Les mesures de relance de la Chine : le vent de l’Est se lève
Par : Alex Loo
oct. 11, 2024 - 7 minutes 30 secondesAperçu :
- Les autorités chinoises combinent des mesures de politique monétaire et un plan de relance de la consommation qui pourraient mener le pays dans la bonne direction.
- Les politiques budgétaire et monétaire de la Chine visent à rééquilibrer l’économie tout en corrigeant les problèmes structurels sous-jacents.
- Les dirigeants ont rapidement joint le geste à la parole en décrétant des mesures de relance financière, qui soutiennent le marché immobilier et s’attaquent au chômage à long terme.
- Le but est de redonner confiance aux consommateurs et d’encourager la consommation afin d’améliorer la croissance économique.
C’est différent cette fois
Nous croyons que les mesures de relance annoncées récemment par la Chine marquent un tournant pour l’économie chinoise. Les dirigeants du pays sont déterminés à rétablir la confiance des consommateurs et les perspectives de croissance. La rapidité et l’ampleur du déploiement des mesures ainsi que le changement de la stratégie de communication nous ont surpris.
Qu’est-ce qui est différent cette fois-ci pour les perspectives économiques?
- Les dirigeants chinois ont pris leur plus ferme engagement en matière de politiques budgétaire et monétaire.
- Une stratégie de relance axée sur la consommation vise à rééquilibrer l’économie en faveur des services.
- Les efforts visant à s’attaquer aux problèmes structurels sous-jacents s’intensifient.
En outre, nous nous attendons à ce que le ministère des Finances annonce un nouveau train de mesures budgétaires de 4 000 milliards de yuans (569 milliards de dollars américains), soit l’équivalent de 3,2 % du PIB, à l’appui des points précités et en complément de l’assouplissement monétaire.
Comparativement aux mesures de relance de 2008, qui représentaient 12,5 % du PIB, on ne peut pas dire que les dirigeants ont sorti l’artillerie lourde, mais un programme axé sur la consommation pourrait tout de même donner des résultats. Si tel est le cas, une normalisation du taux d’épargne élevé de la Chine pourrait entraîner une augmentation de la consommation et avoir des effets multiplicateurs plus importants au sein de l’économie. Nous croyons que la remontée des prix des actifs et les mesures de relance monétaire musclées porteront la croissance du PIB en 2024 de 4,7 % à 4,9 %. Les effets des mesures de relance budgétaire et monétaire devraient se faire pleinement sentir en 2025 et ancrer la croissance aux environs de 5 %.
On ne sait toujours pas si le secteur privé adhère au changement de discours des dirigeants chinois (en particulier en ce qui concerne la consommation). Les investisseurs surveilleront les ventes au détail et les prix de l’immobilier en Chine au quatrième trimestre pour évaluer le succès des mesures prises. À long terme, la série de mesures de relance semble indiquer que la Chine est déterminée à maintenir sa croissance économique autour de 5 % et à accélérer le rééquilibrage.
Le président Xi apporte le vent de l’Est
Le célèbre proverbe chinois « Tout est prêt, sauf le vent de l’Est » résume bien les doutes que nous avons eus au départ à l’égard des mesures prises par la Banque populaire de Chine et sous-entend que les mesures de relance budgétaire étaient la pièce manquante du casse-tête. Le président Xi et les dirigeants chinois ont rapidement fourni cette pièce manquante (le vent de l’Est), promettant lors de la réunion de septembre du Politburo d’accroître « l’intensité des ajustements contracycliques apportés aux politiques budgétaire et monétaire ». Il s’agit d’un changement de ton majeur par rapport à la déclaration de juillet dans laquelle les autorités préconisaient uniquement des « mesures budgétaires proactives et des mesures monétaires prudentes ».
Les dirigeants ont donné leur plein soutien au marché immobilier et formulé les commentaires les plus directs jusqu’à présent, exigeant « la fin de la baisse et la stabilisation du marché immobilier ». Plus important encore, l’accent est mis maintenant sur la consommation et le soutien des chômeurs chroniques, ce qui renforce fermement la stratégie économique à long terme de la Chine après la troisième réunion plénière.
Une rafale de mesures budgétaires
Nous nous attendons à ce que le ministère des Finances annonce bientôt un nouveau train de mesures budgétaires de 4 000 milliards de yuans (569 milliards de dollars américains), soit l’équivalent de 3,2 % du PIB. Les fonds proviendront probablement en totalité du produit de la vente d’obligations souveraines spéciales à très long terme (obligations d’État chinoises spéciales). Nous prévoyons également des réductions d’impôt pour les ménages et les entreprises, ainsi que des subventions ciblées à l’emploi. Comme nous l’avons souligné plus tôt cette année, le ministère des Finances a modifié sa stratégie budgétaire et reconnu que le gouvernement central devait assumer une plus grande part de la dette que les administrations locales.
Le ratio de la dette au PIB du gouvernement central est faible comparativement à celui des autres économies avancées
Dans la déclaration de septembre du Politburo, les dirigeants ont clairement indiqué que des mesures de relance budgétaire supplémentaires accompagneront les mesures d’assouplissement monétaire musclées. De plus, selon un article de Reuters publié le même jour, les autorités prévoient prendre des mesures budgétaires de 2 000 milliards de yuans (249 milliards de dollars américains) pour relancer l’économie. Nous estimons que les autorités peuvent aller encore plus loin en injectant 1 000 milliards de yuans de plus afin d’absorber l’excédent de logements en réponse à l’appel des dirigeants pour que « les prix de l’immobilier cessent de baisser et se stabilisent ». En outre, si l’on tient compte de l’article de Bloomberg qui affirme que la Chine injectera 1 000 milliards de yuans dans les banques d’État au moyen d’obligations d’État chinoises spéciales, le train de mesures budgétaires s’élève à 4 000 milliards de yuans.
Il est probable que les obligations d’État chinoises spéciales soient émises au début du quatrième trimestre et que le produit de leur vente soit décaissé à la fin du quatrième trimestre et au premier trimestre de 2025. Les répercussions budgétaires se feront donc sentir en 2025, ce qui est crucial, car la Chine pourrait avoir à surmonter des obstacles à la croissance plus importants après les élections américaines, en raison des conflits commerciaux avec les économies développées.
Comment cette série de mesures de relance se compare-t-elle aux mesures prises précédemment en Chine?
Après s’être engagés à promouvoir un développement « plus équilibré » et à « accroître activement la demande intérieure » lors de la troisième réunion plénière, les décideurs chinois renoncent à leur stratégie habituelle qui consiste à orienter les mesures budgétaires vers l’activité manufacturière, les exportations et les investissements pour stimuler la croissance économique. Les autorités cherchent maintenant à restaurer la confiance des consommateurs et à encourager la consommation. Résoudre le problème de l’immobilier et du chômage élevé chez les jeunes est un bon point de départ.
Les interventions du côté de l’offre sont plus efficaces pour l’immobilier
Les autorités remuent ciel et terre encore une fois, mais les interventions du côté de l’offre constituent, selon nous, l’approche la plus efficace pour freiner la dégringolade des prix de l’immobilier. Les politiques axées sur la demande (p. ex., la réduction de la mise de fonds ou l’assouplissement des restrictions à l’achat d’un logement) pourraient se révéler moins efficaces, car les ménages ne sont pas disposés à s’endetter de nouveau dans un contexte économique aussi incertain.
Par conséquent, si les autorités injectent 1 000 milliards de yuans en fonds budgétaires (peut-être par l’intermédiaire d’un fonds de stabilisation immobilière) et permettent aux administrations locales d’utiliser le produit de la vente de leurs obligations spéciales pour acheter des logements invendus, ce qui représenterait 1 330 milliards de yuans, cette mesure pourrait suffire à réduire l’offre excédentaire, mais pas à absorber l’offre immobilière, car cela nécessiterait 6 600 milliards de yuans (930 milliards de dollars américains) selon le Fonds monétaire international (FMI).
Premières orientations du gouvernement central pour soutenir le marché du travail
Le chômage chez les jeunes a atteint 18,8 % en août, en raison de l’ampleur de la capacité excédentaire sur le marché du travail et de la possible inadéquation des compétences des diplômés collégiaux. Rappelons que les universités chinoises produisent plus de 10 millions de diplômés chaque année et que la plupart d’entre eux privilégient les emplois de col blanc, qui se font rares alors que les technocrates chinois donnent la priorité à l’industrialisation moderne.
Pour remédier à cette situation, le Conseil d’État a publié ses orientations les plus détaillées pour soutenir le marché du travail, qui comportent 24 points importants. Il s’agit du premier document d’orientation sur la promotion de l’emploi publié par le gouvernement central. Les autorités sont conscientes du problème structurel de chômage élevé chez les jeunes et des mesures budgétaires sont en cours de préparation.
Dynamiser les marchés financiers
La rafale de mesures de relance de la Banque populaire de Chine est également présentée dans les médias financiers continentaux comme la plus solide politique des trois flèches (stabilisation de la croissance, stabilisation du marché immobilier, stabilisation des marchés financiers) pour restaurer la confiance des marchés.
Le gouverneur Pan a fourni des indications prospectives dont le ton est plus conciliant, promettant de réduire les taux d’intérêt et le ratio des réserves obligatoires, ce qui, si cela se réalise, rivaliserait avec les mesures d’assouplissement monétaire musclées adoptées lors des ralentissements précédents et maintenues pendant une longue période.
La Banque populaire de Chine a également fait preuve de créativité en matière d’ingénierie financière avec sa première facilité de swap d’une tranche initiale de 500 milliards de yuans (71 milliards de dollars américains), qui fournit aux institutions continentales toutes les liquidités dont elles ont besoin pour acheter des actions. Elle émet implicitement une option de vente sur des actions chinoises, et le gouverneur Pan a indiqué que d’autres augmentations sont possibles.
La banque centrale chinoise est déterminée à redresser le marché boursier, car elle sait que l’amélioration du rendement des actions et l’augmentation de l’activité boursière peuvent redonner confiance aux sociétés et, par conséquent, stimuler les investissements privés, qui ont été décevants depuis le début de l’année, s’établissant à -0,2 % sur un an.
Enfin une longueur d’avance?
Les détracteurs ont rappelé l’échec des mesures précédentes des autorités pour relancer l’économie ainsi que les problèmes structurels de la Chine comme raisons d’être peu optimistes à l’égard de ce redressement. Les efforts concertés en matière de politiques et le plan de relance de la consommation indiquent toutefois que les autorités ont peut-être une longueur d’avance cette fois-ci.
La résolution des problèmes structurels de la Chine (p. ex., les investissements excédentaires, la sous-consommation et les filets de sécurité sociale inadéquats) constituera une douloureuse transition économique qui s’étendra sur plusieurs années. Toutefois, s’il n’y a pas de rééquilibrage de l’économie s’axant davantage sur la consommation, le FMI s’attend à ce que la baisse de la productivité et le vieillissement de la population entraînent une diminution du taux de croissance de la Chine à environ 3,3 % d’ici 2029.
Les technocrates chinois accélèrent donc la transition structurelle vers la consommation en se servant du bilan du gouvernement central. L’objectif est d’éviter le scénario de faible croissance de 3 % à long terme et d’atteindre l’objectif du président Xi de doubler l’indice économique ou le revenu par habitant d’ici 2035 conformément au 14e plan quinquennal (2021-2025). Cela représente un taux de croissance annuel moyen du PIB d’environ 4,7 % d’ici 2035.
Le PIB du troisième trimestre (publié le 18 octobre) ne fait probablement aucun doute, notre prévision étant de 4,5 % ou moins sur 12 mois. Il se peut que les investisseurs fassent fi de cette donnée et examinent plutôt les données économiques mensuelles à compter d’octobre pour évaluer l’efficacité des mesures de relance. Pour le moment, toutefois, les autorités chinoises ont persuadé les investisseurs en actions chinoises que leurs intentions politiques vont dans la bonne direction.
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