La prochaine décision de la Russie
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans cet épisode, Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD, fait le point sur le Sommet des dirigeants du G7 qui a eu lieu à Bruxelles en fin de semaine. M. McKenna affirme que les commentaires de Joe Biden sur le changement de régime en Russie ont été inutiles et peuvent être oubliés. Il analyse également le repli de la Russie à Kyïv, laissant entendre que si la Russie agit de façon rationnelle, ce recul pourrait être précurseur de la fin du conflit. Considérant l’exclusion continue que fait subir le monde occidental à la Russie, M. McKenna croit que le Canada devrait jouer un rôle de premier plan dans la refonte de l’économie mondiale et mentionne l’Institut C. D. Howe. Il conclut l’épisode en examinant la récente entente entre les libéraux et les néo-démocrates et ce qu’elle signifie pour l’échiquier du premier ministre Justin Trudeau.
[MUSIQUE]
FRANK MCKENNA : L’OTAN semble fixer la barre à 2 % du PIB. La pression est énorme, et je pense que le Canada va augmenter ses dépenses militaires de manière significative.
PETER HAINES : Bienvenue à l’épisode 25 du balado mensuel de Valeurs Mobilières TD sur la géopolitique, avec l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haines, et je suis votre hôte pour l’épisode d’aujourd’hui qui s’intitule « Que va faire la Russie? ». D’abord, je tiens à rappeler que ce balado de Valeurs Mobilières TD est présenté à titre informatif seulement. Les opinions dans ce balado n’engagent que les personnes qui les expriment et peuvent ou non représenter les opinions de la TD ou de ses filiales. Elles ne doivent pas être considérées comme des conseils de placement, de fiscalité, etc.
Comme je vous le disais, Frank, lors de notre enregistrement le mois dernier, ces balados seront bientôt offerts au public. C’est une excellente nouvelle pour nos auditeurs. Vous pourrez accéder à cet épisode sur les plateformes de diffusion d’Apple, Google ou Spotify. C’est prévu et c’est une excellente nouvelle. Ce sera beaucoup plus facile de nous écouter.
Frank, commençons par le sommet du G7 organisé à la hâte à Bruxelles et qui s’est terminé cette fin de semaine. Le président Biden voulait rencontrer les chefs d’État pour maintenir l’unité occidentale et trouver tous les moyens possibles d’isoler la Russie en imposant des sanctions. Pendant ce temps, le président Zelensky continue d’exprimer sa frustration à l’égard du manque de soutien militaire des pays occidentaux.
Il demande des chars, des avions et des systèmes de défense antimissile. Il plaide de nouveau pour une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine. L’Occident en a-t-il assez fait pour soutenir l’Ukraine, ou Zelensky a-t-il raison?
FRANK MCKENNA : Zelensky n’a pas tort au sens où il mène un pays dans une situation extraordinairement difficile, avec un immense courage. Ses talents en communication ont été remarqués partout dans le monde. Je le trouve admirable. À sa place, bien sûr que l’on demanderait toujours plus, car tant de vies sont perdues et tant de dégâts sont infligés.
Mais je crois sincèrement que l’Occident a beaucoup aidé. Est-ce suffisant? Il reste encore beaucoup à faire. Mais à mon avis, l’Occident a apporté une conséquente. Et si on examine ses demandes une par une, comme une zone d’exclusion aérienne, presque tous les experts militaires vous diront que c’est extrêmement dangereux.
La seule façon d’établir une zone d’exclusion aérienne, c’est de la faire survoler par beaucoup d’avions, avec des pilotes de l’OTAN. Ça pose un risque majeur d’escarmouches, voire pire, avec des avions russes. On entrerait dans une escalade qui va bien au-delà de ce qui semble raisonnable.
On peut accéder à certaines demandes de Zelensky, mais probablement pas toutes. D’abord, il demande des avions. Il ne faut pas oublier que l’armée de l’air ukrainienne ne sait piloter que des MiG, des MiG 29 Fulcrums. Ils les pilotent avec beaucoup de bravoure. Ils remportent une bonne partie des combats aériens, et causent des dommages importants à l’ennemi.
Les gens ne sont pas toujours conscients que l’Ukraine possède une véritable armée. Une véritable armée de l’air avec des bases. Et des forces armées comptant quelque 200 000 soldats réguliers et 900 000 réservistes. On ne peut pas vraiment leur fournir des Tomcats. Comme un ancien président me l’a dit, on devrait leur donner des A-10, des Warthogs capables d’anéantir tout un convoi. Ils ont 16 000 projectiles perforants capables d’infliger d’énormes dégâts.
Mais pour cela, il faudrait des pilotes américains aux commandes. Si on compte sur les pilotes ukrainiens, il faut des MiG. D’après ce qu’on m’a dit, les MiG disponibles ne sont pas en très bon état. Ce sont de très vieux appareils. Ensuite, si on amenait ces appareils en Ukraine, ils seraient attaqués sur l’aérodrome. Ils seraient attaqués avec des missiles sol-air. Et de toute façon, il n’y aurait pas assez de pilotes.
Pour toutes ces raisons, ce n’est pas une option très logique sur le plan tactique. Ce qui serait plus logique, ce serait de fournir de meilleurs missiles pour abattre des avions. À l’heure actuelle, il y a plus d’avions et d’hélicoptères russes abattus par des armes sol-air que par la défense aérienne ukrainienne. Le problème, c’est qu’ils utilisent des armes d’épaule. Elles sont redoutables.
Il y a les Javelins, des missiles capables de transpercer les chars, par exemple, et les missiles sol-air SAM qui ont probablement abattu des centaines d’hélicoptères à voilure fixe depuis leur déploiement. Le problème, c’est que leur portée ne dépasse pas 15 000 pieds. Il faut donc des armes qui mettent en danger les avions volant à haute altitude et qui les forcent à descendre à des altitudes plus basses où on pourra les abattre avec des armes plus conventionnelles.
Ce dont ils ont besoin, c’est de missiles S-300. Ils demandent une batterie de missiles Patriot, mais il faudrait aussi des soldats américains entraînés, à hauteur d’environ 90 par batterie. Et le conflit dégénérerait au-delà de ce qui est envisageable pour nous. Il faut donc opter pour une solution adaptée aux Ukrainiens. Ils savent manier les S-300, parce que c’est un système soviétique.
On en trouve dans certains pays de l’ex-Union soviétique. Il y en a en Slovaquie, par exemple. On peut même s’en procurer en Grèce, où certains systèmes sont disponibles. Je crois qu’il y en a quelques-uns en Bulgarie. Le problème, c’est que ces pays craignent tous pour leur propre sécurité, et il faudrait donc remplacer ces armes.
C’est ce que les États-Unis tentent de faire en ce moment. Ils ont déterminé que les Ukrainiens ont besoin de missiles sol-air à haute altitude. Ils tentent de se procurer des missiles que les Ukrainiens savent utiliser, mais uniquement auprès de pays à qui ils peuvent fournir d’autres armes en échange. C’est ce à quoi les États-Unis s’affairent activement en ce moment.
Selon moi, ça ferait une différence. Fournir des chars d’assaut... Les Ukrainiens abattent des chars par centaines, littéralement par centaines, avec des Javelins et des armes du Royaume-Uni, les NLAW. Et les Ukrainiens capturent des chars. Alors pourquoi leur fournirait-on un type d’armement qui semble très vulnérable aux attaques?
PETER HAINES : Dans votre réponse, vous avez employé le terme « escalade ». C’est intéressant, surtout après le dernier voyage de Joe Biden. Ses dérapages ont poussé des dirigeants américains à récuser ses propos et ont attiré la critique de certains chefs d’État occidentaux, qui les ont perçus comme une escalade proprement dite. Biden a surtout suscité des inquiétudes en qualifiant Poutine de « boucher », et en ajoutant qu’il « ne devrait pas rester au pouvoir ».
Le secrétaire d’État américain Blinken s’est empressé de préciser que les États-Unis ne demandaient pas un changement de régime en Russie. Et le président Macron a minimisé les remarques de Biden en ces termes : « Nous voulons arrêter la guerre que la Russie a lancée en Ukraine sans faire la guerre. Si on veut faire cela, il ne faut pas être dans l’escalade ni des mots ni des actions. » Pensez-vous que le président Biden adopte une rhétorique un peu trop agressive?
FRANK MCKENNA : Tout d’abord, remettons les choses en contexte... Beaucoup de gens réclament un changement de régime en Russie. Lindsey Graham pense que le président devrait être assassiné. C’est une déclaration extrême. Sur un ton rhétorique, les gens demandent pourquoi on ne peut pas juste l’assassiner. C’est une idée qui circule. Les gens en parlent.
Et c’est assez osé de la part de la Russie de s’en offenser alors qu’elle tente d’imposer un changement de régime en Ukraine. Les Russes essaient d’assassiner le président. Cette semaine, un groupe de 20 mercenaires du Groupe Wagner ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de s’approcher de Zelensky pour l’assassiner. C’est donc un peu abusif de la part de la Russie de se plaindre de ce discours.
Mais cela dit, je crois que, comme on dit dans le monde politique, Biden a dépassé les bornes. Il a eu trois bonnes journées. Il a rallié les troupes. Il a rallié les pays. Il a fait bonne impression au monde entier. Il devait prononcer un discours rédigé avec soin.
Il a commis une erreur en s’écartant et en durcissant le ton. Ça n’a pas vraiment servi sa cause. Je crois que ce sera oublié dans quelques jours. Les discours incendiaires fusent de toutes parts, mais ce n’était pas le bon moment pour prononcer ces mots.
PETER HAINES : Il m’a semblé un peu... Il a pris des bébés dans les bras en Pologne, il a rencontré des réfugiés, il a serré dans ses bras des femmes dont les enfants sont partis à la guerre. On a presque l’impression que ça l’a submergé, qu’il a parlé sous le coup de l’émotion. Mais il est clair qu’en ce moment, l’Occident est en guerre contre la Russie, que l’on veuille l’admettre ou non.
En ce moment, c’est une guerre économique. Les sanctions occidentales et le gel des actifs russes à l’étranger visent à causer suffisamment de difficultés à la Russie pour la faire reculer. De son côté, la Russie menace l’Europe de couper l’accès vital à ses ressources énergétiques. Selon vous, y a-t-il une ligne rouge au-delà de laquelle le discours et les actions des Occidentaux convaincront Poutine que ces sanctions sont en fait un acte de guerre?
FRANK MCKENNA : C’est intéressant. Certains conseillers de Poutine ont dit que la Russie était en guerre contre l’Occident. L’Occident lui a déclaré la guerre. Ils parlent d’une guerre économique. Je ne m’inquiète pas outre mesure des lignes rouges de Poutine. C’est lui qui est à l’origine du conflit.
C’est lui qui a lancé l’invasion de l’Ukraine. C’est lui qui pulvérise les villes. C’est lui qui est insensible au sort des enfants, des femmes et des personnes âgées sous les bombes. C’est lui qui a fait s’abattre cette horreur sur nous. Et la seule arme dont on dispose, à défaut d’un engagement militaire, c’est l’arme économique. Je crois que l’Occident a réagi de manière appropriée. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une guerre économique. Mais c’est la seule arme dont on dispose pour tenter de faire reculer Poutine. Je crois que beaucoup des mesures mises en œuvre sont des outils de sanction conventionnels.
Certaines sont un peu plus inhabituelles, par exemple l’exclusion du réseau SWIFT. J’ai été un peu surpris, comme on l’a déjà dit dans ce balado, que l’Occident ait recours à SWIFT aussi rapidement, car c’est une arme puissante.
L’autre mesure qui pourrait donner à Poutine des raisons de se plaindre, c’est, dans les faits, l’expropriation de toutes ses réserves de change. Même si ce n’est pas une expropriation, c’est un gel. En tout cas, c’est une mesure inédite, et je crois qu’elle contrarie fortement la Russie. Non seulement elle ne peut plus placer de réserves dans d’autres banques, mais en plus, ses réserves sont gelées.
Cette mesure a surpris la Russie. C’est un coup dur. Mais pour répondre directement à votre question, je n’accorderais pas une attention indue aux lignes rouges que la Russie ne cesse de brandir. Je pense que l’on doit repousser le plus possible ces limites pour tenter d’abréger les souffrances que cette guerre engendre.
PETER HAINES : Il faut dire que la Russie fait la même chose que l’Occident. Elle a gelé tous les actifs étrangers sur son marché boursier. Par certains côtés, elle fait exactement la même chose que l’Occident en matière de gel des avoirs. Considérez-vous que les déclarations de la Russie sur la réorientation du conflit vers l’est de l’Ukraine annoncent un changement stratégique majeur? Ou plutôt un regroupement en vue d’un nouvel assaut sur Kyïv et sur d’autres grandes villes de l’ouest de l’Ukraine?
FRANK MCKENNA : Si on part d’un point de vue rationnel, ça ressemble pour moi à une déclaration visant à rendre la retraite acceptable, à énoncer les critères selon lesquels on peut ensuite clamer victoire. Après avoir placé la barre à un certain niveau – dans ce cas, assez bas – on peut dire qu’on a atteint l’objectif et partir. J’espère ne pas me tromper. Le célèbre stratège Sun Tzu, dans l’Art de la guerre, dit qu’il faut toujours laisser un pont d’or à l’ennemi pour qu’il puisse retourner d’où il vient.
J’espère que c’est ce qui se passe. Poutine s’est montré très irrationnel. Rien n’est garanti. Ce n’est peut-être qu’un vœu pieux. Je ne crois pas que les Russes se préparent à assiéger Kyïv ou d’autres villes.
Ils ont subi de lourdes pertes sur le champ de bataille. On parle de la décimation de peut-être jusqu’à 20 % de la capacité de combat de l’armée russe, entre les chars, les hélicoptères, les avions et les vies humaines.
Les estimations de l’Ukraine, qui sont sans doute exagérées, font état de 17 000 morts. Et si on applique le facteur habituel de trois blessés pour chaque vie perdue, ça fait beaucoup d’êtres humains, beaucoup de familles en deuil. Si Poutine accepte la gravité de ces chiffres et s’il sait que, traditionnellement, pour assiéger une ville et tenter de la conquérir, il faut trois fois plus de soldats que pour une bataille classique,
il sait que son armée va subir des dommages dramatiques, au point que l’Ukraine pourrait l’emporter simplement en continuant d’exister et de lutter. Quand les Américains, qui ont des troupes extraordinairement bien entraînées, sont entrés en Irak, ils avaient un tiers de soldats en plus pour une population inférieure d’un tiers, et un territoire inférieur d’environ 30 %. Et ils avaient une suprématie aérienne totale dès le premier jour.
Il ne fait donc aucun doute que la Russie a tenté de prendre l’Ukraine à moindres frais. Et il ne fait aucun doute qu’elle subit des pertes colossales dans ces premières semaines de guerre. Elle inflige également de terribles dommages.
Si j’étais la Russie... ou plutôt, si elle agissait de manière rationnelle, elle chercherait des victoires qui sont dans le domaine du possible. La neutralité de l’Ukraine, qui est concédée par Zelensky. Renoncer à faire partie de l’OTAN, ce qui est aussi concédé. Il est vrai que les territoires que revendique la Russie sont davantage pro-russes que le reste de l’Ukraine. Ce sera intéressant de voir si c’est quelque chose que l’Ukraine pourra accepter ou non.
Mais il est certain que les Russes semblent pointer leur viseur dans une direction un peu différente. Ils ont aussi parlé de réduire la capacité militaire ukrainienne. L’objectif est atteint ipso facto, puisque l’Ukraine a subi des pertes importantes sur le champ de bataille.
PETER HAINES : J’ai entendu à plusieurs reprises que Poutine tentait d’obtenir une partition de type Corée du Nord et du Sud...
FRANK MCKENNA : D’accord.
PETER HAINES : L’Ukraine céderait le Donbass à la Russie, ce qui aboutirait à une structure comparable. Mais il est clair, Frank, que ce conflit ne va pas prendre fin de sitôt. Et il est de plus en plus évident qu’il ne faut pas couper la communication avec la Russie. C’est un thème clé, en particulier pour le président Macron.
Votre ami Colin Robertson a suggéré récemment dans son balado qu’une possible une porte de sortie pour Poutine serait d’élargir la discussion au-delà de la sécurité de l’Ukraine, de parler de sécurité européenne dans l’esprit des Accords d’Helsinki de 1975, où toute l’Europe s’était réunie pour conclure des accords de paix après la chute de l’Union soviétique. Pour vous, s’agit-il d’une option réaliste et faisable? Quelles autres idées appuyez-vous pour trouver une solution qui permettrait à Poutine de sauver la face?
FRANK MCKENNA : Colin Robertson est un brillant analyste, et je n’écarterais aucune de ses suggestions. Je dirais que le degré de difficulté serait colossal. L’Europe a du mal à s’entendre sur à peu près tous les sujets...
PETER HAINES : Sauf la guerre.
FRANK MCKENNA : La chose la plus étonnante que Poutine ait accomplie, c’est d’unir l’Europe et l’OTAN. C’est un véritable exploit. Il n’en est sans doute pas très fier. Ce serait très difficile de parvenir à un accord.
Et ce serait aussi très difficile de trouver une solution à laquelle l’Ukraine pourrait adhérer et qui serait acceptable pour le pays. L’Ukraine subit des pertes humaines directes. Le coût des réparations à l’Ukraine devrait faire partie des considérations. Je crois qu’on en est à environ 75 milliards de dollars...
PETER HAINES : Le chiffre grimpe de jour en jour.
FRANK MCKENNA : … et ce chiffre grimpe de jour en jour. Il faudrait que ce soit pris en compte. Ensuite, il faudrait une garantie pour la sécurité de l’Ukraine, mais il ne semble pas que les parties seraient capables de la respecter. J’ai parlé au président Clinton cette semaine, parce qu’il m’a appelé pour discuter de choses et d’autres.
On était en train de discuter, et il m’a dit que les gens doivent prendre conscience que l’Ukraine était une puissance nucléaire, la troisième puissance nucléaire mondiale. Elle a renoncé à ses armes nucléaires en échange d’une garantie de sécurité des États-Unis et de la Russie. Et ce n’est pas bien vieux, ça date de 1995 peut-être.
Il m’a dit qu’il avait soulevé la question avec Poutine. Poutine a dit que cette garantie n’était pas valable, car la Douma ne l’avait pas donnée au nom de la Russie. Donc, si j’étais à la place de l’Ukraine, je me méfierais beaucoup des garanties de sécurité provenant de l’extérieur. Je ne dis pas que c’est impossible. Mais quand on voit la force militaire sophistiquée que l’Ukraine a mise en place, je crois qu’elle en a conclu qu’on n’est jamais mieux protégé que par soi-même.
PETER HAINES : Vous avez parlé à plusieurs reprises des agressions de Poutine après le départ de la chancelière allemande Angela Merkel. On dirait qu’elle avait le don unique, comme vous l’avez dit à plusieurs reprises, d’arriver à contenir Poutine dans plusieurs langues, notamment le russe.
L’héritage de Mme Merkel est actuellement remis en question en raison de sa volonté d’établir des liens solides avec la Russie, et surtout en raison de la dépendance énergétique. Maintenant que l’Allemagne a fermé plusieurs centrales nucléaires et qu’elle est entièrement à la merci de Poutine sur le plan énergétique, pensez-vous que l’Histoire jugera durement Angela Merkel?
FRANK MCKENNA : Non, et pour plusieurs raisons. D’abord, elle a tenu tête à Poutine pendant de longues années, ce qui a peut-être fait d’elle le leader de l’Occident, même si l’Allemagne a bien plus à perdre avec la Russie que tout autre pays. Les deux pays sont liés par de très fortes relations commerciales et énergétiques. Elle a fait front, et ce n’est peut-être pas une coïncidence si Poutine a attendu qu’elle quitte ses fonctions pour agir.
Je crois que pour tout le monde, la surprise est venue de Schultz, le nouveau chancelier qui a réagi avec un courage extraordinaire et avec conviction. L’Allemagne fait l’impensable. Elle porte son budget de défense à 2 % du PIB. C’est une autre conséquence inattendue de l’agression de Poutine, qui pousse l’Allemagne à allouer un budget énorme à la défense. Et bien sûr, l’Allemagne est maintenant en route vers l’indépendance énergétique.
D’ici quelques semaines, elle délaissera le charbon. D’ici le milieu de l’année, elle compte réduire considérablement la quantité de pétrole importé de Russie. Et dans un an ou deux, la quantité de gaz naturel. La Russie perd donc un énorme marché, puisqu’elle subvenait à près de 40 % des besoins énergétiques de l’Allemagne. À long terme, si ce n’est à moyen terme, Poutine va payer le prix fort.
Si j’ai tant de respect pour la chancelière Merkel, c’est que l’Allemagne, comme beaucoup de pays européens, est dirigée par des coalitions. Les Verts et d’autres partis d’Allemagne ont insisté, de façon irresponsable à mon avis, pour que le pays sorte du gaz naturel et du nucléaire. À un moment donné, en 2010, environ, 30 % de l’électricité allemande provenait du nucléaire. L’an dernier, cette part est passée à 7 ou 8 %, pour finalement se rapprocher de zéro.
C’est en train de changer, car il va falloir remettre en service certaines centrales par nécessité et l’Allemagne va réintégrer l’énergie nucléaire à son bouquet énergétique. Je ne pense pas qu’il faille blâmer Angela Merkel. C’est la politique du moment qui est en cause, surtout celle des verts qui ont dépouillé l’Europe de sa sécurité énergétique, et l’ont exposé au chantage de la Russie.
On doit donc tous réfléchir soigneusement à ce que l’on veut, parce qu’en allant trop loin, trop vite dans une direction, on s’expose à des conséquences malheureuses, comme l’Europe aujourd’hui.
PETER HAINES : Et la réduction de la production de barils supplémentaires russes... Tout le monde ne comprend pas que ces 700 000 barils, plus ou moins, portent l’offre à 100 millions de barils par jour, et finissent par faire pencher la balance, au point que l’on paie maintenant 1,75 $ aux États-Unis ou au Canada à la pompe.
FRANK MCKENNA : Exactement, Peter. Ce sont toujours les barils supplémentaires qui déterminent les prix. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais il faut ouvrir les yeux sur les réalités de l’énergie en général. Au Canada, il y a des gens qui veulent l’arrêt total de notre production d’énergie. Mais ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre. C’est faux de dire qu’en arrêtant toute notre production d’énergie, la demande va disparaître.
Le choix que l’on fait, si on arrête complètement de produire de l’énergie, c’est de laisser la place à la Russie, au Nigeria, à l’Arabie saoudite, au Venezuela, où le respect de l’environnement laisse à désirer, sans parler du respect des droits de la personne. Voilà les véritables choix. On doit être très vigilants pendant cette période de transition, et veiller à ne pas laisser un vide sur le marché.
Je préférerais que l’on mette le monde sur la voie de la durabilité en étant le laboratoire environnemental de la planète, et je pense que c’est que l’on est en train de faire. On doit faire extrêmement attention à ne pas succomber au chant des sirènes, à ne pas mettre la clé sous la porte et laisser des acteurs très douteux investir cet espace vacant.
PETER HAINES : C’est une excellente transition vers un sujet qui vous tient à cœur. Aux États-Unis, Jamie Dimon a récemment parlé d’un plan Marshall visant à augmenter la production d’énergie américaine afin d’aider l’Europe. Avec Ron Ambrose et Colin Robertson, dont on a parlé plus tôt, vous avez co-écrit une lettre d’opinion pour le Globe and Mail. Vous appelez à un moment « CD Howe ». Que vouliez-vous dire dans cet article?
FRANK MCKENNA : CD Howe était une sorte de politicien apolitique. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il était, dans les faits, « ministre de tout ». C’est lui qui était responsable de l’effort de guerre. C’est ce dont on a besoin en ce moment. Les Canadiens doivent comprendre qu’on peut condamner tant qu’on veut le conflit en Ukraine, mais ce n’est pas nous qui en payons le prix. Ce sont les Ukrainiens et les Européens.
Et on a la capacité de mobiliser toutes les forces de ce grand pays pour combler une grande partie des besoins. Je vais vous donner quatre ou cinq exemples. L’immigration. Il y a 1,3 million d’Ukrainiens au Canada, c’est la plus grande diaspora au monde. On pourrait accueillir plus d’Ukrainiens, et on devrait le faire. On est aussi l’un des grands greniers à blé du monde. Peut-on en faire plus? Devrait-on cultiver plus de soya? Pourrait-on produire un autre type de protéines? Y a-t-il des terrains inexploités?
Les gouvernements pourraient-ils garantir aux agriculteurs qu’ils seraient soutenus s’ils plantaient davantage de cultures? On doit réfléchir à l’énergie. On va produire 300 000 barils de plus à la demande du gouvernement du Canada, suite à celle des Européens. Pourrait-on en faire plus? Grâce à notre réseau ferroviaire, pourrait-on passer à 400 000 barils de plus? Je dirais que oui.
On acheminerait du pétrole aux États-Unis pour remplacer le pétrole russe, ou on permettrait aux États-Unis d’exporter du pétrole dans d’autres régions du monde pour remplacer le pétrole russe. Pourrait-on produire plus de gaz naturel? Pourrait-on trouver un moyen d’acheminer du gaz à la côte est du Canada pour l’exporter? On a un terminal à St John, au Nouveau-Brunswick, pour l’importation de GNL. Combien de temps faudrait-il pour le convertir en terminal d’exportation? Comment pourrait-on acheminer du gaz naturel vers la côte est?
Rien ne doit nous échapper. L’uranium : la Russie approvisionne 30 ou 40 réacteurs nucléaires dans le monde. Il faut se libérer de cette dépendance. La Saskatchewan est l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde. Peut-on produire davantage? Peut-on accroître la production pour se passer de l’uranium russe? Et pour les autres produits de base, que peut-on faire de plus? Cela suppose un effort herculéen qui dépasse le mandat d’un seul ministère, qui franchit les frontières provinciales, qui transcende les allégeances politiques.
C’est pourquoi on aimerait qu’une autorité centrale s’occupe de fournir cet effort de guerre. Et je pèse mes mots, c’est une guerre. Quels que soient les termes employés par Poutine, c’est une guerre. On a l’obligation de venir en aide aux gens qui la subissent de plein fouet. Avec les ressources dont on dispose au Canada, on peut en faire plus.
PETER HAINES : Vous parlez d’une guerre, et en temps de guerre, on ne peut rien écarter. Bien sûr, on sait que l’Allemagne a fait marche arrière et va suspendre la fermeture de centrales nucléaires. Pensez-vous qu’il soit possible que le gouvernement américain change d’avis au sujet de Keystone?
FRANK MCKENNA : Je ne crois pas, non. Il y avait deux pipelines éminemment logiques sur le plan commercial : Energy East, qui aurait permis d’acheminer du pétrole et du gaz jusqu’à la côte est du Canada, de remplacer 700 000 barils de pétrole importés et d’exporter du gaz. Mais ça n’arrivera pas, car le pipeline doit passer par le Québec. L’autre, c’est Keystone. Je ne crois pas que ce projet verra le jour, parce que c’était un enjeu politique majeur pour les démocrates. L’électorat de gauche en a presque fait une vache sacrée.
Je ne crois pas... Biden préférerait encore aller supplier le Venezuela et ses despotes de lui fournir plus de pétrole plutôt que de donner le feu vert au projet Keystone XL.
PETER HAINES : Parlons de leadership. Parlons du président Biden. Vous avez dit qu’il a eu trois bonnes journées à Bruxelles et en Pologne, jusqu’à ce qu’il dérape dans son discours. Êtes-vous étonné de sa cote de popularité? Un sondage récent a laissé entendre que sa popularité est au plus bas depuis son élection à la présidence des États-Unis. Comment s’en sort-il à votre avis, et est-ce que ça vous étonne?
FRANK MCKENNA : Je pense qu’il a très bien géré la situation en Ukraine. Il a mobilisé le monde entier. Les États-Unis ne peuvent pas agir seuls, mais toute l’Europe est unie, et l’OTAN aussi. C’est la première fois que ces entités sont entièrement unanimes. Même aux États-Unis, sur le plan politique, le pays est assez uni. Je pense qu’il fait du bon travail. Il a fait quelques erreurs de rhétorique, mais on est dans une période tendue.
Je crois que les États-Unis se portent bien, et ils fournissent des ressources considérables à l’Ukraine. Pour moi, il n’aurait pas pu mieux faire. Il faut être juste envers Biden. N’oublions pas qu’aux États-Unis, après une élection, celui qui gagne a une totale liberté d’action. L’autre parti est en retrait, et il n’y a pas d’opposition organisée jusqu’à l’élection du prochain leader, qui a lieu habituellement trois ans plus tard. Les présidents ont donc le champ libre.
Donald Trump s’est proclamé chef officiel de l’opposition et son parti s’est proclamé, par procuration, gouvernement de remplacement. Joe Biden a donc dû gouverner avec un chef de l’opposition qui remet en question sa légitimité à titre de président des États-Unis. Et 40, voire 50 % des Républicains pensent qu’il n’a pas été légitimement élu président des États-Unis.
Voilà de quoi sérieusement écorner votre cote de popularité dès le départ. Je crois que même s’il était absolument irréprochable, ça ne changerait rien. Une grande part de la population soutient un ancien président qui – je l’ai dit à plusieurs reprises – fait ce qu’on peut imaginer de plus malveillant dans la vie publique, c’est-à-dire remettre en question la légitimité d’un gouvernement élu. Mais ça ne l’empêche pas de le faire.
Biden doit donc lutter contre ce courant. Il doit lutter contre la pandémie, alors que la population est très divisée sur la question de la vaccination et des mandats. Et il se retrouve à devoir mener une guerre dont personne ne voulait. Il devra aussi lutter contre l’inflation qui résulte des nombreuses mesures prises pendant la pandémie.
Et il est aux prises avec un parti démocrate divisé, qui a été incapable de se rallier à son programme. Il doit donc livrer de nombreuses batailles. Tout bien considéré, je pense qu’il ne s’en sort pas trop mal. Il n’a pas atteint tous ses buts, d’ailleurs, en parlant de buts...
PETER HAINES : Hier, en Jamaïque...
FRANK MCKENNA : Une qualification incroyable.
PETER HAINES : Excellente nouvelle pour le Canada. À bientôt au Qatar.
FRANK MCKENNA : Oui, absolument. Bref, pour en revenir à notre sujet, je dirais que Biden doit faire face à de nombreuses forces adverses.
PETER HAINES : Passons au Canada. Vous avez été assez élogieux, de manière générale, à l’égard du Canada qui a fait preuve d’initiative pour soutenir l’Ukraine. Il y a un point que j’aimerais aborder. Ça fait 40 ans qu’aucun ministre des Affaires étrangères n’a été en poste près de 10 ans, le dernier étant Joe Clark. Depuis que Trudeau est au pouvoir, il y a eu 5 ministres des Affaires étrangères en 7 ans.
À l’heure où l’on doit présenter un seul visage au monde, pensez-vous que cette valse des ministres des Affaires étrangères au cours des 7 dernières années est préoccupante?
FRANK MCKENNA : Oui, tout à fait. C’est le reflet de plusieurs faux pas en matière de politique étrangère. On a perdu la face en échouant à obtenir un siège au Conseil de sécurité. On a marqué contre notre camp en Inde, avec une tentative infructueuse d’établir une relation. Le premier ministre doit en assumer la responsabilité. En Arabie Saoudite, une série de faux pas nous a coûté nos relations avec ce pays.
Et avec la Chine, même sans tenir compte du cas de Meng Wanzhou, je crois que le message que l’on a envoyé était hors jeu. On peut donc reprocher bien des choses au Canada, qui est loin d’avoir fait de l’excellent travail en matière d’affaires étrangères. Le pays serait mieux loti si le premier ministre prenait la question au sérieux et si le même ministre restait en poste suffisamment longtemps. Je précise que je n’ai rien à reprocher à la ministre actuelle, Mélanie Joly.
J’espère qu’on lui donnera suffisamment de temps. Elle a déjà fait un travail remarquable en quelques mois. Les gens ne mesurent pas l’ampleur de son talent. C’est une avocate de talent, diplômée de l’Université de Montréal. Elle détient aussi une maîtrise en droit international d’Oxford. Elle a participé à de nombreux sommets francophones et internationaux de toutes sortes, à celui de Davos, etc.
Elle a participé à tous ces événements. En très peu de temps, elle a développé des relations extraordinairement importantes pour le Canada. Elle est très proche du ministre allemand des Affaires étrangères, du ministre français des Affaires étrangères, et elle s’entretient presque tous les jours avec Anthony Blinken, le secrétaire d’État américain. J’ai dîné à New York il y a deux semaines avec Hillary Clinton. Elle m’a demandé si je connaissais Mélanie Joly, et je lui ai dit que oui.
Elles ont parlé près d’une heure au téléphone et selon elle, Mélanie compte parmi les gens les plus impressionnants qu’elle ait vus à ce poste. C’est très élogieux de la part de quelqu’un qui a occupé cette fonction au sein du gouvernement des États-Unis.
PETER HAINES : Vous avez raison. Espérons que ça annonce une certaine stabilité. Il semble qu’il y ait une certaine stabilité en ce qui concerne la volonté du gouvernement actuel d’aller au bout de son mandat. La semaine dernière, il a annoncé un partenariat avec le NPD. Le gouvernement fera des concessions politiques au NPD en échange d’un soutien aux libéraux pour la durée du mandat. Selon la chef intérimaire des conservateurs, Candice Bergen, cet accord n’est « ni plus ni moins que du socialisme déguisé ».
Cette entente n’a pas valeur de coalition officielle, mais certaines critiques s’élèvent, car ce n’est plus le gouvernement que les Canadiens ont élu. Quel est votre avis sur le sujet? Cette entente est-elle importante, et risque-t-elle de contrarier les libéraux du centre?
FRANK MCKENNA : Oui à la dernière question. Je fais partie de ces libéraux et je suis contrarié pour la raison que vous venez de donner. Ce n’est pas le gouvernement pour lequel on a voté. Je pense que c’est vraiment important. Je me dois aussi de souligner que ces dernières années, au Canada comme partout dans le monde, on a dépensé sans compter pour lutter contre la pandémie avec des armes lourdes. On peut difficilement contester l’utilisation de ces armes, mais à un moment donné, il faut fermer le bar pour reconstituer les stocks.
En concluant cette entente avec le NPD, je crois que le gouvernement est en train de reconstituer les stocks. Ça ne me ravit pas, mais c’est un point de vue personnel. Quand je parle aux Canadiens, je constate que chacun a sa propre vision des choses. Cette entente n’a rien de scandaleux, selon moi. L’instabilité est telle que les gens accueillent favorablement la perspective d’un gouvernement stable pour les deux prochaines années. Mais je constate que chacun a un point de vue différent. Est-ce que ça profite aux libéraux? Au NPD? Aux conservateurs?
Chacun a son opinion. Je pense que ça profite à Justin Trudeau. Personnellement, je ne crois pas que cette entente profite aux libéraux. Aux prochaines élections, les gens se demanderont pourquoi voter pour les libéraux alors qu’on peut simplement voter pour le NPD?
Je crois que Trudeau qui va y gagner. Et j’avance cette idée uniquement parce que je crois que c’est une question de temps. Selon moi, il y a peu de chance qu’il se représente. Cette entente lui donne quelques années et une plateforme stable pour agir et se retirer avec élégance. On verra, mais je pense que cette entente lui donne cette opportunité.
PETER HAINES : Si vous investissez au Canada ou dans les titres de créance du gouvernement canadien, vous savez maintenant que le NPD a conclu une entente sans coalition avec les libéraux. Les dépenses pour l’assurance-médicaments et les soins dentaires vont augmenter. Ce sont les deux priorités. Ajoutez à cela... Est-ce que vous vous attendez à une augmentation des dépenses militaires dans le prochain budget à cause de la guerre en Ukraine?
Craignez-vous une baisse de la notation de la dette du Canada à cause de ces deux facteurs ou parce que la dette augmente partout dans le monde et que tout est relatif?
FRANK MCKENNA : Le plus étrange avec les dettes, c’est qu’il faut les rembourser, que ce soit des dettes personnelles ou du gouvernement. Oui, je m’inquiète. Il y a un argument à faire valoir en faveur de ces programmes sociaux. Les soins de santé catastrophiques dévastent certaines familles. Tant que le programme est très soigneusement circonscrit et s’attaque aux situations les plus scandaleuses, alors il y a un certain mérite. Les soins dentaires pour les plus pauvres sont un progrès social incontestable.
J’aimerais simplement que l’approche soit équilibrée, que l’on porte en même temps attention à l’économie et que l’on assure la croissance. Parce qu’avec ces projets, les impôts vont augmenter fortement dans certains pans de l’économie. Et toutes ces choses me préoccupent. Je préférerais une approche prudente et progressive concernant les programmes sociaux, tout en s’efforçant de faire carburer l’économie pour s’enrichir collectivement.
Il se trouve que l’on risque de s’enrichir collectivement de toute façon, à cause de la grimpée des prix des produits de base. Il ne fait aucun doute que le gouvernement va encaisser des revenus qu’il n’avait pas anticipés au moment où les budgets ont été établis. Je préférerais que l’on ne consacre pas cette manne à des dépenses tape-à-l’œil, mais qu’elle contribue plutôt à un plan de forte croissance économique de sorte que l’on ait les fonds nécessaires pour financer nos projets.
PETER HAINES : Si on consacre 1,5 % du PIB à la défense militaire, selon mes calculs, on arrive à 25 ou 26 milliards de dollars. Je crois que l’an dernier, notre PIB s’élevait à 1 700 milliards de dollars. L’Allemagne va passer à 2% du PIB, du moins c’est ce qu’elle affirme. Pensez-vous que dès le prochain budget, on va annoncer une hausse à 2 %?
FRANK MCKENNA : Dès ce budget, je m’attends à une hausse significative des dépenses militaires. Je crois qu’elles vont augmenter progressivement. Et la hausse sera conséquence. On va acheter des chars. On va acheter des missiles, etc. Ces dépenses vont s’étaler sur une certaine période. D’ailleurs, j’ai vu un bulletin d’information très récemment, selon lequel le Canada envisageait de faire du F-35 son avion principal. C’est un avion très cher, mais très perfectionné.
Bref, l’OTAN semble fixer la barre à 2 % du PIB. La pression est énorme, et je pense que le Canada va augmenter ses dépenses militaires de manière significative. Ce budget sera sans doute le premier à inclure ce genre d’annonces.
PETER HAINES : Frank, on aurait voulu le voir arriver un peu plus vite, mais le printemps pointe enfin le bout de son nez. Dans quelques semaines, les Masters vont commencer. Pour tous les amateurs de golf, c’est le coup d’envoi de la saison de golf et le début du printemps. Tous les deux, on s’intéresse plutôt au baseball. Au cours des prochaines semaines, le centre Rogers et les autres stades de la ligue majeure de baseball en Amérique du Nord seront bondés de partisans qui viendront encourager leur équipe.
Chaque mois dans ce balado, on parle de notre équipe favorite, les Blue Jays de Toronto. Et cette année, on a de quoi être optimistes. Buster Olney de la chaîne ESPN a prédit cette fin de semaine que les Blue Jays allaient battre les Braves d’Atlanta et remporter le scrutin de 2022. C’est ironique, car on les a battus il y a 30 ans à notre toute première Série mondiale. Êtes-vous aussi optimiste que Buster Olney?
FRANK MCKENNA : Écoutez, je suis très optimiste cette année. Mais il faut dire que je suis toujours optimiste avant le début de la saison. Ceci dit, je ne me rappelle pas avoir vu autant de talents chez les Blue Jays. Et certains des nouveaux joueurs... Je regardais un peu les antécédents de Tapia aujourd’hui. Il est d’une rapidité fulgurante, et il fait fréquemment contact avec la balle. Et avec Chapman, on a un joueur défensif hors pair qui va nous sauver la mise avec son gant, tout en étant capable de frapper un circuit.
Et sans l’ombre d’un doute, on a de meilleurs lanceurs. Ils sont vraiment meilleurs. Je continue de penser qu’il y a des lacunes du côté des releveurs. Ce sera sans doute problématique, d’autant que les lanceurs partants ont du mal à dépasser cinq manches. Il faudra sans doute renforcer les rangs des lanceurs. Mais c’est une bonne équipe, j’ai hâte de les voir. Ces gars ont de la personnalité et ils offrent vraiment un beau spectacle.
PETER HAINES : Un nom qui pourrait s’ajouter à la formation, du moins le nom que j’ai entendu à plusieurs reprises récemment, c’est celui d’un joueur de Cincinnati qui est en train de vendre presque tous ses éléments. Le batteur gaucher d’Etobicoke, Joey Votto, ancien MVP, est pressenti pour devenir notre frappeur désigné pour les deux prochaines années, avant la fin de son contrat. Ce serait un nom intéressant pour la formation, et ce serait formidable qu’il puisse terminer sa carrière là où il l’a commencé, à Etobicoke.
Ce ne serait pas mal, je trouve. Ça bouclerait la boucle. Mais je suis d’accord, je suis très optimiste. Et j’ai hâte de vous retrouver le mois prochain. On aura trois semaines de baseball à commenter. Merci de votre participation aujourd’hui, Frank.
FRANK MCKENNA : Merci, Peter.
[MUSIQUE]
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
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Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, M. McKenna a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a déjà été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.