Invités : Frank McKenna, Président suppléant, Valeurs Mobilières TD et Chris Krueger, Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen.
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Frank discute avec Chris Krueger, du Groupe de recherche sur Washington de TD Cowen, des 30 premiers jours de l’administration Trump et de la guerre commerciale en cours avec le Canada. Chris décrit ses plus grandes surprises à ce jour, y compris le très grand nombre de décrets de la part de l’exécutif; il estime que son équipe à Washington a sous-estimé la cadence lorsqu’elle a laissé entendre que l’administration Trump 2.0 mettrait les bouchées doubles.
Frank détaille la stratégie de défense du Canada et pense que la cohésion à l’échelle nationale sera la clé pour contrer les droits de douane américains. Toutefois, il est d’accord avec l’ancien premier ministre Harper et pense que les Canadiens devront se préparer à certains défis pendant cette période difficile. Il explique également ce qu’impliquent les barrières interprovinciales et suggère qu’elles agissent comme un tarif de 7 % sur les marchandises transportées d’une province à l’autre.
Chris nous fait aussi part de ses plus grandes surprises à ce jour concernant le deuxième mandat de Trump, y compris l’influence d’Elon Musk. Chris et Frank pensent que la droite de la Cour suprême donnera à Trump la marge de manœuvre nécessaire pour poursuivre ses changements à Washington, mais qu’elle maintiendra certaines mesures de sécurité en place.
Chapitres : | |
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03:23 | Commentaires terrifiants du premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador |
10:38 | Prochaines étapes dans le débat sur les droits de douane entre le Canada et les États-Unis |
15:40 | La Cour suprême freinera-t-elle les ambitions de l’exécutif? |
24:40 | Inonder la zone pour changer le discours aux États-Unis |
31:22 | L’influence d’Elon Musk sur la Maison-Blanche |
33:52 | Le conseil de Frank aux leaders politiques canadiens |
42:37 | Fonds de gestion souveraine de Trump |
51:40 | Comprendre les obstacles au commerce interprovincial |
56:29 | Réouverture de l’ACEUM et gestion de l’accès des États-Unis aux minéraux rares du Canada |
Ce balado a été enregistré le 18 février 2025.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode de février de Géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD. Il s’agit de l’épisode 62 de cette série de balados dans laquelle, chaque mois, Frank nous donne son point de vue sur les enjeux géopolitiques mondiaux.
De temps à autre, on invitera certains de nos collègues à participer au balado. Ce mois-ci, c’est notre collègue Chris Krueger, du Groupe de recherche de Washington de la TD, qui s’est joint à nous. Chris fait partie de l’équipe de recherche la mieux classée pour les affaires gouvernementales et sa spécialité est la géopolitique. Frank et Chris, avec notre collègue, l’honorable Rona Ambrose, ont passé beaucoup de temps ensemble à essayer de déchiffrer certaines des actualités à Washington, au Canada et à Ottawa. Merci de votre présence aujourd’hui, Chris. Et tant pis pour le calme qu’on espérait après l’investiture.
CHRIS KRUEGER : Oui, ça a été quelque chose.
PETER HAYNES : Oui, on va parler un peu plus tard du classement de tout ça à l’échelle de notre vie, du moins en tant que Canadiens. Je vais commencer par vous, Frank, sur cet aspect. C’était vraiment une fin de semaine inoubliable, on enregistre ici mardi après la fin de semaine de la Coupe du monde de hockey, notre sport d’hiver national au Canada, qui s’est avérée ne pas être un match des étoiles.
C’est intéressant d’entendre la NBA et la Ligue majeure de baseball se dire qu’elles devraient faire quelque chose de semblable. La Coupe du monde de hockey est littéralement devenue une guerre. Avez-vous l’impression, Frank, que même si les joueurs canadiens et américains ne l’ont pas dit pendant le match de samedi soir, c’était plus qu’un simple match?
FRANK MCKENNA : À mon avis, oui. Les émotions étaient très vives. Vous avez vu les bagarres dans les premières secondes. Tout d’abord, je dirais que c’est un excellent sport pour les spectateurs. Les audiences et l’intérêt que ça suscite sont extraordinaires. C’est du très bon hockey. Alors, c’est très agréable de regarder les meilleurs contre les meilleurs. Je dirais que nos joueurs de hockey se battaient contre les droits de douane, par procuration, sur la glace.
La seule chose malheureuse, c’est que je n’aime pas que les supporters huent l’hymne national d’un autre pays. D’un autre côté, je comprends à quel point tout le monde est remonté, à quel point les gens sont en colère partout au pays et ont besoin d’exprimer leurs frustrations. Je ne les en blâme pas. J’aimerais juste qu’on puisse s’asseoir calmement ou trouver une autre façon d’exprimer notre indignation à l’égard de ce qui se passe.
CHRIS KRUEGER : Je suis d’accord. Ce n’est pas correct, mais c’est aussi compréhensible, malheureusement.
PETER HAYNES : Oui. Frank, vous avez passé la majeure partie de votre vie d’adulte en politique. Comment classez-vous la crise existentielle actuelle au Canada sur l’échelle du temps que vous avez passé dans la fonction publique?
FRANK MCKENNA : Peter, j’ai vécu beaucoup de choses lors des premières négociations d’accord de libre-échange à la fin des années 1980. C’était intense, tout comme les négociations de l’ALENA. L’accord du lac Meech était également extraordinairement intense.
Mais je dirais que le plus intense, c’était le référendum au Québec, lorsque j’ai fait campagne au Québec pour le grand rassemblement. C’est probablement l’événement le plus tendu auquel j’aie assisté. Ce qui arrive se situe dans ces sommets. Je dirais que cette situation se classe tout en haut, certainement avant les autres négociations. La température dans ce cas est juste au rouge brûlant.
PETER HAYNES : Alors, Frank, avant qu’on se penche un peu plus sur les événements actuels qui, comme vous le dites, sont couleur rouge brûlant, j’aimerais commencer par la récente visite à Washington des premiers ministres des 13 provinces et territoires du Canada, un voyage qui visait à influencer les cœurs et les esprits des politiciens et des membres des hauts dirigeants de l’arche de Trump au sujet des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis.
Après ce voyage, le premier ministre de Terre-Neuve, Andrew Furey, a déclaré à la CPAC que c’était, je cite, « effrayant » d’entendre l’un des principaux conseillers du président Trump dire qu’il était sérieux lorsqu’il a dit vouloir faire du Canada le 51e État. Il a aussi déclaré qu’il avait quitté Washington en étant parfaitement conscient que M. Trump lançait une attaque non seulement contre l’économie du Canada, mais aussi contre sa souveraineté.
Il a déclaré qu’il était temps de réévaluer la stratégie de l’Équipe Canada pour garantir une réponse ferme qui trace une ligne de démarcation. Selon vous, qu’est-ce que M. Furey a voulu dire?
FRANK MCKENNA : Je lui ai parlé, ainsi qu’à d’autres premiers ministres et ils ont tous été choqués et découragés par l’accueil qu’ils ont reçu à Washington. Je tiens à ce qu’il soit clair dès le départ qu’il y a une grande différence entre le point de vue de M. Trump et de son entourage et celui des États-Unis en général, des simples citoyens jusqu’aux élus de la Chambre des représentants et du Sénat.
Mais je pense que ce que M. Furey a vraiment voulu dire, c’est qu’on doit vraiment faire preuve de détermination, parce qu’on est engagés dans une vraie bataille. Le résultat final a été que les premiers ministres sont plus unis et déterminés que jamais, de mémoire récente.
L’ancien premier ministre, Stephen Harper, a déclaré qu’il fallait pouvoir endurer n’importe quelle intensité de douleur pour gagner cette bataille, ce qui devrait être un appel à l’action. Et puis, Conrad Black, qui a été pardonné par M. Trump lors du premier mandat et qui a été très proche de M. Trump et de ses associés, a déclaré haut et fort qu’il fallait donner une leçon aux États-Unis, qu’il fallait combattre la situation et la combattre avec force.
C’est l’humeur qui règne au pays. Peter, je vais prendre quelques minutes pour vous expliquer pourquoi on va gagner cette passe d’armes et pourquoi elle se retrouvera dans le rétroviseur à un moment donné. Si vous voulez bien suivre mon raisonnement un instant, il y a trois raisons pour lesquelles on finira par gagner cette bataille en tant que Canadiens : premièrement, nous sommes unis. Mais je vais juste passer en revue les faits. Tout d’abord, les faits sont de notre côté.
Dans l’ensemble, nos échanges commerciaux sont les plus importants de tous les pays du monde et notre déficit commercial est le plus faible de tous les pays du monde, avec seulement 5 % du déséquilibre commercial total des États-Unis. On est le plus important client des États-Unis. On fournit 62 % de toutes les exportations de pétrole vers les États-Unis. Et 25 % de leur capacité de raffinerie nécessite du pétrole canadien. On expédie 45 % de notre gaz naturel aux États-Unis.
La potasse, 77 % à 80 % de celle-ci consommée aux États-Unis provient du Canada. Trente millions de personnes profitent du chauffage et de l’éclairage grâce aux réacteurs nucléaires alimentés à l’uranium canadien. Trente-trois térawatts d’électricité traversent la frontière pour les États-Unis. Pour les produits raffinés, 95 % de l’État du Maine à lui seul a besoin de mazout canadien.
Cinquante pour cent du nickel provient du Canada. Le tourisme est quatre fois plus important que dans n’importe quel autre pays du monde. Soixante-dix pour cent de toutes les exportations américaines d’aluminium viennent du Canada. Et dans le secteur de l’acier, on est aussi le plus grand exportateur.
Dans le secteur des services, ils ont un excédent de 25 milliards de dollars grâce à nous, qu’ils n’enregistrent pas. De notre côté, une armée de canons et de drogues traverse la frontière du sud vers le nord, pour laquelle on doit avertir les États-Unis. Toutes ces choses jouent en notre faveur.
Mais il y a aussi d’autres facteurs en notre faveur. L’un d’eux est ce que j’appellerais l’émotion pure. Selon moi, les Américains ne nous détestent pas et ne veulent pas de cette bagarre.
En fait, selon un sondage d’Angus Reid, seulement 25 % des Américains sont favorables aux tarifs douaniers de 25 % imposés au Canada. Ce chiffre est réduit de moitié lorsque vous mentionnez le fait que ça pourrait entraîner une hausse du prix de l’essence ou du prix des matériaux aux États-Unis. Alors, je dirais que le niveau de soutien du peuple américain est faible.
Et puis, il y a toutes les autres relations qu’il ne faut jamais oublier : les gens dans les collectivités voisines, les membres des syndicats, les gouverneurs et les premiers ministres, etc. Je pense que le cœur et l’esprit dans cette campagne sont également extraordinairement importants.
Je pense à une note que j’ai lue hier, que le maire de Haynes, en Alaska, a envoyée à son homologue du Yukon en lui disant : « Peut-on encore être amis? » Je pense qu’en fin de compte, ce sera aussi un élément très important.
Mon fils est à Tampa pour assister à une partie de baseball d’avant-saison. Il m’a prévenu avant de partir. Il a dit, je vais devoir surveiller de près ma femme, parce qu’elle devient furieuse chaque fois qu’elle regarde une certaine personne à la télévision parler du Canada.
Je lui ai envoyé une note hier en lui demandant : « Comment ça se passe? As-tu réussi à éviter des ennuis à ta femme? » Il a répondu : « Écoute, on a rencontré 20 Américains en très peu de temps et chacun d’eux s’est excusé pour toute offense qu’on pourrait ressentir en entendant la rhétorique de leurs dirigeants politiques. » Je pense que c’est l’humeur générale qu’on rencontre.
Le dernier point que je vais soulever, Peter, puis je vais m’arrêter, c’est ce que j’appelle la loi des groupes. J’ai eu de nombreuses expériences en politique qui m’ont amené à me demander pourquoi les petits groupes réussissent toujours à surpasser les plus grands groupes. La raison pour laquelle ils le font, c’est qu’ils ont plus d’énergie, plus d’intensité et qu’ils se soucient davantage des choses.
Dans ce cas-ci, le Canada se soucie beaucoup plus de ce problème que les États-Unis. Ce n’est pas la taille du chien dans la bagarre qui compte. C’est la taille de la bagarre dans le chien, comme on avait l’habitude de le dire à la ferme. Et en ce moment, la taille de la bagarre dans le chien au Canada est très importante.
Vous verrez qu’aux États-Unis, ils vont se calmer très rapidement au sujet d’une guerre tarifaire avec nous lorsqu’ils verront la réaction du dollar américain, du marché boursier ou du marché obligataire et qu’ils se rendront compte que le Canada est totalement galvanisé, totalement uni et déterminé à lutter et à le faire durement.
On en voit déjà des signes. Le sénateur Collins du Maine dit : « Écoutez, vous ne pouvez pas arrêter l’acheminement du mazout vers le Maine. » Le sénateur Grassley en Iowa dit qu’on ne pouvait pas arrêter d’exporter la potasse dans l’Iowa, le chef de la direction de Ford a déclaré qu’il y aurait des mises à pied et des pertes massives si ces droits de douane étaient adoptés, les dirigeants du secteur pétrolier ont parlé du prix de l’essence et le Wall Street Journal a écrit que c’était la guerre sur les droits de douane la plus stupide qui ait jamais existé.
Je pense qu’il y a beaucoup de choses en jeu, Peter, si on entre dans une véritable guerre douanière, c’est pourquoi je veux que les gens qui nous écoutent aujourd’hui sachent qu’on va peut-être traverser une période d’incertitude, mais qu’on va finir par gagner.
PETER HAYNES : J’adore votre confiance, Frank, au nom de tous les Canadiens. On a un homologue américain avec nous, Chris Krueger. Chris, j’aimerais parler des prochaines étapes de cette relation entre le Canada et les États-Unis et des discussions sur les tarifs douaniers.
CHRIS KRUEGER : C’est un plaisir d’être avec vous tous. Les 4 et 12 mars, nous en apprendrons beaucoup. Le 4 mars est la date limite de 30 jours pour les tarifs généraux initiaux proposés par le président Trump en vertu de l’IEEPA. IEEPA étant l’International Economic Emergency Powers Act.
C’est la loi de la fin des années 1970 que M. Trump a utilisée pour imposer ces droits de douane de 10 % sur les flux de médicaments illégaux de Chine plus tôt ce mois-ci. Alors, le 4 mars, il y a un sursis de 30 jours pour le tarif général de 25 %, ainsi que pour les droits de douane de 10 % pour l’énergie.
Ensuite, le 12 mars, il y aura les droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium. Ils s’accumulent, en ce sens que si ces deux droits étaient imposés, les droits de douane sur l’acier et l’aluminium seraient en fait de 50 %. En fait, ce n’est pas 2 %, puis une augmentation. Il y a des paliers d’augmentation.
Pour le tarif général initial de 25 %, c’était comme pour les droits de douane chinois sur les questions non liées au commerce, en particulier la migration et les flux de médicaments illégaux.
J’ai beaucoup de sympathie pour les commentaires précédents de Frank et je suis d’accord. Du point de vue des politiques publiques, le Canada et le Mexique ont fait de nombreux progrès à l’égard de ces deux enjeux, le Canada ayant non seulement déployé des fonds, mais aussi adopté des positions stratégiques supplémentaires à l’égard des flux migratoires et d’autres enjeux.
Pour ce qui est des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, ils sont prévus à l’article 232. Ça relève du Département du Commerce. C’est une question de sécurité nationale.
On a déjà vu ce film, même si c’était une version différente. On l’a vu en 2018. Le Canada et le Mexique travaillent essentiellement sur des quotas de facto depuis l’imposition de ces droits de douane initiaux. On verra comment ça va se dérouler. Je pense qu’à long terme, il y a aussi la renégociation de l’AEUMC. Les prochains moments marquants sont le 4 et le 12 mars.
J’ai bon espoir que ça se termine par un résultat final qui améliorera les relations commerciales et frontalières entre les trois pays, mais je pense que ça se fera sur une plus longue échéance, les 4 et 12 mars étant les prochains grands indicateurs de la suite.
PETER HAYNES : Chris, le mois de mars marque le deuxième anniversaire de la fusion de Cowen et de Valeurs Mobilières TD, le Groupe de recherche de Washington faisant partie de Cowen. J’aimerais vous ramener à l’époque où vous travailliez pour une banque canadienne. Selon vous, quelles seraient vos pensées en ce moment si vous n’aviez pas la compréhension claire que vous avez en travaillant beaucoup avec les Canadiens, de l’importance de ce problème? Pensez-vous que vous auriez conscience de la gravité de la situation pour les Canadiens, si vous n’étiez pas régulièrement témoin de notre passion et avec toutes les réunions auxquelles vous assistez ici?
CHRIS KRUEGER : Eh bien, je pense que Frank l’a très bien dit. Mais j’ai grandi au Vermont et je me souviens très bien des votes sur l’indépendance du Québec. Pour avoir grandi à 50 milles de la frontière canadienne, j’ai beaucoup d’amis des deux côtés.
Mais je dirais, si on peut prendre un peu de recul, que ça n’arrive pas de nulle part. Je veux dire que ça fait partie du choc et de la stupéfaction, la composante de la zone inondable, du tout premier mois de la deuxième administration Trump.
Je comprends très bien le point de vue canadien à ce sujet. Mais aussi, si vous regardez au sud de la frontière, il se passe tellement d’autres choses, pas seulement au sein de l’administration, mais dans l’ensemble, qui n’arrivent pas de nulle part. Nous espérons que l’AEUMC sera plus solide. Mais je pense que ce sera une longue route.
PETER HAYNES : Oui. Chris, vous avez parlé du délai de 30 jours accordé au Canada et au Mexique pour les droits de douane. On approche du trentième jour de Trump 2.0. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ces 30 premiers jours? Il y a ce chaos, c’est évident, mais dites-nous un peu ce qui vous surprend le plus.
CHRIS KRUEGER : Notre groupe de six personnes à Washington, le Groupe de recherche de Washington, a publié une note avant-gardiste à la mi-janvier pour tenter de prédire, du mieux possible, ce que seraient les cent premiers jours de l’administration Trump. On a intitulé cette note : « All Gas, No Brake. » Et naïvement, je crois qu’on a sous-estimé les choses.
En général, j’aime présenter les choses en trois temps, comme Frank l’a fait plus tôt. Mais en fait, cinq points sont sortis du lot, sans ordre particulier. Premièrement, il n’y a pas eu que la vitesse, mais il y a eu le couple de ces annonces de politiques. Il n’y en a pas qu’une par jour. Il y en a six ou sept par jour, au sujet desquelles, selon moi, aucune ne fera l’objet de dissertations de doctorat.
Le deuxième point, du moins de mon point de vue, c’est l’absence apparente d’opposition de la part des démocrates élus ou d’autres. On dirait que M. Trump est simplement seul aux commandes. Avec la mémoire de 2017… L’opposition, la soi-disant résistance, etc. Ça a été une surprise.
Troisièmement, je dirais la rapidité avec laquelle le Cabinet, hormis Matt Gaetz, a été confirmé, avec des choix très peu conventionnels, où les républicains se sont essentiellement solidarisés pour faire front commun avec quelques opposants connus.
Le quatrième point, je dirais que c’est le DOGE, le Département de l’efficacité gouvernementale. Aucun véritable précédent. L’une des choses qu’on fait au Groupe de recherche de Washington, pas seulement à la TD, à Cowen et dans d’autres sociétés, c’est consulter une foule de précédents et d’histoires, ou au moins de théories de la mosaïque, pour expliquer ou mettre en contexte ce qui se passe dans les politiques publiques. Le DOGE est vraiment une licorne. Je pense que personne ne sait ce qu’il adviendra de ça.
Enfin, je dirais les droits de douane pour la Chine. Si on revenait en arrière au début de novembre et qu’on déclarait à cette époque qu’en février prochain, l’administration allait imposer un droit de douane de 10 % sur l’ensemble des 400 milliards de dollars de marchandises importées de Chine, sans exception, contrairement à 2018 et 2019, avec des répercussions sur tout, y compris les biens de consommation, et, qu’en fin de compte, le marché boursier serait à la hausse, je crois que personne n’y aurait cru.
C’est parce qu’on n’a pas fermé la plus grande zone de libre-échange au monde le même jour. Il n’y a pas eu ces droits de douane de 25 % pour le Canada et le Mexique le même jour. Mais le simple fait d’imposer ces droits de douane de 10 % à la Chine par l’intermédiaire de l’IEEPA, pour la première fois que cette loi est déclenchée, est historique.
Ça pourrait bien être une aberration. Ce pourrait être, fondamentalement, le début d’une refonte du processus commercial mondial. Mais on verra. Mais ce ne sont là que quelques-unes des choses qui n’ont été rien de moins qu’historiques et rien de moins qu’extraordinaires.
PETER HAYNES : Je vais revenir sur les quatrième et cinquième points : l’IEEPA et le DOGE. L’un des aspects controversés des premiers jours de l’administration Trump, c’est sa volonté apparente d’avoir un pouvoir exécutif sans aucune limite apparente, y compris, comme vous l’avez mentionné, d’utiliser l’IEEPA pour les droits de douane sur l’acier et l’aluminium et, bien sûr, de menacer plus largement, avec des sanctions contre le Canada, le Mexique et, j’en suis certain, d’autres pays bientôt.
Jusqu’à maintenant, les tribunaux inférieurs ont repoussé les actions de l’exécutif qui allaient trop loin, y compris la question du 14e Amendement et du droit du sol et certaines des actions du DOGE contre des organismes comme l’USAID.
La réaction de l’administration Trump et d’Elon Musk en particulier a été que tout juge qui fait obstacle à l’exécutif devrait être congédié. Dimanche, M. Trump aurait déclaré : « Celui qui sauve son pays ne viole aucune loi. » Je crois que c’est suite à des mèmes napoléoniens et maintenant il a affiché cette déclaration partout sur sa plateforme de médias sociaux. Êtes-vous surpris de l’approche audacieuse de l’administration et que pensez-vous qu’il se passera quand ces questions seront portées devant la Cour suprême?
CHRIS KRUEGER : C’est une excellente question pour John Roberts, Brett Kavanaugh et d’autres membres de la Cour. Je pense que ce sera beaucoup au cas par cas. Il y a des précédents, n’est-ce pas? Andrew Jackson… Et c’est l’un des portraits qui sont dans le bureau ovale. Intéressant comme personnage historique. M. Trump est un personnage historique, que vous soyez d’accord ou pas avec lui. Ça ne fait aucun doute.
De notre point de vue, la question plus générale de politique publique à surveiller sera celle de la retenue. C’est une question que M. Trump et ses supporters veulent contester. La retenue est au cœur de cette note de service sur le gel des dépenses du gouvernement fédéral.
Désormais, il est confirmé que Russell Vought dirigera le Bureau de la gestion et du budget, un poste incroyablement influent. Ce que M. Vought et ses alliés diraient, je crois, c’est que la retenue, en particulier dans la loi de 1974, est anticonstitutionnelle.
La retenue, c’est la capacité d’un président de ne pas allouer, de ne pas dépenser les fonds discrétionnaires affectés au Congrès. Tous les présidents, de Thomas Jefferson à Richard Nixon, ont retenu des fonds. Ce sont les abus perçus en matière de retenue qui ont mené à la loi de 1974.
Selon nous, cette question finira par être portée devant la Cour suprême. Si la Cour suprême annulait la loi de 1984, le pouvoir passerait massivement du législatif à l’exécutif. Alors, c’est un point à surveiller. On n’a pas vraiment d’opinion arrêtée sur la façon dont ces neuf juges vont voter, autre que les trois libéraux qui vont contrer les trois conservateurs purs et durs, puis il y a les trois juges au centre.
Sous le président Clinton, vous aviez le droit de veto partiel. Cette décision a été annulée par les tribunaux. Du point de vue de la jurisprudence, la Loi sur la retenue tient peut-être. Mais si on prend du recul, la question la plus importante probablement dans tout ça, du point de vue de la politique publique, est celle de la retenue.
PETER HAYNES : Frank, vous étudiez de près la Cour suprême. Je sais qu’on a déjà parlé, dans ce balado, de certaines de vos interactions avec des membres de la Cour suprême aux États-Unis. Que pensez-vous des mesures prises par l’administration et des efforts qu’elle semble déployer pour repousser les limites du pouvoir de l’exécutif par rapport à celui des tribunaux et du Congrès?
FRANK MCKENNA : Il n’y aura jamais de meilleur alignement entre le président et la Cour suprême qu’à l’heure actuelle. Ils ont démontré qu’ils sont prêts à faire des pieds et des mains pour soutenir M. Trump dans toutes ses procédures judiciaires et, selon moi, avec l’attitude qu’ils adoptent à l’égard de l’exercice du pouvoir par un président.
Je suppose que certaines limites seront tracées. Je pense que la juge en chef et probablement Mme la juge Barrett deviendront de temps à autre un peu moins partisanes. Mais, dans l’ensemble, je pense que le président aura gain de cause devant la Cour suprême.
PETER HAYNES : C’est préoccupant, mais on va devoir surveiller ça. Restez à l’écoute avec nous, c’est certain. Frank, je vais changer de sujet, faire un suivi et parler du Super Bowl. Je tiens à mentionner que le gouvernement de l’Ontario a publié une publicité partout aux États-Unis faisant la promotion de la province au Canada, qui a été décrite comme étant, je cite : « La publicité la plus poliment agressive du Super Bowl. » Pourquoi est-ce que les autres niveaux du gouvernement canadien n’inondent pas davantage la zone MAGA avec des publicités, des apparitions auprès des agences de presse de droite comme Fox et des publications sur les médias sociaux?
FRANK MCKENNA : Vous soulevez un excellent point. Je pense que l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de gouvernements ne le font pas, c’est qu’il y a un certain niveau de boxe simulée en ce moment. On ne sait pas contre quoi on se bat. Est-ce qu’on se bat contre les droits de douane? Est-ce qu’on se bat contre les dépenses de défense? Est-ce qu’on se bat contre le fentanyl? Est-ce qu’on se bat pour l’eau? Alors, c’est assez difficile.
L’autre chose, bien sûr, c’est que les poteaux de but se déplacent constamment. Maintenant, on entend dire qu’il pourrait y avoir des droits de douane sur le secteur automobile. L’acier et l’aluminium ont été lancés la semaine dernière, et ainsi de suite.
Mais lorsque je discute avec les premiers ministres provinciaux, les dirigeants territoriaux, les ministres et les fonctionnaires, j’insiste beaucoup sur l’importance d’une campagne au niveau des cœurs et des esprits. Je pense que ce que l’Ontario a fait est louable, important et influent.
La semaine dernière, j’ai parlé à un premier ministre et je lui ai dit qu’il fallait faire la même chose. Il faut exprimer les choses de façon à ce que les Américains comprennent clairement ce qui est en jeu ici.
Alors, je dirais qu’il y a deux parties au message, Peter. Il y a d’abord les faits. Chris, ça vous surprendra probablement, mais je pense qu’à peu près tous les Canadiens, et on est plus de 40 millions, connaissent les faits quant aux relations commerciales avec les États-Unis. Je peux assister à un match de hockey local et les gens viennent me voir pour me parler de réciprocité, de pétrole, du prix du pétrole et des chiffres commerciaux.
Les Canadiens sont vraiment conscients des faits, ce qui les met encore plus en colère, franchement. Mais il faut aussi que les Américains connaissent les faits. M. Trump croit en ce montant de 200 ou 250 milliards de dollars, ce qui n’est rien d’autre qu’un chiffre fallacieux. C’est simplement un mensonge. C’est faux. Mais il le sème un peu partout et personne ne le réfute vraiment.
Je pense qu’il faut donner les faits aux Américains. On doit donner les faits… Comme on le dit parfois, il faut pêcher là où les poissons mordent. Dans ce cas-ci, il faut se rendre dans les sphères d’influence du président Trump, de Fox News, de Newsmax, de Joe Rogan et toutes les autres sphères d’influence, comme Sinclair Broadcasting et ainsi de suite et y faire valoir les faits réels concernant les relations entre le Canada et les États-Unis.
On doit faire ça. Deuxièmement, il faut jouer sur les cordes sensibles. On est les meilleurs amis. Qu’est-ce qu’on a fait de mal?
On doit poser cette question parce que je pense qu’instinctivement, les Américains et les Canadiens se respectent. On est cousins. On est voisins. On est alliés. On est partenaires commerciaux. On est toutes ces choses. On a toujours pensé que c’était bon pour nous et bon pour eux. Alors, si on a mal agi, à quel moment?
Je pense qu’il est important que les États-Unis comprennent que, aussi puissants qu’ils soient, et ils le sont, on les respecte énormément. Tout le monde a besoin d’amis. On reconnaît qu’au Canada, on a besoin d’amis. On a surtout besoin d’être amis avec notre voisin. On n’a qu’un seul voisin et on veut qu’il soit notre ami.
Je pense que les Américains finiront par en venir à la conclusion qu’ils ont besoin d’amis eux aussi et qu’ils n’ont jamais eu de meilleur ami en plus de cent ans que leur voisin du Nord, le Canada. Je crois que tout ça va contribuer à façonner le débat.
PETER HAYNES : Je suppose, Frank, qu’on doit résoudre l’incertitude à Ottawa avant de pouvoir vraiment élaborer cette stratégie. J’espère que ça se fera le plus tôt possible. Vous avez parlé des poteaux de but qui se déplacent. Pour rester dans le thème du football, je ne sais pas si vous avez entendu cette suggestion, mais ils envisagent littéralement de relever la hauteur des buts sur les terrains de football de la NFL à chaque mi-temps pour qu’il devienne plus difficile de marquer un but plus tard au cours du jeu et ainsi encourager les équipes à marquer des essais et à essayer de marquer des points au touché. J’ai pensé que ça vous plairait.
Mais quoi qu’il en soit, on reste avec le Super Bowl, Chris. Dans le cadre d’une tradition jusqu’à il y a quelques années, je crois jusqu’aux dernières années sous le mandat de M. Biden, la chaîne de télévision qui organise le Super Bowl accordait une entrevue au président en poste. C’est ce qui s’est produit cette année. Bien sûr, c’est Bret Baier de Fox qui a interviewé le président Trump.
Ce que la plupart des gens ont retenu de cette entrevue, c’est le refus apparent de M. Trump d’appuyer son vice-président, JD Vance, en tant que prochain chef du Parti républicain. Il a déclaré : « C’est trop tôt. Il y a beaucoup de bons candidats. » Chris, est-ce que ça veut dire qu’il y a beaucoup de bons candidats avec le nom de famille Trump, 47 lui-même, ou Donald Jr?
CHRIS KRUEGER : Je ne crois pas. Je n’ai pas trouvé ça très surprenant. Si vous lisez la citation au complet, vous verrez qu’il a fait le maximum pour féliciter et complimenter son vice-président, M. Vance. M. Vance n’a que 40 ans. M. Trump parle souvent d’ententes, d’influence, etc.
Dès le moment où M. Trump nomme un successeur, il devient un canard boiteux. Je pense que M. Trump ne fera jamais le moindre effort pour vraiment peser sur la balance, parce qu’il perdrait alors son influence.
On a beaucoup parlé du fait que, selon nous, le président Trump est tout à fait à l’aise d’être un paradoxe. Ce qu’on veut dire par là, c’est qu’il va promouvoir des politiques et des personnes qui semblent être très contradictoires. Ça ne sert qu’à augmenter son influence. On a appelé ça la prime au chaos. Ce qui le place au centre de toutes les décisions.
Alors, je ne m’attends pas à ce qu’il change avant longtemps. En fin de compte, on en revient à ce qu’on a appelé le principe Highlander : il ne peut en rester qu’un. M. Trump est président, il agira comme tel.
PETER HAYNES : En parlant du principe Highlander, Elon Musk a été véhément dernièrement sur des questions politiques en Allemagne, au Royaume-Uni et au Canada, pour n’en citer que quelques-uns. Il y a eu des rumeurs selon lesquelles il a même des algorithmes et des robots Twitter qui sont mis en place pour influencer le résultat des élections, y compris au Canada.
La semaine dernière, il a prononcé un discours très médiatisé avec M. Trump, assis derrière le bureau Resolute, en présence de son fils de quatre ans. Que pensez-vous de son influence croissante à la Maison-Blanche et avez-vous une idée de la position de M. Musk sur la question des droits de douane?
CHRIS KRUEGER : Vraiment pas. Comme je l’ai dit plus tôt, c’est vraiment sans précédent. Le DOGE semble changer presque chaque jour. Pour souligner une chose toutefois, avec de nombreux auditeurs canadiens, on peut utiliser une métaphore du hockey : peut-être patiner jusqu’à l’endroit où pourrait se trouve la rondelle? Il y a deux côtés à un bilan. Vous avez des dettes, puis des actifs.
Je pense qu’à un moment donné, qu’il s’agisse du DOGE, du Trésor… Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, en a beaucoup parlé… C’est ce que M. Bessent a appelé la monétisation du bilan, ainsi prendre l’efficacité du gouvernement, prendre les perturbateurs, prendre les opposants, pour essayer de repenser notre façon de voir les actifs énormes du bilan américain, cette idée que les États-Unis sont riches en actifs, mais pauvres en liquidités. Qu’il s’agisse de la création d’un fonds souverain ou de la refonte de certaines de ces autres propositions, je pense que c’est probablement une discussion de balados pour nous au printemps.
PETER HAYNES : C’est intéressant que vous abordiez ce sujet parce que le célèbre économiste Bob Shiller, à un moment donné, a laissé entendre que les pays devraient vendre leurs propres actions. Parmi tous les présidents ou les personnes au monde qui pourraient envisager de faire quelque chose de ce genre, on pourrait penser que Donald Trump pourrait offrir des actions des États-Unis, comme Bob Shiller l’a suggéré il y a plusieurs années. C’est une idée intéressante. On va peut-être en parler dans un prochain balado.
Frank, j’aimerais revenir au Canada et parler un peu de certains des acteurs importants de notre politique nationale en ce moment. On fait ce jeu de rôle de temps à autre dans cette série de balados. Alors, je vais vous mettre à la place de chacune des personnes suivantes et j’aimerais que vous nous disiez quels conseils vous donneriez à chacune d’elles pour faire face aux menaces du président et envisager leur avenir en politique. Je vais commencer par le premier ministre Trudeau.
FRANK MCKENNA : Je pense que pour M. Trudeau, sa carrière politique est dans le rétroviseur. Je pensais qu’il aurait dû partir plus tôt. Ça a laissé le parti mal préparé. Mais après avoir dit ça, tout le monde me dit, y compris ses critiques les plus amères, qu’il a obtenu de bons résultats au cours des dernières semaines et que son discours à la nation a probablement été son meilleur moment.
Alors, je dirais ceci au premier ministre : « Écoutez, vos jours sont comptés. J’aurais aimé que vous partiez plus tôt, que vous quittiez le poste et que vous laissiez un nouveau leader en place. Mais vous avez tenu bon quand on avait besoin de vous. » C’est tout pour M. Trudeau. Ensuite?
PETER HAYNES : Mark Carney.
FRANK MCKENNA : Il a dû prouver qu’il pouvait faire de la politique. Tout le monde sait qu’il peut faire tout le reste. Je trouve qu’il l’a bien fait.
J’ai écouté un balado hier. Il a été excellent. Je pense qu’il doit simplement continuer à faire ce qu’il fait. Pour citer une autre expression : « Sa marque est la crise. Sa marque est la crise. » En ce moment, on vit une crise très importante. Les Canadiens le regardent très favorablement parce qu’il a beaucoup d’expérience dans la gestion des situations difficiles.
PETER HAYNES : Chrystia Freeland.
FRANK MCKENNA : Je l’ai déjà dit, alors je vais le répéter. Je pense qu’elle ne réussira pas à cause de son association avec M. Trudeau. Mais ça ne veut pas dire qu’elle n’a pas mené une campagne impressionnante et qu’elle n’est pas une personne impressionnante. Elle est très affirmée dans sa lutte contre M. Trump et certains de ses commentaires agressifs. Je pense qu’elle va finir par jouer un rôle vraiment important dans notre pays à l’avenir.
PETER HAYNES : OK. Dans cette optique, si Mark Carney devait remporter la course à la direction du Parti libéral et devenir premier ministre, l’un des problèmes auxquels il fait face est de se séparer de l’ancien chef du Parti libéral et aussi le fait qu’en général, le Parti libéral est revenu sur toutes les politiques qu’il avait mises en place, comme la taxe sur le carbone, les gains en capital, les taux d’inclusion et d’autres enjeux qui semblent chers au leadership de M. Trudeau. Dans cette optique, pensez-vous que Chrystia Freeland sera un membre clé du cabinet de Mark Carney ou qu’elle restera probablement sur la touche?
FRANK MCKENNA : Les deux, je pense. Je pense qu’elle jouera un rôle important, mais je ne pense pas qu’elle occupera le poste qu’elle a occupé auparavant à titre de ministre des Finances et de vice-première ministre, si je dois faire une prédiction.
PETER HAYNES : OK, au tour de Pierre Poilievre.
FRANK MCKENNA : Pierre Poilievre a analysé son auditoire un peu en retard, mais il l’a fait et il a vu que les Canadiens n’ont maintenant qu’une seule préoccupation, les États-Unis et les menaces de tarifs douaniers imminents. Il a fait un virage et je pense qu’il a bien négocié ce virage. J’ai regardé son discours il y a plusieurs jours et je l’ai trouvé très magistral non seulement sur le fond, mais aussi sur la forme, et son engagement à retirer nos ressources des États-Unis et à le faire rapidement. Je pense qu’il a bien fait de pivoter.
PETER HAYNES : Frank, je pense que vous faites référence à son discours du Jour du drapeau, dans lequel il a fait quelques suggestions au sujet de sa plateforme, en particulier en ce qui a trait à l’énergie. Je voudrais en parler parce que M. Poilievre et certains premiers ministres ont suggéré, pour réduire la dépendance du Canada à l’égard des États-Unis en tant qu’acheteur de nos produits énergétiques, qu’on envisage de relancer Énergie Est, ce qui, selon moi, demeure un problème au Québec. Quels conseils donneriez-vous au Canada pour réduire l’importance des États-Unis dans nos exportations de produits énergétiques?
FRANK MCKENNA : Écoutez, je vais y venir. Mais avant ça, je vais mentionner deux ou trois autres noms qui, selon moi, s’en sont bien sortis et qu’il faut mentionner. Dominic LeBlanc a été excellent non seulement en tant que négociateur, mais aussi dans ses nouvelles fonctions de ministre des Finances. Extraordinairement exigeant.
Mélanie Joly, qui a prononcé des discours à New York et à Washington. Elle était à Paris il y a deux jours. Elle est maintenant à Munich, d’où elle est partie pour l’Afrique du Sud et continue de coprésider les discussions entre les États-Unis et le Canada. Aujourd’hui, elle a vraiment fermement fait valoir le point de vue du Canada en disant aux sénateurs américains que le fait de parler du Canada comme d’un 51e État n’était pas un sujet de plaisanterie. Ensuite, Anita Anand a dirigé les barrières commerciales interprovinciales et, selon moi, elle a fait un excellent travail à cet égard. J’en ai parlé.
Mais pour en arriver à votre point, en ce moment, je pense qu’il faut battre le fer quand il est chaud. J’ai usé une grande partie de ma crédibilité publique à faire la promotion de l’oléoduc Énergie Est et à relier les expéditeurs, les producteurs et les destinataires. Je croyais qu’on était sur le point d’y arriver. On n’y est pas arrivé du tout. Selon les sondages, les trois quarts des Canadiens soutiennent maintenant ce projet.
Mais je dois vous dire franchement que c’est plus difficile maintenant. TransCanada avait des volumes vacants dans ses pipelines, qui sont maintenant remplis de gaz naturel, ce qui veut dire qu’il faudrait construire un pipeline de l’Alberta au Nouveau-Brunswick, plutôt que de simplement le construire de la frontière entre l’Ontario et le Québec jusqu’au Nouveau-Brunswick.
Il s’agit d’un effort plus important et il faudrait un soutien énorme de la part du secteur privé et du public. Est-ce faisable? Probablement, mais ce serait un effort important.
Utiliser le pipeline Trans Mountain serait beaucoup plus facile. Bien sûr, il a récemment été doublé. Environ 60 % du pétrole de ce pipeline est toujours destiné aux États-Unis. Avec des carottes ou des bâtons, ce serait très simple à concevoir. Tout ce pétrole pourrait être acheminé vers les marchés étrangers, ce qui atténuerait un peu notre soi-disant « équilibre des paiements du déficit ».
Vous pourriez aussi, très rapidement, à mon avis, remplir la capacité de ce pipeline, ce qui représenterait 150 000 barils de plus. Avec le dégoulottage et la mise sous pression, on pourrait probablement ajouter 250 000 barils supplémentaires. Et si on est sérieux à ce sujet, on pourrait essayer d’assouplir un peu la lourdeur du processus réglementaire pour y arriver rapidement. Ce serait la victoire la plus rapide.
L’autre victoire importante qui pourrait se produire… J’en ai parlé au premier ministre Eby en Colombie-Britannique, alors je sais que c’est très réaliste… C’est accélérer la production de gaz naturel liquéfié sur la côte Ouest. Il y a au moins quatre ou cinq projets qui en sont à diverses étapes d’obtention de permis et d’approbation et je sais qu’il s’engage à accélérer le processus. Pour ce faire, il faudrait augmenter la capacité du pipeline de gaz côtier, ça peut être fait avec le pipeline actuel, avec une plus grande mise sous pression, etc.
Je pense que certaines de ces solutions sont les plus faciles à atteindre. J’ai travaillé sur un projet avec mon collègue, John Prato, à la TD pendant un certain temps, le projet Saginaw LNG, qui consiste à transporter le gaz de l’Alberta jusqu’au fleuve Saint-Laurent. Les Premières Nations y participeraient et le projet aurait le soutien du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta.
Toutes les parties dans l’Est, au Québec en particulier, ont indiqué avoir maintenant l’esprit ouvert à l’égard de ce projet. Ça permettrait aussi d’extraire beaucoup de gaz du bassin, d’obtenir des prix pour le pétrole et de réduire nos exportations d’énergie vers les États-Unis d’Amérique. Toutes ces choses sont possibles. Si le gouvernement met la main à la pâte, certaines de ces solutions sont même très accessibles.
N’oubliez pas qu’il s’agit d’une période de crise dans notre pays, comme jamais auparavant. Lorsque le gouvernement américain a fait face à une crise pendant la Deuxième Guerre mondiale et s’est rendu compte qu’il avait de la difficulté à défendre l’Alaska, il a construit l’autoroute de l’Alaska, 13 milles par jour. C’est un excellent modèle pour nous en ce qui a trait à la détermination avec laquelle on doit relever les défis actuels.
PETER HAYNES : C’est intéressant que vous disiez ça, Frank. Lorsqu’ils parlent aux partisans démocrates qui ont décidé de voter pour le président Trump et leur demandent ce qu’ils pensent des 30 premiers jours, d’après les sondages, ils semblent très favorables et satisfaits de tout ce que le président Trump a fait parce que ça se passe très vite et ils constatent que des changements se produisent. Ils trouvent peut-être qu’il est impoli, mais ils voient des choses se produire. Quand on veut, on peut. Je suis d’accord que ça montre que ça peut être fait en période de crise, comme vous l’avez mentionné.
Chris, à ce sujet, vous avez mentionné plus tôt le fonds souverain. J’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet, parce que cette suggestion a été faite à quelques reprises. On a entendu parler d’un fonds souverain en Alberta, ici, pour les actifs liés aux ressources que le premier ministre Smith envisage. On connaît les fonds souverains dans d’autres pays du monde. Ils sont habituellement liés à une sorte de revenu provenant des ressources.
Les cyniques soutiendraient, du point de vue des États-Unis, que le président Trump voudrait créer un fonds souverain afin de pouvoir acheter la prochaine baisse de l’indice Dow. Mais je suis curieux de savoir à quoi ça ressemblera.Il semble très sérieux. Il y a un décret, je crois, pour créer le fonds souverain. Selon lui, comment ce fonds sera-t-il structuré? Comment serait-il financé? À quoi sert-il?
CHRIS KRUEGER : Que d’excellentes questions. Je ne suis pas certain qu’il y ait de réponse définitive à aucune d’entre elles. Pour revenir en arrière, le président Trump a émis un décret en février pour que les départements du Trésor et du Commerce établissent un fonds souverain. On s’attend à ce que ce fonds soit mis sur pied dans environ 12 mois. Il y a un consensus écrasant selon lequel le Congrès devrait donner son autorisation.
N’oubliez pas qu’on a atteint le plafond de la dette le mois dernier. Alors, il est pratiquement impossible de financer un fonds souverain en même temps qu’on prend des mesures extraordinaires. La première question est de savoir comment on va suspendre ou augmenter le plafond de la dette.
La plupart des fonds souverains les plus importants au pays sont financés directement à partir de réserves pétrolières et gazières. Alors, il faut un mécanisme de revenu régulier. Encore une fois, ce n’est pas une idée radicale. En fait, ce sont les démocrates qui demandent depuis longtemps aux États-Unis d’établir un fonds souverain pour investir dans les nouvelles technologies et infrastructures.
On nous a parlé d’un certain nombre de mécanismes de revenus, qu’il s’agisse de droits de douane, d’un nouveau type de cautionnement, de baux pétroliers et gaziers, de la récapitulation/publication de Fannie/Freddie, etc.
Beaucoup de questions. Nos quatre grandes questions sont les suivantes : premièrement, quelle est la taille prévue; deuxièmement, la provenance des fonds que je viens de mentionner; troisièmement, qui les gère et quatrièmement, quels sont les paramètres de placement?
Quand M. Trump a émis le décret, il a mentionné TikTok, qu’il pourrait s’agir d’un investissement dans quelque chose de ce genre. On s’attend à ce qu’il s’agisse d’investissements dans les infrastructures, comme les programmes d’importance nationale comme celui du barrage Hoover. Mais, encore une fois, je pense que c’est un autre excellent sujet pour un prochain balado.
PETER HAYNES : Oui, une fois qu’on en saura un peu plus. J’aimerais changer de sujet, Chris, et enchaîner avec une discussion sur certaines des récentes questions géopolitiques mondiales dans lesquelles les États-Unis se sont impliqués. J’aimerais commencer par vous interroger sur la réaction de Washington à la première décision du président Trump de mettre fin à la guerre en Ukraine, qui s’est produite au cours des derniers jours, y compris aujourd’hui, lors d’une réunion en Arabie saoudite à laquelle Kiev n’a pas participé et aussi sur le discours de JD Vance sur le sol allemand, dans lequel il condamnait les politiques d’immigration des Européens, le manque de soutien aux partis politiques de droite et sa suggestion selon laquelle l’ennemi, en Europe, venait de l’intérieur.
Bien sûr, depuis, on sait qu’il y a eu une réunion d’urgence des divers dirigeants européens en France, je crois, et qu’il en est ressorti beaucoup d’argumentaires. Je suis curieux, qu’est-ce que Washington dit sur ces deux questions?
CHRIS KRUEGER : Je pense que la fin de la guerre en Ukraine a été une grande priorité pour M. Trump, probablement un des cinq principaux enjeux de la campagne. L’administration, je pense, classerait ça dans la catégorie Promesses faites/Promesses tenues. On verra à quoi ressemblera la résolution, etc.
Mais je pense que c’est quelque chose qui, si vous suivez les politiques à Washington, avec le feu rouge, le feu vert, le feu jaune, c’est certainement le feu vert parce qu’on veut un feu rouge pour les hostilités en Ukraine et en Russie.
De façon plus générale, le président Trump est unique en ce sens qu’il n’est pas seulement président. Il dirige également un mouvement. Je ne l’assimile pas aux deux fonctions. Mais Barack Obama était aussi président et chef de… qu’est-ce que c’était? La coalition Hope and Change?
Pour Ronald Reagan, c’était la Reagan Revolution. Ce ne sont pas seulement des présidents. Ce sont également des figures de proue de mouvements politiques, qu’il s’agisse de mouvements ou de changements culturels, etc. Mais je pense que ce que vous voyez, c’est que MAGA se mondialise.
Il y avait les dirigeants de l’Italie et de l’Argentine à l’investiture de Trump. C’est un peu comme Ronald Reagan, Margaret Thatcher ou, naïvement, Brian Mulroney. Comme Frank le sait mieux que moi, c’est M. Mulroney qui a convaincu son ami Ronald Reagan d’ouvrir l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis au Mexique. Je pense qu’on en est encore au début, mais cette idée d’un phénomène populiste, le MAGA, est mondiale.
PETER HAYNES : Du côté de JD Vance, je sais que beaucoup de gens ont parlé d’une erreur de débutant, êtes-vous surpris par certaines des choses qui ont été dites pendant ce discours? Est-ce que ça a fait bouger à Washington?
CHRIS KRUEGER : Le principal point de vue par lequel M. Trump et le gouvernement examinent les flux commerciaux est le déficit bilatéral des biens. Je pense que l’Europe va se trouver dans une situation assez difficile lorsque, non seulement on aura des précisions sur ces droits de douane réciproques, mais aussi à l’occasion du rapport America First d’avril, qui sera publié le 1er avril.
PETER HAYNES : Qui le rédige?
CHRIS KRUEGER : Les divers ministères et organismes du Cabinet. Il s’agit principalement du Département du Commerce, du Département du Trésor et du représentant au Commerce des États-Unis.
PETER HAYNES : Frank, évidemment, M. Trump a dû faire un premier pas et passer un appel. Il ne pouvait pas appeler les deux leaders en même temps. Est-ce que vous entrevoyez une porte de sortie, une première mesure que Trump aurait prise pour essayer de résoudre la guerre? Ou pensez-vous que ça va coincer parce qu’il a dit « On n’est pas impliqués »?
FRANK MCKENNA : Écoutez, si on pouvait résoudre la guerre, ce serait une bonne chose non seulement pour les deux adversaires, mais aussi pour le reste du monde, parce que la guerre a de nombreux effets sur la qualité de vie d’autres personnes dans le monde, même si ce n’est rien comparé à ce qui arrive aux gens en Ukraine. À mon avis, c’est toujours bon d’essayer de résoudre le problème.
En fin de compte, peu importe comment M. Trump et M. Poutine le présentent, il ne peut pas y avoir de règlement sans la participation de M. Zelensky et de l’Ukraine et de l’Europe, que ce soit en tant que garant de la paix ou pour armer l’Ukraine.
Après les premières conversations, d’autres auront lieu. Il n’est pas inhabituel que votre position à la fin des discussions soit différente de celle du début. Il sera très difficile pour l’Ukraine de poursuivre cette guerre sans le soutien des États-Unis d’Amérique.
Mais les Ukrainiens se sont révélés courageux et héroïques dans la façon dont ils ont défendu leur patrie. Ils se battent pour leur maison. Ils n’abandonneront pas ce combat sans un certain niveau d’accord qui leur permette de conserver une certaine intégrité territoriale. Je pense que la fin de l’histoire n’est pas encore écrite.
Je ne voudrais pas être Trump dans cette histoire s’il cède en définitive l’Ukraine aux Russes et qu’ils s’en servent, comme Hitler l’a fait, comme d’une autre conciliation pour leur permettre de poursuivre leur avancée vers d’autres pays. Ce serait un désastre pour nous tous et, certainement, un désastre pour M. Trump et sa capacité à essayer d’obtenir un prix Nobel pour ses efforts.
PETER HAYNES : Oui, c’est certain. Frank, je vais continuer à parler de la crise, mais cette fois-ci, je vais revenir au Canada et parler du dicton galvaudé selon lequel il ne faut jamais gâcher l’occasion d’une bonne crise. Je sais que vous en avez beaucoup parlé avec divers dirigeants au pays. On a beaucoup parlé d’utiliser la crise des droits de douane comme catalyseur pour réduire ce qu’on appelle les barrières commerciales interprovinciales. C’est un sujet que Pierre Poilievre a à l’ordre du jour, je crois, et qu’il a aussi abordé en fin de semaine.
Vous avez déjà mentionné qu’on travaillait en coulisse sur ce dossier. Pourtant, je ne pense pas que les Canadiens comprennent vraiment ce que signifient les barrières commerciales interprovinciales. Le FMI a déclaré que si le Canada pouvait se débarrasser, comme par magie, de tous ses obstacles au commerce interprovincial, notre PIB augmenterait de 4 %. Pouvez-vous nous aider à comprendre ce problème en nous donnant peut-être quelques exemples de solutions faciles à appliquer par nos gouvernements?
FRANK MCKENNA : Oui. Peter, permettez-moi de dire que Trump a fait beaucoup de choses qui seront positives pour le Canada, même le DOGE. C’est un bouleversement fondamental pour le gouvernement, mais les gouvernements devraient toujours envisager de revoir ce qu’ils font et d’essayer de trouver des façons de faire qui coûtent moins cher et qui sont plus efficaces.
Je pense que les États-Unis profiteront d’une baisse d’impôt dans un avenir très proche grâce à ces efforts. Le Canada devra probablement aussi composer avec un régime fiscal plus concurrentiel. Il y a dès lors un certain nombre de choses qui en découlent.
Mais une de ces choses est le commerce interprovincial. Comme vous le savez, j’en ai discuté ad nauseam. C’est le moyen le plus facile de rendre le Canada plus efficace, avec, comme vous dites, une croissance du PIB de 4 %. Il s’agit en fait de frais de douane de 7 % entre les provinces.
Le problème, c’est qu’il faut une crise pour le régler. Derrière chacune de ces barrières sans droits de douane, il y a un intérêt. Ces intérêts vont se battre férocement pour conserver leur barrière.
Voici quelques exemples. On a 600 organismes de reconnaissance des titres professionnels au Canada et souvent, il n’y a pas de reconnaissance réciproque. Le titre de compétence d’une province n’est alors pas reconnu dans une autre. Par exemple, lors des terribles feux de forêt à Yellowknife et dans les Territoires du Nord-Ouest en 2023, les médecins qui accompagnaient un certain nombre de personnes évacuées vers la Colombie-Britannique se sont occupés des patients à bord de l’avion. Mais une fois en Colombie-Britannique, ils ne pouvaient plus s’occuper de ces patients parce qu’ils n’étaient pas accrédités en Colombie-Britannique.
C’est le genre de choses stupides qu’il faut corriger, à la fois pour améliorer la qualité de nos soins de santé et notre mobilité partout au pays, mais aussi sur le plan des coûts. C’est un exemple.
Alcool : on a des interdictions très strictes concernant le transport d’alcool partout au pays. Un vin de la Colombie-Britannique ne peut être acheté qu’en Ontario par l’intermédiaire de la LCBO et vous devrez payer une majoration de 72 % pour l’obtenir. L’emballage et l’étiquetage en sont un autre exemple.
Les véhicules commerciaux font l’objet de plusieurs inspections partout au pays. Vous devrez peut-être réduire l’air dans les pneus. Vous devrez peut-être changer de signalisation à la frontière. Ce sont tous des exemples. Sièges d’auto : les normes de sécurité sont différentes dans chaque province.
Et voici celle qui me fait toujours rire. Il y a un panneau à la frontière entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse qui indique que les abeilles du Nouveau-Brunswick ne sont pas autorisées en Nouvelle-Écosse. Les abeilles, aussi intelligentes soient-elles, n’ont pas nécessairement la capacité de lire les panneaux. Mais on ne peut pas vendre des abeilles d’une province à l’autre.
Maintenant, les grands producteurs de bleuets du Canada atlantique font venir des abeilles de la Colombie-Britannique et de partout au pays. Mais lorsqu’elles arrivent aux frontières provinciales entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, les abeilles doivent s’arrêter et faire demi-tour.
Voilà le genre de choses stupides sur lesquelles les dirigeants provinciaux doivent prendre position et s’expliquer. Je crois qu’ils le font. J’ai parlé de progrès au ministre cette fin de semaine. Selon elle, l’élan est toujours là. Elle va rencontrer les premiers ministres et les ministres la semaine prochaine. Avant la fin du mois, il y aura une réunion en direct de toutes les personnes concernées par ce dossier.
Je pense que ce sera vraiment avantageux pour le Canada. Ça a été mis en place parce qu’on est sur un bateau qui prend l’eau et c’est comme ça qu’on fait la plupart des choses. Une crise comme celle-ci ne devrait pas être une occasion perdue.
PETER HAYNES : Frank, je crois que c’est le plus grand nombre de fois que les premiers ministres du Canada se sont rencontrés au cours des derniers mois, ils ont beaucoup voyagé. Avant de terminer, Frank, j’aimerais parler des minerais critiques, car le président Trump a déjà indiqué que ses négociations d’accord dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie incluront l’accès aux minerais critiques ukrainiens.
Le président Trump a également parlé de l’accès aux minerais critiques au Canada. Le premier ministre du Québec, M. Legault, a suggéré qu’au lieu de toutes ces tergiversations sur les droits de douane, on devrait peut-être simplement aller de l’avant et accélérer les renégociations de l’ACEUM. Si c’était le cas, comment géreriez-vous l’accès aux minerais rares du Canada dans le cadre de la réouverture des négociations de l’ACEUM?
J’aimerais que vous parliez de l’eau parce que, avec 20 % de l’eau douce mondiale au Canada, je me demande si c’est quelque chose sur quoi les Américains voudront mettre la main dans le cadre de ces négociations.
FRANK MCKENNA : Oui, écoutez… C’est une très bonne question. Le premier ministre Legault a dit beaucoup de choses qui sont contre-intuitives et je l’en félicite. Voici le problème de la renégociation de l’ACEUM et c’est un problème auquel on va devoir faire face tôt ou tard. Je le dis en connaissance de cause, mais je le dis.
Comment peut-on faire confiance aux États-Unis d’Amérique? L’ALENA a été déchiré par le président Trump. Nous avons renégocié l’ACEUM à son insistance et il a déclaré que c’était le meilleur accord commercial jamais conclu après avoir déchiré le pire. Maintenant, il veut le déchirer de nouveau.
Je pense qu’on serait prêts, avec le Mexique, à se retrousser les manches et à négocier de nouveau. Mais comment faire affaire avec quelqu’un qui enfreint la loi? Tout ce dont M. Trump a parlé au cours des deux ou trois derniers mois est une violation de la loi, qu’il s’agisse de l’ACEUM, de l’OMC, etc.
Comment peut-on conclure une entente en étant à l’aise de se dire qu’on va leur envoyer plus de pétrole, plus de gaz naturel ou peu importe? Mais comment peut-on faire confiance aux États-Unis d’Amérique? C’est terrible à dire. On parle du plus grand pays de la planète, sur le plan de l’économie, de l’armée et même de son leadership moral. Mais ce sera un problème pour les décideurs lorsqu’on entamera les négociations.
Selon moi, président Trump, si vous voulez des minerais critiques, vous les avez. Vous avez du pétrole. Vous avez de l’essence. Vous avez de la potasse, tout ce dont vous avez besoin dans le cadre de l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d’Amérique et il y a au moins trois mines de minerais critiques au Canada, dont l’un des investisseurs est le Département de la Défense des États-Unis d’Amérique. C’est le genre de relation qu’on a et qu’on a toujours eue.
Je ne vois pas pourquoi il serait obsédé par la quantité plutôt minime de minerais critiques en Ukraine, alors qu’il a l’une des sources de minerais critiques les plus riches au monde à sa frontière nord.
PETER HAYNES : On va devoir surveiller ça. On s’est préparés à avoir des tonnes de conversations de suivi différentes, avec Chris et Frank, car il y a beaucoup de choses à dire. Mon frère travaille dans le secteur de la cybersécurité et je lui dis toujours qu’il a un emploi à vie. Je pense que vous deux, messieurs, dans le domaine géopolitique, avez des emplois à vie en raison de l’ampleur des activités qui se déroulent actuellement.
Mais merci à vous deux pour vos observations incroyables sur les problèmes auxquels on fait face en Amérique du Nord et partout dans le monde. Frank, on va terminer par une brève conversation sur un sujet qui nous fâche un peu, vous et moi, en ce moment : les Blue Jays de Toronto. On n’a pas signé Vladi Guerrero, Jr. avant la date limite qu’il s’était imposée. Il passe maintenant indépendant, en compagnie de Bo Bichette. Ils vont tous les deux jouer la corde de l’indépendance et pourraient être perdus par les Blue Jays sans rien en retour. Frank, quelle note donneriez-vous à la direction des Blue Jays à l’arrivée de la formation du printemps?
FRANK MCKENNA : Je pense que c’est un gros zéro. Ce sera une année horrible à regarder deux des plus grands athlètes qui ont joué à Toronto jouer la corde, en route vers un mandat libre. Je pense que la direction a prouvé son manque de sérieux. Elle a eu des années pour mener ces négociations, des années, littéralement, sachant que ce jour approche et ils n’ont pas été en mesure de conclure l’entente.
On n’est pas une ville de ligue mineure. On est en compétition avec Los Angeles et New York en ce qui a trait à la capacité de soutenir une équipe de la Ligue majeure et à la capacité financière. Pourtant, on est continuellement mis sur la sellette chaque fois qu’il y a une situation concurrentielle.
Je dois dire que je blâme vraiment la direction. Je ne pense pas qu’on soit en train de mettre sur pied une équipe de baseball sérieuse à Toronto et je suis déchiré aujourd’hui. Vous savez à quel point les Blue Jays me tiennent à cœur et j’adore Vladi et tout l’enthousiasme qu’il apporte.
Soit dit en passant, ce n’est pas seulement une histoire des Blue Jays. C’est une attaque contre la Ligue majeure de baseball. Au cours des dernières semaines, on a vu des salaires de 400 millions de dollars, 500, 600, 700 millions de dollars pour des joueurs individuels. Qu’en est-il du pauvre enfant qui veut une place dans les gradins ou acheter un hot dog au jeu et qui n’en a pas les moyens? Ou si on regardait ses joueurs préférés prendre leur envol et parcourir la planète à la recherche du salaire le plus élevé? Je pense simplement que c’est mal et je pense que c’est malheureux, mais c’est la réalité.
PETER HAYNES : Je sais qu’il y a un agent célèbre qui aime aller à la radio et signer des contrats pour 700 millions de dollars et établir des records tout le temps, mais je pense que les agents devraient être comme des juges-arbitres. On ne devrait pas connaître leur nom. On veut connaître le nom des personnes qui sont sur le terrain.
FRANK MCKENNA : Cet agent affirme aujourd’hui que le baseball ne dépense pas assez d’argent.
PETER HAYNES : Oui, bien sûr.
FRANK MCKENNA : Ça me désole parce que j’adore le jeu. J’adore le jeu pour les visages de jeunes garçons et filles qui vont au jeu et qui acclament leur joueur préféré, qui peuvent aller sur les sièges bon marché et obtenir un hot dog et un sac de maïs soufflé. Maintenant, tout ce qu’on va faire, c’est faire nos adieux à Toronto.
PETER HAYNES : Chris, on est désolés que vous ayez dû souffrir pendant cette conversation. Comme je viens du Vermont, vous avez probablement acclamé les Expos de Montréal.
CHRIS KRUEGER : La nation Red Sox.
PETER HAYNES : Voilà, c’est dit. Oui. Alors, la nation Red Sox. La signature d’Alex Bregman vous a donné un peu d’élan cette semaine. On aura beaucoup de choses à dire à l’avenir. Chris, merci beaucoup de vous être joint à ce balado. Frank, comme toujours, merci pour vos observations. D’ici notre prochaine rencontre le mois prochain, merci beaucoup.
CHRIS KRUEGER : Prenez soin de vous.
FRANK MCKENNA : Merci.
PETER HAYNES : Merci d’avoir écouté Géopolitique. Ce balado de Valeurs Mobilières TD est à titre informatif seulement. Les opinions décrites dans le balado d’aujourd’hui concernent les particuliers et peuvent ou non représenter le point de vue de la TD ou de ses filiales, et ces opinions ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, fiscaux ou autres.
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Le présent document n’est pas une étude sur des valeurs mobilières ou des produits dérivés : Il n’a pas été produit, revu ou approuvé par les services de recherche sur les valeurs mobilières et les produits dérivés de la TD. L’opinion de l’auteur peut différer de celle d’autres personnes à la TD, y compris des analystes de recherche sur les valeurs mobilières et les produits dérivés de la TD.
Partialité : Les opinions exprimées dans le présent document peuvent ne pas être indépendantes des intérêts de la TD. La TD peut se livrer à des activités conflictuelles, y compris la négociation de capital avant ou après la publication du présent document, ou d’autres services portant sur des produits mentionnés dans le présent document, ou sur des produits financiers connexes. La TD peut avoir un intérêt financier dans les produits mentionnés dans le présent document, y compris, sans s’y limiter, un produit financier fondé sur de tels produits.
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Risque de perte. Les opérations sur les produits et les instruments financiers fondés sur des produits comportent un risque de perte et sont soumis aux risques de fluctuation des prix. Vous devez évaluer les avantages potentiels par rapport aux risques. Le rendement passé n’est pas un indicateur du rendement futur, et le contenu de ce document ne vise pas à prévoir ni à prédire des événements futurs.

Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.

Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger s’est joint au Groupe de recherche de Washington de TD Cowen en août 2016 à titre de stratège à Washington. M. Krueger et le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen ont récemment été nommés premiers dans la catégorie Institutional Investor Washington Strategy, où le Groupe et lui ont été constamment classés au cours de la dernière décennie. M. Krueger publie le DC Download, un quotidien incontournable pour les gestionnaires de portefeuille de Wall Street qui veulent avoir un aperçu des principaux événements de Washington et de leur impact sur les marchés de capitaux. M. Krueger couvre les politiques macroéconomiques, fiscales et commerciales de Washington D.C.
Il a occupé des postes similaires au sein de Guggenheim Securities, de MF Global, de Concept Capital et de Potomac Research Group. Auparavant, il a travaillé pendant près de quatre ans à titre de haut fonctionnaire à la Chambre des représentants des États-Unis. Il a également participé à plusieurs campagnes politiques locales, étatiques et fédérales partout au pays.
M. Krueger est titulaire d’un baccalauréat de l’Université du Vermont et d’une maîtrise en relations internationales du King’s College London. Il fait des apparitions fréquemment à CNBC et à Bloomberg et est largement cité dans : The Wall Street Journal, FT, Axios, New York Times, Washington Post et POLITICO. Il prend également la parole régulièrement dans le cadre d’événements du secteur et de conférences, notamment la conférence mondiale du Milken Institute, la National Organization of Investment Professionals et la Bourse de New York.
Les documents préparés par le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen sont des commentaires sur les conditions politiques, économiques ou de marché et ne sont pas des rapports de recherche au sens de la réglementation applicable.

Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.