La guerre, l’inflation et la Cour suprême
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Frank McKenna, Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 28, Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD, critique la Cour suprême hautement politisée, maintenant que les républicains détiennent une supermajorité. Comment un programme de réforme très de droite des changements climatiques, de l’avortement et des lois sur les armes à feu s’inscrit-il auprès de la majorité des Américains, et qu’est-ce que cela signifie pour la Cour suprême? En ce qui concerne les récentes mises à jour des lois sur l’avortement, Frank ne croit pas que la baisse des cotes du président Biden changera avant les élections américaines de mi-mandat en novembre. Il aborde également les mines terrestres qui pourraient être déclenchées dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, et il laisse entendre que le président Poutine pourrait se retrouver acculé au pied du mur, ce qui compliquerait davantage la situation. Frank conclut l’épisode en citant les commentaires des dirigeants d’entreprise et des politiciens sur l’inflation et la menace imminente d’une récession, les sujets de l’heure.
FRANK MCKENNA : ...la Constitution est érigée et rajustée au fil du temps, comme il se doit. ...des gens qui vivent dans le passé tentent d’imposer leurs valeurs à d’autres, sans égard à la jurisprudence.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 28 du balado mensuel de VMTD sur la géopolitique en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Ici Peter Haynes. J’animerai l’épisode d’aujourd’hui intitulé « La guerre, l’inflation et la Cour suprême ».
D’abord, voici la mention juridique standard... Je vous rappelle qu’il s’agit d’un balado de Valeurs Mobilières TD. Et, à titre informatif : Les opinions dans ce balado n’engagent que les personnes qui les expriment et peuvent ou non représenter les opinions de la TD ou de ses filiales. Il ne s’agit pas de conseils en matière de placement, de fiscalité ou autre.
Avant d’entamer la discussion, sachez que j’ai demandé à Frank son avis sur les questions que je lui ai envoyées tard hier soir. Il m’a dit qu’elles lui convenaient. Je n’ai pas encore trouvé « la » question sur laquelle Frank refuse de se prononcer. Alors, on va faire un tour complet aujourd’hui. On a beaucoup de sujets très importants à traiter.
Le monde change sous nos yeux, plus que jamais depuis mon arrivée sur terre, il y a 53 ans. Frank, es-tu d’accord? Je sais que tu as quelques années de plus que moi. Dirais-tu qu’on vit une période difficile dans l’ensemble?
FRANK MCKENNA : Tout à fait. Il faut pratiquement un navigateur pour s’orienter. Le monde est à l’envers – pendant qu’on discute d’enjeux qui ne s’étendent pas sur des décennies, comme la plupart des changements, d’autres surviennent chaque semaine. On vit dans un monde nouveau, Peter.
PETER HAYNES : Oui, justement, je me demande si c’est comme tout le reste... On conclut les choses beaucoup plus rapidement aujourd’hui, que ce soit grâce aux médias sociaux ou autres. L’information circule si vite. Les conclusions sortent très rapidement. Mais je peux dire que les sujets ne manquent pas. Allons-y donc!
Il y a quelques mois, dans ce balado, on a évoqué la Cour suprême et les cas très controversés en audition au sein d’une cour suprême américaine désormais très à droite. Et la semaine dernière, il y a bien sûr eu cette bombe... Mais d’autres l’ont précédée dans les dernières semaines. Et d’autres sont encore à venir.
Parlons de la Cour suprême et de sa plus récente décision, la semaine dernière, dont on a d’ailleurs parlé il y a environ un mois. Je parle du renversement de Roe c. Wade. Qu’en est-il maintenant du débat sur l’avortement? Crains-tu quelque chose de similaire au Canada?
FRANK MCKENNA : Je commencerai par ceci... parce qu’au terme de cette émission, bien des gens voudront se terrer dans les bois avec beaucoup de provisions, à l’abri dans une cabane... Mais voilà. Je tiens à préciser que, malgré toutes les choses extrêmement frustrantes, voire inquiétantes, qui se passent dans le monde, on a droit à un lot de bonnes nouvelles. Et je rappelle qu’on est en pandémie depuis plus de deux ans. Mais la résilience à l’échelle planétaire ne dément pas.
Qui aurait prédit qu’on serait capables de s’enfermer à la maison et de maintenir une belle productivité entre-temps? Il faut d’abord reconnaître les éléments favorables. Quant à Roe c. Wade, voici tout de suite ce que j’en pense... Peu importe de quel côté du débat on se positionne, on s’entendra sûrement sur le fait que des éléments sont très préoccupants concernant cette décision.
Premièrement, on n’a plus affaire à la Cour suprême des États-Unis, mais à un tribunal politique, ce qui est assez triste en soi. En fait, les sondages des deux derniers jours montrent que le taux d’approbation de tribunal est plus faible que jamais, soit cinq points de moins aujourd’hui que son creux historique. Je suis désolé pour le juge en chef Roberts, qui a bravement tenté un rapprochement vers le centre au nom du consensus, car on l’a complètement trahi.
Il faut le souligner, car il nous serait impossible d’observer la Cour suprême du Canada, Peter, ou d’autres tribunaux dans le monde, et de déterminer les préférences politiques de chaque juge en analysant le tout de ce point de vue. Dans le cas de la Cour suprême des États-Unis, c’est possible. Ce n’est pas réjouissant...
Deuxièmement, la Cour a tranché à l’encontre d’un précédent de 40 ou 50 ans. Déjà, c’est inhabituel aux États-Unis. Normalement, la progression s’effectue lentement, au fil de changements de la jurisprudence. Non seulement ceci est inhabituel, mais le résultat est imputable à deux juges – à au moins deux juges – de la Cour suprême des États-Unis qui ont carrément menti dans le cadre des audiences de ratification.
Je parle de Gorsuch et de Kavanaugh. Ils ont dit considérer Roe c. Wade comme un précédent établi et ont assuré les sénateurs Susan Collins, Lisa Murkowski et Joe Manchin qu’ils n’avaient rien à craindre à ce sujet. Bon, il s’agit peut-être d’aveuglement volontaire du côté des sénateurs, qui n’étaient pas disposés à anticiper la suite.
Mais on était nombreux à comprendre ce qui s’en venait... Bref, voilà ce qui est arrivé – une simple décision nettement politique. J’ai eu l’occasion d’échanger avec le juge Scalia, un autre pilier ultraconservateur de ce tribunal. Il était invité à un dîner chez nous, à Washington, avec divers convives. Sa femme était assise à côté de moi. Elle était grisée, juste un peu.
Il reste que, pendant le repas, on a eu un échange intéressant. J’ai dit : « Je m’étonne de la grande part de conservatisme affiché par votre mari à la Cour, je suis surpris de sa nomination. » Elle a répondu : « Oh, c’était un secret assez bien gardé avant sa nomination. » Alors voilà, Scalia a montré son vrai visage.
J’ai eu un aperçu de la diversion tactique qui se tramait derrière la nomination de ces juges à la cour. Je veux juste dire deux autres petites choses... Les républicains et les démocrates jouent selon des règles différentes. Je tiens à féliciter les républicains : ils savent à quoi ils s’attaquent et sont armés pour le combat. Les démocrates ont tout au plus un couteau à la main. Ils se font malmener.
Souviens-toi, il y a juste trois ou quatre ans, quand Obama devait nommer quelqu’un à 10 mois de la fin de son mandat... Mitch McConnell et les républicains se sont opposés à ce que la nomination passe par le Sénat, au motif qu’on ne devrait pas nommer de juge dans la dernière année d’une administration. Ils ont fait de l’obstructionnisme ou ont menacé d’en faire. Et les démocrates ont baissé les bras.
Par la suite, au terme du mandat de Trump – à qui il ne restait que huit semaines lors du décès de Ruth Bader Ginsburg –, les républicains ont procédé à une mise en candidature. Malgré les huit semaines restantes. En l’occurrence, Mitch McConnell a affirmé que les règles de l’époque ne s’appliquaient plus.
Les républicains se sont juste joués des démocrates. C’est assez pathétique. L’autre élément à noter, c’est le caractère hautement antidémocratique du processus. Les républicains, qui comptent 50 sénateurs, représentent environ 30 % des Américains.
Le système est mal adapté qu’il confère trop de pouvoir aux petits États – le Wyoming, le Montana, etc. Ces petits États ont la même importance que l’État de New York, qui abrite 30 ou 40 millions de personnes. En s’adjoignant 30 % des électeurs, les sénateurs républicains ont essentiellement le champ libre pour composer la Cour suprême. Par conséquent, on n’a plus de Cour suprême objective aux États-Unis. On a un tribunal politique.
Et ce genre de situation est appelé à se répéter. Pensons à la réforme du financement des campagnes. Pensons à la réforme sur les armes à feu. Pensons au projet de redécoupage électoral. Ce tribunal est devenu l’agence numéro un des républicains aux États-Unis, qui gardent mainmise sur le pouvoir. C’est assez déplorable. Au même titre que si on avait une Cour suprême exclusivement démocrate.
PETER HAYNES : Crois-tu que le 14e amendement, l’application régulière de la loi ou que d’autres arguments de secours permettront une éventuelle mesure libératoire? Ou est-il trop tard, notamment en ce qui a trait à l’avortement? On abordera d’autres sujets dans un moment...
FRANK MCKENNA : Je n’entrevois rien de libératoire ici. Ces décisions-là ne relèvent pas de la jurisprudence. Elles relèvent d’une idéologie. Du moment qu’on accepte le caractère mouvant de la Constitution, on peut argumenter de toutes les façons sur un sujet qui se prête à l’interprétation. Dans ce cas-ci, la situation est appréhendée sous un seul angle idéologique.
Voyons juste la réforme du financement des campagnes, qui aurait pu être légitime sur la base de la liberté d’expression. Et la législation sur le contrôle des armes à feu – du simple droit de port d’arme, qui autorise théoriquement le port du mousquet, on est passés au port de mitrailleuses semi-automatiques et au droit de cacher l’arme sur soi, jusqu’au droit de le faire sans vérification des antécédents.
Au bout du compte, on évacue pratiquement toute trace de l’intention éventuelle des fondateurs. En théorie, pourquoi ne pas autoriser aussi le bazooka? Certains pourraient l’exiger, question d’être en mesure d’utiliser leur arme personnelle. Du coup, on n’est pas loin du char d’assaut dans l’entrée, dans la mesure où la Cour suprême va toujours un peu plus loin.
Ce qui se passe ici n’est pas réversible au moyen de la jurisprudence. Toute marche arrière sera tributaire de changements structurels.
PETER HAYNES : Tu parles de la Constitution comme d’un organisme vivant. J’aimerais lire un extrait du discours des opposants au renversement de Roe c. Wade de la semaine dernière : « La majorité affirmant qu’il faut lire notre charte fondatrice telle qu’elle était lors de sa ratification suggère pratiquement de remonter à l’âge des ténèbres et relègue les femmes au rôle de citoyennes de seconde zone. » Les rédacteurs de la Constitution initiale, je cite : « ne reconnaissaient ni l’égalité des femmes ni leurs droits. » C’est ainsi que des juges libéraux se sont inscrits en dissidence.
Tu parles d’un tribunal politique, Frank. Vois-tu aussi la Cour suprême comme déconnectée de la réalité? Et le cas échéant, que faire pour pallier le décalage à part augmenter le nombre de juges ou attendre que les juges de la Cour suprême actuels partent, puisque la minorité détient le pouvoir?
FRANK MCKENNA : La dernière solution exigerait tout un effort de patience. Pensons juste à Amy Coney Barrett, qui semble avoir la mi-cinquantaine... Elle peut facilement rester au moins 30 ans. Quant à Gorsuch et à Kavanaugh, ils sont encore là pour 25 ou 30 ans.
Je ne crois pas que l’attente soit une solution efficace... Selon moi, peut-être qu’après un an ou deux, il ne restera plus rien de plus qu’une terre brûlée. Ils auront été jusqu’au bout des possibilités. Des gens comme le juge Clarence Thomas sont pratiquement en voie de reconsidérer l’accès à la contraception et laissent même filtrer la remise en cause éventuelle des unions entre personnes de même sexe.
Il en résulte un pays fortement polarisé, où les affrontements axés sur les enjeux sociaux éclipsent les grandes questions économiques qui préoccupent beaucoup de gens. J’ai peu d’espoir... Je m’étonne de voir la Cour suprême larguer une bombe politique, puis une autre et une autre.
C’est à croire qu’elle se prend pour le parti élu et qu’elle se range du côté des quelques sénateurs dûment élus et membres du Congrès qui croient au caractère divin de la Constitution, comme si elle relevait de la main de Dieu et se voulait indélébile. Or, si c’était le cas, les femmes n’auraient pas le plein droit de vote. Les Afro-Américains non plus.
Mais la Constitution est érigée et rajustée au fil du temps, comme il se doit. Une constitution doit s’adapter aux réalités actuelles. Mais ici, on a des gens qui veulent vivre dans le passé et tentent d’imposer leurs valeurs à d’autres, sans égard à la jurisprudence.
PETER HAYNES : On a parlé de l’arrêt sur les armes rendu récemment et de l’utilisation des armes de poing. Tu as bien fait valoir ton point de vue...
FRANK MCKENNA : Et il y a un autre aspect intéressant à noter ici. En partie, l’argument concernant Roe c. Wade et l’avortement, c’est qu’il faut mettre ça dans les mains des autorités locales. On dit « laissons les États décider, leurs droits seront respectés. » Parfait!
Or, dans le cas de l’arrêt sur les armes à feu, la Cour suprême invalide l’État de New York, qui interdisait depuis 100 ans le port ouvert, en disant « Vous n’avez pas le droit. Il est impossible de contrevenir au deuxième amendement. » Il y a donc une grave incohérence dans les arguments.
La Cour ne s’en formalise pas, elle sert avant tout une idéologie. Elle privilégie des croyances personnelles, sans vraiment s’appuyer sur une solide jurisprudence.
PETER HAYNES : Il y a un certain recoupement à faire avec les gens qui militent contre la vaccination, mais qui veulent aussi protéger les droits individuels entourant l’avortement. Je m’étonne du caractère contradictoire de tels points de vue.
L’ironie dans ce changement de loi sur les armes à feu aux États-Unis – la Cour suprême n’avait pas statué là-dessus depuis 10 ans et quelques semaines plus tard, le Canada interdit l’utilisation d’armes de poing. Malgré quelques voix qui se sont élevées ici et là, il n’y a pas eu... Tout ça au moment où des Américains sont devant la Cour suprême pour élargir l’utilisation des armes de poing. Dans un contexte où surviennent d’horribles tragédies, comme celle du Texas, qui a touché tant d’enfants.
Décidément, on vit en des temps singuliers.
FRANK MCKENNA : Peter, la situation met en relief la distinction entre nos deux pays. Je ne porte pas de jugement ici. C’est juste un fait. On évolue différemment. Au Canada, on prône le respect des droits collectifs. Il est convenu, parfois, de sabrer un droit individuel au bénéfice des droits collectifs. Aux États-Unis, on se montre beaucoup plus en faveur des droits individuels, quoique le pays soit doté d’une jurisprudence exemplaire.
Les déclarations à la Oliver Wendell Holmes, comme : « La liberté d’expression s’arrête à celui qui crie au feu dans un théâtre bondé », relèvent de l’évidence pour moi. Voici le problème... Notre collectivité semble accepter la nécessité de contrôler plus ou moins les armes – on trouve cela acceptable et on adopte des mesures en ce sens. C’est une convenance. Mais la majorité des crimes au Canada, soit 70-80 % des meurtres au Canada, sont commis avec des armes à feu venant des États-Unis. Certains y achètent des armes lors d’expositions, des dizaines d’armes, et les font passer en douce de l’autre côté de la frontière. Dans le cas de ce terrible drame en Nouvelle-Écosse, très médiatisé, trois des armes venaient des États-Unis d’Amérique – elles ont permis cette atrocité.
Le problème « américain » ne s’arrête pas à la frontière. C’est aussi notre problème.
PETER HAYNES : J’aimerais faire un bref aparté... J’ai un ami qui possède un magasin d’armes à feu. À l’annonce du gel des armes de poing, il en a vendu 2 000 en une semaine. Et il manquait de personnel pour traiter l’approbation de 30 minutes de chacune des demandes!
Tu as évoqué la distinction entre les droits collectifs et individuels... Voilà mon lien pour parler avec toi de l’EPA. Je consacre beaucoup de temps, dans mon quotidien professionnel, à la structure des marchés – on compare les droits individuels d’un participant aux droits collectifs d’un marché en soi, et on finit souvent par déplorer certaines règles qu’on aimerait voir changées, qui sont régies par une agence gouvernementale, la SEC.
La Virginie-Occidentale est devant les tribunaux contre l’EPA pour l’une d’elles. On devrait avoir des nouvelles bientôt. Il est question de limiter la capacité de l’EPA à limiter les émissions de carbone. Beaucoup d’experts s’attendent à ce que le tribunal tranche en faveur de l’État. À vrai dire, je ne vois pas d’autre issue, compte tenu de ce qui se passe et de ce qu’on a dit.
Cet affrontement est assez déterminant dans mon travail. Il remet en cause la portée du gouvernement aux États-Unis, soit le pouvoir de l’EPA, qui lui a été conféré par le Congrès, en matière de réglementation. On dirait que, chaque jour, la SEC fait l’objet de poursuites parce qu’elle peut fixer des règles et réglementer les marchés. Bien sûr, dès que les règles menacent la rentabilité d’une entité commerciale, il y a poursuite en justice.
Quand on délègue des pouvoirs à une agence gouvernementale, c’est qu’on demande aux experts d’établir des règles, plutôt qu’aux politiciens. Pourtant, un tribunal semble ici disposé à limiter considérablement la portée des pouvoirs délégués. Trouves-tu cela préoccupant?
FRANK MCKENNA : Je suis très inquiet, surtout en tant que Canadien, qui mise énormément sur la bonne foi qui mise énormément sur la bonne foi de nos amis et voisins, les États-Unis, dont dépend en partie notre survie économique. Nous vivons dans un monde qui a besoin de garde-fous pour se protéger des attaques sans retenue contre les règles établies, ce qui affecte tous les acteurs de l’économie, sachant que l’agresseur peut même l’emporter. Et ça m’inquiète. Notre accord de libre-échange avec les États-Unis protège un billion de dollars d’échanges commerciaux au profit des deux pays. Mais cette entente est très impopulaire auprès de nombreux cercles républicains en raison du processus de règlement, qui confie les décisions à l’OMC en cas d’appel. Bien des conservateurs aux États-Unis ne veulent pas être subordonnés à quoi que ce soit ou à qui que ce soit. Au Canada, nous devons lutter bec et ongles pour préserver ces garde-fous.
Et c’est la même chose avec les organismes de réglementation dont vous parlez. Un certain groupe d’électeurs ou de leaders d’opinion aux États-Unis ne veulent rien savoir d’une réglementation qui entraverait leur liberté de mouvement ou d’action. Et, presque invariablement, il en résulte qu’une personne très riche et influente l’emporte sur une foule des gens qui sont privés d’une telle protection. C’est désolant et injuste.
Les règles doivent protéger l’ensemble de la collectivité. Est-ce qu’il arrive qu’elles aillent trop loin? Bien sûr. Et c’est tant mieux si l’on peut corriger la situation. Mais, l’idée de vivre dans une société sans règles…- Dans ce cas, deux éléments se conjuguent qui me donnent à croire qu’une décision rendue sera respectée. Les républicains dédaignent premièrement la mainmise du gouvernement fédéral ou son autorité en matière de réglementation, et, deuxièmement, tout ce qui concerne la préservation de l’environnement ou le respect des mécanismes de contrôle à cet effet dans le monde.
Ce n’est pas le cas de tous les républicains, cependant. De fait, ils sont nombreux à exprimer des opinions différentes, surtout au niveau des États. Mais selon l’orthodoxie dominante d’un groupe influent de républicains, il vaudrait mieux écarter du portrait l’environnement, les facteurs ESG, etc.
PETER HAYNES: Sans être un avocat, Frank, j’ai lu bien des décisions d’appel rendues par les tribunaux du district de Columbia. Les adjectifs « arbitraire » et « capricieux » reviennent tout le temps. Mon fils veut devenir avocat. Je suis certain qu’il pourra m’enseigner une chose ou deux, comme vous l’avez fait au fil des années.
Mais, avant d’enchaîner avec certains des enjeux économiques qui devraient nous préoccuper et la guerre, je rappelle que le taux d'approbation de Biden frise le creux atteint par Trump. Ce n’est pas peu dire. Plusieurs facteurs expliquent ce faible taux d’approbation. Biden ne sait pas trop à qui il doit chercher à plaire : devrait-il courtiser l’extrême gauche du parti ou plutôt tenter de séduire le centre? En fin de compte, personne n’est vraiment satisfait. Et, à vrai dire, il doit faire face à certaines situations héritées de l’administration précédente avant qu’il n’entre en poste.
Croyez-vous que les décisions récentes de la Cour suprême, compte tenu de la rupture marquée avec l’opinion de la majorité des citoyens américains, peuvent servir le président et son parti à l’élection de mi-mandat cet automne? Et quels autres facteurs contribuent selon vous à l’impopularité de Biden?
FRANK MCKENNA: Pour répondre à votre première question, je pense que, de façon marginale, les femmes des banlieues et, en général, les électeurs dans ces endroits, sont les plus hostiles aux deux décisions de la Cour. Mais, je ne sais pas si les démocrates peuvent soulever leur indignation assez pour renverser la tendance naturelle à voter contre le parti au pouvoir aux élections de mi-mandat.
Biden est en fâcheuse posture. Et son parti aussi. Je ne pense pas qu’il mérite que l’on s’attaque à sa réputation. Il m’apparaît comme un être humain décent qui cherche à faire un travail tout aussi décent. Mais il doit surmonter bien des obstacles.
D’abord, il n’est pas très habile politiquement à gérer son parti, qui est déchiré par l’aile gauche, à mon humble avis. Il est incapable de former un consensus au sein du parti. C’est un problème majeur. Il se laisse bousculer par les groupes de pression, qui n’attendent que l’occasion et qui en demandent trop tout de suite.
Il est aussi victime de situations qui lui échappent. Il vit dans un pays où près de 40 % des électeurs estiment que sa présidence est illégitime. Il est très difficile de faire son travail lorsque le précédent président en arrive à la conclusion que vous avez été élu de façon illégitime.
Comme je j’ai déjà dit, Donald Trump a ses partisans, ses agitateurs. Pour tous ceux qui adorent la Cour qu’il est parvenu à mettre sur pied, Trump est le meilleur président jamais élu. D’autres ne sont pas de cet avis. Mais, le principal tort que l’on peut lui reprocher, c’est de saper systématiquement la légitimité de la présidence. Ça m’apparait comme un terrible précédent – assurément la cause en bonne partie de la faiblesse de Joe Biden.
Cette réalité le rattrape. Le retrait de l’Afghanistan a pris des allures de débandade. Biden est arrivé au milieu de la pandémie, au cours de laquelle les États-Unis, à la suite de décisions de l’administration Trump et non celle de Biden, ont probablement enregistré trois fois plus de décès que le reste du monde – et je parle du monde occidental – en raison de l’approche adoptée, de la gestion de la pandémie et des divisions qu’elle a entraînées aux États-Unis.
Biden a été parachuté au milieu de tout ça. Sans parler de la situation en Chine, qui s’est refermée sur elle-même pour faire face à la pandémie. Les chaînes d’approvisionnement ont été mises à mal, perturbant les échanges mondiaux. Il y a aussi la guerre déclarée par Poutine, qui se donne des airs de Pierre le Grand et cherche à étendre son empire sans se soucier d’affamer la population mondiale et de faire grimper l’inflation. Tous ces facteurs et d’autres raisons qui sont sans doute plus indépendantes de sa volonté que le contraire font en sorte que Biden est un président très impopulaire à la tête d’un parti qui l’est tout autant. Le résultat de tout ça va transparaître aux élections de mi-mandat.
PETER HAYNES: Le G7 s’est réuni cette fin de semaine et on a l’impression que l’Europe en particulier suit de près la situation aux États-Unis et craint que Biden perde pied au pays lors des élections de mi-mandat à l’automne. Ce qui pourrait miner son rôle de leader du monde occidental au moment de soutenir l’Ukraine dans la guerre contre la Russie. À propos de cette guerre, nombre d’événements pourraient contribuer innocemment à une escalade des tensions.
Il y a entre autres l’article 5 et le risque qu’un allié de l’OTAN soit victime d’une attaque réelle ou du moins perçue. Par exemple, on craignait récemment que la Russie organise des représailles contre la Lituanie, un pays membre de l’OTAN, pour avoir bloqué le transport terrestre ou ferroviaire des marchandises vers Kaliningrad, un petit territoire russe qui n’a pas de frontière directe avec la Russie. C’est un peu l’équivalent de l’Alaska pour les États-Unis. Craignez-vous qu’une suite d’événements plutôt banals en Ukraine intensifient réellement les combats?
FRANK MCKENNA: Le danger existe bel et bien parce que la Russie fait pleuvoir sans cesse les missiles sans trop se soucier de l’endroit où ils tombent. Encore aujourd’hui, un missile a éventré un centre commercial et fait des victimes. On a l’impression de remonter à l’âge de pierre, où l’on rasait chaque ville et village sur son passage – c’est l’horreur, rien de moins que l’horreur.
Le danger existe que le conflit s’étende à la Lituanie, comme vous venez de l’évoquer, ou même à la Lettonie, l’Estonie ou la Moldavie. Le risque est réel. Mais il y a un autre danger plus grave. Si la guerre s’enlise, les experts disent – et je ne sais pas s’ils sont sûrs de ce qu’ils avancent – mais bon nombre estiment que la Russie fait des gains militaires actuellement dans le Donbass, un territoire habité par de nombreux sympathisants russes. Les Russes y ont massé beaucoup de soldats et y ont remporté de nombreuses batailles tout récemment. Ils ont rasé une autre ville prise aux Ukrainiens et poursuivent leur avance. Les Russes continuent de progresser dans une certaine mesure.
Selon les experts, ces progrès masquent une faiblesse fondamentale dans leur stratégie. À l’arrivée de l’automne, les choses vont se corser. Les Russes n’ont pas assez de matériel et d’hommes pour soutenir leur effort de guerre. S’ils essaient d’étendre le théâtre d’opérations, ils auront d’énormes difficultés. En plus, les Ukrainiens se lancent actuellement dans des contre-attaques, par exemple, à Kherson, une ville hautement stratégique. Et ils cherchent à à obtenir un meilleur accès pour faire sortir leurs produits de leurs ports.
S’ils peuvent repousser les Russes dans certaines de ces régions, le moral et l’équipement militaire russes vont faire défaut, au profit de l’armée ukrainienne, qui compte sur certaines des technologies les plus récentes dans le monde. Je pense aux formations d’artillerie, dont les obus ont une portée dévastatrice de 40 à 50 kilomètres, aux drones suicides et aux systèmes de défense antimissile sol-air. Cet arsenal très sophistiqué parvient à une armée ukrainienne très motivée au moment où les troupes russes ont le moral en berne. En parallèle, l’économie russe souffre certainement des effets causés par les sanctions – je pense au défaut de paiement déclaré aujourd’hui, une première depuis 1917, aux contrôles à l’exportation d’or, etc.
Même si le pays tient bon à certains égards, plus tard durant l’année, les Russes risquent systématiquement de perdre du terrain. La guerre pourrait même tourner à l’avantage de l’Ukraine, en quel cas, il y a beaucoup plus à craindre de Poutine sous l’emprise du désespoir. À l’heure actuelle, je le crois nerveux. Certains événements sont survenus qu’il n’avait sans doute pas prévus : le gel des réserves étrangères, l’exclusion rapide du système bancaire SWIFT, la solidarité entre les pays occidentaux. Ces réactions l’ont surpris en bonne partie. Mais, si les choses tournent mal pour lui, il y a de quoi vraiment s’inquiéter.
J’ai parlé à je ne sais combien de chefs d’État – des présidents, des premiers ministres, des personnes qui connaissent Poutine depuis 15 ou 20 ans. Et tous sont unanimes : l’homme est un sociopathe très dangereux et extrêmement intelligent. Et ça m’inquiète davantage, Peter, parce que si l’Ukraine venait à renverser la vapeur ou à gagner la guerre, Poutine deviendrait imprévisible.
PETER HAYNES: On dit toujours – et je déteste l’admettre – qu’il faut lui laisser une porte de sortie pour lui éviter de perdre la face dans son propre pays…
FRANK MCKENNA: C’est un célèbre stratège militaire – Sun Tzu je crois — qui conseillait de ménager un pont d’or à l’ennemi.
PETER HAYNES: Oui. C’est très vrai dans le monde d’aujourd’hui.
Pour en revenir au sommet du G7 tenu cette fin de semaine, les dirigeants ont à nouveau parlé – et tout ça n’est pas très clair pour moi – de plafonner les prix du pétrole exporté par la Russie. De toute évidence, la guerre a énormément gonflé les profits des multinationales de l’énergie. Et je suis curieux, Frank. Vous investissez personnellement dans le secteur de l’énergie.
Le gouvernement du Canada a imposé les banques qui auraient engrangé des bénéfices soi-disant exagérés durant la pandémie. Et certains pays ont décidé plus récemment d’imposer les profits excessifs dans le secteur de l’énergie. Croyez-vous que le Canada va imposer davantage le secteur de l’énergie local? Et si c’était le cas, est-il possible de tirer profit de cette situation?
FRANK MCKENNA: Non, je ne crois pas que le gouvernement va s’attaquer aux profits excessifs du secteur pétrolier et gazier. Le Royaume-Uni l’a fait, comme vous le savez. L’appui populaire était très fort et a fait pencher la balance. Au Canada, le NPD soutient le projet.
Mais, je ne crois pas qu’il va aboutir parce qu’il y a au pays – le terme « négociation » me semble trop fort – je dirais une compréhension déterminante qui s’installe entre les provinces de l’Ouest et Ottawa sur la façon de gérer les émissions de carbone. Et le projet Pathways défendu par la société d’exploitation des sables bitumineux a, de fait, permis d’élaborer une méthode de séquestration et d’autres mesures pour extraire en bonne partie le carbone de notre source d’énergie. Et le Canada y contribue en accordant une généreuse déduction fiscale.
Mais, les gouvernements devront injecter d’énormes capitaux, de même que le secteur privé. Et je pense que les gouvernements veulent maintenir la motivation des sociétés d’énergie et leur capitalisation tout au long du process. Si le vent devait tourner en faveur d’une lourde imposition, le secteur risque de s’en offusquer, mettant en péril tout le travail déjà accompli.
PETER HAYNES: On sent une réelle évolution dans la discussion du contexte d’après-guerre, surtout concernant l’empreinte climatique. Le discours est passé des émissions de carbone à l’indépendance énergétique. Et je suis curieux, Frank. Lorsque vous parlez de captage du carbone et d’autres mesures que l’industrie déploie pour améliorer son empreinte carbone, avez-vous l’impression que les investisseurs auxquels vous vous adressez vont se lancer dans ce type de dépenses en immobilisations ou rester sur la touche? Je pense entre autres aux caisses de retraite, qui sont nombreuses à vouloir appuyer la transition. La question est de savoir si elles vont y investir.
FRANK MCKENNA: D’abord, comme le monde a désespérément besoin d’énergie actuellement, on peut se demander pourquoi ne pas accroître la production. Nos sables bitumineux représentent la deuxième ou la troisième source d’énergie dans le monde. En fait, l’incertitude liée à la réglementation et aux politiques empêche d’investir dans des projets échelonnés sur 20 ou 30 ans. Cette contrainte pèse lourd au Canada, non seulement pour les sociétés productrices, mais aussi, je soupçonne, pour le milieu financier. Je ne crois pas que vous verrez d’énormes investissements dans ces secteurs. À mon avis, les caisses de retraite et les autres sociétés vont investir dans l’économie de la transition.
Malheureusement, Peter, il y a eu de terribles erreurs de calcul. On a voulu aller trop vite. Les intentions étaient bonnes, mais les efforts mal dirigés. Je veux parler des groupes environnementaux et de leurs alliés, qui voulaient gagner le ciel avant même de mourir. Ça ne fonctionne pas.
Il y en a un bon exemple en Allemagne, où 30 % de l’énergie consommée provient du nucléaire, une forme d’énergie que je considère comme étant très verte. Elle n’émet pas de carbone. Après avoir épuisé toutes les autres cibles faciles, le mouvement environnementaliste s’est tourné vers le nucléaire. L’Allemagne, qui fonctionnait à 30 % au nucléaire l’a presque complètement éliminé maintenant. Le pétrole, le charbon et le gaz naturel russes ont comblé les 30 %.
Ça me semble stupide. Je serais entièrement d’accord si on avait amorcé lentement la transition du nucléaire vers une énergie renouvelable afin de favoriser une économie durable. Mais trop de détracteurs se sont précipités pour dire qu’il fallait mettre fin au pétrole, au gaz et à tout le reste. Et, tout à coup, le baril se vend 100 $ parce que la production est insuffisante. Le pétrole se trouve aux mauvais endroits sur la planète. Il va falloir être plus intelligent. On paie le prix de bien des décisions ridicules.
Je vous donne un exemple. Aujourd’hui, les médias annoncent que le chancelier allemand Scholz rencontre le premier ministre du Canada pour lui demander de l’aide. Pouvez-vous fournir du gaz naturel à l’Allemagne? Trudeau répond qu’il va tâcher de l’aider. Sans vouloir manquer de respect au premier ministre, il frime.
Nous avons beaucoup de gaz naturel, sans pouvoir en livrer à personne. Nous nous démenons pour le faire depuis la côte Ouest. Nous avions sept ou huit projets de GNL. Tout le monde s’est retiré au Canada en raison des contraintes environnementales. Il ne reste plus qu’un seul projet. Et tenter d’amener le gaz des grands gisements, comme Montney et j’en passe, vers la côte nous a valu une obstruction totale en dépit des décisions des tribunaux et de tout le reste.
Sur la côte Est, où l’Allemagne veut prendre livraison du gaz, nous ne pouvons l’acheminer de l’Ouest en traversant le Canada. C’est impossible de passer par le Québec. Il faudrait faire transiter le gaz par réseau routier aux États-Unis, puis le transporter dans un petit pipeline qui longe la côte canadienne.
Le premier ministre Trudeau peut bien vouloir aider l’Allemagne, mais nous n’avons pas les moyens de le faire. Nous n’avons qu’une seule installation de GNL destiné à l’importation à Saint John, Nouveau-Brunswick. Il faudrait trois ou quatre ans pour adapter l’usine à l’exportation, à condition de pouvoir y amener du gaz. En toute honnêteté, Trudeau devrait dire à Scholz que, comme l’Allemagne, le Canada s’est lourdement trompé et a nui à ses propres intérêts, en ajoutant : « nous ne pouvons pas faire grand-chose pour vous ».
PETER HAYNES: Oui. Et, malheureusement, la réponse facile est politique; nous verrons ce que nous pouvons faire. Et il ne se passe rien.
Pour terminer, Frank, j’aimerais parler de l’inflation causée par le secteur de l’énergie. J’écoutais aujourd’hui notre stratège de Valeurs Mobilières TD parler de taux d’intérêt finals et de l’orientation qu’adoptera la Fed en juillet. Je laisse le sujet aux experts de la finance; ils excellent dans le domaine. Parlons plutôt des dirigeants d’entreprise et des chefs politiques avec qui vous discutez. Croient-ils que les banques centrales du monde vont pouvoir maîtriser l’inflation seulement grâce à la politique monétaire, ou que les gouvernements devront réduire fortement les dépenses en même temps? Qu’est-ce que les gens sont prêts à faire pour éviter l’inflation galopante, qui vous rappelle sans doute les débuts de votre carrière, et moi, mon enfance?
FRANK MCKENNA: Les gens d’affaires sont comme nous tous. On navigue en plein brouillard. On espère un soi-disant atterrissage en douceur. Mais, pour que ça se produise, il va falloir trouver un équilibre. Ai-je dit que l’inflation inquiète les gens d’affaires? Bien sûr qu’ils sont inquiets. Mais, ils craignent tout autant le fait que la seule façon de s’attaquer efficacement à l’inflation consiste à provoquer une récession légère, modérée ou même plus profonde. Les gens d’affaires ne savent pas si les gouvernements et les banques centrales peuvent y parvenir.
Nous avançons en terre inconnue. La pandémie dure depuis deux ans et demi. Des sommes colossales ont été investies en vue de stimuler l’économie, ce qui a aussi épuisé les finances. Quelle arme reste-t-il pour nous tirer d’affaire si nous tombons en récession? Je le répète, nous avançons en terre inconnue. Les gens redoutent l’inflation, mais craignent aussi la solution qui doit y mettre fin.
PETER HAYNES: J’imagine que l’aspect positif, Frank, du point de vue d’un opérateur sur le marché des titres à revenu fixe, c’est qu’il adore ce genre de volatilité. Ça paraît aussi dans la rentabilité de certaines banques. Lorsque les banques américaines commenceront à publier leurs résultats en juillet, les gains découlant des opérations sur titres à revenu fixe risquent d’être très positifs.
Par contre, Frank, je ne suis pas très encouragé actuellement à propos des Blue Jays. Au moment d’enregistrer cet entretien – je sais que vous allez en rire – mais nous sommes à égalité avec Tampa au troisième rang et derrière les Yankees, qui sont en feu. Et, croyez-le ou non, les Red Sox de Boston nous devancent, maintenant. On les croyait morts en mai. C’était du moins mon opinion. Je dois le reconnaître, Frank, il y a davantage de raisons de se soucier des Jays que de s’en réjouir actuellement. Et je vous relance tout de suite. Êtes-vous aussi nerveux que moi?
FRANK MCKENNA: Oui, tout à fait. L’équipe ne joue pas très bien. Du côté offensif, je pense que tous les joueurs, à l’exception de Kirk et peut-être de Santiago Espinal –– ne donnent pas leur plein rendement. Sinon, tous les gros canons déçoivent et sont incapables de tirer l’équipe si les lanceurs ne brillent pas. On manque de profondeur à ce poste. Les lanceurs de relève intermédiaire – même notre rotation de partants – commencent à inquiéter. Pendant un certain temps, tout allait bien. Les lanceurs étaient en forme et débordants d’énergie. Maintenant, pour pouvoir gagner, il va falloir en dénicher un ou deux. Et les frappeurs devront faire parler leur bâton.
Je dois aussi dire, même si j’adore ce gars-là aux allures d’un bon grand-papa – que Charlie Montoyo, assez souvent, n’arrive pas à rivaliser de stratégie avec les gérants adverses. Ce qui n’aide pas particulièrement. Mais, il n’est pas le seul à blâmer. Les frappeurs ne font rien qui vaille et les lanceurs n’ont plus. L’équipe est trop bonne pour continuer à s’enliser. Mais, actuellement, je désespère un peu des Jays.
PETER HAYNES: Oui, l’équipe pourrait être invitée aux séries si elle finit meilleur deuxième. De ce point de vue, la compétition n’est pas très vive.
Participer aux séries de cette façon ne m’apparaît pas particulièrement avantageux, surtout s’il faut se mesurer aux Yankees tôt en séries. Notre rotation s’appuie sur deux excellents partants, après quoi il faut compter sur la pluie.
Gausman et Manoah sont capables d’empiler les victoires.
L’équipe doit faire quelque chose.
Il va falloir céder certains talents qui se développent dans les ligues mineures afin d’obtenir un lanceur partant, comme Luis Castillo, de Cincinnati, qui va probablement être échangé aux Yankees, selon la rumeur générale.
Ça va être très intéressant. Je n’aime pas notre situation actuelle pour bien des raisons. Et, même si Vladdy (Vladimir Guerrero) a remporté le titre de joueur de la semaine il y a une ou deux semaines, quelque chose cloche. Il y a quelque chose de différent que je n’arrive pas à cerner. Il s’élance sur trop de balles. Mais, je ne sais pas, Frank. J’adore Vladdy.
FRANK MCKENNA: Moi aussi.
PETER HAYNES: Mais, il n’est plus le même.
FRANK MCKENNA: Son élan est moins rapide. Souvent, il frappe la balle solidement, mais elle ne quitte pas le stade. Et, s’il obtient un coup sûr, les coussins sont déserts. Quelque chose ne va pas. Si on parle de constance, les statistiques de Vladdy ne sont pas mauvaises, mais ne reflètent pas son talent. Bichette a aussi de la difficulté, sans parler de Springer. C’est la même chose pour Teoscar et tous les autres.
Mais, il a quand même de l’espoir. L’équipe compte trois des meilleurs receveurs des ligues majeures. Qui aurait pu prédire ça? Je pense que Moreno va devenir un joueur vedette. Il est l’un des plus rapides des ligues majeures – et c’est un receveur. En plus, il a un bras très puissant et il est bon au bâton. Son potentiel ne fait pas de doutes. Apparemment, à Vancouver, il y a un lanceur qui promet beaucoup. Mais, ce n’est pas suffisant.
PETER HAYNES: Non. Je suis d’accord. Et ça prend trop de temps. On verra bien ce qui va arriver. Les jours les plus chauds de l’été s’en viennent. Profitez bien de la belle saison ici. Vous aurez sûrement l’occasion de retourner au Nouveau- Brunswick à un moment ou l’autre. N’attendez pas trop pour revenir à Toronto, Frank. Merci beaucoup. On se reparle en juillet.
FRANK MCKENNA: Merci, Peter.
[TRAME MUSICALE]
Ce balado ne doit pas être copié, distribué, publié ou reproduit, en tout ou en partie. Les renseignements contenus dans cet enregistrement ont été obtenus de sources accessibles au public, n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante de la part de Valeurs Mobilières TD, pourraient ne pas être à jour, et Valeurs Mobilières TD n’est pas tenue de fournir des mises à jour ou des changements. Toutes les références aux cours et les prévisions du marché sont en date de l’enregistrement. Les points de vue et les opinions exprimés dans ce balado ne sont pas nécessairement ceux de Valeurs Mobilières TD et peuvent différer de ceux d’autres services ou divisions de Valeurs Mobilières TD et de ses sociétés affiliées. Valeurs Mobilières TD ne fournit aucun conseil financier, économique, juridique, comptable ou fiscal ou de recommandations dans ce balado. Les renseignements contenus dans ce balado ne constituent pas des conseils de placement ni une offre d’achat ou de vente de titres ou de tout autre produit et ne doivent pas être utilisés pour évaluer une opération potentielle. Valeurs Mobilières TD et ses sociétés affiliées ne font aucune déclaration ou ne donnent aucune garantie, expresse ou implicite, quant à l’exactitude ou à l’exhaustivité des déclarations ou des renseignements contenus dans le présent balado et, par conséquent, déclinent expressément toute responsabilité (y compris en cas de perte ou de dommage direct, indirect ou consécutif).
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, il a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a déjà été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.