La conviction de la puissance du yuan va à l’encontre des rumeurs de dévaluation

mai 17, 2024 - 7 minutes 30 secondes
Billets en yuan pliés, posés au-dessus de plusieurs billets en dollars américains.

Les rumeurs d’une soudaine dévaluation du CNY vont bon train, ce qui va clairement à l’encontre du mantra d’un yuan stable de la Banque populaire de Chine (BpC) au cours de la dernière année. Toutefois, nous ne prévoyons pas de dévaluation soudaine du CNY, en raison de plusieurs facteurs, que nous allons présenter ici.

Les rumeurs de dévaluation ravivent les souvenirs désagréables de 2015

Les fixations sans cesse plus solides du cours de change USD/CNY par la BpC ont soutenu le CNY par rapport aux autres devises, ce qui a fait naître des doutes sur la compétitivité de la Chine en ce qui concerne les exportations. Le cours USD/CNY s’est négocié dans une fourchette étroite et se situe maintenant tout près de l’extrémité supérieure de la fourchette de 2 %. Les tendances en matière de fixation sont étrangement semblables à celles de 2015, juste avant la dévaluation de la Chine, et les investisseurs sont à l’affût. Certains signalent une guerre des devises en Asie, compte tenu de la faiblesse du yen japonais, du won sud-coréen et du dollar taïwanais face à un dollar américain inarrêtable. Nous prévoyons une appréciation du dollar américain, ce qui soulève la question de savoir si la BpC capitulera dans ses efforts de défense du yuan, car un CNY plus faible pourrait être préférable pour soutenir la croissance économique.

Bien qu’un affaiblissement du CNY pour encourager l’économie nous semble logique, il nous semble improbable que la BpC souhaite déclencher un mouvement désordonné qui irait à l’encontre de son mantra d’un yuan stable de l’année passée, même lorsque le cours de change USD/CNY a atteint un sommet de 7,34 ¥.

Les fixations du cours de change USD/CNY par rapport à l’évolution des prix au comptant ravivent des souvenirs inquiétants de la dévaluation de 2015

Le marché des produits de base nous dit-il quelque chose?

Certains investisseurs ont signalé que la hausse des stocks de cuivre et les achats d’or de la BpC étaient révélateurs d’une tentative de dévaluation imminente. Il s’agit d’un risque extrême à prendre en considération, toutefois, il ne nous semble pas nécessaire d’accorder une importance exagérée à ces deux données.

  • Cuivre : Nous observons une hausse des stocks de cuivre sous forme de titres négociés en bourse, ce qui reflète la faible demande des utilisateurs industriels en Chine. Étant donné que la politique chinoise en matière de logement s’oriente vers un « déstockage », il est peu probable que la construction immobilière reprenne de la vigueur en Chine, ce qui explique cette augmentation des stocks.
  • Or : Nous avions été parmi les premiers à signaler des achats inhabituels sur les marchés aurifères : Démasquer le mystérieux acheteur de l’or. En raison des pressions exercées sur le CNY, les autorités ont probablement eu recours à l’achat d’actifs non libellés en dollars américains et à la vente de titres du Trésor américain pour contrer la hausse du dollar américain, ce qui explique la nature agressive de ces achats d’or.

La BpC accumule de l’or peu à peu

Pourquoi la dévaluation est improbable

La conviction de la puissance du yuan de Xi Jinping et les efforts d’internationalisation

Au début de 2024, le président Xi a présenté ses idées pour faire de la Chine une puissance financière. Il a insisté en particulier sur la nécessité d’une monnaie puissante, d’une banque centrale solide et d’institutions financières robustes pour atteindre cet objectif. Ces propos étayent la volonté du président Xi d’accroître l’internationalisation du yuan.

Si l’on fait le suivi des progrès de l’internationalisation du CNY, deux faits ressortent :

  • Le CNY est la quatrième monnaie la plus utilisée dans le monde pour les paiements mondiaux, dont il représentait une part de 4,7 % en mars 2024, surpassant même le JPY. Il s’agit d’un grand pas en avant, si l’on considère le fait que le CNY représentait moins de 0,1 % des paiements mondiaux lorsque le système SWIFT a commencé à le suivre en 2010.
  • Les reçus et les paiements transfrontaliers réglés en yuan ont atteint 52,3 ¥ en 2023, près de quatre fois le niveau de 2015. Une dévaluation soudaine nuirait grandement aux efforts de la Chine pour promouvoir l’utilisation du yuan, car elle rendrait plus difficile de persuader les sociétés étrangères à effectuer des opérations dans cette devise à l’avenir.

La part des paiements mondiaux en RMB a dépassé celle des paiements en JPY en mars

Le coût des interventions n’est pas trop élevé

Avant la dévaluation d’août 2015, la BpC avait consacré 300 G$ US de ses réserves officielles de change à la défense du yuan au cours des quatre trimestres précédents, puisant dans ses réserves qui avaient atteint un sommet de 4 billions de $ US au deuxième trimestre de 2024. On pourrait soutenir que des interventions continues sont trop coûteuses pour la Chine, et qu’étant donné que la BpC n’est pas prête de relever bientôt ses taux, une autre dévaluation pour réaligner le CNY semble logique.

Les réserves officielles de change de la BpC sont demeurées stables depuis 2017, ce qui est étrange compte tenu de l’excédent de compte actuel de la Chine. Une explication plausible est que les banques d’État ont probablement cessé de transférer leurs achats de devises à la BpC et agissent comme des acteurs de cette dernière pour les interventions en matière de change. En nous appuyant sur les données liées aux règlements des opérations de change de la SAFE, nous pouvons retrouver le coût des interventions et calculer une estimation des réserves de change « non officielles ».

Selon nos estimations, les banques d’État ont vendu le dollar américain pour défendre le yuan depuis le quatrième trimestre de 2022. En mars 2024, les ventes ont atteint 20 G$ US, portant à 64 G$ US le total des ventes au cours des deux derniers trimestres. Par rapport aux 300 G$ US dépensés par la BpC en 2014-2015, l’effort d’intervention actuel de 64 G$ US depuis octobre 2023 semble modeste et plus gérable. Nous pensons que la BpC dispose des outils et des fonds nécessaires et qu’elle n’hésitera pas à corriger toute faiblesse excessive du CNY, en s’en tenant à son mantra « d’un yuan stable ».

La stabilité financière est primordiale

Une dévaluation soudaine entraînerait probablement des ravages sur les marchés financiers. Nous pouvons nous attendre à d’importantes sorties de capitaux des portefeuilles, car la confiance à l’égard des marchés des capitaux chinois est ébranlée. Les efforts antérieurs des autorités pour stabiliser les marchés des capitaux commencent tout juste à porter leurs fruits, la Chine enregistrant d’excellentes entrées de fonds dans les portefeuilles depuis le début de l’année.

Les entrées de fonds dans les actions et les obligations ont atteint un total de 42,5 G$ US en mars sur une période mobile de trois mois, un niveau inégalé depuis la fin de 2021. L’indice CSI 300 a progressé de 15 % par rapport au creux atteint à la fin de janvier, ce qui a ravivé l’intérêt des investisseurs étrangers et les entrées de fonds. Les investisseurs sont plus optimistes à l’égard des perspectives des marchés des capitaux, ce qui témoigne des efforts des hauts dirigeants et des perspectives de politique monétaire accommodante, ce qui est de bon augure pour les obligations.

Il nous semble improbable que le Politburo approuve une dévaluation et gâche le précieux travail accompli jusqu’à présent. S’il y a bien une chose que les dirigeants chinois ne souhaitent pas, c’est que Wall Street réitère son discours selon lequel « la Chine n’est pas propice aux placements ».

Les exportations ne s’effondrent pas

La vigueur du yuan ne favorise pas les exportations, toutefois, la croissance de ces dernières n’a pas fléchi au point de justifier une dévaluation. Si l’on examine les tendances trimestrielles, les exportations se redressent graduellement après avoir plongé en 2023, tandis que le rythme de croissance du commerce mondial devrait doubler cette année, ce qui pourrait établir un plancher pour les exportations chinoises.

En 2015, la BpC avait justifié la dévaluation par un taux de change effectif élevé. Le taux de change effectif réel (TCER) de la Chine, lequel est ajusté en fonction de l’inflation et du commerce avec d’autres pays, avait augmenté de 14 % en un an, ce que les autorités avaient probablement considéré insoutenable, en particulier compte tenu des mauvaises perspectives de croissance à ce moment-là. Toutefois, le TCER est redescendu à 91,7 en mars 2024, après avoir atteint un sommet de 106,5 en mars 2022, impliquant une amélioration de la compétitivité commerciale de la Chine, ce qui indique qu’une dévaluation pour stimuler les exportations est peu nécessaire.

Le TCER de la Chine est loin des niveaux de 2015

Perspectives du marché des changes : Le décalage entre les évaluations et les cours du CNY signifie qu’aucune intervention n’est nécessaire

À l’approche des élections américaines, l’évaluation du CNY pourrait s’avérer problématique. D’après les estimations de notre cadre de juste valeur à faible fréquence (JVFF), le CNY est 11 % trop bon marché par rapport au dollar américain, ce qui contraste vivement avec l’écart de seulement 2 à 5 % en 2015, lorsque la dévaluation a eu lieu. Les politiques de change des pays pourraient commencer à prendre de l’importance dans la course aux élections présidentielles, et nous pensons qu’il n’est pas dans l’intérêt chinois que le CNY attire l’attention. Une devise plus faible présente peu d’avantages économiques, en particulier lorsque des facteurs nationaux (tels que le logement et la consommation) sont à l’origine du ralentissement.

Toutefois, qu’arriverait-il si la BpC procédait à une dévaluation? Quelles devises seraient les plus durement touchées? Nous avons examiné les sensibilités (p. ex., les bêta) des devises de l’Asie et de certaines devises du G10 par rapport au CFETS (yuan pondéré en fonction des échanges) au cours des derniers mois. Nous avons constaté que l’AUD, le KRW et le NZD sont les plus sensibles aux fluctuations du CFETS et qu’une dévaluation soudaine entraînerait probablement un affaiblissement important de ces devises. Traditionnellement, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud nouent d’importants liens économiques avec la Chine. Ces conclusions ne sont donc pas surprenantes.

En résumé, nous estimons que le cours de change USD/CNY pourrait se rapprocher de 7,40 ¥ d’ici la fin de l’année, en raison de la vigueur accrue du USD et de la faiblesse du CNY. Nous estimons toujours que le CNY accusera probablement un retard par rapport aux autres devises à l’échelle mondiale. Ce qui nous laisse le plus dubitatifs en ce qui concerne la rumeur de la dévaluation du CNY, c’est que la Chine est peu susceptible de tolérer une fluctuation soudaine de sa devise et de prendre le risque de déclencher une crise de confiance et une fuite de capitaux. Elle pourrait finir par retraiter en ce qui concerne ses fixations et relâcher son contrôle du CNY, mais nous pensons que la BpC atténuera la faiblesse du CNY et qu’elle ne prendra pas le risque que des spéculateurs s’empressent sur les positions vendeur et provoquent de lourdes pertes pour la devise.

Le CNY se négocie trop bon marché par rapport aux données fondamentales

Perspectives du marché des taux : Une dévaluation entraînerait une dépréciation marquée des titres du Trésor

Les investisseurs du marché des titres du Trésor vivent dans la crainte continue des interventions de la Chine en matière de change, car ces interventions incluent des ventes massives de titres du Trésor pour alimenter des achats de CNY. Bien que les titres détenus par la Chine soient descendus à environ 4 % des titres de créance du Trésor négociables par rapport au sommet de 15 % en 2011, nous estimons que le pays détient toujours environ 1,1 billion de dollars américains en titres du Trésor. Dans le cadre de ses efforts d’intervention, la Chine a cédé près de 500 G$ US de titres entre 2014 et 2016, ce qui a coïncidé avec un repli énorme de ses réserves de change.

Bien que la baisse du nombre de titres détenus par le Trésor chinois puisse être en partie attribuable au fait que le pays a cessé ses achats et laissé certains de ses titres arriver à échéance, elle a purement et simplement vendu des titres du Trésor à la fin de 2015. Ces ventes ont considérablement perturbé le marché des titres du Trésor à l’époque, en entraînant une forte dépréciation des titres du Trésor par rapport aux swaps indexés sur le taux d’intérêt à un jour.

Après une période de dépréciation au cours de la dernière année, les titres du Trésor ont commencé à s’apprécier par rapport aux swaps indexés sur le taux d’intérêt à un jour au cours des derniers mois, les portefeuilles bancaires ayant recommencé à acheter des titres à revenu fixe. Toutefois, toute indication de ventes par la Chine réduirait probablement considérablement la valeur des titres du Trésor et resserrerait les écarts des swaps de deux à sept ans. Les taux obligataires directs pourraient continuer d’évoluer en fonction des facteurs macroéconomiques, mais nous nous attendons à ce que toute intervention en matière de change entraîne une fluctuation importante des évaluations des titres du Trésor.

Les titres détenus par le Trésor chinois sont en forte baisse depuis 2023, ce qui rend les investisseurs nerveux

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