchés de titres de capitaux propres et Marchés des capitaux d’emprunt, ainsi que les affaires de Transactions bancaires mondiales.