Invité : Arsani William, fondateur, associé directeur et chef des placements, Logos Capital
Animateur : Yaron Werber, analyste, Biotechnologie, TD Cowen
Arsani William, fondateur, associé directeur et chef des placements de Logos Capital, discute avec Yaron Werber de son point de vue sur l’avenir de la biotechnologie. Arsani donne son avis sur les tendances récentes qui pourraient suggérer le début d’une reprise durable pour le secteur, explique comment les équipes de direction et les conseils d’administration s’adaptent à la nouvelle réalité où le capital est cher et rare, et décrit ce qui est bien et ce qui est mal dans les placements en biotechnologie. Ils discutent également de la stratégie de placement de Logos et de la façon dont son approche se distingue des autres fonds thérapeutiques.
Ce balado a été enregistré le 21 juin 2024.
Intervenante 1 : Bienvenue à Insights de TD Cowen. Ce balado réunit des penseurs de premier plan qui offrent leur éclairage et leurs réflexions sur ce qui façonne notre monde. Soyez des nôtres pour cette conversation avec les esprits les plus influents de nos secteurs mondiaux.
Yaron Werber : Ici Yaron Weber, analyste principal du secteur de la biotechnologie à TD Cowen. C’est avec plaisir que je reçois aujourd’hui Arsani William dans cet épisode intitulé « Biotechnologie : stagnation, repli ou reprise? » pour parler des perspectives en biotechnologie. Est-ce qu’on vit une période de stagnation ou est-ce que la situation s’améliore? Arsani est associé directeur et chef des placements de Logos Capital, un fonds d’investissement mondial en sciences de la vie axé sur l’innovation thérapeutique dans les secteurs privé et public.
Avant de fonder Logos, Arsani était un professionnel des placements à Farallon Capital Management. Il est titulaire d’un doctorat de la Faculté de médecine de Harvard, d’une maîtrise en administration des affaires de la Graduate School of Business de Stanford et d’un baccalauréat ès sciences avec distinction en biologie de l’Université Stanford. Cet ancien lauréat du palmarès Forbes « 30 under 30 » a été reconnu en 2024 comme l’un des 25 principaux investisseurs en soins de santé par Growth Cap Advisors.
Il siège actuellement au conseil d’administration de Design Therapeutics et à tire d’observateur au conseil d’administration d’Odyssey Therapeutics. Arsani, merci de vous joindre à nous. Heureux de revoir. Vous êtes généreux de votre temps et de vos commentaires; je l’apprécie.
Arsani William : C’est un plaisir d’être ici.
Yaron Werber : Le secteur de la biotechnologie est en pleine effervescence. En me demandant qui inviter, j’ai pensé à vous immédiatement. Bien sûr, vous êtes un partisan des 49ers comme moi et on doit tous les deux avaler la défaite au Super Bowl. Mais, en plus, vous brillez par votre vision, votre sens de la stratégie et votre capacité à les combiner. Je me suis dit que c’était essentiel de recueillir votre point de vue sur le secteur. Parlez-nous un peu de Logos Capital et de votre stratégie de placement.
Arsani William : Oui, bien sûr. Et, Yaron, je dois dire que vous faites partie de mes analystes institutionnels préférés pour le volet vente dans le secteur de la biotechnologie. Je vais soutenir votre candidature pour le sondage d’institutional Investors. J’invite donc les auditeurs qui pensent comme moi et qui n’ont pas encore voté à inscrire Yaron en haut de leur liste.
On fait partie d’un milieu privilégié pour qui les dernières années ont certainement été assez pénibles, je dirais. Mais, lorsqu’on prend du recul et qu’on pense à notre travail en tant qu’investisseurs dans cet écosystème, on peut difficilement faire abstraction du fait que la biotechnologie nous projette dans l’avenir de la vie humaine. On partage tous la même mission : financer et faire progresser ces traitements novateurs et contribuer à améliorer les médicaments de demain.
Et c’est notre mission à Logos. On vise la rigueur scientifique. Par conséquent, on doit comprendre la biologie de la maladie, la chimie des médicaments, la pharmacodynamie et les mécanismes d’interaction des médicaments avec les cibles pathologiques avant d’y superposer des modèles de données sophistiqués pour les essais cliniques.
On allie la finance à la science pour investir dans des sociétés qui, espérons-le, vont transformer l’avenir de la pharmacologie, surtout dans le domaine thérapeutique. Et cette double approche nous permet à la fois d’investir dans les marchés privés et publics et de cibler les avancées médicales issues de l’innovation, peu importe la structure du capital ou la maturité de l’entreprise, dès le moment où on a accumulé assez de preuves aux phases de développement préclinique ou clinique.
Yaron Werber : Très bien. Dans quelle proportion le fonds investit-il dans des titres publics et privés?
Arsani William : Le fonds présente deux structures. D’une part, les fonds Opportunities de Logos investissent dans des instruments immobilisés à cinq ans, habituellement des sociétés privées ou des sociétés ouvertes très difficiles à négocier, ce qui correspond normalement à des titres publics illiquides auxquels on accède au moyen d’un financement structuré. L’autre volet investit sur les marchés publics. Il s’agit habituellement de sociétés plus matures qui ont produit une grande quantité de données cliniques scientifiques. Elles envisagent la mise au point d’un médicament qui est prêt à passer aux phases 2 et 3 des études cliniques. La répartition actuelle du fonds est à peu près moitié-moitié.
Yaron Werber : Le fonds est-il structuré dans son volet public comme un fonds de couverture? Quelle est votre exposition nette? Je ne sais pas ce que vous avez dit publiquement?
Arsani William : On gère ce qu’on définit comme un fonds de couverture à long terme. On est donc optimistes quant à la capacité future de traiter beaucoup de maladies humaines. On préfère consacrer davantage de ressources et d’efforts à repérer les équipes de direction qui peuvent exploiter d’excellentes perspectives de développement afin de proposer de nouveaux traitements et médicaments, plutôt que surveiller ce qui est surévalué ou ce qui risque d’échouer.
Cela dit, notre vision à long terme permet de soutenir la plupart de nos thèses, du moins dans l’affirmation des perspectives d’une entreprise. Mais, dans notre processus de diligence raisonnable, on observe une vive concurrence pour la part de marché associée à une maladie ou une composante de l’écosystème. Quand on repère des sociétés qui, pour diverses raisons, semblent moins prometteuses ou vouées à l’échec en raison de facteurs relevés dans leurs données ou le protocole des essais cliniques, on l’exprime dans une position vendeur. Mais on adopte surtout une exposition acheteur.
Yaron Werber : Quand vous faisiez carrière chez Farallon Capital, un autre fonds très estimé à San Francisco, qu’est-ce qui vous a décidé à démarrer votre propre fonds?
Arsani William : Il faut remonter aux raisons pour lesquelles j’ai choisi d’étudier la médecine. Lorsque j’étais étudiant au premier cycle à Stanford, j’ai envoyé environ 40 courriels à divers membres de la faculté de médecine en leur disant que je voulais faire de la recherche. Plusieurs m’ont répondu et, par hasard, je me suis retrouvé dans un laboratoire de recherche-développement de médicaments dirigé par Larry Steinman, du département d’immunologie. Le Dr Steinman a joué un rôle essentiel dans l’équipe qui a mis au point de Tysarbi, un médicament de choix qui cible un antigène clé du cerveau, l’intégrine alpha-4 bêta-1, dans la sclérose en plaques.
En travaillant dans ce laboratoire, je me suis rendu compte de ce qu’il faut pour traduire les efforts en promesse thérapeutique. Je pense à la propriété intellectuelle, à la constitution de sociétés, au maillage avec des promoteurs clés et même des collaborateurs d’autres laboratoires universitaires, mais aussi des partenaires pharmaceutiques potentiels. Et il faut aussi planifier l’obtention du financement pour mener à terme ce projet qui semble prometteur.
Après avoir obtenu mon diplôme de Stanford, je suis entré à la faculté de médecine. Même si j’avais toujours ambitionné de devenir chirurgien-oncologue, j’avais encore l’envie de travailler en recherche-développement de médicaments. Plusieurs stages durant mes études en médecine et en commerce m’ont donné la chance de me joindre à une équipe exceptionnelle à Farallon Capital, où j’ai pu acquérir de l’expertise, des connaissances et étendre mon réseau de contacts.
Quand on a l’occasion de lancer un nouveau fonds avec une excellente équipe qui se concentre uniquement sur l’écosystème dans lequel on évolue, il faut la saisir. On était soutenus par des partenaires institutionnels fantastiques. Différentes personnes se sont jointes à nous dès le départ, y compris plusieurs de mes partenaires issus du secteur du capital de risque et détenteurs d’un doctorat, notamment en médecine. L’aventure a commencé en 2019 et on va souligner bientôt notre cinquième anniversaire. On est assez heureux du résultat.
Yaron Werber : Oui, vous figurez parmi les réussites dans le secteur; il faut s’en réjouir. Arsani, qu’est-ce qui vous distingue des autres fonds du secteur thérapeutique?
Arsani William : C’est une excellente question. Parce qu’il y a beaucoup d’investisseurs et d’excellents fonds qui gravitent également autour de cet écosystème. Depuis notre fondation en 2019, on réfléchit notamment à la façon de combiner la diligence raisonnable traditionnelle avec la biologique et la pathologie de la maladie, mais aussi avec des analyses de données plus avancées à partir d’essais cliniques.
Il y a un exemple très simple que j’aime donner. On peut avoir un excellent médicament qui coche toutes les cases au stade préclinique. Sa structure chimique est solide, son profil pharmacocinétique excellent chez la souris ou le primate humain et sa marge thérapeutique est très grande. On l’administre à des patients à des doses progressives dans le cadre d’une étude de phase 1. Les résultats amènent à concevoir une étude de phase 2 et de phase 3, et c’est là que beaucoup de bons médicaments tournent malheureusement à l’échec.
Pourquoi? Il faut savoir que la maladie affiche une grande variabilité et qu’il existe une grande hétérogénéité dans les populations sous-jacentes de patients. On analyse les statistiques cliniques de différentes façons afin de voir si une donnée est statistiquement significative ou si elle n’atteint pas vraiment le seuil visé. On a donc créé une série de modèles d’analyse qui nous aide en quelque sorte à faire le pont, à réduire cette variabilité dans les études cliniques et à nous concentrer sur le signal perçu. Et si on constate que les sociétés dans leurs protocoles cliniques font exactement la même chose que nous, habituellement, ça nous incite à investir.
La combinaison de ce cadre scientifique axé sur les prévisions des essais cliniques avec l’approche traditionnelle fondée sur la biologie et la pathologie de la maladie permet de discerner si on investit dans un médicament, et non pas dans un projet scientifique très intéressant ou intrigant.
Yaron Werber : Votre méthode informatique est-elle fondée sur un décrément, pour ainsi dire, entre les phases 2 et 3? Est-ce que c’est en fonction, comme vous l’avez dit, de la variabilité de l’intervalle de confiance dans les taux de réponse? Ou est-ce aussi fondé sur les statistiques?
Arsani William : Si on prend un peu de recul, on constate que les données et les mégadonnées jouent un rôle de plus en plus important dans de nombreux processus de placement et, franchement, les données à proprement parler deviennent une marchandise. On aimerait réunir des ensembles de données présentées dans le passé sur des médicaments proches de notre domaine d’intérêt actuel pour ensuite élaborer des simulations afin de vérifier la probabilité de succès ou d’échec d’une étude clinique en cours.
L’une de nos tâches importantes, c’est d’établir des seuils d’échec; un peu comme si vous soumettiez un portefeuille standard sur les marchés publics à une simulation de crise pour vérifier sa volatilité potentielle dans divers contextes macroéconomiques. Nous mettons à l’épreuve différentes hypothèses. Des éléments comme les critères d’inscription, certains événements ou les ratios de risque peuvent déterminer l’échec ou la réussite d’un essai.
Dans l’évolution de nos pratiques afin d’exploiter ce répertoire de données scientifiques, ces approches multimodales nous ont permis d’examiner notamment les simulations bayésiennes et de multiplier les comparaisons croisées pour déterminer les maladies associées à des profils pharmacocinétique et pharmacodynamique facilement transposables ou non. Enfin, il faut tenir compte de la variabilité sous-jacente des populations de patients, en plus de la variabilité finale.
Je vous donne un exemple. Si je suis un patient atteint du cancer et que je suis inscrit à une étude de phase 2 ou 3, on va m’évaluer selon la réponse à l’une des deux questions suivantes. Est-ce que je réagis au traitement? Ce qui se vérifie généralement par un examen de tomodensitométrie qui confirme une augmentation ou une réduction du volume tumoral. Ou est-ce que je vis plus longtemps? Dans le cas d’une maladie orpheline, où l’imagerie n’apporte pas de résultats quantifiables, il faudra adopter une approche beaucoup plus qualitative. Pouvez-vous vous lever plus rapidement? Marchez-vous un peu plus longtemps? Pouvez-vous bouger la main et réaliser des mouvements que vous n’auriez pas pu faire sans le médicament?
Malheureusement, un seul de ces paramètres est un bon indicateur de l’efficacité d’un médicament. On peut aussi conclure à une variabilité beaucoup plus grande du patient. Selon que j’ai bu une tasse de café ou un lait frappé le matin, ou que j’ai dormi huit heures plutôt que quatre, mon résultat d’examen ne sera pas le même. Comment distinguer le bruit d’un réel signal? C’est exactement ce qu’on tente de faire avec ces modèles.
Yaron Werber : Très bien. Souvent, on va examiner les statistiques de différentes études, mais, en fin de compte, les simulations n’apportent jamais de réponse tangible, malgré un taux de précision de 72,7 %. On obtient plutôt un cadre de réflexion auquel il faut appliquer ses propres attentes. C’est toujours une bonne chose. Ça procure une boussole pour garder le cap. La plupart du temps, on atterrit au bon endroit. Et, comme vous l’avez souligné, cette dispersion des données est souvent plus difficile à interpréter.
Arsani William : Oui, je suis tout à fait d’accord. L’ambiguïté et l’incertitude sont souvent victimes d’inattention ou de négligence parce qu’on peut se pencher sur bien d’autres données intéressantes et claires pour investir. Mais, d’un autre côté, les prix chutent et ça offre d’excellentes occasions. On s’est donc demandés comment faire le tri parmi tout ce que le marché dévalorise. Il doit bien y avoir dans un ensemble de données un, deux ou peut-être trois éléments flous à analyse pour comprendre cet état de choses et élaborer un archétype ou un cadre afin d’en décortiquer les causes sous-jacentes.
On espère pouvoir intégrer ça à notre analyse. Et, si tous les paramètres biologiques, chimiques et pathologiques pointent vers une probabilité raisonnable de succès en apportant des changements mineurs à la prochaine étude clinique, les chances de profits sont habituellement bien plus grandes que lorsque l’ensemble du marché s’intéresse à un tout nouveau médicament et qu’il en anticipe pleinement la valeur commerciale probable.
Yaron Werber : Je vois. Quel est le secret afin de mobiliser des capitaux pour un nouveau fonds? On a organisé dernièrement un événement pour les répartiteurs. Normalement, je n’ai pas affaire à eux. J’ai été étonné d’avoir accès à une catégorie d’actif très différente et de découvrir une autre vision de la répartition du capital dans le secteur et dans différents fonds. Quelle est la sensibilité des répartiteurs au crédit pour investir dans la biotechnologie?
Arsani William : C’est une bonne question. Je pense que la sensibilité a changé pendant la pandémie par rapport aux trois ou quatre années précédentes marquées par ce qu’on considère comme une stagnation en biotechnologie. L’écosystème du secteur n’a pas enregistré un rendement comparable à celui du marché en général. Dans le contexte actuel, ce n’est pas facile de mobiliser des capitaux, mais quelques stratégies clés peuvent améliorer les choses. On en a fait l’expérience dans la dernière année pour financer le quatrième fonds Opportunities de Logos. On va probablement annoncer la fin de l’opération dans quelques jours.
Je dirais que trois choses sont très importantes. D’abord, dans le monde actuel, il faut surtout présenter une proposition de valeur claire et intéressante. De nos jours, les commanditaires et les investisseurs veulent comprendre le rendement financier du produit offert, mais aussi les retombées générales de leur investissement. Il est important, selon moi, de mettre en évidence les raisons pour lesquelles nos investissements s’appuient sur les répercussions scientifiques et cliniques clés de traitements qui recueillent notre adhésion et qui sont appelés à transformer profondément la société. Il faut d’abord prouver que notre travail est important et qu’il bénéficie à la société; on ne s’intéresse pas seulement à la science pour le rendement financier.
Deuxièmement, je dirais que notre équipe a fait ses preuves, indépendamment des replis des marchés, qui ont sans doute été parmi les plus volatils et les plus brutaux au cours des trois ou quatre dernières années, ne serait-ce que par rapport aux évaluations à la baisse dans le secteur de la biotechnologie. De plus, l’intégration, la chimie et la culture au sein de l’équipe sont très importantes. Bien des scientifiques et des investisseurs possèdent une vaste connaissance de la recherche médicale et des essais cliniques, et même d’autres domaines liés à l’analyse de données, mais la capacité de combiner les trois au sein d’une équipe soudée et dynamique plaît aux commanditaires, qui reconnaissent la force de notre structure et de notre culture.
Enfin, il faut de la transparence et une communication régulière avec les investisseurs au sujet de l’évolution des fonds. Il est parfois plus important de discuter des raisons pour lesquelles les choses ont mal tourné ou ne se sont pas déroulées comme prévu et de notre réaction dans ces circonstances plutôt que de souligner nos réussites. Ça témoigne de notre caractère – parce que des défis imprévus vont inévitablement se poser –, mais aussi de notre capacité à garder le cap, à réagir aux difficultés et à en tirer des leçons utiles la prochaine fois.
Aujourd’hui, les répartiteurs paraissent réceptifs, mais prudents par rapport au secteur dans son ensemble. Et ça n’a rien à voir avec la vague incroyable d’innovations et de produits mis au point en biotechnologie. C’est lié davantage à l’incertitude économique qui plane depuis un bon moment, aux conséquences des taux d’intérêt sur les sociétés d’infrastructures qui ne produisent pas de flux de trésorerie, comme dans le secteur de la biotechnologie, et à l’existence d’autres excellentes solutions de placement moins volatiles.
À titre d’exemple, je crois que cette webémission aura lieu quelques jours après que la société Nvidia aura décroché le premier rang mondial pour la capitalisation boursière en un temps relativement court. Pour le meilleur ou pour le pire, les grands thèmes et mouvements sur le marché, comme l’IA, attirent les investissements.
Yaron Werber : Et c’est habituellement le secteur de la technologie qui vient financer celui de la biotechnologie. L’environnement est encore dominé par les grandes capitalisations technologiques. Il faut que ça se propage aux petites capitalisations en attendant de gagner le secteur de la biotechnologie. Le secteur de la biotechnologie est-il en repli ou en stagnation, comme vous l’avez dit, ou au début d’une reprise?
Arsani William : Si vous m’aviez posé la question l’an dernier et les deux autres avant, j’aurais sans doute répondu la même chose. Il faut prendre avec un grain de sel tout ce que je dis à ce sujet; on n’est pas des prévisionnistes du marché. On vise simplement à déterminer quels sont les meilleurs actifs. On cherche à savoir si, avec de la patience et dans une perspective de placement à long terme, on peut continuer à financer ces sociétés appelées à franchir l’étape suivante ou à proposer un traitement potentiel.
En réfléchissant davantage à la question, selon moi, on fait face certainement à un ralentissement, mais les tendances récentes pointent vers le début ce qui pourrait être une reprise durable. D’abord et avant tout, bien des sociétés ont réduit leurs dépenses en recherche et développement. Les marchés financiers ont ralenti. Les nouvelles émissions de PAPE n’ont pas cessé brusquement, mais ont diminué par rapport aux années précédentes.
Pourtant, on commence à concentrer et à consolider le capital des investisseurs dans ces mêmes sociétés qui ont d’excellentes équipes de direction, qui maîtrisent l’art de l’exécution et qui possèdent des actifs dont les données arrivent à un stade avancé. On parle de pompes thérapeutiques et de médicaments qui finiront un jour par être approuvés. Durant cette période de transition, on espère que le milieu des placements, mais aussi l’écosystème et le secteur en général, vont redoubler d’efforts.
Il ne faut pas oublier que la biotechnologie a tendance à traverser des cycles d’innovation et des cycles macroéconomiques étroitement liés aux taux d’intérêt. Je pense aussi aux cycles de fusions et acquisitions. Et, actuellement, on dirait que les facteurs à long terme convergent favorablement, alors que tout le reste semble en butte aux obstacles.
Par exemple, on sait que les fusions et acquisitions dans le secteur de la biotechnologie offrent une énorme source de rendement aux investisseurs, mais aussi aux entrepreneurs qui s’attellent à la tâche difficile de lancer une entreprise, puis un projet thérapeutique. Les sociétés pharmaceutiques ont besoin plus que jamais au cours des 20 dernières années d’acquérir de nouveaux actifs pour accroître leurs revenus, comme elles font face à l’expiration massive de brevets d’ici 2030. Mais elles doivent aussi affronter la loi Inflation Reduction Act, qui réduit la capacité d’établir le prix d’un médicament par rapport à ce qu’elles pourraient normalement exiger. On sait que la recherche-développement des sociétés pharmaceutiques a généré un rendement net de 4 % du capital investi dans les 10 dernières années. Quelle direction les sociétés pharmaceutiques vont-elles prendre dans la poursuite de nouveaux projets? Elles doivent se tourner vers l’écosystème de la biotechnologie.
Au prix auquel sont cotées aujourd’hui les sociétés de biotechnologie et compte tenu des liquidités dont elles disposent, on s’attend à une convergence des cours acheteur et vendeur, ce qui devrait augmenter le nombre de fusions et acquisitions dans les prochaines années, surtout chez les sociétés dont les actifs sont en phase intermédiaire ou avancée.
Deuxièmement, les taux d’intérêt présentent une corrélation inverse marquée par rapport aux caractéristiques du secteur. La hausse prolongée des taux d’intérêt est ancrée dans la psychologie des marchés, mais il faut savoir que tout ce qui monte redescend. À un moment donné, le cycle des taux d’intérêt prend fin. On observe des réductions de taux, ce qui risque de conduire les investisseurs à se délester d’importantes liquidités ou d’actifs défensifs moins risqués au profit de catégories d’actif un peu plus audacieuses, comme la biotechnologie. Et, compte tenu des liquidités du secteur, tout mouvement de capitaux de cette nature peut avoir un effet beaucoup plus prononcé sur les prix des actifs.
Enfin, le dernier élément qui semble très positif pour le secteur tient au fait qu’on sort d’une période où les sites de financement des séries A et B et où la mobilisation de capital-risque avaient atteint des sommets inégalés en 2020 et 2021. Il s’est créé plus de sociétés durant ces deux années que dans toute autre période de cinq ans dans l’histoire du secteur. On est maintenant en phase de digestion, compte tenu de tous les fabricants de produits génériques et d’imitation. Ils ne sont peut-être pas aussi différenciés en ce qui concerne la stratégie ou l’actif sous-jacent, mais ils visent tous une même cible.
J’ai perdu le compte du nombre de sociétés créées dans le domaine de la thérapie CAR-T ciblant les antigènes CD19 et CD20. N’importe quelle équipe de direction va se vanter d’offrir un produit supérieur à la concurrence. Mais, on a fini par répartir le marché en fonction du seuil à partir duquel la valeur actualisée nette n’est positive pour aucune entreprise. Pendant qu’on filtre l’énorme bassin de sociétés en démarrage financées par du capital de risque, le secteur est en train de s’assainir sérieusement et devrait être plus durable, faut-il espérer, d’ici les trois à cinq prochaines années.
Yaron Werber : Je suis bien d’accord avec tout ça. Mais, je ne crois pas que le secteur de la biotechnologie soit en phase de repli. Je parlerais plutôt de stagnation. J’avoue ne pas bien faire la différence entre repli et stagnation en biotechnologie. Ça me semble du pareil au même. La stagnation me paraît plus structurelle et durable, tandis que j’associe le repli à une panne. Je dirais qu’on vit davantage un repli.
Ça rappelle aussi beaucoup la période de 2003 à 2006; le marché se remettait encore de l’éclatement de la bulle génomique. À l’époque, le modèle d’affaires de nombreuses sociétés de biotechnologie n’était pas durable dans le domaine du génome. Cette technologie est arrivée 15 ans trop tôt et devait gagner en maturité. On observe des signaux plutôt contrastés. Depuis trois ans, le secteur déçoit en chiffres absolus, tandis que le NASDAQ et l’indice S&P affichent un rendement entre 50 % et 80 %.
On comprend pourquoi les généralistes se tiennent à l’écart. À court terme, l’indice de force relative se situe à mi-chemin. On ne se trouve pas en situation de surachat ou de survente. La bonne nouvelle, c’est que les flux de capitaux se sont stabilisés après avoir été structurellement négatifs l’an dernier. On est donc revenus à une position au moins neutre. On observe un fort volume d’opérations, bien plus que l’an dernier. La corrélation est importante; on aime voir beaucoup d’opérations, mais la négociation n’est pas nécessairement avantageuse.
Évidemment, il n’y aura pas une multitude de PAPE par rapport au sommet de 2021, mais on en surveille les suites et on s’assure de leur succès, parce que les sociétés qui mobilisent des capitaux sur le marché boursier, comme on le sait, affichent habituellement de bons paramètres fondamentaux et veulent réussir leurs opérations en bourse. Elles se trouvent actuellement à peu près au point neutre, et on voit beaucoup de fusions et acquisitions, même sur 12 mois.
En fait, on est en avance sur l’année dernière, l’une des meilleures sur le plan du volume. Mais la valeur totale est en baisse. Ça s’explique par la retenue manifestée par la Federal Trade Commission avant l’élection; aucun acheteur important ne veut réaliser une grosse affaire. Il a besoin de comprendre les intentions de la Commission.
Chaque trimestre, on utilise un baromètre. On note des opérations plus intéressantes, ce qui est encourageant. Mais on observe également depuis trois mois un effondrement total de la confiance; c’est un bon indicateur avancé. En général, ce baromètre est très sensible lorsque le secteur atteint un creux. Il ne vous dira pas comment les choses vont évoluer sur le plan structurel au cours des trois prochaines années, mais vous saurez à quoi vous en tenir à court terme.
Je pense que le repli tire à sa fin. On est tout à fait d’accord pour dire que tout dépend des taux d’intérêt. Mais, pour la suite, on peut s’attendre à une reprise précoce. Il ne faut pas espérer un autre marché haussier. Les paramètres fondamentaux ne sont pas au rendez-vous. Mais, dites-moi, croyez-vous que le secteur est beaucoup plus axé sur des thèmes qu’à nos débuts, il y a 20 ou 24 ans. Il y en a beaucoup plus maintenant. Beaucoup d’autres sociétés appartiennent à la même catégorie. La dernière fois, c’était la société en oncologie de premier plan la plus rapide à imiter l’innovation. Maintenant, on parle des sociétés en immunologie et inflammation. Je pense aussi à la thérapie CAR-T dans les maladies auto-immunes, en immunologie et inflammation. L’édition de l’ARN fait aussi partie de la liste.
De nombreux thèmes émergent. On a même évoqué la thérapie CAR-T de troisième génération en hématologie. On commence à voir beaucoup de médicaments qui ciblent les anticorps bispécifiques, voire trispécifiques, et qui agissent sur les tumeurs solides, sans parler des thérapies CAR-T dans ces cas-là. Voici donc ma question : quels sont les indicateurs avancés d’une reprise réelle?
Arsani William : En passant, je suis d’accord avec tout ce que vous venez de dire, Yaron. Quand on discute avec nos commanditaires des différents signaux du marché susceptibles de révéler si on se trouve au début, au milieu ou à la fin du cycle en biotechnologie, on se demande si certains indicateurs, comme ceux que vous avez mentionnés dans la mesure de la confiance, pourraient annoncer un renversement de la trajectoire actuelle.
Il y a deux ou trois choses qu’on examine. Parmi les éléments de cette forte distorsion associée au fonds XBI à laquelle on prêtait une attention particulière dans le secteur de la biotechnologie, on s’est intéressés au nombre de sociétés dont le titre se négociait à une ou deux fois les liquidités. On a découvert que 40 % du secteur se négociait sous la valeur des liquidités. Ce pourcentage dépassait les creux du cycle précédent enregistrés en 2015 et en 2016, et même en 2000 et 2001.
Deuxièmement, quelle est la capitalisation boursière à atteindre pour une société de biotechnologie dont la rentabilité est inférieure à la médiane? Ce que ça nous dit habituellement, c’est dans quelle mesure les investisseurs sont prêts à accorder de la valeur aux actions de ces sociétés par rapport à ce qu’elles produisent, comparativement à la valeur de négociation qui s’affiche à l’écran de Bloomberg et qui correspond simplement au niveau des liquidités Il ne fait aucun doute que ces sociétés continueront d’investir pour franchir les étapes cliniques importantes, mettre au point un médicament et mener à bien toues les phases de développement.
Ce qu’on a constaté, peut-être même avant le quatrième trimestre de l’année dernière, où les fusions et acquisitions ont explosé, c’est que la baisse du pourcentage de sociétés négociées à deux fois et une fois les liquidités et le recul du ratio capitalisation-liquidités pour la société médiane ou rentable excédaient tout ce qu’on avait vu avant, notamment en mars durant la pandémie de COVID lorsque l’ensemble du marché avait capitulé.
Et ça nous a donné un assez bon indice qu’on se trouvait à peu près au point mort. Nombre de ces sociétés qui comptaient sur d’excellentes équipes de direction et d’importantes liquidités amassées au cycle précédent pouvaient poursuivre des projets très novateurs en misant sur un fort potentiel de réussite et sur une excellente filière de développement. Il suffisait d’avoir un horizon de placement au-delà des trois à six mois plus pénibles qu’il fallait passer à ce moment-là. Les différents types d’indicateurs financiers propres au secteur donnent généralement une bonne idée d’un changement probable ou non de la tendance.
Pour ce qui est de la diversification des domaines thérapeutiques dont on parle, il est certain que les thématiques engagent différents paliers. Par exemple, la FDA peut être plus stricte ou indulgente selon la division qui examine une demande pour un médicament potentiel. On sait que la division cardiorénale de la FDA est beaucoup plus exigeante dans l’application des analyses statistiques que la division qui se penche sur les thérapies cellulaires et géniques. Pourquoi? Je ne sais pas. Je suppose que c’est fondé sur le besoin et sur l’ensemble de la population à traiter.
La FDA a mis en place il y a plusieurs années le projet Optimus afin de comprendre pourquoi on administre une certaine dose de médicament dans le cadre d’une étude clinique de phase 2 ou 3, et de vérifier si différentes doses peuvent entraîner une réponse pharmacodynamique similaire. Les sociétés ont dû repenser sérieusement le protocole des études à doses progressives. Dans le cas des études de confirmation, je dirais que l’utilisation de critères de substitution accélère l’approbation de la FDA.
Tous ces facteurs influencent les raisons d’investir dans un domaine plutôt qu’un autre. Mais tout ça revient à se poser la même question : la trajectoire d’un produit, entre le développement clinique et l’approbation commerciale complète, comporte-t-elle plus ou moins de risque en fonction des événements qui se produisent? Si, dans un domaine ou une catégorie, les taux de réussite des essais cliniques sont plus élevés, les pressions exercées par la loi Inflation Reduction Act sur les prix ont moins d’effet. Il est aussi peu probable que la FTC intente des poursuites dans le cas d’une fusion potentielle, comme les produits pharmaceutiques se chevauchent rarement. Ou on croit que la FDA se montre plus exigeante dans un domaine que dans un autre. Ça peut influencer grandement la direction prise par les flux de capitaux.
Chez Logos, on surveille de près ces aspects, mais on tente surtout de déterminer si le milieu médical cherche à traiter une maladie donnée ou suit une certaine trajectoire. L’exception serait une société qui proposait un nouveau cadre et développerait un traitement novateur capable de nous propulser dans une autre direction.
C’est là que les choses deviennent très intéressantes. En examinant notre rendement et celui du secteur, on a relevé les sociétés qui ne fabriquent pas de produits génériques ou d’imitation, qui font œuvre de pionnier dans le monde médical et qui se hissent parmi les meilleurs dans leur domaine. Ce sont elles qui vont générer l’essentiel du rendement dans le secteur.
Tout le reste ne manquera pas d’accroître le savoir médical afin de comprendre pourquoi certaines choses fonctionnent mieux que d’autres. Ces sociétés sont généralement à l’avant-garde et génèrent souvent l’essentiel du rendement en biotechnologie sur le marché public.
Yaron Werber : Vous participez activement au secteur privé; vous siégez à des conseils d’administration. Les directions et les conseils d’administration sont-ils rationnels face à cette nouvelle réalité liée à leur évaluation? Sont-ils prêts à encaisser les coups? Est-ce qu’ils prennent les décisions difficiles maintenant en réduisant les programmes et leurs dépenses?
Arsani William : Je dirais que oui; c’est certainement un changement. En 2020 et 2021, on misait avant tout sur la science, l’innovation et les technologies. On pouvait décrocher la lune en contexte de sursouscription en faisant appel à la science et aux technologies durant une présentation pour expliquer comment son cadre de travail ou son projet était rigoureux et novateur. Ça attirait une foule d’investisseurs extérieurs au milieu de la biotechnologie qui croyaient à la promesse que n’importe qui pouvait reproduire le succès de Moderna et de BioNTech, ce qui n’est pas une mince affaire. Ça prenait le bon endroit et le bon moment, mais aussi la bonne technologie, les bonnes personnes, la bonne étape de développement, etc.
Les équipes de direction nous ont appris aujourd’hui certaines choses qui nous rendent assez optimistes quant à l’évolution des placements de portefeuille privé au cours des prochaines années. Bien des équipes de direction ont entrepris une planification stratégique des étapes. Elles élaborent une feuille de route plus claire qui propose des étapes bien définies, en plus d’un plan pour assurer le financement, établir la crédibilité auprès des investisseurs et des parties prenantes ou s’adjoindre des collaborateurs, comme les sociétés pharmaceutiques prêtes à respecter ces étapes. Voilà pour le premier point.
Deuxièmement, vous avez parlé de l’efficacité des ressources en recherche-développement. Les sociétés sont beaucoup plus prudentes dans l’affectation des ressources. Elles privilégient les projets qui présentent le meilleur potentiel de réussite, et attribuent les ressources en conséquence pour éviter de grever les équipes, mais aussi le capital, qui doit durer beaucoup plus longtemps.
Enfin, je voudrais parler de transparence. On a eu beaucoup plus de conversations interactives en tant qu’investisseurs avec nombre de détenteurs de portefeuilles privés pour les aider à définir la stratégie à suivre. Ils s’appuient sur leur perception du monde en tant que scientifiques et entrepreneurs, mais il faut maintenant aussi leur montrer comment fonctionnent les marchés financiers et gagner leur confiance. La transparence est bien meilleure auprès d’investisseurs plus nombreux et plus diversifiés dans l’écosystème en prévision de la prochaine mobilisation de capitaux.
On y a mis les efforts. Le gros du travail s’est fait en 2022 et 2023, et les principes mis en œuvre à ce moment-là s’appliquent encore cette année.
Yaron Werber : Votre vision interne est plus distanciée, pour ainsi dire, du fait que vous siégez à des conseils d’administration, vous êtes un investisseur stratégique et conseillez des sociétés. En songeant à ce que le milieu de la biotechnologie et les investisseurs font de bien et de moins bien, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit?
Arsani William : Collectivement, on maîtrise la diligence raisonnable. Notre milieu est le meilleur de ceux que j’ai observés dans le monde pour évaluer la validité scientifique et la conception des essais cliniques, et pour cerner le potentiel du marché. Et je crois dans la théorie de l’efficacité du marché. Bien sûr, certains investissements échouent. Mais, dans le milieu, les investisseurs ont tendance à miser sur les projets qui sont très susceptibles de réussir, et cette réussite découle de l’intérêt manifesté par ces investisseurs. La relation est presque symbiotique.
Je pense aussi que nombre d’investisseurs qui ont connu les difficultés des trois ou quatre dernières années sont contraints d’adopter une perspective à bien plus long terme, sachant que le développement en biotechnologie prend des années, non pas des mois ou même une année, avant de porter fruit.
Il ne s’agit pas seulement de faire appel à la science ou à une approche novatrice pour réaliser une percée thérapeutique. Il faut aussi accorder beaucoup d’importance aux équipes de direction, exécuter le plan de développement et déterminer la structure de capital adaptée à l’entreprise. Le milieu ressort plus fort des trois ou quatre dernières années qu’il vient de traverser. Il faut espérer qu’on mettra en pratique les leçons tirées de ce cycle lors du prochain marché spéculatif à se mettre en place dans les dix ou vingt prochaines années, et qu’on saura apprécier davantage ce qu’on fait actuellement plutôt que de se laisser tenter par le risque sur le marché, comme il y a plusieurs années.
Là où on pourrait s’améliorer, c’est que j’observe lorsque les marchés deviennent très volatils une aversion immédiate pour le risque. On a tendance à se détourner des sociétés de biotechnologie aux premières étapes de développement en raison des risques plus élevés perçus. Le danger, c’est de passer à côté d’innovations thérapeutiques parce qu’elles répondent mal aux attentes en bourse. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est sans doute le meilleur moment pour acheter des actions de ces sociétés, car lorsque le marché évolue ou que la société publie des données, l’asymétrie des cours est bien plus susceptible de gonfler le rendement par rapport à celui d’une entreprise très sûre qui se négocie sur le marché public de la biotechnologie.
Il y a donc d’abord cette aversion soudaine pour le risque au lieu de réfléchir à un scénario individuel pour bâtir un portefeuille diversifié. Ça ne représente certainement pas tous les risques du spectre, pourtant certaines sociétés pourraient produire un rendement exceptionnel, si la recherche donne les résultats escomptés.
Ensuite, en période de volatilité des marchés, je pense que les investisseurs exercent des pressions pour que les équipes de direction produisent des résultats immédiats, ce qui peut nuire à la réussite à long terme. Cette attention et cette pression très fortes pour produire des gains à court terme mènent, au moment d’attribuer des capitaux aux sociétés ou de discuter avec elles, à des décisions qui ne sont pas nécessairement les plus bénéfiques pour le patient et, en fin de compte, le portefeuille.
Si on devait faire quelque chose pour améliorer ces aspects clés, ce serait de trouver l’équilibre entre une vision à court et à long terme. On n’a pas à écarter le risque et à en avoir une aversion totale. Je pense qu’il faut maintenir aussi un équilibre de ce point de vue.
Yaron Werber : Oui. Passons à ma partie préférée du balado, où on ajoute touche personnelle et humour pour découvrir les invités. De quoi rêvez-vous comme vacances d’aventure?
Arsani William : Ah ça... Il y a tant d’endroits à visiter. Je veux voyager partout dans le monde. Mes vacances idéales comportent exploration, aventure et peut-être un peu de détente. J’ai toujours voulu visiter la Patagonie, explorer ce territoire. J’espère avoir cette chance au cours des prochaines années. La Nouvelle-Zélande est un autre paradis naturel où j’ai toujours voulu aller et m’imprégner de sa riche histoire culturelle. Yaron, si vous voulez, on pourrait partir ensemble, sac au dos, pour un voyage de quelques semaines ou d’un mois. Ça me plairait bien.
Yaron Werber : J’ai visité la Patagonie il y a deux ans avec ma famille. Nos enfants étaient un peu plus petits, tout comme ceux du couple avec qui on a fait le voyage. On a exploré pas mal d’endroits. J’ai aussi visité le désert d’Atacama, l’endroit le plus sec au monde. On se croirait sur la lune. C’est là que les robots lunaires ont été mis à l’essai. Ce n’est pas facile de marcher dans le désert. Le sentier des Appalaches, sur la côte Est, est considéré comme la randonnée la plus difficile. C’est plus court d’environ 600 à 800 kilomètres que le Pacific Crest Trail, un sentier équestre qui grimpe moins et qui ne franchit pas tous les sommets. Le sentier des Appalaches est beaucoup plus difficile. J’en fais des tronçons maintenant. Mais le Pacific Crest Trail, c’est aussi 800 kilomètres de désert.
Arsani William : C’est incroyable.
Yaron Werber : Tout un défi.
Arsani William : Préférez-vous la forêt, la montagne, la plage ou le désert?
Yaron Werber : Je dirais la montagne. La forêt, c’est superbe, mais ça devient monotone. Par contre, la montagne offre des paysages variés. La plage, c’est super, mais ça ne convient pas pour la randonnée pédestre. J’adore les vacances à la plage, mais on y va jamais C’est un peu...
Arsani William : Il y a des plages immaculées. Marcher sur le sable et regarder l’horizon... Quel panorama magnifique. Mais pour ce qui est de l’aventure, je préfère la montagne. Et, pour ma part, j’aime bien la forêt. J’aime la forêt. Je n’ai pas fait beaucoup de randonnée dans le désert, mais j’y ai passé pas mal de temps. Et je peux dire que je supporte beaucoup mieux le froid que la chaleur. Quand il fait 120 degrés Fahrenheit, on sent le poids du soleil sur ses épaules.
Yaron Werber : On ne peut pas y échapper. Non, on n’y échappe pas. Tout de suite après l’université, juste avant l’école de médecine, je me souviens d’être allé dans le désert du Sinaï, dans la péninsule. Ça appartenait déjà à l’Égypte, de toute évidence. On pouvait dormir sur la plage dans de petits abris. Des bédouins arrivés de nulle part s’offraient à cuisiner pour vous les bêtes abattues le matin. Des chameaux se promenaient un peu partout. Le soleil nous réveillait dès 5 heures du matin. Un chameau broutait l’espèce de feuilles de palmier du toit qui nous servait de tente. Il y avait des mosquées partout; on entendait l’appel à la prière. Et c’est comme ça qu’on se réveillait dès 5 heures.
Arsani William : Oh, quand même...
Yaron Werber : Au milieu de nulle part.
Arsani William : J’ai vécu une expérience semblable dans le Wadi Rum en allant visiter Pétra. Y êtes-vous déjà allé?
Yaron Werber : Je ne suis jamais allé à Pétra. C’est dans mes projets, mais je n’y suis pas encore allé.
Arsani William : OK. Il faut y aller. Vraiment. On vous propose une visite la nuit tombée; tout est éclairé par des bougies. Et c’est ahurissant de voir comment on a pu sculpter à l’époque des villes entières dans la montagne. Mais pour franchir les canyons, souvent on vous confie une mule parce que la montée est abrupte au bord de l’escalier. Ironiquement, c’est un garçon de 10 ou 12 ans qui sert de guide et marche à côté.
Mais je dois dire que c’est parmi les vacances inoubliables que j’ai passées. On ne peut qu’être ému par ce à quoi devaient ressembler cette culture et cette société. On a aussi dégusté un bon vin en plein désert.
Yaron Werber : Parlez-moi de Pétra. On sous-estime beaucoup, selon moi, son système complexe de captage et d’alimentation en eau. C’est remarquable.
Arsani William : Oui, oui, c’est exact. On a creusé des canaux dans la roche et installé des canalisations souterraines qui transportaient l’eau depuis les sources et les cours d’eau intermittents. La population de Pétra, appelée, je crois, les Nabatéens, recueillait et entreposait l’eau dans des citernes aménagées sous terre. On peut voir comment tous ces réservoirs souterrains ont été construits; l’eau était rare.
Les Nabatéens maîtrisaient bien les systèmes hydrauliques et savaient déplacer l’eau sous pression. Leurs connaissances avancées pour pomper l’eau en amont et en gérer l’écoulement ont permis à la ville de prospérer. Ils creusaient des canaux dans les parois des canyons. Le système hydraulique mis en place est assez complexe. Ils en savaient beaucoup plus que moi, comparativement à ce que je connais de la plomberie de ma maison. Je vais probablement aller lire sur le sujet après notre conversation.
Yaron Werber : Je prends l’engagement à l’aveugle : on ira ensemble en Nouvelle-Zélande.
Arsani William : Marché conclu. On va se faire un plan.
Yaron Werber : Quelle est la chose la plus difficile que vous avez vécue et comment vous en êtes-vous sorti?
Arsani William : C’est une bonne question. Je ne crois pas être le seul dans ce cas, mais, en vieillissant, et j’en ai déjà parlé avec la famille, des amis et d’autres personnes, je pense que la chose la plus difficile à surmonter est la perte d’un membre de la famille. Il faut des ressources psychologiques pour s’adapter quand notre vie est bouleversée. Heureusement, ma famille est en santé et n’a pas de soucis financiers. Mais les membres de ma famille élargie et même des proches et des amis de ma famille qui sont éprouvés par la maladie ont certainement vécu la même chose. Comme je fais partie du groupe, le départ d’êtres chers m’affecte aussi.
Durant ces périodes, j’ai appris d’abord qu’il faut trouver du soutien auprès de ses proches et l’accueillir chaque fois qu’il est offert. Ma foi est très forte; elle m’a procuré un sentiment de paix et de réconfort, je dirais, durant ces épreuves. Et je pense que le fait de se concentrer sur les aspects positifs de ces épreuves aide au moins à transformer certaines de ces émotions en quelque chose de plus constructif. C’est une réalité de la vie. On y est tous confrontés, qu’il s’agisse d’un membre de la famille, d’un parent ou d’un proche. C’est une expérience humaine qui nous rassemble.
En terminant, je dirai qu’une fonction comme la mienne donne l’occasion de rencontrer plusieurs patients et personnes qui font partie de réseaux intimes et qui comptent sur des essais cliniques ou ont besoin d’aide parce qu’ils ont épuisé les options de traitement. Comme ça m’est arrivé personnellement à plusieurs reprises dans la dernière année, j’apprécie bien davantage notre promesse, l’idée que notre travail quotidien transforme profondément la vie des personnes qui n’ont plus beaucoup d’espoir.
Il faut donc espérer que le secteur, l’écosystème et tous nos collègues investisseurs demeurent en santé et que les entreprises proposent d’autres médicaments novateurs. Chose certaine, face au diagnostic d’une maladie dévastatrice ou terminale, tout le reste devient secondaire. C’est ce défi thérapeutique qui occupe toute notre attention.
Yaron Werber : Voilà une excellente conclusion. Arsani, c’est toujours agréable de vous voir. Merci beaucoup de votre présence. C’est très apprécié.
Arsani William : De rien. Bonne chance pour le sondage d’institutional Investors. Vous pouvez compter sur mon vote.
Intervenante 1 : Merci d’avoir été des nôtres. Ne manquez pas le prochain épisode du balado Insights de TD Cowen.
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Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber, M.D., MBA
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber, M.D., MBA
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber est directeur général et analyste de recherche principal au sein de l’équipe Biotechnologie, TD Cowen. À ce titre, M. Werber est responsable de fournir des analyses sur les actions de biotechnologie à grande, moyenne et petite capitalisation. M. Werber compte plus de 20 ans d’expérience à titre d’analyste de recherche dans le secteur des services financiers et a été dirigeant d’une société de biotechnologie publique.
Avant de se joindre à TD Cowen, M. Werber était membre fondateur de l’équipe, chef des affaires et chef des finances, trésorier et secrétaire d’Ovid Therapeutics, une société de biotechnologie axée sur la mise au point de médicaments transformateurs pour les maladies orphelines du cerveau. Dans le cadre de ses fonctions, M. Werber était responsable de la planification financière, de la production de rapports, du développement des affaires, de la stratégie, des opérations/TI, des relations avec les investisseurs et le public, ainsi que de la fonctionnalité des ressources humaines. M. Werber a également mené des négociations pour obtenir plusieurs composés du pipeline, y compris un partenariat novateur avec Takeda Pharmaceutical Company, une entente qui a élargi le pipeline d’Ovid et qui a lancé une approche novatrice pour établir un partenariat entre l’expertise ciblée des petites sociétés de biotechnologie et les grandes sociétés pharmaceutiques.
Cette offre a été choisie par Scrip comme finaliste pour le Best Partnership Alliance Award en 2017. De plus, M. Werber a supervisé toutes les activités de financement et a bouclé une série B de 75 millions de dollars en 2015 et le premier appel public à l’épargne de 75 millions de dollars d’Ovid en 2017. À ce titre, M. Werber a été sélectionné comme Emerging Pharma Leader par le magazine Pharmaceutical Executive en 2017.
Avant de se joindre à Ovid, M. Werber a travaillé à Citi de 2004 à 2015, où il a récemment été directeur général et chef de la recherche sur les actions dans les secteurs des soins de santé et de la biotechnologie aux États-Unis. Au cours de son mandat à Citi, M. Werber a dirigé une équipe qui a effectué des analyses approfondies des sociétés des sciences de la vie à toutes les étapes de développement, qu’il s’agisse de sociétés prospères et rentables ou récemment de sociétés ouvertes ou fermées. Auparavant, M. Werber a été analyste principal en biotechnologie et vice-président à la SG Cowen Securities Corporation de 2001 à 2004.
M. Werber a reçu plusieurs distinctions pour son rendement et sa sélection de titres; il a obtenu un classement élevé par le magazine Institutional Investor, a reçu des prix provenant de Starmine et a été élu parmi les cinq meilleurs analystes en biotechnologie dans le sondage de Greenwich Best on the Street du Wall Street Journal. Il a souvent été invité par CNBC, Fox News et Bloomberg News et a été cité dans le Wall Street Journal, le New York Times, Fortune, Forbes, Bloomberg thestreet.com et BioCentury.
M. Werber est titulaire d’un baccalauréat ès sciences en biologie de l’Université Tufts, avec distinction, et d’une maîtrise en administration des affaires combinée de la Tufts University School of Medicine, où il a été boursier Terner.