Enjeux électoraux en Amérique du Nord avec l’invitée spéciale Rona Ambrose, présidente suppléante et ancienne chef du Parti conservateur
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Rona Ambrose, présidente suppléante, Valeurs Mobilières TD et Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 27, Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD, est accompagné de madame Rona Ambrose. Ensemble, ils abordent une foule de questions relatives aux enjeux électoraux partout en Amérique du Nord, y compris la course à la direction du Parti conservateur, l’élection provinciale en Ontario et l’annonce surprise de la démission de Jason Kenney de son poste de premier ministre de l’Alberta. Frank parle également des récents événements tragiques d’Uvalde, au Texas. Il exprime son point de vue concernant la réforme des lois sur les armes à feu aux États-Unis et parle des répercussions que pourrait avoir cet événement sur les prochaines élections américaines de mi-mandat. Puis, Rona explique qu’elle ne pense pas que la fuite de documents relatifs à l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade ou les récentes violences armées se répercuteront sur les élections canadiennes des prochains mois. En ce qui concerne la scène mondiale, Frank donne son point de vue sur la guerre en Ukraine et les grandes tendances qui se profilent à l’horizon, y compris l’indépendance des secteurs de l’énergie, de l’agriculture et des produits pharmaceutiques, ainsi que la démondialisation. L’inflation est aussi un point de discussion important, car partout, et pour la première fois en 30 ans, les politiciens doivent faire face à ce sujet.
Ce balado en version longue contient les analyses extrêmement pertinentes d’anciens dirigeants politiques qui continuent de suivre de près le contexte géopolitique actuel. Il s’agit d’un balado à ne pas manquer pour les investisseurs qui tentent quotidiennement de composer avec les effets d’événements critiques sur les marchés.
FRANK MCKENNA : De graves erreurs ont été commises, et on en paie le prix... L’Europe, en particulier, se rend extraordinairement dépendante de la Russie.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 27 du balado mensuel de VMTD sur la géopolitique en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Ici Peter Haynes. J’animerai aujourd’hui cet épisode intitulé « Enjeux électoraux en Amérique du Nord ». J’ai le plaisir d’annoncer la présence, pour la première fois à l’émission, de l’honorable Rona Ambrose. Rona est là pour s’exprimer sur divers dossiers géopolitiques importants à l’ordre du jour de même que sur la course au leadership conservateur et la décision de Jason Kenney de démissionner comme chef du Parti conservateur uni en Alberta.
Merci, Rona, de participer à ce balado. J’arriverai peut-être à convaincre Frank de te poser une ou deux questions...
RONA AMBROSE : Heureuse d’être avec vous aujourd’hui.
PETER HAYNES : Parfait! Encore une fois, j’ai quelques rappels à faire aux auditeurs... Ce balado de Valeurs Mobilières TD est offert à titre informatif. Les opinions dans cet épisode n’engagent que les personnes qui les expriment et peuvent ou non représenter les opinions de la TD ou de ses filiales. Il ne s’agit pas de conseils en matière de placement, de fiscalité ou autre.
Frank, je commence par toi... La récente tragédie d’Uvalde, au Texas, a fait les manchettes aux États-Unis et ailleurs – sans doute est-ce le premier événement à déloger dans les médias la guerre qui sévit depuis 100 jours en Ukraine. Cela dit, il semble qu’on soit engagés dans une longue bataille en Ukraine. On n’en voit pas la fin... Es-tu d’accord pour dire que l’Occident combat la Russie par procuration en Ukraine?
FRANK MCKENNA : Non, je ne le suis pas. Je n’adhère pas au sens technique du terme. Il se trouve que personne en Occident ne veut participer à la guerre. On y prend part pour venir en aide à un allié contre un intimidateur. Quand on a aidé le Royaume-Uni durant la Deuxième Guerre et la Première et d’autres pays européens, on n’est pas allés se battre par procuration. On est intervenus parce que c’était la chose à faire.
Une guerre par procuration, c’est ce qu’on voit dans un pays comme l’Iran avec le Hezbollah, etc. Alors, non. Mais il est évident que l’Occident est très engagé dans cette guerre. Je pense que cela sème la consternation à Moscou. Cet appui se traduit par des armes modernes. Dans la même lignée, des formations et des renseignements sont fournis aux Ukrainiens pour faire face à l’assaillant.
Et je ne peux m’empêcher de me réjouir. La Russie semble croire en sa propre vertu – selon elle, personne ne doit entraver ses ambitions impériales et il est immoral de lui imposer des sanctions ou d’outiller ses opposants, etc. Le tout me rappelle une histoire sur des chrétiens et des lions. La coutume voulait qu’on traîne des chrétiens dans un amphithéâtre où se trouvaient des centaines de milliers de personnes. Puis on lâchait un lion... Les chrétiens, bien souvent, étaient ensevelis dans un trou. On les enterrait jusqu’au cou.
Mais un jour, un des chrétiens a pu extirper un doigt du sol... et l’a agité en fixant le lion. La foule, hystérique, a crié au chrétien qu’il menait là un combat loyal. L’état des choses me rappelle cela. Si la Russie imposait réellement ses volontés, tout le monde capitulerait – les Ukrainiens ne se défendraient même pas. Mais ce n’est pas le cas.
Je ne crois pas à une guerre par procuration. Selon moi, l’Occident fournit, à juste titre, des armes de pointe à des soldats braves et héroïques luttant pour la survie. C’est fait en toute connaissance de cause par l’Occident, car Poutine nourrit sûrement d’autres ambitions. D’abord, il y a eu la Crimée. Et la Russie pourrait décider d’envahir la Moldavie, la Géorgie, voire la Lettonie, l’Estonie ou d’autres pays. Je pense que l’Occident a choisi de tracer la limite en Ukraine.
PETER HAYNES : En ce qui concerne Poutine... Dans quelle mesure, selon toi, pourrait-il perdre patience ou se décourager face à l’Ukraine? Que penses-tu des rumeurs voulant qu’il souffre d’un cancer du sang?
FRANK MCKENNA : Pour ce qui est du cancer du sang, je n’en sais absolument rien. C’est connu, la vérité est la première victime de la guerre. Le fin fond de l’affaire, je ne le sais pas. Poutine semble trouver que la guerre ne se déroule pas si mal. Bien sûr, il a subi d’importants revers à Kyïv, mais il a fait beaucoup de gains à Kherson et à Marioupol. Et maintenant, dans le Donbass, il expose la puissance de son artillerie et déploie des mouvements de troupes massifs. L’armée semble être en voie de dépasser Sievierodonetsk dans le Donbass. Elle pourrait même réussir à encercler les troupes ukrainiennes.
Cela dit, les Ukrainiens contre-attaquent à Kherson, ce qui s’avère intéressant puisqu’il s’agit de la première ville saisie par les Russes. Toutefois, les Russes gardent l’avantage grâce à une lourde artillerie qui ouvre le feu de 40 à 50 km à la ronde. Les soldats ukrainiens dont j’ai lu les propos disent qu’ils ne voient même pas de soldats russes, mais qu’ils comptent des dizaines, voire des centaines de blessés par jour sous les projectiles. Ils parlent des dommages causés par les éclats et l’acier brûlant qui se répand ici et là. Toutes ces choses causent de terribles dommages.
Un ministre m’a dit... après s’être entretenu avec Zelensky, qu’ils... Les Ukrainiens évaluent à 100 militaires par jour les décès, sans compter les 300 ou 400 blessés. Du côté russe, c’est probablement le triple. Il s’agit d’une guerre sanglante, horrible et condamnable quand on songe aux petits territoires disputés de part et d’autre. À ce stade, je pense, à tout le moins, que la Russie voudra s’emparer de l’ensemble du Donbass – où la population est davantage pro-russe – avant de concéder quoi que ce soit. Mais le gain pourrait être jugé insuffisant, ce qui n’arrangerait en rien les choses...
Je vais conclure en plaidant, comme Henry Kissinger, que l’Ukraine doit concéder des territoires pour obtenir la paix. Je pense que c’est une évidence pour les Ukrainiens, quoiqu’ils ne souhaitent pas négocier de manière à affaiblir leur position.
PETER HAYNES : Frank, as-tu l’impression que le conflit tire à sa fin? Je sais, on se le demande tous les mois. Y a-t-il une chose... Il faut juste continuer à suivre les développements, mais est-ce une question de mois, selon toi?
FRANK MCKENNA : J’ai l’impression qu’ils sont tous dans un bourbier – les gains sont trop minces d’un côté comme de l’autre pour justifier une victoire concluante. Si on parvenait à équiper lourdement les Ukrainiens dans un délai rapproché, il est certain que... L’Ukraine pourrait sans doute miner sérieusement les forces russes. Mais les Russes sont trois à quatre fois plus nombreux que les Ukrainiens. Seul le courage des Ukrainiens les fait tenir.
À ce stade, les choses semblent s’étirer un peu. Reste à savoir qui tiendra le plus longtemps, qui retiendra son souffle le plus longtemps. Les Ukrainiens souffrent beaucoup, mais les Russes aussi, et pas que sur les champs de bataille. Ils souffrent de leur rôle dans le monde et de leur économie intérieure. En fait, l’ensemble de la planète souffre. Les famines s’aggravent, plus qu’en temps normal. Bref, on verra qui peut retenir son souffle le plus longtemps.
À un moment, espérons que Poutine, s’il est aussi intelligent qu’il semble l’être, va définir le sens d’une victoire pour lui et la déclarer, pour ensuite rebrousser chemin. On sait qu’il revendique une victoire dans son esprit. Et on aimerait qu’il en fasse bientôt état sur la base de ses arguments pour mettre fin aux hostilités.
PETER HAYNES : Eh bien, il y a eu des développements intéressants récemment : quelques généraux retraités en Russie commencent à parler de ce qui se passe vraiment, même à la télévision d’État. Et, bien sûr, il y a cette démission d’un dignitaire des Affaires étrangères, ambassadeur à Genève, qui a dénoncé son pays. Il semble y avoir quelques divergences. On verra s’il en résulte un fossé...
Rona, c’est incroyable, n’est-ce pas, la solidarité de l’Occident contre la Russie? Et on vient d’apprendre que la Finlande et la Suède veulent adhérer à l’OTAN. Même la Suisse envisage d’adopter plus officiellement le point de vue occidental. Manifestement, les choses évoluent positivement dans la sphère géopolitique.
Il reste que l’Europe compte de plus en plus de gens qualifiés d’« aspirants Poutine », des leaders d’extrême droite qui gagnent des adeptes dans des pays comme la France, où Marine Le Pen s’attire un certain succès, malgré sa défaite contre Macron. L’Espagne et l’Italie ont aussi vu des leaders d’extrême droite gagner en popularité.
L’objectif de ces leaders est, bien sûr, de renforcer la stabilité de l’alliance occidentale. On le sait, il y aura toujours des centristes, des gauchistes et des droitistes. T’inquiètes-tu des progrès de l’extrême droite?
RONA AMBROSE : Merci pour cette question. Je pense que tout extrémisme politique, quel que soit le parti, de gauche ou de droite, commande un effort de prudence et de circonspection. Mais en rétrospective, dans le contexte politique général, il est possible de percevoir l’« extrémisme », de sentir la colère, la désillusion et le désengagement, voire l’isolement d’une frange de la population.
Je me demande toujours – à l’instar de Frank et d’autres ayant siégé en tant qu’élus : comment modérer ce genre de sentiments à la base, cette espèce de désillusion, de désengagement ou d’isolement qui gagne en importance? Comment étouffer la tendance dans l’oeuf avant qu’elle soit récupérée par des gens mal intentionnés pour alimenter un sentiment ou une frange politique extrémiste?
Selon moi, tout part d’une démocratie obligatoirement fonctionnelle – il faut s’écouter et apprendre les uns des autres, faire des compromis et, idéalement, se rejoindre au centre. Tout le monde doit contribuer à contenir les tensions. Regardez l’évolution du paysage politique nord-américain. Les gens ont vite discrédité le populisme de Trump en Amérique du Nord, mais on sait maintenant que c’est une réalité. C’est réel. Le mouvement a rallié de vraies personnes qui se méfient grandement du gouvernement, en particulier de certaines institutions qu’elles ne trouvent pas représentatives. Des gens se sentent négligés.
Et des forces malveillantes sont là pour en profiter. Certaines personnes sont plus vulnérables à l’égard d’opinions extrémistes sur des sujets comme la détérioration des institutions et des gouvernements, voire leur renversement. C’est démesuré et préoccupant.
Au Canada, on n’a qu’à se rappeler le Convoi de la liberté. La situation n’avait rien d’extrême, mais constitue un bon exemple. Le gouvernement a carrément rejeté le mouvement avant même l’arrivée du convoi. On a traité ces gens de misogynes, de racistes, voire de violeurs, allant même jusqu’à geler les comptes bancaires de manifestants.
Il s’agissait d’une manifestation sans précédent. Et malgré l’aspect ennuyeux ou illégal du mouvement de protestation, il n’y a pas eu de violence. À ce jour, je ne crois même pas qu’on ait une compréhension commune de ce qui a motivé des milliers de personnes à soutenir ce mouvement... parce qu’il a reçu du soutien partout au pays. Ce qu’on sait, que des gens voulaient être entendus par le gouvernement. Ils voulaient que les responsables les écoutent. Mais plutôt que de les écouter... J’admets qu’il y avait sûrement des vues extrêmes au sein du mouvement, mais aussi des gens ayant des injustices à exprimer... On a tôt fait de les étiqueter et de les rejeter comme des ennemis de l’État et des extrémistes qui n’ont pas voix au chapitre.
Quoi qu’on en pense, la situation a incité des politiciens à accuser en bloc le gouvernement de ne pas s’intéresser à cette population de « les travailleurs ». En bref, les élus devraient toujours user de prudence dans leurs interactions avec ces types de mouvements. Le phénomène « des aspirants Poutine » en Europe s’inscrit dans une telle mouvance.
Par ailleurs, vous avez mentionné Macron, n’est-ce pas? Il a battu Le Pen en France. Et j’y vois une victoire pour la démocratie, la liberté et les centristes. La candidate s’est une peu inspirée de Poutine, mais les Français l’ont rejetée et Macron a remporté une victoire historique. Mais regardez ce que Macron a fait et écoutez ce qu’il a dit – il a vite réalisé que son gouvernement n’était pas à l’écoute de la population. Il a repris sa campagne dans les derniers jours auprès de ceux qui l’avaient vraisemblablement élu la première fois, soit la classe ouvrière, les immigrants et les collectivités démunies de France. Il s’est adressé aux travailleurs, s’engageant à écouter leurs doléances, ainsi qu’aux gens désabusés à l’égard de son gouvernement, à ceux qui voulaient se faire entendre sur la question du coût de la vie.
Je pense que Macron a bien tendu l’oreille. En l’occurrence, il s’est vu donner une autre chance par beaucoup de gens qui s’étaient mis à écouter Le Pen et ses théories conspirationnistes. J’y ai trouvé des éléments de réflexion intéressants sur ce qu’on doit faire. Il est même question du fossé manifeste entre les élites qui gouvernent et les perceptions de la classe ouvrière concernant les élites. On se doit d’être à l’écoute. J’ai aimé entendre Macron sur... les raisons qui lui ont permis de remporter l’élection.
Le coût de la vie augmente sans cesse, et l’écart entre riches et pauvres se creuse. La classe ouvrière peut bien se sentir négligée. Est-on à l’écoute? Fait-on ce qu’il faut? Met-on l’accent sur les bonnes politiques? Je pense qu’il serait malvenu d’écarter tout un groupe de personnes, sans égard à leur point de vue. Bien sûr, on doit toujours rejeter et conjurer les points de vue extrêmes, mais quand une grande part de la population se sent privée de ses droits, isolée ou déconnectée du gouvernement, c’est sans doute qu’il y a quelque chose derrière. Il faut aller à la source et mettre le doigt dessus.
Je termine en notant que si des dirigeants européens emboîtent le pas à un leader comme Poutine en s’attirant du soutien, il faut chercher à comprendre d’où vient ce soutien. Il peut s’agir de forces malveillantes et efficaces, à l’image de la propagande russe. Et les médias sociaux sont redoutables pour perturber les démocraties. En tant que démocraties occidentales, axées sur la liberté et les valeurs de l’Ouest, on doit constamment réfléchir à notre contribution pour soutenir nos homologues encore fragiles.
Frank a parlé de l’Ukraine, dont la situation expose parfaitement la pertinence de se battre. Je crois que le Canada... Je terminerai là-dessus. Le Canada réussit assez bien à mettre en veilleuse le gros des... des attitudes hostiles. C’est parce qu’on bénéficie d’un solide filet de sécurité au Canada pour atténuer les inégalités de revenu, d’un modèle parfois impraticable dans d’autres pays. Certains pays européens ont réussi le même tour de force. Mais rien n’empêche pour autant des idées dangereuses d’émerger au Canada et de s’inscrire dans le paysage politique.
Il faut toujours accorder de l’attention aux revendications des Canadiens en matière politique, et savoir déceler les germes de désillusion. Voyez juste les prix du carburant en ce moment. Le carburant est devenu inabordable, les gens sont privés de biens de première nécessité, mais notre leadership ne recule en rien concernant les taxes sur l’essence, le carbone ou le carburant. Il ne cherche pas de moyens pour offrir un répit. C’est là un exemple du manque d’écoute à l’égard des préoccupations actuelles.
Je vais conclure en disant que les élus doivent constamment écouter ce qui touche les gens ordinaires. Je pense que Macron a donné l’exemple d’une personne qui écoute et peut réaligner son approche sur certaines préoccupations. C’est un bon exemple de lutte efficace contre les idées trop radicales.
PETER HAYNES : Je propose de parler maintenant d’inflation, en particulier du choc qu’on ressent au moment de faire le plein. On a traité d’indépendance énergétique récemment dans ce balado. Il est évident que la guerre crée un déséquilibre dans le secteur de l’énergie. Renseignez-nous sur les efforts de l’Occident pour, disons, s’affranchir énergétiquement de la Russie. En outre, sur d’autres tendances attribuables à la guerre, comme ce soi-disant mouvement de démondialisation...
FRANK MCKENNA : Ce sont de grandes questions. Je vais y aller une par une... D’abord, je crois qu’une certaine agitation se préparait autour des prix du pétrole avant le conflit Ukraine-Russie. Tout simplement parce qu’on n’a pas renfloué les stocks de pétrole depuis un moment. L’équilibre naturel offre-demande allait se rétablir, comme d’habitude.
Reste que la situation, à bien des égards, nous est imputable, Peter. Disons-le : de graves erreurs ont été commises, et on en paie le prix... en Europe, notamment, où des resserrements conscients – qui paraissent désormais inconscients – ont eu lieu à la suite d’énormes pressions d’un mouvement vert bien intentionné, quoique visiblement naïf.
C’est ce qui a entraîné la fermeture de dizaines de centrales nucléaires en Europe. D’autres centrales nucléaires ferment leurs portes en Europe, bien que certaines soient à nouveau rouvertes. Les environnementalistes n’arrivent pas à concevoir le nucléaire comme un carburant propre.
Il en résulte... une croyance voulant que le gaz naturel ne permette pas une transition appropriée non plus. Du coup, l’Europe a accru démesurément sa dépendance à la Russie pour ce qui est du charbon, du pétrole et du gaz naturel en vue d’atteindre cette capacité utopique de fonctionner aux énergies renouvelables, quels que soient les besoins.
Est-ce là un objectif louable? Je pense que oui. Le problème, c’est la transition. C’est hautement complexe. Le fait d’avoir mis tous les oeufs dans le même panier russe a contribué à créer une situation périlleuse pour la planète. C’est une leçon pour tous, partout dans le monde. Il convient de réfléchir et d’agir avec prudence et circonspection. Sinon, on se retrouve à gérer l’extrême.
On sait maintenant qu’une forte hégémonie énergétique exercée par un seul pays ne peut mener qu’à un désastre. Et c’est ce qui arrive. Il reste donc à assécher le marais. Il faut réduire le monopole russe sur l’énergie mondiale – une tâche qui force plusieurs pays à se démener pour fournir de l’énergie à court terme, jusqu’à ce qu’on passe à un contexte énergétique différent.
Le Canada est de la partie. Et de plus en plus, le mot d’ordre sera « sécurité énergétique ». C’est pourquoi on a signé la première Entente de libre-échange dans les années 1980. On n’en parle plus depuis longtemps. Mais en Amérique du Nord, on parle de sécurité énergétique, de l’importance de s’autoapprovisionner en énergie. Les États-Unis ont besoin de sources d’énergie acceptables pour compléter les leurs.
Pour faire court, le Canada augmentera sa production d’au moins 300 000 barils, voire 500 000 barils par jour, notamment grâce aux ressources à portée de main et au dégoulottage, en plus d’acheminer davantage d’énergie à partir des stocks des pipelines vers les États-Unis. On va produire plus de gaz naturel et tenter de l’acheminer vers la côte du Pacifique et vers les États-Unis. Latéralement, des efforts d’acheminement sont mis en branle pour la côte Est.
Il y a environ dix jours, j’ai reçu l’appel d’une ministre canadienne qui se trouvait dans le bureau d’un dignitaire allemand. Il s’agissait d’un ancien membre du parti vert, qui prenait part à la coalition en tant que ministre de l’Énergie. Il voulait savoir ce qu’on peut faire au Canada pour lancer Repsol et Pieridae. Ce sont deux projets de GNL destinés à la côte Est. Les Canadiens n’en parlent pas beaucoup. Fait intéressant : les Allemands s’y sont intéressés comme élément essentiel du réseau recherché pour exporter du gaz naturel en Europe.
En somme, je trouve l’Europe, dans une large mesure, très héroïque vu le marasme. Elle tourne le dos au charbon russe. C’est définitif. Elle renonce au pétrole russe, en grande partie, quoiqu’elle ne puisse s’en départir complètement vu le droit de veto d’Orbán, en Hongrie – parlant de despotes frayant avec la Russie... Il est donc impossible de renoncer complètement. Mais l’Europe tente de réduire sa dépendance au gaz naturel.
La Finlande, par exemple, a conclu des ententes pour le terminal de GNL flottant des États-Unis. Là-bas, les choses vont se mettre en place. La Finlande et l’Estonie en bénéficieront. L’Espagne et, probablement, l’Italie se tournent vers l’Algérie et l’Afrique du Nord. Elles s’y approvisionneront davantage en gaz naturel. Et l’Allemagne a connu du succès au Qatar. Elle s’apprête à importer du gaz naturel qatarien. Rien n’arrive rapidement, mais c’est dans le collimateur...
En bref, tous ces pays d’Europe comprennent qu’il leur faut un minimum de sécurité énergétique pour éviter de souscrire au monopole russe. À mon avis, d’autres pays dans le monde arrivent à la même conclusion. Le tout s’inscrit dans un changement de mentalité qui évacue la mondialisation. Moi, je suis pour la mondialisation qui sort des milliards de personnes de la pauvreté, qui réduit le coût de nos produits en Occident, qui freine l’inflation et qui avantage souvent la population mondiale. Mais elle n’est plus dans l’air du temps. De plus en plus, on observe des délocalisations qui consistent à rapatrier des biens de l’étranger dont on a besoin au pays.
Voyez juste les puces pour semiconducteurs... Personne ne veut dépendre de Taïwan et de la Chine pour des puces de semiconducteurs. Dans le secteur pharmaceutique, les pays riches ne veulent plus compter sur autrui pour accéder aux produits. Ils veulent tout produire eux-mêmes.
Au rang des minéraux précieux, on voit tous les pays chercher des moyens d’exploiter les minéraux relevant de leurs activités et tenter de les conserver. Même sur le plan alimentaire, on voit maintenant des pays comme l’Inde et la Malaisie, resserrer l’exportation des aliments qu’ils produisent pour les garder chez eux.
En fin de compte, il se profile des mégatendances qui changent le monde dans lequel on vit. Elles n’ont rien d’éternel, ce n’est jamais le cas. Mais il reste qu’il y a deux ou trois mégatendances. On doit en tenir compte pour planifier l’avenir de notre pays.
PETER HAYNES : La mondialisation... Ou plutôt, la démondialisation est à l’origine de la flambée d’inflation, mais c’est l’inflation qui domine l’actualité et influence l’économie, les consommateurs, les banques centrales et les marchés financiers. Rona, j’aimerais d’abord connaître ton point de vue là-dessus.
Que disent les politiciens et les chefs d’entreprise que tu connais lors de conversations à micro fermé sur l’inflation? Sont-ils inquiets? Évoquent-ils des précédents? À la rigueur, les cas d’inflation datant de 30 ans ont-ils une quelconque importance?
RONA AMBROSE : Je sens une inquiétude. Tant en privé qu’en public, des chefs d’entreprise disent s’inquiéter de l’inflation et de son effet sur les projections et les coûts d’intrants. Évidemment, les politiciens tentent de « corriger » la situation. Certains enjeux relèvent de forces externes difficiles à contrer.
En ce qui a trait à... Viendra un temps pour faire le bilan du rôle des banques centrales et revoir un peu ce qu’on leur reproche. Mais pour l’heure, les décideurs et les responsables – politiciens de toutes allégeances, gouvernements provinciaux ou fédéraux, chefs d’entreprise et gens en position d’influence – cherchent des façons de maîtriser l’inflation en pensant aux consommateurs, bien sûr.
C’est ici que la politique entre en jeu, car les dirigeants élus se disent... Ils pensent à plus court terme et se préoccupent de l’effet de l’inflation sur le coût de la vie. Par exemple, en Alberta, là où je vis, le gouvernement anticipait un surplus important vu la montée en flèche des prix du pétrole. Mais plutôt que de réserver une partie de l’argent, il l’a utilisé pour baisser les prix du carburant et décharger un peu les consommateurs dans l’espoir de limiter la grogne liée aux prix élevés.
En Alberta, l’abattement se chiffre à quelque 13 cents le litre, je crois. Bien sûr, c’est une décision politique, une manoeuvre politique quand même destinée à régler un enjeu majeur pour les Canadiens ordinaires qui peinent à défrayer des choses de base, comme l’essence et l’épicerie.
Et c’est un effet domino... Le coût du carburant augmente le coût de tout. Les chefs d’entreprise qui cherchent à résoudre cet enjeu altèrent leurs décisions stratégiques – et c’est comme ça dans le monde entier. La pandémie a mis bien des choses en lumière, ce qui force les décideurs à tout reprendre depuis le début. On le sait... Les politiques protectionnistes sont prisées.
Biden s’est présenté contre Trump. Mais dans le contexte de la COVID, il a plus ou moins repris les politiques de Trump sur l’achat américain et la primauté des États-Unis. Certaines de ses politiques « America First » sont plus strictes que celles de Trump. Maintenant, on assiste à... Les Chinois ont connu la plus forte éclosion de cas de COVID depuis le début de la pandémie, ce qui a aggravé sérieusement les problèmes d’approvisionnement.
Encore ici, l’inflation augmente... Les chefs d’entreprise n’ont pas vraiment de contrôle sur la situation. Divers ports importants en Chine bloquent les accès, on peut s’attendre à ce que l’Amérique du Nord subisse les répercussions de ces fermetures durant des mois. On voit le fret s’accumuler chaque jour dans les ports.
Il faut reconnaître l’angle politique ici. Les banques centrales ont un rôle à jouer pour maîtriser l’inflation. Les politiciens doivent réfléchir à cet aspect. Mais il reste que certains événements en cours, du point de vue politique, donnent lieu aux théories conspirationnistes dont on entend parler. Et il en ressort une explication bien trop simple du phénomène de l’inflation et de ce qui nous a mis dans la position actuelle. L’enjeu est pourtant très complexe. Mais si nos décideurs n’agissent pas de façon transparente, ils ouvrent la porte – et c’est même déjà fait – au désaveu de grandes institutions, comme la Banque du Canada. J’y vois un engrenage dangereux.
Certaines critiques sont légitimes, j’en conviens, mais notre banque centrale, comme beaucoup d’autres, agit de la sorte. En bref, tout le monde est appelé à la table. Le gouverneur de la Banque du Canada fera une annonce sous peu. Je pense que Frank va parler un peu plus précisément de la Banque du Canada et de son rôle à cet égard... Mais qu’on parle du gouvernement du Canada, de ses mesures monétaires ou budgétaires, et de l’action de la Banque du Canada en matière monétaire, il faut savoir que les consommateurs s’en ressentent. Pensez juste à ceux qui défraient leurs choses de base, comme l’essence et l’épicerie. La situation empire et pèse politiquement sur les élus d’aujourd’hui.
PETER HAYNES : Je venais juste d’entamer ma carrière la dernière fois qu’on a connu une inflation dite galopante au tournant des années 1990. Et j’ai demandé à ma mère, l’autre jour... « Te souviens-tu de la flambée d’inflation? » Elle m’a dit se souvenir de son prêt hypothécaire à 21 %. Il est presque impossible de concevoir un tel taux d’intérêt... En regard des facteurs externes, Frank, soulevés par Rona, peut-on reprocher aux banques centrales la hausse tardive des taux? Le cas échéant, est-ce que Trump – ou même maintenant, Poilievre au Canada... La sécurité d’emploi des grands argentiers a-t-elle motivé la décision de remettre à plus tard une intervention qui s’imposait?
FRANK MCKENNA : Je vais d’abord répondre à cette question : non, je ne le crois pas. Je ne pense pas que les banquiers centraux se soucient de ce bourdonnement des derniers trimestres. Je trouve que Rona soulève d’excellents points. Je vais justement aborder plus ou moins les mêmes points.
D’abord, petit secret : les gouvernements ne détestent pas l’inflation...
PETER HAYNES : Oui, parce que l’endettement...
FRANK MCKENNA : Ils détestent les effets de l’inflation sur les électeurs. Mais pour ce qui est de leur bilan, l’inflation n’a rien de... une légère inflation n’est pas si terrible. J’ai plus de respect pour les banques centrales, car il n’existe pas vraiment de stratégie en ce sens. Contrairement à beaucoup de situations marquantes depuis longtemps, il y a tous ces facteurs asymétriques qui se conjuguent – un contexte difficilement prévisible pour les responsables en place. Et je ne pense pas qu’il y existe de solution infaillible.
Comme les banques centrales ont pratiquement fait la même chose en fait d’assouplissement quantitatif et qu’elles haussent les taux à l’unisson, soit elles se trompent toutes, soit elles échangent minimalement entre elles. En toute justice pour notre banque centrale : elle a quand même annoncé la hausse de l’inflation et des taux avant les autres. J’imagine qu’en termes de leadership, on peut lui accorder un peu de crédit.
Cela dit, je vais m’en tenir à quelques facteurs, même si je ne sais pas comment vous les percevez. Il y a cette pandémie de deux ans aux conséquences presque bibliques – une situation sans précédent... Il a fallu composer avec ça. Et qu’est-il arrivé concrètement? Certains ménages ont accumulé beaucoup d’épargne. Et qu’en sont les conséquences? Malheureusement, beaucoup d’entreprises ont tout perdu. Et qu’en sont les conséquences?
Les perturbations de l’approvisionnement, imputables à la pandémie, dans une certaine mesure, et la congestion des ports de même que les mesures de la Chine pour contrer la COVID. Encore une fois, qui aurait pu prévoir cela? Et, plus étrange : qui aurait anticipé une résignation généralisée? Qui aurait anticipé le manque de main-d’oeuvre actuel? Qui aurait anticipé que la main-d’oeuvre embauchée ne voudrait pas reprendre le travail à temps plein? Je n’aurais jamais entrevu ce scénario pour en tire des conclusions.
J’y vois juste un fait. Rona, tu es bien placée pour savoir... Je le constate au Canada atlantique, qui affiche normalement un taux de chômage plus élevé. Il n’y a plus de travailleurs disponibles. Toutes mes connaissances cherchent des employés. Je parle de constructeurs d’habitations. J’ai parlé à deux personnes ce week-end qui construisent 30 à 40 unités d’habitation en vue d’embaucher des immigrants. Voilà ce qui se passe.
D’où vient la croissance? Elle repose surtout sur la croissance démographique. Vu notre faible croissance démographique naturelle, on se tourne vers l’immigration. On accuse le retard de deux millions de demandes d’immigration. Qu’est-ce qui en résulte? En outre, il y a le conflit Ukraine-Russie, qui n’a rien d’une guerre régionale. On a là deux grands producteurs de ressources mondiaux.
Dans le cas de la Russie, c’est instantané : la guerre a vite fait bondir les prix du pétrole, du gaz et des produits de base.
Mais les effets ne se limitent pas au pétrole, au gaz et à l’énergie. L’Ukraine est le réservoir du monde en blé et en huile de tournesol, de pair avec la Russie. On y trouve aussi d’énormes stocks de nickel et d’uranium. Les plus importantes réserves mondiales de potasse se trouvent au Bélarus, encastré entre la Russie et l’Ukraine. En bref, les ingrédients du panier de base servant à mesurer l’inflation sont tous influencés par cette guerre. Et les prix des aliments n’ont probablement pas atteint un sommet. Ils vont grimper en flèche.
Comment les dirigeants de banque centrale font-ils la part des choses? Il faut revenir aux décisions à quelques années d’intervalle. La gestion de la COVID en Chine et la démondialisation en soi... Juste la délocalisation à proximité de produits de base autrefois issus de territoires à prix modique va augmenter les coûts pour les Canadiens et accroître l’inflation.
À la lumière de tout cela, et de ce que Rona a mentionné, je dirais, à titre de politicien, qu’il est tout à fait légitime de réduire la taxe sur le carburant. Mais il reste que la taxe sur le carburant ou le carbone relevait d’une politique délibérée, d’initiatives visant à taxer ce qu’on veut éliminer, en donnant aux gens les moyens d’acheter les produits qu’on voudrait vendre. En théorie, sur un plan théorique, les gens écoresponsables devraient s’attendre à des taxes élevées sur l’essence – théoriquement, c’est ce qui contribue à changer les comportements...
Maintenant, Rona et moi savons que cette vision n’est pas réaliste. Il faut résoudre les problèmes de vraies personnes, notamment des plus pauvres. Je peux comprendre pourquoi les gouvernements ont réagi ainsi, mais on a amalgamé les ingrédients parfaits pour créer une poussée inflationniste néfaste, qui sont pour la plupart hors de portée des banques centrales. Voilà pourquoi je suis ouvert à un passe-droit...
Cela dit, je ne lâche pas le lest pour l’inflation. C’est important. Et j’entrevois une détérioration. Si partout dans le monde, on cherche des travailleurs, il faudra débourser davantage pour obtenir ces travailleurs. Le phénomène est inflationniste en soi. Et si les produits de base se font plus rares, il faudra désormais les payer plus cher. Selon moi, on est dans le pétrin. Carrément.
PETER HAYNES : Rona, j’ai évoqué Poilievre en abordant l’inflation, car il promet dans sa campagne la mise à pied Tiff Macklem s’il devient premier ministre. Belle façon de compliquer la course à la chefferie du Parti conservateur. Il y a beaucoup de gens dans la course. Plusieurs débats ont opposé les candidats. Pourrais-tu nous résumer ton point de vue sur le profil des candidats? Qui a les meilleures chances de gagner? Et peut-être... Que penses-tu de Poilievre? En bref, penses-tu que ton ancien parti, devrais-je dire, élira une personne capable de diriger le pays?
RONA AMBROSE : Bien sûr, c’est mon parti, rien d’ancien! C’est toujours mon parti. Les courses à la direction génèrent un engouement, mais surtout à l’interne. On les suit de l’extérieur, et les médias les couvrent, mais n’oublions pas que les candidats de la course s’adressent aux membres du parti. Ils travaillent à attirer leur attention.
Et nul doute que Pierre Poilievre mène le bal. Les autres candidats, même les plus connus et respectés, comme Jean Charest, n’attirent pas autant de monde que Pierre Poilievre. Il arrive parfois à rallier des milliers de personnes. Je soulève ce point, car même quand Justin Trudeau est entré en scène... c’était... Même les libéraux qui s’extasiaient devant Justin Trudeau n’étaient pas si nombreux. Pierre Poilievre vend des cartes de membre à des personnes qui n’ont jamais été membres d’un parti politique. Des gens se manifestent de partout, peu importe la génération et le milieu – rural, urbain, etc. Poilievre est juste... Hier, il était à Thunder Bay, et des centaines de personnes sont venues le voir.
C’est très intéressant, ce qu’il fait pour motiver les gens à voter – ce qui compte, ce n’est pas ses arguments en faveur des conservateurs que son talent pour mobiliser les gens. Et que fait-il pour les convaincre? Dans une certaine mesure, son approche repose sur la controverse, notamment quand il dit qu’il va congédier Tiff Macklem. Selon moi, ce qu’il tente de dire, c’est : « je ne trouve pas qu’il fait un bon travail, et on en porte la responsabilité... vous en portez la responsabilité. »
Son message, c’est : « Je siège à la Chambre des communes. La Chambre des communes est supposée représenter le peuple. À bas les élites! On va représenter la classe ouvrière. » Et si les bonzes des institutions et ces gens qu’il appelle les élites – il dirait sans doute que Tiff Macklem en fait partie... S’ils ne font pas oeuvre utile, il propose d’y voir personnellement. C’est sa façon de dire que personne, quoi qu’il advienne, n’est intouchable, même ceux qui travaillent pour le gouvernement ou le composent. « Je représente le peuple. »
C’est un point de vue controversé. Pourtant, il dit essentiellement : « Je travaille pour vous, les travailleurs. Le gouvernement devrait travailler pour vous. Personne n’est au-dessus de ça. Personne n’est à l’abri d’un licenciement. Personne n’est dispensé de rendre des comptes. Personne n’est intouchable. » C’est controversé, mais je pense qu’il touche une corde sensible. Pas nécessairement concernant la Banque du Canada, mais son discours résonne chez les gens qui se sentent mal représentés au gouvernement ou qui souffrent simplement du problème généralisé qu’on vient d’aborder : l’inflation.
Les mères qui font l’épicerie ne peuvent plus acheter les mêmes choses qu’avant pour leur famille. Les gens craignent le prix d’un plein d’essence pour amener les enfants au hockey. Tout le monde ne vit pas dans un lieu où les transports collectifs sont accessibles, où il y a des options de déplacements abordables. De nombreuses personnes ont tout bonnement l’impression que le gouvernement divague.
Je trouve intéressant de voir Poilievre mobiliser les gens, même s’il peut diviser. Il y a de très bons candidats dans la course. Un dénommé Scott Aitchison a de quoi impressionner la galerie. Il semble faire preuve de caractère et d’intégrité. Maintenant, il n’alimente pas de controverse, alors son public diffère... Mais les gens le trouvent vraiment impressionnant. Et des membres clés du parti le soutiennent. Il sera intéressant de le suivre.
Leslyn Lewis revient dans la course pour la deuxième fois. Elle agit comme porte-étendard des conservateurs sociaux du parti. Elle attire des foules imposantes et peut compter sur un appui solide. Les conservateurs sociaux n’appuient pas Pierre Poilievre, car il est pro-choix et en faveur du mariage gai, qu’ils pourfendent. Ils vont voter pour Leslyn Lewis.
Voilà ce qu’il en est. En fin de compte, notre système fonctionne sur la base de points. On n’a pas de système « un membre, un vote ». On ne sait pas comment les choses vont se passer. Même si Jean Charest est populaire au Québec et en Ontario, il a de la concurrence. Difficile de se prononcer...
Par ailleurs, je pense que les adhésions prennent fin le 3 juin. Ensuite, chacun se battra pour les votes des autres et tentera d’attirer plus d’électeurs dans son camp. Les choses évolueront comme ça jusqu’en septembre. En ce moment, Pierre Poilievre a le plus à perdre.
PETER HAYNES : Rona, deux événements se sont produits aux États-Unis impliquant la droite, qui sont au centre des discussions, soit la fuite d’un éventuel renversement de la Cour suprême de Roe c. Wade et le débat sur les armes à feu. Ces événements risquent-ils d’influencer la course à la direction du Parti conservateur?
RONA AMBROSE : Pour le moment, ce n’est pas le cas. Pas encore. L’avortement n’a pas fait partie des plateformes électorales libérales et conservatrices depuis des décennies. Bien sûr, les Canadiens consultent les médias américains, ils regardent des chaînes américaines. Toutefois, rappelons-nous que le Canada est un pays à part entière et qu’on a nos propres priorités politiques. Cela dit, la question désoriente les conservateurs, qui peinent à se faire comprendre. Et les candidats à la direction seront interrogés là-dessus. Leslyn Lewis est probablement la grande candidate pro-vie, elle a déjà ses partisans.
Roe c. Wade est un dossier intéressant, car c’est... Cette fuite est le cadeau attendu par les démocrates depuis longtemps. Ils étaient en voie de perdre le réel soutien de beaucoup de gens. Mais la fuite a ravivé le parti – plusieurs de ses adhérents et militants développaient peu à peu une inappétence pour la partisanerie. Contre toute attente, la fuite a avantagé le Parti démocrate et rappelé aux gens ses valeurs fondamentales, qu’il convient de défendre.
C’est un thème d’intérêt, mais il ne change pas la donne. Les provinces sont chargées de la santé et de l’avortement. La situation n’est pas la même qu’aux États-Unis. Évidemment, si Roe c. Wade est invalidé, chaque État sera appelé à définir sa propre politique là-dessus – un peu plus à l’instar des provinces canadiennes. Mais l’enjeu n’est pas... Il est exclu des plateformes politiques libérales et conservatrices depuis des décennies. Je ne le vois pas comme déterminant.
PETER HAYNES : Frank, passons à la législation sur les armes à feu, surtout aux États-Unis, dans la foulée d’Uvalde. Le sénateur Manchin parle de discussions avec des dirigeants politiques à Washington. Il dit que cette fois, c’est différent. Crois-tu que le Sénat puisse arracher 60 votes en faveur d’une législation sur les armes à feu pour contrer cette violence insensée aux États-Unis? Penses-tu que cette tragédie teintera les élections de mi-mandat?
FRANK MCKENNA : C’est sans espoir. Je suis triste, et triste de le dire. Les propos du sénateur Manchin viennent d’une vieille cassette de 100 ans, qui a toujours bien servi les membres de la NRA et leurs amis.
C’est appelé à stagner. Lors d’une telle tragédie, les responsables font ce qu’ils peuvent pour cerner l’enjeu. Le tout stagne et passe presque toujours aux oubliettes. On a vu d’autres tueries, comme celles de Parkland, Sandy Hook et Buffalo, d’une ampleur semblable et tout aussi horribles.
Mais les Américains sont si... résolument attachés à leurs armes... Il y a plus d’armes aux États-Unis que de personnes. Et les gens que ça intéresse sont résolus. C’est un pan de la population très dynamique. Et les dirigeants n’ont jamais eu le courage d’opérer un changement. Même Trump, au lendemain d’un massacre, avait promis d’apporter des changements et de tenir tête à la NRA, mais il ne s’est rien passé.
Il en est juste ressorti des lois « drapeau rouge ». Concernant d’autres questions, comme la vérification des antécédents réclamée, il n’y a jamais eu d’entente. La NRA s’y oppose. Quant à l’âge légal pour acheter une arme, qui passerait de 18 à 21 ans, le renfort est carrément inexistant de la part des républicains. Tout effort pour mieux gérer les armes automatiques n’obtient aucun appui. La NRA a asservi tout le monde... Ses chefs restent là, frustrés, refusant tout dialogue.
Pourtant, je ne pense pas qu’il soit question de confisquer des armes. Personne ne veut interdire l’accès aux armes à feu ou autre chose du genre. Il s’agit juste d’instaurer un minimum de contrôle... de vérifications des antécédents pour prévenir la vente de dizaines d’armes lors d’expositions, qui serviront au trafic partout en Amérique du Nord, au Canada. 70 à 80 % des décès par arme à feu ici sont liés à la contrebande des États-Unis.
Peut-on faire quelque chose? Je n’y crois pas. On parle, Peter, d’un pays... du pays le plus judiciarisé qui soit, où des poursuites sont engagées pour un simple accrochage de passants sur le trottoir. Or, un énorme rempart se dresse contre les poursuites liées aux armes à feu. C’est à ce point... Voilà l’étendue du problème. Avec un peu de bonne foi, il serait possible d’élargir les litiges aux fabricants d’armes à feu. Par la suite, le secteur privé imposerait une réglementation sur la fabrication d’armes – on pourrait intégrer des dispositifs de sécurité, etc. Mais l’opposition est telle que c’est impossible.
Et la Cour suprême des États-Unis, composée uniquement de républicains, est même sur le point de retirer aux États de réglementer le port d’armes, le port ouvert! Les républicains montrent ici qu’ils s’en remettent entièrement aux États en matière d’avortement, mais qu’ils les répudient pour le contrôle des armes à feu. Et je crains que... Tout ça pour dire que je vois peu de chances de progrès significatifs en ce sens. Rona, j’aimerais savoir si tu es plus optimiste que moi...
RONA AMBROSE : Je ne le suis pas. Et j’en suis vraiment triste. C’est juste... Il est inconcevable d’assister à une telle conjoncture dans une société libre et démocratique, régie par des lois censées protéger les gens. Ce genre de situation se répète sans cesse, et personne n’intervient, malgré des statistiques accablantes – non seulement sur la quantité d’armes, mais aussi leur usage : quand sont-elles utilisées et qui les utilise? Il est évident que les politiques ici visent à freiner ce type de violence.
Frank a évoqué des correctifs très simples à apporter. Pourtant, il est impossible d’apporter le moindre changement. Le tout se déroule devant nos yeux, et la propagande s’active, jusque dans les médias grand public. Des gens intelligents en viennent à dire des choses comme : « la solution serait d’armer les enseignants... » C’est tout simplement incroyable. Et l’histoire se répète encore et encore.
Frank, j’allais te demander – tu as passé plus de temps aux États-Unis que moi, et la NRA est si puissante... Est-ce qu’un groupe de parents ou tout autre groupe de personnes du camp opposé n’est pas tout aussi puissant? Que faut-il pour contrer l’emprise de la NRA sur les républicains? Je n’arrive pas à... croire que tant d’élus estiment qu’il s’agit de la voie à suivre. Pourtant, la NRA et son solide lobby semblent disposer de tant de pouvoir. Que peut-on faire, si ce n’est... Comment fragiliser le pouvoir de ce groupe?
FRANK MCKENNA : C’est bizarre, j’ai vu la NRA et ses acolytes républicains dire que la solution serait d’armer davantage d’enseignants. Pourtant, les deux derniers tireurs... Et je parle comme si je m’y connaissais... Mais les deux derniers tireurs portaient une armure. Évidemment, les enseignants se verraient confier une arme de poing, pas une mitrailleuse. Imaginez... un enseignant dispose d’une arme de poing et quelqu’un fait irruption dans la classe avec une mitrailleuse, vêtu d’une armure... Que peut faire l’enseignant?
Verra-t-on un jour des écoles où chaque enseignant et chaque élève sont équipés d’un gilet pare-balles? Vraiment, quel monde!
RONA AMBROSE : Oui...
FRANK MCKENNA : J’ai une idée de résolution, qui tient plus du désespoir que d’autre chose. Beaucoup de changements surviennent quand les femmes l’exigent... Pour les Russes, la guerre d’Afghanistan a pris fin quand des mères de soldats l’ont exigé – elles refusaient de retrouver leurs fils autrement qu’en vie. De même, les conflits en Irlande ont pris fin quand les femmes ont dit en avoir assez. Trop d’hommes et de garçons se faisaient tuer.
À un moment, si les femmes américaines s’imposent et disent : « Assez, c’est assez! Cette situation ne sera plus tolérée. On va se tenir debout et se battre! », ça pourrait changer la donne. Mais autrement, je ne vois aucune mesure péremptoire.
L’ironie, c’est que les gens de la NRA, voire les républicains, ne parlent sans doute pas au nom de la majorité. Chaque sondage montre que...
RONA AMBROSE : Oh, je le pense...
FRANK MCKENNA : Chaque sondage témoigne d’un assentiment pour des mesures raisonnables. Mais il est si difficile de faire quoi que ce soit.
PETER HAYNES : Pour clore le sujet, je me permets de rappeler... J’ai pris connaissance de statistiques, après la tragédie, au sujet d’une tuerie dans une école d’Écosse, il y a 30 ans. Vous souvenez-vous? Andy Murray, le joueur de tennis, était dans cette école. Des changements ont été apportés à la législation et, depuis, aucune tuerie n’a eu lieu dans les écoles du Royaume-Uni. Il y a certainement des mesures à prendre ici. On ne peut qu’espérer et prier pour un retour au gros bon sens, d’une façon ou d’une autre.
Rona, changeons un peu de sujet en revenant à chez nous. Parlons un peu de la démission de Jason Kenney. Un jour, il y a quelques semaines, il faisait du lobbying auprès du Congrès pour la reprise des pourparlers sur Southbound Pipeline, et le lendemain, il quittait la direction du parti, n’ayant reçu que 51 % d’appuis. Jason Kenney allait-il vers un mur dès les débuts du PCU? Qu’est-ce qui s’en vient pour la province?
RONA AMBROSE : Voici quelques détails de l’intérieur... Le parti a choisi de ne pas... réglementer l’achat d’adhésions pour la révision du leadership de Jason Kenney. Alors, des milliers de personnes ont acheté des cartes de membre, juste pour voter contre Jason Kenney, sans jamais avoir adhéré au parti. C’est un faux pas majeur du parti d’avoir manqué de dire : « Regardez, on arrête les adhésions ici. Ceux qui sont déjà membres peuvent voter pour ou contre le premier ministre. C’est une affaire de parti, et on veut savoir ce que nos membres en pensent. »
Malheureusement, ça s’est déroulé autrement. Et des milliers d’antivaccins, contre le confinement en temps de COVID, qui n’avaient jamais été membres, ont acheté des adhésions, juste pour voter contre Jason Kenney, compte tenu de sa gestion de la COVID. En Alberta, la situation a peut-être différé de celle des autres provinces.
Kenney a tenté de trouver un équilibre, considéré comme exagéré. Beaucoup de gens trouvaient qu’il restreignait trop de choses. Et il en a subi les conséquences. Suivant le résultat de 51 % lors de la révision du leadership, il a bien sûr choisi d’agir en conséquence. Il restera donc premier ministre jusqu’à ce qu’un nouveau chef soit élu.
Et le contexte ici est intéressant... La province se porte très bien. Selon le dernier sondage, le parti devance le NPD et gagnerait à nouveau en cas d’élection. Kenney a, de toute évidence, fait les frais de diverses politiques internes et des aléas politiques de la COVID. Mais c’est la vie! Et une course à la direction est en branle.
Quelques nouveaux venus vont se présenter. Le ministre des Finances sera de la partie – il misera, j’imagine, sur ses budgets équilibrés et un bon bilan provincial du point de vue économique. C’est assez intéressant... Les observateurs politiques de toutes allégeances sont attentifs et constatent la grande liberté que Jason Kenney a donnée à son caucus.
Parce que certains disent... Certains ont laissé entendre qu’il était trop autoritaire. Or, c’était tout le contraire. Il a permis à des dissidents d’évoluer dans le caucus. Il a signé les actes de candidature de son critique numéro un, qui a gagné une élection et siège maintenant au caucus. C’était intéressant de le voir gérer son caucus. La porte était vraiment ouverte à la dissidence. En rétrospective, était-ce la meilleure chose à faire?
Quoi qu’il en soit, une course à la chefferie se prépare. La province se porte très bien. La personne qui gagne va diriger l’Alberta. On s’attend à une nouvelle élection d’ici un an ou un an et demi... Voilà donc ce qui s’en vient pour le moment.
PETER HAYNES : Maintenant, Rona, il y a un nom qui revient constamment, que ce soit pour diriger les conservateurs ou la province de l’Alberta, il s’agit de Rona Ambrose... Je suis curieux de savoir si elle va se présenter, dans un cas ou dans l’autre... Peut-être pas pour le Parti conservateur, mais qu’en est-il de l’élection provinciale en Alberta?
RONA AMBROSE : Il n’en est rien du tout! Et j’ignore d’où vient cette idée. Je le prends quand même comme un compliment. Mais la rumeur ne vient pas... l’idée n’est ni de moi, ni mon mari, ni de ma famille – je le précise. Écoutez, il y a des gens formidables dans la course. Il y a cette jeune femme conservatrice, Rebecca Schulz, actuellement ministre des Services à l’enfance – c’est une première ministre en devenir. Elle est extraordinaire.
Va-t-elle réussir cette fois? Je ne sais pas. Mais elle a ce qu’il faut pour se mesurer à la tâche. Ce serait merveilleux de voir une personne comme elle prendre le leadership. Et si ce n’est pas cette fois, ce sera sûrement la prochaine. Il y a deux ou trois personnes très populaires, comme Daniel Smith, qui vient de l’extérieur. Il montre à nouveau son intérêt pour diriger le parti. Ces personnes sont très conservatrices sur le plan financier, mais je dirais d’abord qu’elles sont socialement centristes, ce qui me semble être de bon augure pour la province. On verra bien...
Cela dit, le NPD est encore assez prisé en Alberta. Rachel Notley est très appréciée et populaire. On peut s’attendre à un affrontement entre politiques socialistes et conservatrices, du moins sur le plan budgétaire. Et c’est un débat pertinent.
PETER HAYNES : Eh bien, je sais, je me répète, et Frank dirait de même, mais ce que l’Alberta et le Parti conservateur perdent fait le bonheur de VMTD. Merci d’avantager notre organisation! Je sais, certains seront déçus de ne pas te voir parmi les candidats, mais on est vraiment heureux, au passage, de t’avoir dans nos rangs, à VMTD.
Frank, on va terminer en jetant un œil à l’élection en Ontario, prévue plus tard cette semaine, soit jeudi. Doug Ford obtiendra sûrement la majorité, mais dis-moi... Y a-t-il quoi que ce soit... des statistiques ou des événements qui pourraient renverser la tendance vers une majorité? Y a-t-il des facteurs donnés à surveiller? Je me demande, penses-tu que ces 56 % de gens choisiraient une autre option si c’était possible? Qu’il s’agisse ou non à tes yeux d’une proportion significative?
FRANK MCKENNA : En fait, j’aimerais d’abord commenter ce que tu viens de dire... Je suis d’accord avec ce que tu dis sur Rona – on est bien chanceux qu’elle travaille avec nous, elle nous renforce de bien des façons. Je citerai un adage que quelqu’un m’a répété quelques fois, quand j’étais assez fougueux pour évaluer plusieurs options dans ma vie. La personne me disait : quand tu as déjoué la souricière, ne tente pas de retourner prendre le fromage! Et cela s’est avéré...
RONA AMBROSE : Oh, c’est bien!
FRANK MCKENNA : Cela s’est avéré prophétique dans mon cas. J’ai vu beaucoup de leaders extraordinaires, des gens que j’appuyais – Jim Prentice et d’autres, qui ont moins bien fait à leur retour. Ce ne serait pas le cas ici, mais il reste que... Il faut bien mesurer l’ampleur des sacrifices.
Vite fait, en Ontario, Doug Ford va gagner. Il obtiendra sa majorité. Il a besoin de 63 sièges pour l’obtenir. Je pense qu’il en gagnera plus de 70. C’est drôle, parce que Jason Kenney est, selon moi, un leader très accompli. À bien des égards, il a un meilleur bagage que Doug Ford. Mais Doug Ford n’a jamais eu autant de division à gérer. Et il est très sympathique. Il a prouvé qu’il est une bonne contrepartie du gouvernement fédéral. Et le fédéral détient beaucoup de sièges en Ontario.
Et Doug Ford a très bien joué le jeu. Il a réussi certaines choses, mais avait aussi devant lui une opposition complètement divisée. Rona et moi, on a connu des contextes d’opposition divisée... Parfois c’est avantageux, parfois non. En l’occurrence, le NPD et les libéraux sont des deuxième et troisième choix crédibles. Ils vont se disputer beaucoup de votes mutuellement. C’est donc un avantage important pour Ford.
Les derniers sondages montrent que les libéraux devancent de quelques points le NPD. Mais leurs suffrages ne sont pas aussi solides que ceux du NPD. Ils finiront probablement par se retrouver nez à nez le soir des élections. Quand on voit le premier ministre se diriger confortablement vers une majorité, je ne vois pas comment... Je ne perçois pas l’enthousiasme en Ontario. Je ne le sens pas. Les gens ne sont pas emballés. D’un autre côté, ils semblent se résigner.
PETER HAYNES : Rona, tu dis que Scott Aitchison est un leader crédible, soit un bon candidat pour diriger le Parti conservateur. Il représente Parry Sound-Muskoka, une région que je connais bien. C’est drôle, en fait... Frank, tu en sais sûrement quelque chose, au provincial... Le candidat libéral de Parry Sound-Muskoka au provincial avait été nommé, puis a dû se retirer quelques jours plus tard, car à la suite de vérifications d’antécédents dans ses anciennes circonscriptions, le Parti libéral lui a essentiellement demandé de partir.
Il n’y a donc personne de l’autre côté. Maintenant, le Parti vert est possiblement en voie de remporter la circonscription Parry Sound-Muskoka au provincial, ce qui constituerait un changement majeur – parce qu’il s’agit d’un vieux foyer conservateur. En fait, quand Scott Aitchison était maire de Huntsville, je pense qu’il avait une entente avec le maire de Bracebridge, Graydon Smith. Scott allait se présenter au fédéral, et Graydon, au provincial.
Scott a gagné au fédéral et, maintenant, Graydon est le conservateur dans la course. Il risque de se trouver dans une situation longuement abordée, dont vous savez quelque chose – un contexte de vote divisé. Mais ce qui est intéressant ici, c’est que le départ du chef du Parti libéral va probablement... pourrait empêcher Graydon Smith de gagner et de diriger la circonscription. Je ne me prétends pas expert politique, mais je suis bien avisé. Tout cela reste à voir...
Rona, je sollicite ton indulgence envers Frank et moi, un instant... On aime conclure l’émission en parlant de baseball, surtout des Blue Jays. Frank, le balayage des Angels de L.A. ce week-end était du tonnerre. Est-ce que la flamme s’est rallumée pour toi?
FRANK MCKENNA : Oui, je suis plus enthousiaste grâce à ces victoires renversantes. Aussi parce que quelques autres joueurs de l’équipe commencent à montrer plus d’ardeur. Gurriel et Kirk se sont démarqués. On attend toujours que Teoscar se dégourdisse. Vladi pourrait faire mieux et il va y arriver. Biggio peut faire beaucoup mieux. Mais pour le reste, c’est bon! C’était plaisant. C’était emballant. Voilà comment j’aime le baseball. C’était comme un match des Oilers contre les Flames – passionnant!
PETER HAYNES : Vous savez quoi? Avant de partir, Rona, la transition est parfaite pour parler de Battle of Alberta. Rona, tu vis à Calgary. Tu es probablement déçue en ce moment, quoique heureuse de savoir qu’une équipe albertaine va participer au Final Four et possiblement accéder à la coupe Stanley?
Quelle est l’ambiance actuelle en Alberta? Aussi, décris-nous un peu ce que le Stampede signifie pour toi... Quel est ton meilleur souvenir du Stampede, qui aura lieu dans quelques semaines?
RONA AMBROSE : Eh bien, le Stampede de Calgary, c’est reconnu comme le plus grand spectacle en plein air de la planète, et ce l’est! J’invite tous les Canadiens à venir au Stampede et à assister au rodéo. Le rodéo reflète bien sûr le travail et les sports de la culture occidentale, celle des gens qui vivent, jouent et travaillent dans les fermes et les ranchs.
Il s’agit d’un miroir fidèle. C’est une belle activité sportive des plus agréables. Assorties de plusieurs festivités. Bien sûr, si vous venez, achetez des bottes et un chapeau de cowboy. Laissez à la porte toutes vos inhibitions à la porte et amusez-vous! Vous aurez du plaisir.
Vous savez, mon mari est un ancien champion professionnel de rodéo. La saison des rodéos est tout un événement à la maison. On va au rodéo tous les jours, on voit plein de gens. C’est amusant. Concernant Battle of Alberta, les Albertains sont d’humeur fantastique. Ce n’est pas si génial à Calgary. J’ai assisté à quelques matchs. Ma mère m’accompagnait avec son chandail des Oilers. On avait notre chandail des Flames de Calgary. Bonjour les conflits familiaux! Mais on a eu beaucoup de plaisir.
Regardez Connor McDavid! Même comme fan de Calgary, je le trouve... Il fait de l’ombre à tout le monde. C’est vraiment incroyable. Son coup de patin est si rapide. Son coup de bâton est rapide. Tant mieux pour les Oilers, pour lui et pour l’équipe. Évidemment, on va se ranger derrière les Oilers maintenant.
PETER HAYNES : Bien... Je crains que peu de monde à Calgary partage ton point de vue sur les Oilers. Peut-être... Je n’en suis pas tout à fait sûr. OK, Frank, je veux ton dernier choix rapide comme champions de la coupe Stanley.
FRANK MCKENNA : Oh, je... Ma préférence va au Canadien, je vais donc dire les Oilers. Toutefois, je pense qu’ils auront beaucoup de mal à l’emporter sur Nathan MacKinnon du Colorado.
RONA AMBROSE : Ouais.
FRANK MCKENNA : Très difficile... Mais s’ils gagnent, je crois qu’ils pourront aller jusqu’au bout.
PETER HAYNES : Je vais me concentrer sur Tampa Bay. Quelqu’un doit les battre et déloger l’équipe du piédestal. Et les Leafs pourraient s’imposer comme deuxième meilleure équipe de la LNH. C’est à suivre... On y reviendra le mois prochain. Rona, on conclut ici un balado exceptionnellement long, car on a légèrement dépassé le temps alloué. Mais c’était formidable de te compter parmi nous. Au nom de Frank et en mon nom personnel, merci beaucoup de ta présence aujourd’hui.
Frank, comme toujours, j’aime connaître ton point de vue. On discutera à nouveau le mois prochain.
FRANK MCKENNA : Merci.
RONA AMBROSE : Merci beaucoup.
[MUSIQUE]
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Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a déjà été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Rona Ambrose
Présidente suppléante, Valeurs Mobilières TD
Rona Ambrose
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Rona Ambrose
Présidente suppléante, Valeurs Mobilières TD
Rona est une leader nationale dynamique et une championne des droits des femmes et des filles. Elle a été chef de l’opposition officielle du Canada à la Chambre des communes et chef intérimaire du Parti conservateur du Canada. Ses réalisations comprennent notamment l’élaboration de politiques fédérales sur l’approvisionnement militaire, les stratégies industrielles, l’innovation en matière de santé et l’amélioration des lois relatives aux agressions sexuelles.