Nouvelles prévisions de la Réserve fédérale américaine : freinez votre enthousiasme
Par : Oscar Muñoz, Gennadiy Goldberg, Molly McGown
mars 01, 2024 - 7 minutesDonc, les probabilités sont bonnes?
La résilience persistante des consommateurs américains et le ralentissement plus rapide que prévu de l’inflation des dépenses personnelles de consommation de base ont renversé les perspectives économiques des États-Unis au début de 2024. L’amélioration marquée de l’inflation cette année permettra vraisemblablement à la Réserve fédérale américaine (Fed) de commencer à assouplir sa politique monétaire en prévision d’une détérioration du marché de l’emploi et d’une réduction des dépenses de consommation – un changement de politique clé qui va à l’encontre de nos prévisions d’une récession.
En fait, nous nous attendions à ce que la Fed soit réactive plutôt que proactive en matière d’assouplissement des taux cette année. Nous étions d’avis qu’elle commencerait à les réduire lorsqu’il serait évident que l’approche de « taux plus élevés pendant plus longtemps » avait l’impact désiré sur la croissance économique. La Fed choisira vraisemblablement d’agir de façon préventive lorsqu’elle apportera sa première baisse de taux, en réaction à des perspectives d’inflation plus favorables plutôt qu’à une détérioration de la conjoncture économique. Il s’agit là d’un changement considérable.
prenne des mesures préventives, nous avons revu notre scénario de base pour l’économie américaine et penchons maintenant en faveur d’un atterrissage en douceur. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que le Federal Open Market Committee (FOMC) procède à 5 réductions de taux cette année dès le mois de mai, amenant le taux des fonds fédéraux dans une fourchette de 4,00 % à 4,25 % à la fin de l’année. Nous prévoyons toujours que la Fed atteigne son objectif de taux neutre d’ici la fin de 2025, en réduisant son taux directeur 5 autres fois pour l’établir dans une fourchette de 2,75 % à 3,00 %. Quant au resserrement quantitatif, nous demeurons d’avis que la Fed annoncera la mise en œuvre, en mars, d’un plan préliminaire pour réduire le resserrement quantitatif (en anglais seulement) et qu’elle l’activera à la réunion du FOMC en mai.
Pourquoi la Fed assouplirait-elle sa politique monétaire dans un contexte de croissance toujours solide?
Les dirigeants de la Fed ne sont plus convaincus qu’il soit nécessaire de freiner outre mesure l’activité économique pour ramener l’inflation à sa cible. La Fed s’est nettement éloignée de son orientation de 2022. Le président Powell avait indiqué qu’un taux directeur élevé nuirait aussi aux ménages et aux entreprises et qu’il s’agissait là des conséquences regrettables associées à la réduction de l’inflation. À l’époque, la Fed prévoyait que le taux de chômage se hisserait à 4,4 % en 2023 et qu’il demeurerait à ce niveau jusqu’à la fin de 2024, ce qui correspond aux conditions du marché de l’emploi généralement propices à une récession.
Lors de la réunion du FOMC de janvier, le président Powell a souligné que la forte croissance n’était plus un enjeu en soi : « Il y a un an… nous pensions que l’activité économique devait ralentir un peu – cela ne s’est pas concrétisé… Nous ne considérons pas qu’il s’agit d’un enjeu. Je crois qu’à l’heure actuelle, nous voulons une forte croissance. Nous voulons un marché de l’emploi vigoureux. Nous ne recherchons pas un affaiblissement du marché de l’emploi. » La Fed s’attend maintenant à ce que le taux de chômage se stabilise à 4,1 % et qu’il y demeure au cours de l’horizon prévisionnel.
Tout est une question de taux réels
La Fed convient globalement que les politiques actuelles sont très restrictives. La plupart des décideurs ont également reconnu que la majeure partie du resserrement des politiques n’a pas encore été entièrement ressentie par l’économie réelle. L’amélioration des facteurs liés à l’offre – dont l’apaisement des perturbations qui ont fait suite à la pandémie de COVID-19 – a vraisemblablement occulté l’impact du resserrement de la politique monétaire. Les décideurs sont conscients que la situation macroéconomique pourrait changer rapidement à mesure que ces facteurs se normaliseront.
« Ce qui se passe, toutefois, c’est que l’offre s’est redressée en cours de route. Mais ce ne sera pas éternel… L’activité augmente du fait que le marché de l’emploi et les chaînes d’approvisionnement s’améliorent. Donc, ce qu’il faut observer, c’est ce qui doit venir après…l’impact des restrictions sera probablement beaucoup plus apparent. »"
— Jerome Powell, président de la Fed
Ces commentaires du président Powell soulignent la crainte de la Fed de trop resserrer sa politique monétaire, alors qu’elle envisage toujours la possibilité d’un atterrissage en douceur compte tenu des progrès rapides réalisés au chapitre de l’inflation. La Fed est consciente que la politique monétaire peut s’avérer encore plus restrictive à mesure que l’inflation recule cette année.
Le profil de croissance toujours solide permet à la Fed de prendre le temps d’obtenir une confirmation supplémentaire que la désinflation des prix de base n’est pas un événement temporaire qui dépend des biens. Toutefois, nous sommes d’avis qu’au premier signe de décélération de la croissance, elle réagira plus rapidement en assouplissant ses politiques restrictives.
Même si la trajectoire actuelle de la Fed prévoit une baisse prudente du taux directeur dans un scénario d’ajustement progressif de la croissance du produit intérieur brut, nous prévoyons une évolution plus prévisible vers une croissance inférieure à la tendance pendant les deuxième et troisième trimestres de 2024 puisque la politique monétaire restrictive pèse davantage sur les conditions déjà fragiles du marché de l’emploi. Dans ce scénario, nous nous attendons à ce que la Fed poursuive dans un premier temps son plan d’assouplissement préventif à compter de mai, et à ce que le FOMC annonce vraisemblablement des réductions de taux lors d’une réunion sur deux. Cependant, s’il devient évident que la croissance ralentit, la Fed sera probablement contrainte de mettre en œuvre des réductions à chaque réunion dès juillet. Même dans notre scénario de cinq réductions cette année, la politique monétaire demeurera particulièrement restrictive; seulement légèrement moins pénalisante que ce que prévoient actuellement les dirigeants de la Fed.
En effet, même si la Fed assouplit les taux nominaux, sa politique restera vraisemblablement très restrictive en données réelles jusqu’à la fin de l’année. C’est pourquoi nous croyons qu’elle pourrait recourir à l’assouplissement pour des raisons d’inflation, dans le but de maintenir le niveau de restriction actuel de sa politique. En reportant sa décision d’assouplir les taux, elle resserrerait en fait son orientation politique réelle.
Risques par rapport à nos perspectives
Nos perspectives plus conciliantes comparativement à celles de la Fed et les prix actuels du marché reposent à la fois sur nos prévisions d’un ralentissement continu de l’inflation de base et sur une dynamique de croissance inférieure à la tendance. Certains risques persistants pourraient contrecarrer nos prévisions, en particulier compte tenu des nombreuses incertitudes qui font suite à la pandémie de COVID-19 et qui sont susceptibles de se répercuter sur les fondements structurels de l’économie. Il s’agit notamment d’une hausse permanente de la croissance de la productivité, d’une hausse du taux neutre, ou d’une efficacité plus limitée du resserrement de la politique monétaire.
Selon la direction que prendront ces variables, la Fed pourrait assouplir les taux plus rapidement que nous ne l’avons prévu pour le moment ou adopter une approche encore plus prudente en ramenant la politique à un niveau neutre. Dans le tableau ci-dessous, nous expliquons comment différents scénarios pourraient influer sur les décisions de politique de la Fed et en présentons les répercussions pour le marché des taux. Nos attentes par rapport à un atterrissage en douceur sont maintenant de 60 %, comparativement à 35 % pour un atterrissage brutal.
Un atterrissage en douceur est plus probable en 2024
Mise à jour des prévisions de taux du Trésor
Compte tenu de la mise à jour des prévisions de la Fed, nous révisons nos prévisions à la hausse. Quelques changements méritent d’être mentionnés :
- Niveau des obligations à 10 ans à la fin de 2024 : Étant donné que nous prévoyons une réduction plus graduelle des taux de la Fed, nous nous attendons maintenant à ce que le taux des obligations à 10 ans termine l’année à 3,45 %. Ce résultat demeure inférieur aux attentes et aux prévisions du marché, car nous croyons que la Fed procédera à des réductions plus importantes que ce à quoi s’attend le marché. Même si l’on s’attend à d’autres baisses des taux obligataires, celles-ci devraient être plus graduelles que prévu.
- Report du creux des taux obligataires : Nous nous attendions à ce que les taux atteignent un creux au premier trimestre de 2025, mais nous avons repoussé cet événement au troisième trimestre de cette même année, lorsque les taux se rapprocheront d’un niveau neutre, à 3 %. Par ailleurs, comme nous sommes d’avis que le rythme des réductions en 2025 devrait ralentir, il est possible que les taux demeurent près de leur creux pendant un certain temps.
- Accentuation plus graduelle de la courbe : Comme la Fed devrait commencer à réduire les taux en mai, nous nous attendons toujours à ce que la courbe commence à s’accentuer au cours des prochains mois, mais à ce que l’accentuation soit plus graduelle. Nous prévoyons maintenant que l’accentuation maximale de la courbe se produira vers le milieu de 2025 et qu’elle oscillera à ces niveaux pendant un certain temps.
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