Un nouveau fonds négocié en bourse accélère la démocratisation des actifs privés
Par : Andres Rincon
avr. 04, 2025 - 6 minutes 30 secondes
Aperçu
- Le premier fonds négocié en bourse (FNB) ayant une importante exposition directe dans des actifs privés a été lancé aux États-Unis.
- Le jour du lancement, la Securities and Exchange Commission (SEC) a réagi à des préoccupations concernant une mesure inhabituelle, mais il aurait été possible de satisfaire aux commentaires par une réponse rapide.
- Un géant des actifs privés propose des offres et des rachats intrajournaliers, ce qui permet au nouveau FNB de détenir de 10 % à 35 % de titres de créance privés tout en maintenant un plafond de 15 % sur les actifs non liquides.
- Un FNB de titres de créance privés similaire pourrait maintenant être lancé au Canada ou sur d’autres marchés ayant un contexte réglementaire progressif.
Récemment, un important émetteur de FNB aux États-Unis a lancé le premier FNB au monde à proposer une exposition directe dans des actifs privés, pour une part importante de la valeur liquidative (VL) du Fonds. Ce FNB vise une pondération de 10 % à 35 % dans les titres de créance privés (pour commencer), assorti de frais de gestion de 0,7 %. Bien que ses activités de négociation aient été convenables et qu’il ait eu une certaine accumulation d’actifs depuis sa création, son véritable exploit tient de son lancement même. Celui-ci pourrait faire contribuer à propulser les FNB dans le vaste secteur des actifs privés et ultimement accroître la démocratisation de cette catégorie d’actif.
Le FNB investit spécifiquement dans des titres de créance privés. Il s’agit d’une vaste gamme d’instruments de crédit, comme des produits contractés directement, émis dans le cadre de placements privés, émis à des sociétés privées ou à des emprunteurs par des prêteurs non bancaires (c.-à-d. des instruments de prêt non bancaires), y compris, sans s’y limiter, des instruments adossés à des créances mobilières et des instruments de financement d’entreprise acquis par un géant des actifs privés (placements autogérés). Selon le prospectus, les titres de créance privés représentent généralement de 10 % à 35 % du portefeuille du fonds. Fait important, la pondération d’actifs non liquides du fonds est plafonnée à 15 %; toutefois, le reste du portefeuille est investi dans des titres de créance publics.
Nous serions négligents si nous passions sous silence les montagnes russes auxquelles la SEC a soumis le secteur peu après le lancement du fonds. Comme le FNB a dominé les manchettes le jour de son lancement, la SEC a envoyé une lettre publique à l’émetteur pour lui faire part de ses préoccupations concernant le nom, la liquidité et l’évaluation du fonds. Il s’agit d’une mesure hautement inhabituelle pour un organisme de réglementation qui, après avoir donné son accord à l’émetteur, prend la décision d’inscrire le fonds sur une liste. Dans le cadre du processus de classement, l’émetteur a vraisemblablement eu de nombreux échanges avec le personnel de la SEC au sujet de ses préoccupations. Or, l’émetteur a rapidement répondu à la lettre le lendemain. Peu de temps après, un rapport de Bloomberg a souligné que la SEC n’avait pas d’autres commentaires, mettant vraisemblablement un terme à la saga qui a pris d’assaut les manchettes le jour du lancement.
C’est ce que l’on qualifie de difficultés.
Qu’est-ce qui rend le nouveau FNB unique?
Même si les participants dans des FNB recourent depuis de nombreuses années déjà aux actifs privés, c’est la première fois qu’une part importante des actifs d’un FNB est directement investie dans ce type d’instrument. Il existe déjà des FNB qui investissent dans des actifs aux liquidités limitées, comme des obligations de prêt garanti et des prêts bancaires. Ces FNB ont la cote auprès des investisseurs étant donné qu’ils sont assortis de taux de revenu plus élevés, surtout dans un cycle de réduction des taux. Il y a également plusieurs fonds aux États-Unis et au Canada qui proposent une exposition indirecte à des actifs privés au moyen de placements dans des sociétés de placements privés ou de développement des affaires. Le nouveau FNB propose une importante exposition directe aux titres de créance privés. L’émetteur décrit les actifs dans lesquels le FNB est susceptible d’investir, dont la plupart n’ont jamais fait partie d’un FNB.
Comment l’émetteur permet-il d’inclure ces actifs dans le FNB? Conformément au prospectus du fonds, un géant d’actifs privés a convenu par contrat de fournir des offres intrajournalières, fermes et exécutoires pour tous les placements autogérés détenus par le fonds. Par ailleurs, il est tenu par contrat de racheter les placements autogérés détenus par le fonds, selon la soumission et la convention d’achat conclue entre le géant des actifs privés et le fonds. Cette entente contractuelle vise à atténuer certaines préoccupations liées à la liquidité propre au FNB et constitue une façon créative de contourner le plafond de 15 % sur les actifs non liquides d’un FNB. Ce plafond de 15 % ne représente pas la majorité des actifs du fonds. Toutefois, il est important de comprendre la complexité des enjeux résolus par l’émetteur, de même que les innovations futures auxquelles le fonds a ainsi donné accès, y compris, peut-être, un FNB détenant 100 % de titres de créance privés à l’avenir.
Moment marquant
Il s’agit d’un moment marquant pour le secteur pour les raisons suivantes :
- Les investisseurs en FNB ont maintenant un accès direct au marché des actifs privés de 30 000 milliards de dollars américains.
- Le partenariat entre l’émetteur du FNB et un géant des actifs privés crée une façon novatrice de contourner le plafond qui limite la détention globale d’actifs non liquides d’un fonds à capital variable à tout au plus 15 % de l’actif net du fonds. D’autres émetteurs de FNB pourraient rapidement emboîter le pas.
- Ce FNB incitera un plus grand nombre d’acteurs des marchés privés à considérer les FNB comme éventuel instrument pour leurs stratégies actuelles et nouvelles.
- Ce fonds établit un précédent pour tous les marchés de FNB à l’échelle mondiale pour qu’ils puissent intégrer des FNB de titres de créance privés.
Maintenant que les États-Unis ont leur FNB de titres de créance privés, le secteur canadien des FNB et d’autres marchés mondiaux devraient emboîter le pas et proposer des produits similaires. Compte tenu du contexte réglementaire progressif au Canada, il ne devrait pas être surprenant qu’un FNB de titres de créance privés semblable soit bientôt lancé au Canada.
Difficultés
Au moment du lancement en septembre, les participants du secteur ont soulevé de nombreuses questions sur la liquidité, le calcul de la VL, le rôle du géant des actifs privés et la tenue de marché. Certaines de ces préoccupations ont été formulées par la SEC, mais l’émetteur y a rapidement répondu le lendemain. Voici les principales préoccupations :
- Liquidité : L’émetteur du FNB propose de détenir de 10 % à 35 % de titres de créance privés, compte tenu de son entente contractuelle avec le géant des actifs privés, tout en respectant le plafond de 15 % des actifs non liquides. Toutefois, la SEC ne croit pas qu’il serait suffisant de se fier uniquement aux offres du géant des actifs privés dans le cadre de l’entente pour déterminer qu’un placement autogéré n’est pas illiquide.
- Calcul de la valeur liquidative : L’émetteur du FNB a confirmé qu’il dispose de plusieurs sources pour déterminer la juste valeur. Toutefois, selon l’expérience de la COVID-19, la VL des FNB de titres de créance publics et, maintenant, celle des FNB de titres de créance privés, peut être considérablement perturbée, car leur cours exécutable diffère de la VL nette calculée.
- Rôle de l’émetteur de titres de créance privés : Le soutien du géant des actifs privés est essentiel au lancement du FNB. Sans les ententes contractuelles pour alimenter le fonds en titres de créance privés, fournir des soumissions fermes et accepter de racheter jusqu’à concurrence d’une certaine limite, le FNB pourrait ne pas être en mesure de surmonter les obstacles réglementaires. Le géant des actifs privés assume le même rôle que celui d’un fournisseur de liquidités. La SEC demande au fonds de modifier son nom pour tenir compte de la nature limitée de la relation du géant des actifs privés avec le fonds, ce que l’émetteur a accepté.
- Tenue de marché : L’absence de marché de négociation peut compliquer la tâche des teneurs de marchés quant à la cotation exacte des placements non liquides du fonds. En conséquence, les teneurs de marchés comptent fortement sur l’émetteur pour fournir des estimations d’espèces afin de fournir des cotes en temps réel. De plus, les teneurs de marchés peuvent devoir assumer des frais de création et de rachat pour la portion en espèces. Ceux-ci peuvent exposer les teneurs de marchés à des risques comme le risque de base ainsi qu’à des perturbations de la VL. Étant donné la nature du FNB, les teneurs de marchés doivent tenir compte de ces risques lorsqu’ils évaluent le FNB.
Le lancement du FNB constitue un moment marquant pour le secteur des FNB. Bien que des incertitudes persistent, le FNB se négocie sur le marché en tant que premier du genre à détenir un montant important de titres de créance privés. Toute technologie de rupture s’accompagnera inévitablement de difficultés et de défis. Or, le FNB devrait permettre au secteur d’accéder au marché des actifs privés de 30 000 milliards de dollars américains. C’est sans aucun doute l’une des percées les plus importantes de l’histoire récente du secteur des FNB.
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