Donald Trump et ses problèmes juridiques
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 34, Frank décortique les problèmes juridiques de Donald Trump et se demande s’il est possible d’être président des États-Unis en prison. De tous les cas devant Donald Trump, Frank croit que la situation anodine à l’égard des documents saisis à Mar-a-Lago pourrait constituer le plus grand risque juridique pour l’ancien président. Frank discute des conséquences d’un Congrès divisé, ce qui indique que ce sujet figure parmi les principales préoccupations des investisseurs et des entreprises clientes à la suite des élections de mi-mandat. Frank surveille de près le deuxième tour des élections en Géorgie pour le 100e siège au Sénat, car une victoire démocrate réduirait l’influence de Joe Manchin et des sénateurs qui se situent à l’autre extrémité du spectre et permettrait aux démocrates d’exercer un plus grand contrôle sur les comités sénatoriaux. Sur le plan de la politique canadienne, Frank compare son point de vue à celui de sa collègue, l’honorable Rona Ambrose, qui croit que la nouvelle première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, remportera les prochaines élections provinciales.
[TRAME MUSICALE]
FRANK MCKENNA : En 2024, les démocrates sont particulièrement vulnérables. Les sièges de 23 de leurs sénateurs sont en jeu, contre seulement dix chez les républicains.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 34 du balado mensuel de VMTD sur la géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, votre animateur pour cet épisode intitulé « Donald Trump et ses ennuis judiciaires ». On pourrait sans doute revenir sur le sujet chaque mois, mais, avant de commencer, je rappelle aux auditeurs que ce balado de Valeurs Mobilières TD est diffusé à titre informatif. Les opinions qui y sont exprimées n’engagent que leurs auteurs, c’est-à-dire Frank et moi. Elles ne représentent pas nécessairement le point de vue de la TD ou de ses filiales et ne constituent pas des conseils auxquels se fier, notamment en matière de placements ou de fiscalité. Bien franchement, Frank, je ne voudrais pas que personne compte sur mes conseils pour ses placements, vu mes antécédents dans le domaine.
Je sais que vous avez beaucoup voyagé dernièrement et je voudrais me faire une idée de certaines de vos conversations avec les investisseurs et les personnalités politiques avec qui vous parlez régulièrement. À titre de président du conseil d’administration de Brookfield et de membre du conseil d’administration de CNQ et d’autres sociétés cotées en bourse, vous avez certainement un vaste échantillon de l’humeur actuelle du monde des affaires. Quel sujet suscite le plus de discussion selon vos dernières rencontres?
FRANK MCKENNA : Le principal sujet – et de loin – ce sont les élections de mi-mandat aux États-Unis. Elles vont avoir de lourdes conséquences qui risquent de concerner la poursuite de l’effort de guerre en Ukraine – certains républicains promettent de s’y opposer, du moins, quant au rôle joué par les États-Unis – sans parler de la politique relative à la fiscalité et aux dépenses, les soins de santé et les poursuites qui pourraient être intentées contre Trump ou Biden. De fait, les élections de mi-mandat ont eu des conséquences extraordinaires. Le choc a été total pour à peu près tout le monde. Certains aiment prétendre qu’ils savaient ce qui allait se produire. Pas moi.
Si on remonte dans le temps, il y a près de 100 ans, on constate une corrélation très étroite et négative entre le parti au pouvoir, qui fait élire le président, et le résultat de l’élection qui, actuellement, défie près de 70 ou 80 ans d’histoire. L’anticipation d’une vague rouge était à son comble, mais le résultat pas été à la hauteur. Pour illustrer la situation, lorsque le taux d’approbation d’un président est inférieur à 50 points – et Biden en était loin – généralement, le parti au pouvoir perd en moyenne 43 sièges aux élections de mi-mandat.
Dans le cas présent, à la Chambre des représentants, on parle plutôt de six à huit sièges. Du côté des gouverneurs, les démocrates en ont fait élire deux de plus. Au sénat, ils ont gagné un siège de plus. Ces chiffres semblent négligeables, mais ils traduisent une rupture majeure. À mon avis, les élections de mi-mandat ont été une énorme surprise pour tout le monde. Globalement, les marchés semblent apprécier l’espèce d’impasse qui s’est installée en se disant que rien de trop négatif ne devrait être légiféré.
Dans l’ensemble, les Américains ont voté pour le bon sens et la modération. En analysant les résultats, on constate que les candidats aux extrêmes, à droite comme à gauche, ont presque tous mordu la poussière. J’ai déjeuné cette semaine avec Bill et Hillary Clinton, ici à Toronto. Ils m’ont fait remarquer combien les candidats soi-disant progressistes ont aussi été malmenés durant cette élection. J’en conclus que la population en a assez de la cacophonie et du chaos. Elle aspire à plus de modération. Et c’est ce qu’elle a obtenu.
Dans le cas de l’arrêt « Roe contre Wade », on n’ a pas fait un choix binaire, on a préféré la modération. Pour ce qui est des candidats de Trump qui l’ont toujours soutenu en niant l’élection de Joe Biden, ils ont presque tous été défaits. La population n’en peut plus de cet esprit revanchard, de tout ce bruit, du chaos. Les électeurs ont voté pour la modération.
PETER HAYNES : Vous soulevez de nombreuses pistes pour poursuivre la conversation. Je vais commencer par Trump, comme il a inspiré le titre de l’épisode d’aujourd’hui. Le mois dernier a été désastreux à tous points de vue pour Donald J. Trump, l’ancien président. Vous avez mentionné que la majorité des candidats qui l’ont soutenu aux élections de mi-mandat ont perdu, ce qui explique peut-être le résultat désastreux des républicains.
Mais, si on s’intéresse de plus près à Trump, on constate que ses ennuis judiciaires semblent peser de plus en plus lourd. Un procureur spécial a été nommé pour séparer l’État des diverses enquêtes menées par le département de la Justice. Entre-temps, Trump lui-même a annoncé sa candidature à l’investiture républicaine en 2024, peu après les élections de mi-mandat et, bien entendu, avant le second tour de scrutin en Géorgie. Quoi qu’il en soit, j’aimerais savoir comment l’histoire va se terminer selon vous. Trump va-t-il remporté l’investiture républicaine ou finir en prison?
FRANK MCKENNA : La question, à elle seule, révèle une certaine vision de la conjoncture politique aux États-Unis. Pour y répondre, je dirais que les deux options sont possibles. Prenons d’abord l’investiture républicaine. La cote de popularité de Trump a encaissé un dur coup. Bien des grandes fortunes, comme Schwarzman, Cullen et Lauder, ont décidé de lui couper les vivres. Certaines grandes publications, comme le New York Post et le Wall Street Journal, lui ont carrément tourné le dos. Une partie du mouvement évangélique semble aller dans le même sens.
Pourtant, Trump continue de dominer presque tous les sondages auprès du Parti républicain dans les intentions de vote. Des gens que je respecte beaucoup estiment que dans une course où se multiplient les candidatures, il va l’emporter. Si la liste est plus courte et affiche moins de quatre candidats ou même seulement deux, Trump risque de perdre contre DeSantis ou quelqu’un d’autre. Mais, s’il y a huit, neuf ou dix candidats, Trump va gagner. Il exerce une réelle emprise sur la base, surtout les républicains les plus convaincus.
Plus les poursuites s’accumulent contre lui, plus il joue les martyrs. À vrai dire, ça lui rapporte encore plus d’appuis. S’il peut compter sur les électeurs indépendants, les démocrates, assurément, et certains républicains, Trump va signer l’arrêt de mort du parti. De fait, les Clinton m’ont confié assez ouvertement que les démocrates, pour le salut de leur parti, aimeraient sans doute mieux affronter Donald Trump, mais que, pour le bien du pays, ils préféreraient certainement un autre choix.
Quant à ses ennuis judiciaires, ils sont nombreux, mais Trump a du coffre. Il ne craint pas les tribunaux. C’est le meilleur client du milieu juridique. Il fournit du travail à des centaines d’avocats tant du côté de la poursuite que de la défense. Il fait face à des dangers sérieux, et la Cour suprême des États-Unis ne semble plus le mettre à l’abri. Par exemple, il va finalement devoir rendre publiques ses déclarations de revenus. La Cour suprême a refusé d’intervenir dans ce dossier. Après environ six ans de bras de fer pour les obtenir, le Congrès va y avoir accès.
En général, les gens pensent que Trump s’inquiète surtout d’avoir l’air trop riche, alors qu’il craint plutôt le contraire. Il est bien trop orgueilleux pour supporter d’être fouillé de la sorte. On verra bien. Également, une de ses sociétés est poursuivie à New York dans une affaire d’évasion fiscale parce qu’on employait des moyens illégaux pour rémunérer les dirigeants. Dans un autre cas, la valeur de certains actifs n’aurait pas été déclarée correctement. Cette affaire n’est sans doute pas aussi périlleuse pour lui que pour les entreprises auxquelles il est associé.
Il a aussi des démêlés avec la justice en Géorgie, où il aurait incité à la fraude le Secrétaire d’État, je pense, afin qu’il lui trouve des votes. Trump aurait exercé des pressions pour faire changer le résultat. Il fait aussi face à des accusations à propos des événements entourant le 6 janvier. Ces accusations me semblent difficiles à soutenir à mon avis, mais s’approchent dangereusement de la sédition et de la trahison dans la trame des événements.
Il ne faut pas non plus oublier cette histoire d’une d’une journaliste qui accuse Trump de l’avoir agressée sexuellement. Mais, à mon avis, Trump est surtout vulnérable dans l’affaire des documents conservés à Mar-a-Lago. Pour résumer les faits, lorsque Trump a quitté la Maison-Blanche, il a emporté à Mar-a-Lago des douzaines de cartons remplis de documents classifiés qui traitaient, semble-t-il, des plus grands secrets nucléaires des États-Unis et même des détails croustillants de la vie amoureuse de Macron.
Il y avait un peu de tout dans ces cartons. Pour des raisons qui échappent à tout le monde ou à peu près, Trump a insisté pour conserver tous ces documents classifiés, malgré les demandes répétées pour qu’il les retourne. Il aurait d’ailleurs donné ordre à un valet de déplacer les cartons, sachant que les autorités fédérales s’apprêtaient à perquisitionner Mar-a-Lago. Dans cette affaire, on se demande quelle défense il peut invoquer. Avait-il ou non les documents? De toute évidence, ils étaient en sa possession et Trump ne les a pas rendus, comme on le lui avait demandé. Beaucoup de ces documents étaient bel et bien classifiés.
Il peut chercher à prétendre qu’il les avait classifiés d’une manière qui demeure mystérieuse, que ce soit en soutenant qu’il en avait l’intention ou d’une autre façon. Mais je pense que Trump est très vulnérable dans ce dossier. C’est ironique, compte tenu de toutes les autres lourdes poursuites dont il fait l’objet au civil comme au criminel. Ça me fait penser à Al Capone. Il a peut-être tué 50 personnes ou commandé beaucoup d’autres meurtres. Pourtant, c’est pour fraude fiscale qu’il a été épinglé.
On se souvient de l’époque où Conrad Black était poursuivi sous divers chefs d’accusation dans l’affaire Hollinger. Il a finalement été condamné en raison d’un film où on le voit déménager des boîtes de documents. Je pense que Trump est vulnérable dans un certain nombre de cas, mais surtout sans doute dans l’un des plus banals auxquels il fait face.
PETER HAYNES : Pour bien comprendre, Frank, lesquels de ces cas risquent de l’empêcher de briguer l’investiture républicaine, éventuellement, et lesquels pourraient lui barrer la présidence s’il remporte l’investiture républicaine, puis l’élection?
FRANK MCKENNA : Peter, je ne connais pas la réponse. Je ne suis pas sûr qu’aucun de ces cas l’empêcherait de remporter l’investiture républicaine.
PETER HAYNES : Président en taule, ça se peut?
FRANK MCKENNA : Je ne sais pas. Ça pèserait sur les électeurs. Mais, est-ce impossible sur le plan juridique? Je ne connais pas la réponse. Je devrais, pourtant. Quoi qu’il en soit, Trump a annoncé sa candidature pour deux raisons. La première, il veut écarter la concurrence en montrant les crocs pour intimider les autres candidats.
La deuxième, il veut couper l’herbe sous le pied du procureur indépendant advenant des accusations. Trump pourrait alors invoquer une attaque personnelle parce qu’on considère qu’il représente une menace politique. Il va jouer les martyrs pour rallier ses troupes en disant qu’il se bat contre le système. Il joue cette carte avec brio; je ne connais personne d’aussi doué pour ça. En annonçant rapidement sa candidature, il cherche à anticiper les poursuites.
PETER HAYNES : Quelle est l’importance de la nomination du procureur spécial? Est-ce un enjeu secondaire ou est-ce que ça place le département de la Justice à l’abri en raison du lien avec le Parti démocrate?
FRANK MCKENNA : Sur le plan politique, ça n’offre que peu de protection, que ce soit par rapport aux républicains ou même les électeurs indépendants. Je ne crois pas qu’ils vont accorder une importance particulière à cette affaire. Les gens comme moi, les avocats, les professionnels ou les observateurs éclairés vont être d’accord avec l’idée d’une séparation pour éviter de confier la poursuite à un procureur général nommé par un président. À mon avis, les observateurs qui s’intéressent à ces questions liées au processus vont estimer que c’est la chose à faire,
qu’il s’agisse de nommer un comité spécial du conseil d’administration dans certaines situations, etc. Ils vont croire que c’est la chose à faire sur le plan juridique. Cette démarche offre une certaine protection pour empêcher de politiser la poursuite. Pour les puristes, c’est très important. Pour les électeurs, le noyau dur chez les républicains en particulier, la question a peu d’importance.
PETER HAYNES : Pour conclure ce segment sur Donald J. Trump, je voudrais rappeler que Kanye West, ou Ye, a annoncé hier qu’il allait briguer l’investiture républicaine. Apparemment, dans un article, je pense, ou un message sur Twitter, il a indiqué que Trump, furieux, lui avait téléphoné. Trump aurait ensuite demandé à Kanye s’il voulait être son colistier. Si vous suivez les mésaventures de Kanye, je vous invite à lire le papier dans lequel le magazine Rolling Stone décrit comment Kanye traitait les employés de sa ligne de vêtements et de parfums, ou peu importe le produit, chez Adidas.
Vous êtes président d’un conseil d’administration, Frank… Voilà l’exemple d’un cas où les problèmes de gouvernance causés par une célébrité incitent tout le monde à passer sous silence les difficultés internes. Si ce que rapporte le Rolling Stone est vrai, je suis absolument dégoûté. Quoi qu’il en soit, Trump est aussi une manne pour les médias.
FRANK MCKENNA : Oui. À propos de Kanye West, je pense que la presse en général et les autres commentateurs ont une certaine obligation de tirer un trait sur toute cette histoire. Cet individu ne va pas bien, c’est clair. Je ne comprends pas pourquoi la presse lui accorde tant d’attention et l’encourage. Certains de ses proches l’ont déjà dit : il a besoin d’aide.
PETER HAYNES : Tout à fait. Vous avez raison, ça suffit toute cette attention à pareille histoire; c’est une source de distraction. Je dois aussi vous demander – comme vous entretenez une relation étroite avec les Clinton et que vous avez mangé ensemble plus tôt cette semaine, ça tombe à point. Dites-moi, Frank, la prochaine fois que vous parlerez au président Clinton, pourriez-vous lui demander ce qui s’est réellement passé en 2010 lorsqu’il faisait partie de l’équipe de candidature pour la Coupe du Monde 2022, qui se déroule actuellement au Qatar.
L’émission « FIFA Uncovered » en cours de diffusion sur Netflix révèle que les pays candidats pour les éditions 2018 et 2022 de la Coupe du Monde ont été sélectionnés ensemble. Le Royaume-Uni devait organiser l’édition 2018, comptant sur David Beckham, le prince William et d’autres partenaires. Les Américains pensaient obtenir l’édition 2022, avec à leur tête le président Clinton. Et, tout à coup, on apprend que la Russie et le Qatar sortent gagnants – c’est à n’y rien comprendre. Le sujet est d’actualité. J’aimerais bien savoir un jour ce qui s’est réellement passé en coulisse et pourquoi la Coupe de Monde se joue actuellement au Qatar. Toute une histoire… Avez-vous vu ce documentaire?
FRANK MCKENNA : Non, mais je suis au courant de la controverse. Je vais lui poser la question, et voir aussi ce qu’il pense à propos des extra-terrestres. Mes enfants me fatiguent tout le temps pour savoir si ces créatures existent. Autant faire d’une pierre deux coups.
PETER HAYNES : Vous avez raison. OK. Je voudrais revenir sur les élections de mi-mandat; j’ai quelques questions tactiques pour vous. Prenons la division du Congrès. On sait maintenant que les républicains vont remporter la Chambre des représentants et que le Sénat va demeurer du côté des démocrates. On a souvent entendu dire avant l’élection que les républicains avaient besoin d’une victoire décisive à la Chambre des représentants afin d’éviter de devoir courtiser l’extrême droite – dans le genre Marjorie Taylor Greene. Il y en a peut-être dix ou douze à la Chambre des représentants, contrôlée par les républicains. Pouvez-vous expliquer pourquoi c’est important, et aussi décrire en pratique la division du Congrès, maintenant que la Chambre des représentants appartient aux républicains et le Sénat aux démocrates?
FRANK MCKENNA : D’abord, Kevin McCarthy, qui sera certainement le président de la Chambre des représentants, ne chômera pas parce que la majorité correspond au chiffre magique de 218 sièges. Les républicains devraient en décrocher 222, peut-être un en moins ou en plus, mais ce sera autour de 222 sièges. Il faut donc rassembler la presque totalité de la conférence à chaque scrutin, et même réunir tout le monde dans la pièce. En cas de maladie, de décès, de tempête ou si quelqu’un rate une réunion, ça pose un problème.
En plus, il faut composer avec les factions et les fractures idéologiques au sein de son propre caucus et de la conférence. Ce n’est pas une mince tâche. Je parle du Freedom Caucus, à l’extrême droite. Ses membres vont se battre bec et ongles sur chaque enjeu et, s’ils ont gain de cause, ils vont mettre en danger les districts des républicains plus raisonnables ou modérés au Congrès. Il va y avoir des forces opposées dans chaque dossier à l’étude.
Ce ne sera pas simple à gérer ni pour recueillir tous les votes. Vous pouvez parier que les 214 ou 215 démocrates vont voter en bloc, presque à l’unanimité. Ce sera une guerre de tranchées. Voilà pour le Congrès. Sa stratégie va consister surtout à mettre des bâtons dans les roues. Il va pouvoir nommer des comités, faire enquête sur Hunter Biden et sur son père, le président, qu’on pourrait chercher à destituer. On va s’enfoncer dans des débats inextricables. C’est ce qui se passe généralement au Congrès.
On va peut-être tenté d’adopter certaines lois, mais c’est au Sénat que finissent par se régler les enjeux. Et le Sénat joue un rôle très important. Par exemple, il s’occupe de ratifier les traités et de désigner les nominations, depuis le cabinet jusqu’à la Cour suprême. Ça touche les tribunaux à divers niveaux. D’ailleurs, ce sont les tribunaux à divers niveaux qui servent le mieux les républicains depuis un certain temps.
Les démocrates sortent maintenant de leur torpeur et commencent à comprendre l’importance de cet exercice. Ils vont pouvoir agir. Ils n’ont pas besoin de la Chambre des représentants. Une majorité au Sénat suffit. Je pense que les démocrates vont être très actifs de ce point de vue. Est-ce que le président et le Congrès vont accomplir beaucoup de choses ensemble? Ce n’est pas impossible. La collaboration entre Bill Clinton et Newt Gingrich a donné lieu à la période la plus productive de l’histoire américaine. Ils ont ratifié certains des projets législatifs les plus importants. Ils sont parvenus à équilibrer le budget et à réduire la dette, en plus de stimuler la croissance. Je ne vois rien de ça actuellement. Le Congrès est beaucoup plus divisé au plan idéologique. Bien franchement, je vois mal sur quoi on pourrait coopérer.
PETER HAYNES : Où donc se trouve l’art du possible en matière de coopération? C’est peine perdue?
FRANK MCKENNA : On va coopérer dans certains dossiers. Mais, on va monter aux barricades et critiquer la Chambre des représentants à propos du plafond de la dette. Il faudra bien le relever un jour, mais les dommages causés seront déjà importants. Concernant les menaces étrangères, la politique se limite en général aux frontières nationales, mais pas toujours. Je pense que les républicains vont continuer de soutenir fermement l’Ukraine et qu’ils vont sans doute faire front commun devant la Chine et dans d’autres dossiers du genre. Je ne m’attends pas à de nombreuses mesures publiques proactives de la part de l’actuel Congrès, qu’il s’agisse du contrôle des armes à feu, de la crise des opioïdes ou d’autres dossiers du genre.
PETER HAYNES : OK. Avant de parler du Canada, quelle est l’importance pour le pasteur Warnock, qui détient une avance de quatre points dans l’élection de second tour en Géorgie sur Herschel Walker, de remporter le dernier siège pour que les démocrates en obtiennent 51 contre 49 au Sénat, ce qui limiterait le pouvoir des Joe Manchin de ce monde? Est-ce important selon votre point de vue sur le Sénat?
FRANK MCKENNA : C’est très important. Je suis content que vous posiez la question; ça me donne la chance de parler du système américain. Certains sondages accordent à Warnock une avance qui peut atteindre quatre points. Mais la plupart indiquent qu’il est presque au coude-à-coude avec Walker en tête de la course. C’est très serré en Géorgie, malgré le fait que, tout juste la semaine dernière, on apprenait qu’Herschel Walker bénéficie d’un crédit d’impôt comme résident du Texas en même temps qu’il se présente aux élections en Géorgie. Lui qui fait campagne en s’appuyant sur la moralité,
il est père de quatre enfants illégitimes, je pense. Il n’en reconnaît aucun. En plus, il fait face à des opposants virulents à l’avortement, et on découvre qu’il a payé pour faire transporter des femmes à deux cliniques d’avortement, au moins. Quel spectacle! Et cette semaine, il y est allé d’un lapsus qui pourrait être prophétique. En prenant la parole en présence de Lindsey Graham et de Ted Cruz, il a rappelé combien la Géorgie était déterminante dans cette érection. Tout un cirque! Mais, ceci étant dit, le résultat va être serré. Est-ce important? Énormément, pour deux raisons.
La première, même si les démocrates contrôlent le Sénat, à moins qu’ils remportent ce siège, on va se trouver à parité et il revient au vice-président de départager l’issue du scrutin. Mais, au sein des comités, ils doivent partager le pouvoir avec les républicains. Le président du Sénat ne vote pas. Si les démocrates remportent ce siège au Sénat, ils décrocheront la majorité au sein des comités, ce qui va beaucoup leur faciliter la tâche pour faire passer leurs nominations et leurs lois. C’est pour cette raison que ce siège est très important. Et aussi parce qu’il procure aux démocrates une certaine marge de manœuvre.
Certains de leurs sénateurs âgés – Feinstein a 89 ans, Sanders, 81 ans et Patrick Leahy, 82 ans, ne sont pas à l’abri d’un malheur. Les républicains reprendraient le contrôle. Cette marge de manœuvre avantage énormément les démocrates pour les élections de 2024, auxquelles il faut déjà commencer à réfléchir. En 2024, les démocrates vont être particulièrement vulnérables. Les sièges de 23 de leurs sénateurs sont en jeu contre seulement 10 chez les républicains. Les démocrates sont donc beaucoup plus vulnérables, notamment dans les États de l’Ohio, de la Virginie-Occidentale et du Montana. Et si Warnock l’emporte, il aura un mandat de six ans. Ce sera un siège de moins à se soucier au Sénat. Ça donne aux démocrates un petit coussin pour la suite des choses et, pour cette raison, le gagnant de cette élection prend énormément d’importance.
PETER HAYNES : Le 6 décembre, c’est assez près, on va pouvoir y revenir lors de notre prochaine conversation. On va maintenant parler du Canada. Les habitués de cette série de balados noteront la diffusion récente d’un épisode sous forme d’entrevue avec notre collège de Valeurs mobilières TD et ancienne chef du Parti conservateur, l’Honorable Rona Ambrose. Au cours de la discussion, qui s’est déroulée à l’occasion d’une conférence que nous avons organisée récemment, Rona a abordé de nombreux sujets touchant en particulier la politique canadienne. J’ai retenu deux points, notamment sur l’Alberta, sa province natale. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je me lance, Frank. Je vais commencer par Danielle Smith. Elle va devenir première ministre en mai prochain si le Parti conservateur uni le demeure. Mais on peut en douter, comme elle n’a remporté que 53 % des votes lorsque le Parti l’a élue comme leader. Si Danielle Smith l’emporte, elle compte amorcer un mouvement pour retirer la province du Régime de pensions du Canada (RPC), en plus de promouvoir une loi sur la souveraineté de la province : l’Alberta Sovereignty Act. Elle est prête à se battre contre toute politique fédérale nuisible à l’Alberta. Plus récemment, elle a reconnu qu’elle respecterait la décision de la Cour suprême. Mais, en attendant, elle va s’opposer fermement à toute politique fédérale qui, à ses yeux, porte atteinte à la souveraineté de l’Alberta. Quelles réflexions vous viennent à l’esprit à propos de ces deux points?
FRANK MCKENNA : D’abord, je crois que Smith peut devenir première ministre. Mais ce n’est pas gagné d’avance. J’ai parlé à deux anciens premiers ministres très au courant du dossier et ils sont d’accord avec moi : ça va dépendre beaucoup de la façon dont elle expose ses positions, en mettant peut-être de l’eau dans son vin. Rachel Notley, du NPD, est très populaire, mais son parti l’est moins. L’Alberta est une province conservatrice. On peut penser qu’un adepte de ce courant politique, en l’occurrence Danielle Smith, est capable de mener son parti à la victoire. Actuellement, l’Alberta ne boit pas littéralement ses paroles. On est dans l’expectative.
Durant la campagne, Smith a évoqué l’idée d’une loi sur la souveraineté qui répudierait directement toutes les volontés d’Ottawa. Depuis, elle s’est adoucie en déclarant qu’elle respecterait la décision de la Cour suprême. C’est une concession majeure, mais Smith envisage de se débarrasser de la GRC, pourtant populaire en Alberta. Son parti veut abandonner le RPC. Il vaudrait mieux faire attention. Il y a plusieurs années, le fonds provincial a perdu deux milliards de dollars – ce n’est pas rien. Les Albertains s’en souviennent et hésitent quand on leur propose que la province prenne en charge les prestations du RPC.
Toutes ces mesures soulèvent la controverse; Smith va devoir les justifier. C’est d’ailleurs une excellente communicatrice. Je la connais; elle est très sympathique. Mais, elle va devoir donner des explications. Et cette semaine, en cherchant à plaire à sa base électorale, elle a fait adopter une loi interdisant l’imposition du masque dans les écoles. Dans certaines circonstances, on peut compter que des parents vont s’y opposer. En période de calme relatif pour ce qui est de la pandémie, de la grippe, de la rougeole, etc., les parents pourraient laisser passer. Mais, dans d’autres circonstances, ils vont préférer conserver cet outil en considérant que sa gestion incombe aux écoles. Smith manœuvre sur plusieurs fronts. On verra bien ce que ça va donner.
On se fait souvent une fausse idée de l’Alberta. Les villes de la province sont très cosmopolites et accueillent de nombreux immigrants. Bien des citoyens d’autres régions du Canada s’y sont installés. La province compte des personnalités politiques soi-disant libérales et progressistes très en vue. On y trouve aussi une diversité d’opinions entre les régions rurales et les centres urbains. Mais, je crois que les Albertains adorent le Canada et font preuve de patriotisme. En fin de compte, Smith va devoir se demander si elle peut défendre l’intérieur supérieur de l’Alberta sans renier l’amour des Albertains pour le pays.
PETER HAYNES : Si je me souviens bien, Frank, vous avez ratifié le RPC lorsque vous étiez premier ministre du Nouveau-Brunswick, au moment de son adoption. Et vous savez mieux que personne qu’il est extrêmement compliqué de se retirer du RPC. Ce n’est pas aussi simple que de partir avec la caisse. Le RPC est complexe; il y a des échéances et des délais à respecter, etc. Ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. Et j’ai conseillé à Rona durant notre discussion de veiller à ce que tout le monde comprenne le processus, parce que ce n’est pas simple. On peut procéder à une remise de fonds sans avoir à céder de placements. C’est un long processus.
L’imposition d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels fait partie des sujets liés à cette forme d’empiètement. Bien des pays ont adopté ce type de taxe à l’encontre des sociétés pétrolières et gazières, entre autres le Royaume-Uni. Biden brandit cette menace. Et vous avez déjà déclaré publiquement ne pas croire que ça pouvait arriver au Canada.
Cependant, étant donné la récente décision d’imposer les rachats d’actions, affectant du coup les sociétés qui disposent d’énormes liquidités, notamment dans le secteur pétrolier et gazier en Alberta, on pourrait dire que la taxe de 2 % sur les rachats d’actions au Canada – une copie de la règle adoptée aux États-Unis – constitue une forme d’empiètement sur la souveraineté de l’Alberta. Êtes-vous toujours d’avis qu’il n’y aura pas de taxe sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières? Et croyez-vous que la taxe modeste sur les rachats d’actions suffise à mettre en colère l’Alberta?
FRANK MCKENNA : De fait, je maintiens mon point de vue. Évidemment, je pourrais bien me tromper, surtout en raison de l’influence du NPD dans la coalition avec Trudeau, ce qui pourrait jouer en faveur d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels. Mais, j’ai trois raisons de ne pas y croire. Premièrement, le gouvernement du Canada a déjà mis en place un programme de rachat d’actions que l’Ouest canadien considère comme une attaque dirigée contre les sociétés pétrolières et gazières. On pourrait dire que ça représente le prix exigé par Ottawa pour éviter une taxe sur les bénéfices exceptionnels.
Le fédéral a donc déjà joué dans ce scénario.
Deuxièmement, je ne crois pas, à ce moment-ci de notre histoire, compte tenu des autres combats en cours, qu’Ottawa ait vraiment le goût de se lancer dans un grand débat sur l’unité nationale avec la Saskatchewan et l’Alberta, dans l’Ouest. Les deux provinces, l’Alberta et la Saskatchewan, vont considérer qu’il s’agit d’une attaque directe contre elles et leurs industries. Ça envenimerait une situation déjà délicate.
Et, troisième raison, la plus convaincante, contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde, les producteurs de l’Ouest sont engagés dans un dialogue très sérieux avec Ottawa et l’Alberta concernant un important programme de réduction du carbone : le projet « Pathways ». On va investir des dizaines de milliards de dollars pour capter et séquestrer le carbone, en plus de développer un vaste réseau de transport et d’ouvrir un espace poreux dans le sol. Le projet va nécessiter la coopération des deux paliers de gouvernement et de l’industrie.
Le gouvernement du Canada a fait une concession fiscale importante pour égaler celle des États-Unis. C’est un programme gigantesque et complexe dans lequel l’industrie s’investit beaucoup et va devoir injecter des dizaines de milliards de dollars pour le mener à terme. À mon avis, la coopération risque d’en prendre un coup si les sociétés pétrolières et gazières sont victimes d’une attaque. C’est ma troisième raison de croire peu probable ce scénario.
Les Canadiens peuvent s’encourager de la situation actuelle. Il faut célébrer le dynamisme de notre secteur énergétique, qui comble un besoin criant dans le monde, en plus de remplir les coffres du gouvernement. L’Alberta est passée d’un énorme déficit à un surplus de 12 milliards de dollars. Le Canada a réduit de moitié son déficit. Et Canadian Natural, l’entreprise pour laquelle je siège au conseil d’administration, va verser à elle seule cette année, je pense, 12 milliards de dollars en redevances, taxes et impôts. Tous les gouvernements et les citoyens au Canada vont profiter largement du succès actuel de nos sociétés dans le secteur énergétique. Il ne faut pas non plus tarir la source de toute cette richesse.
PETER HAYNES : Je voudrais maintenant parler du Royaume-Uni, l’un des pays qui ont mis en place une taxe sur les bénéfices exceptionnels, et dire un mot en terminant sur le nouveau gouvernement. On a déjà discuté des difficultés rencontrées par Liz Truss. Depuis, un nouveau leader du nom de Rishi Sunak l’a remplacée. La fin de semaine dernière, un article dans le Sunday Time a donné à entendre que des hauts dirigeants du gouvernement au pouvoir cherchaient un rapprochement avec l’Europe dans le cadre d’un « accord commercial inspiré de la Suisse ».
Les tenants du Brexit n’ont pas apprécié. Mais, il faut se rendre à l’évidence : l’accès des jeunes Britanniques au droit de vote modère l’appui au Brexit. Et le gouvernement en poste aujourd’hui n’arrive pas à tirer « quoi que ce soit de positif du Brexit ». Dans ce contexte, sentez-vous pour l’appui au Brexit un recul qui pourrait mener à une réunion avec l’Europe ou du moins à un accord commercial inspiré de la Suisse?
FRANK MCKENNA : Oui. Au Royaume-Uni, on entend parler de plus en plus de « Regrexit » plutôt que de Brexit, et à raison. Par ailleurs, je pense que le Royaume-Uni, vu de l’extérieur, semble dirigé par des adultes responsables, tant du côté du premier ministre que du chancelier. Ils vont tout de même trouver l’hiver long et difficile, ainsi que les prochaines années. Mais, au moins, le marché semble globalement faire confiance aux dirigeants. Et le pays paie extrêmement cher pour la désinformation et la désillusion entourant le Brexit.
Pourtant, Boris Johnson et d’autres avec lui faisaient miroiter qu’il y aurait quasiment des guirlandes dans les les rues, qu’une manne viendrait financer la santé publique, et j’en passe. Rien de tout ça ne s’est produit. Le Royaume-Uni a plutôt récolté la colère de l’Irlande du Nord et la menace séparatiste de l’Écosse, sans parler des énormes difficultés à désintriquer son association avec l’Europe. J’ai lu dans un article qu’il faudrait peut-être quatre ou cinq ans simplement pour mettre de l’ordre dans les documents et faire en sorte que le Royaume-Uni soit vraiment indépendant. Dans l’intervalle, le pays paie un lourd tribut pour cette grave erreur.
Ceci étant dit, j’entends très peu de monde prétendre que le Brexit était une bonne idée. Néanmoins, les conséquences politiques de faire marche arrière seraient trop dommageables. Pour répondre directement à votre question, je ne crois pas que personne ait la témérité de vouloir renverser le Brexit. Franchement, la complexité de la tâche ferait sans doute vaciller à nouveau le Royaume-Uni. Il ne se passera rien dans un avenir prévisible.
PETER HAYNES : Le pays peut-il s’approcher d’un accord commercial avec l’Europe? On a déjà parlé de l’accord du Vendredi saint et du fait que ses retombées pour l’Irlande du Nord ont été remises en question récemment. Croyez-vous à une détente qui pourrait favoriser des relations commerciales bilatérales?
FRANK MCKENNA : À certains égards, les parties ont intérêt à s’entendre et à renforcer le cadre des échanges commerciaux. Le Royaume-Uni me semble très désavantagé dans les négociations. Le pays a perdu des milliers, voire des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur financier au profit d’autres capitales européennes. L’hémorragie se voit partout et les Britanniques ne sont pas vraiment en position de force pour négocier. Ils vont sans doute finir par trouver un accord commercial inspiré de la Suisse avec l’Europe. Je ne vois pas vraiment comment arranger les choses autrement. Ce n’est pas simple de faire rentrer le génie dans la bouteille.
J’aimerais que les beaux parleurs de la classe politique, avec leurs promesses, expliquent le désastre qui frappe maintenant le Royaume-Uni. Le pays cherche actuellement à négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis, par exemple. Mais les Américains et le président Biden exigent la garantie que l’accord du Vendredi saint ne sera pas touché et que les progrès réalisés en Irlande vont être protégés, avant d’entamer des discussions. Tout ça peut donner lieu à des conséquences imprévues. Il va falloir un certain temps avant que le sort du Royaume-Uni s’améliore.
PETER HAYNES : À mes yeux, Frank, c’est un cas classique où il faut se méfier des chiffres. Les investisseurs surveillent les indices de rendement des pays et constatent que l’indice FTSE est le meilleur du monde. Pourtant, l’économie britannique est sans doute l’une des pires. Cette distorsion s’explique par les titres qui composent l’indice FTSE. Il n’y a pas nécessairement de corrélation avec l’économie locale.
Ce n’est certainement plus le cas si on observe les indices de référence dans le monde. Il vaut mieux sans doute s’intéresser aux titres à faible capitalisation d’un pays pour se faire une meilleure idée de la santé de l’économie locale. Dans le cas de l’indice FTSE, les titres à faible capitalisation révèlent un portrait bien différent de celui des titres à forte capitalisation. Mais, on me pose souvent la question, et je pense que ça illustre parfaitement le fait qu’il ne faut pas établir de corrélation entre l’indice de référence et le rendement économique du pays.
Pour conclure l’épisode, Frank, je sais que vous êtes un touche-à-tout, mais il manque à votre CV le titre de directeur général d’une équipe des Ligues majeures de baseball. Je sais que vous en rêvez. Il n’est peut-être pas trop tard. Vous pourriez tenter votre chance du côté des Blue Jays. L’équipe vient de frapper un grand coup en embauchant le releveur Eric Swanson, un spécialiste des retraits sur trois prises à Seattle. Il a fallu payer le gros prix et céder en retour un joueur que vous aimez beaucoup : Teoscar Hernandez. Pour les partisans de l’échange, l’argent qui devait être versé à Hernandez servira ailleurs. Dans le rôle de directeur général, Frank, qu’est-ce que vous conseillez au Blue Jays de faire?
FRANK MCKENNA : Je vous le dis, Peter, et à tous nos auditeurs, j’offre mes services gratuitement. Une belle économie pour les Blue Jays. À vrai dire, j’ai de la peine de voir partir Teoscar Hernandez. Son sourire pouvait illuminer une partie de Toronto. C’est quelqu’un de bien. L’atmosphère avec lui dans le vestiaire était formidable. Il était content d’aller à la guerre.
Par contre, il y a toujours un envers à la médaille. Il avait souvent des ennuis de santé. À peu près chaque année, il ratait une partie de la saison. Son jeu défensif était sans doute inférieur à la moyenne. Il était très rapide, mais sa compréhension du jeu n’était pas exceptionnelle, et il avait du mal à voler des buts. Il n’a pas pu utiliser toutes ses habiletés naturelles, mais c’était tout un cogneur. Son départ va créer un vide immense dans la formation.
Il nous faut un voltigeur – c’est évident. On ne peut pas tenir pour acquis que George Stringer va rester en santé; il nous faut un voltigeur solide. C’est nécessaire de déplacer Stringer du champ centre vers le champ gauche ou droit pour lui donner du répit. Je le répète : il nous faut un voltigeur solide. J’ai eu connaissance d’une expérience intrigante que vous avez peut-être aussi remarquée. Durant un jour ou deux à l’automne, on a demandé à Gabriel Moreno de jouer à presque toutes les positions. Ce gars-là court comme le vent et il comprend très bien le jeu. Si on pouvait en faire un voltigeur, ça réglerait la congestion au poste de receveur; on en a trois excellents.
Ce serait dommage d’en laisser partir même un seul; idéalement, on devrait trouver un autre rôle à Moreno. Quoi qu’il en soit, il va falloir combler certaines lacunes. Au monticule, on a sans doute besoin d’un autre stoppeur. Je ne sais pas si on peut compter sur Ryu et peut-être même Kikuchi. Il va falloir déterminer si l’un ou l’autre ou les deux peuvent devenir le quatrième ou cinquième partant régulier. Mais, chose certaine, il nous faut du renfort au champ extérieur. Ça peut être Brandon Nimmo, Cody Bellinger, Bryan Reynolds, Ian Happ ou Jesús Sánchez. L’équipe a assurément de l’espace sous le plafond salarial.
Elle pourrait tenter le coup de circuit en cherchant à faire une grosse prise, si elle le veut. On s’approche du moment, Peter, où l’équipe aura mis sous contrat tous les jeunes joueurs de talent dont elle a besoin pour aspirer aux grands honneurs. Pour ça, il va falloir mettre la main à la poche afin de confier à des joueurs de renom les deux postes mentionnés : lanceur partant et voltigeur. Qu’en pensez-vous?
PETER HAYNES : Justin Verlander s’insérerait bien au début de notre rotation, on s’entend. Je remarque aussi que les cinq voltigeurs potentiels disponibles ont tous en commun de frapper de la gauche. Ça doit figurer dans les grandes priorités de l’équipe de réduire le nombre de frappeurs droitiers de la formation. J’aime bien Bellinger; c’est un candidat très intéressant. Los Angeles l’a libéré de son contrat; ça s’est mal terminé. Mais, il a été nommé le joueur le plus utile de la ligue il y a trois ou quatre ans et à l’issue de la Série mondiale il y a deux ans. C’est donc un candidat à surveiller.
Je ne sais pas si on a le temps de développer des jeunes talents prometteurs actuellement, mais je suis d’accord avec vous, Frank, c’est maintenant qu’on a la chance de gagner. Je pense que l’équipe va investir l’argent nécessaire. Je suis du même avis. Il y a bien des lacunes dans la formation. Nos 25 ou 26 joueurs ne sont pas parfaits. Il y a beaucoup de travail à faire. Mais on dirait que l’argent est au rendez-vous.
Avez-vous vu des images du SkyDome dernièrement – ou plutôt le Centre Rogers? On procède à des rénovations majeures, notamment au niveau 500. On va surélever l’enclos des releveurs dans le champ extérieur. Au coup d’œil, ça va être intéressant. Les propriétaires investissent 300 millions. On va sûrement en avoir plein la vue le printemps prochain, au retour du baseball.
FRANK MCKENNA : Tout à fait.
PETER HAYNES : Très bien. Merci beaucoup de votre temps, Frank, et joyeux temps des fêtes chez nous. On reprend notre conversation dès le début de la nouvelle année.
FRANK MCKENNA : OK. Merci, Peter.
[TRAME MUSICALE]
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
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Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant d’intégrer Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au Comité consultatif de la structure des marchés de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.