Aperçu du FOMC de novembre : Changement de cap pour les hausses

7 novembre 2022 - 7 minutes
Gros plan sur le cachet d’un billet américain estampillé par la Réserve fédérale américaine
Le Federal Open Market Committee (FOMC) a, comme prévu, augmenté de 75 points de base (pdb) la fourchette cible des fonds fédéraux, qui s’établit désormais entre 3,75 % et 4,00 %. Comme on pouvait le prévoir, le président de la Fed, Jerome Powell, a cité la vigueur persistante des données sur l’indice des prix à la consommation (IPC) et sur le marché de l’emploi comme motifs pour que le comité procède à une quatrième hausse musclée des taux d’intérêt.

La déclaration relative à cette réunion a fait l’objet d’une révision à la baisse en vue d’une remontée plus soutenue. Comme nous l’avons écrit dans notre aperçu, une fourchette cible de 3,75 % à 4,00 % serait un niveau à partir duquel le FOMC pourrait adopter une trajectoire de hausse plus mesurée pour commencer à réduire l’inflation. La mention dans la déclaration de « retards » dans la « détermination du rythme des hausses futures » était de toute évidence destinée à signaler ce repli. Les hausses de taux de 75 pdb ont toujours eu pour but de compenser le terrain perdu plus tôt cette année et de ramener la Fed à un niveau plus neutre plutôt qu’accommodant. Une fois cet objectif atteint, le travail concret consistant à adopter une politique suffisamment restrictive commencerait, d’où la phrase suivante : « Des hausses continues dans la fourchette cible seront adéquates pour atteindre une politique monétaire suffisamment restrictive pour ramener l’inflation à 2 % au fil du temps. »

Nous avons non seulement été témoins d’un repli ferme de la part de la Fed, mais également de la détermination du président Powell à réduire l’inflation, même si cela nécessiterait d’infliger beaucoup de dommages à l’économie, compte tenu de la vigueur obstinée du marché du travail. Il était toujours difficile de communiquer le mouvement à la baisse, compte tenu de l’aversion du FOMC pour les prévisions et de son respect de la « dépendance aux données », mais, en fin de compte, la conférence de presse s’est révélée être une classe de maître dans la façon de gérer les attentes. Et les marchés ont généralement compris qu’il faut s’attendre à un ralentissement des hausses, mais que le chemin vers la terre promise des politiques suffisamment restrictives sera ardu pendant longtemps.

Modification des perspectives relatives aux taux des fonds fédéraux

Les rapports exagérément solides sur l’IPC publiés en août et en septembre ont fait en sorte que les taux d’inflation de base sur trois mois et sur six mois se situent maintenant autour d’un niveau annualisé de 6,5 %, bien au-dessus de la fourchette de 2,5 % à 3,0 % qui serait plus conforme à la cible d’inflation de la Fed. Même si l’on tient compte d’un certain ralentissement du rythme mensuel de l’inflation de base, il faudra beaucoup de temps pour revenir à cette fourchette idéale de 2,5 % à 3,0 %. Même si nous devons composer avec ces tendances inflationnistes, le marché de l’emploi continue de défier les attentes, car, malgré un resserrement de 375 pdb, il demeure en surchauffe, l’écart entre l’offre et la demande de main-d’œuvre atteignant des sommets historiques. Cela donne à penser que nous nous rapprochons peut-être d’un contexte où les attentes d’inflation plus élevées sont bien ancrées, et nous en avons vu les premiers signes.

Pour briser cette dynamique, la Fed doit ralentir considérablement le marché de l’emploi, et la seule façon d’y parvenir est de procéder à des hausses d’une ampleur supérieure à ce à quoi elle et toute autre personne s’attendaient initialement. Nous prévoyons maintenant une hausse de 50 pdb en décembre, une autre de 50 pdb en février, suivie de deux hausses de 25 pdb aux réunions de mars et de mai. Par conséquent, le taux final des fonds fédéraux devrait augmenter, passant de 4,75 % à 5 % en mars à un taux de 5,25 % à 5,50 % en mai. D’ici la réunion de juin, nous nous attendons à ce que le FOMC annonce une pause soutenue par le rajustement approprié de son résumé des projections économiques.

Cette trajectoire de hausse plus audacieuse que prévu a une conséquence malheureuse. L’ampleur du resserrement réel qui, selon nous, se produira entraînera probablement une récession au deuxième semestre de 2023. Par conséquent, nous sommes d’avis que d’ici sa réunion de décembre 2023, le FOMC ressentira le besoin de réduire de 25 pdb le taux des fonds fédéraux.

Répercussions sur les marchés des taux

Les marchés ont eu du mal à assimiler le message lors de la réunion du FOMC de novembre, et il s’agissait de l’une des réactions les plus volatiles après de telles réunions. La déclaration initiale selon laquelle la Fed examinerait les hausses cumulatives et tiendrait compte des retards dans les politiques a été considérée comme conciliante par les investisseurs; les attentes du marché quant au taux final des fonds fédéraux ont reculé, passant de 5,05 % à 4,95 %, ce qui a entraîné la pentification haussière de la courbe des taux. Toutefois, à la conférence de presse, M. Powell a été beaucoup plus ferme en suggérant que la Fed pourrait augmenter davantage ses taux. Cela a fait passer les cours des taux finaux des fonds fédéraux à un nouveau sommet de 5,07 % pour le cycle. En fin de compte, la courbe des taux des obligations du Trésor a connu un aplatissement baissier en raison du message de repli ferme de la part de la Fed; les investisseurs ont fait grimper les taux à 10 ans pour qu’ils dépassent 4,1 %, les taux réels ayant entraîné la dégringolade.

Quel est le prochain chapitre pour les taux?

Juste avant la déclaration de la Fed, le marché des taux s’attendait à une hausse de 60 pdb et de 38 pdb aux réunions de décembre et de février de la Fed, respectivement, et à un taux final de 5,04 %. Immédiatement après la publication de la déclaration, les attentes du marché à l’égard des hausses à court terme ont reculé, mais cette tendance a été renversée à la fin de la conférence de presse. À l’heure actuelle, le marché prévoit des hausses de 57 pdb et de 38 pdb aux réunions de décembre et de février de la Fed, respectivement, et un taux final de 5,07 % d’ici mai 2023. Ainsi, les attentes du marché quant à une autre hausse de 75 pdb en décembre sont maintenant inférieures à 30 %. Le marché s’attend à la première baisse des taux directeurs à la réunion de décembre 2023 et à des baisses de 105 pdb au total en 2024.

Toutefois, le marché devrait tenir compte non seulement de la réaction de la Fed, mais aussi des perspectives économiques. Le président Powell a indiqué que le taux final devrait être supérieur au taux final implicite de 4,75 % du graphique à points précédent. Nous prévoyons maintenant que la Fed ramènera les taux à 5,5 % d’ici mai 2023, car l’inflation demeure élevée. Toutefois, nous nous attendons à ce que l’économie ralentisse fortement en 2023, car les politiques de resserrement de la Fed (hausses de taux et resserrement quantitatif) se feront sentir pleinement. Soulignons que la demande intérieure privée ralentit déjà, les réserves d’épargne des ménages s’épuisant. De plus, le ralentissement de la croissance mondiale nuit à la croissance américaine. Par conséquent, nous pensons que la Fed finira par davantage assouplir les taux que ce à quoi les marchés s’attendent.

Mise à jour des prévisions du Trésor

Compte tenu de nos nouvelles prévisions de la Fed, nous mettons également à jour nos prévisions de taux aux États-Unis. Nous avons rajusté les taux à court terme pour intégrer un taux final plus élevé de 5,25 % à 5,50 %. Nous maintenons la même trajectoire qu’avant, soit des taux élevés à court terme à mesure que la Fed atteindra les taux finaux au deuxième trimestre de 2023, ce qui se traduira par une inversion continue dans la courbe des taux à 2 ans et à 10 ans pendant une bonne partie de 2023. Toutefois, nous prévoyons que le taux à 10 ans diminuera pendant la majeure partie de 2023 et clôturera l’année à environ 3,25 %, car les marchés s’attendent à un ralentissement économique qui nécessitera d’importantes réductions de taux de la Fed à l’avenir.

Répercussions sur les marchés des changes

M. Powell a réussi à lutter contre le thème naissant d’un changement de cap conciliant ou du fait qu’un changement de cap de la politique laissait présager la fin du cycle haussier. En fait, il s’agissait plutôt d’un changement de cap pour les hausses. Nous avons pensé que l’insistance de M. Powell, qui a déclaré qu’il n’y aurait pas de pause aux hausses de taux, représentait un durcissement de ton crucial. C’est important, car cela donne à penser que non seulement le taux final est plus élevé, mais qu’on pourrait prendre plus de temps pour parvenir à celui-ci. Cela signifie également que la marge de prise en compte de l’assouplissement à la fin de 2023 devient moins grande, du moins à ce stade-ci. Il est encore trop tôt pour prédire une telle évolution, mais la courbe du taux SOFR a bien réagi.

Nous pensons qu’il est important de lutter contre les appels précoces en faveur d’un point d’inflexion du dollar américain. Nous avons avancé que la partie facile de la remontée du dollar américain est terminée, ce qui demeure vrai après cette réunion. Toutefois, il est prématuré de chercher des baisses. En fait, nous réduirons probablement les risques extrêmes liés au dollar américain, ce qui pourrait contribuer à atténuer la volatilité des devises des pays du G7. Toutefois, nous délaissons maintenant le volet haussier incessant du dollar américain pour laisser à d’autres monnaies le soin de l’affaiblir. C’est tout un défi à relever compte tenu de l’évolution de la situation au cours des prochains mois environ. De plus, la Fed rend cette tâche plus difficile en raison du changement de ton ferme actuel, qui nous indique sans équivoque que le différentiel de taux d’intérêt par rapport à la plupart des pays du G10 est encore plus important qu’on ne le pensait au départ.

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