10 prévisions relatives à la géopolitique en 2023
Animateur : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Invités : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 35, nous avons mis Frank au défi de nous faire part de ses réflexions sur dix des plus importantes questions géopolitiques qui touchent le Canada et le reste du monde à l’aube de 2023. Frank fournit son point de vue honnête et réaliste; même si tout ce que vous entendrez ne vous fera pas sourire, une lueur d’espoir se profile à l’horizon à l’égard de la politique et l’économie.
[TRAME MUSICALE]
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 35 du balado mensuel de VMTD sur la géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, votre animateur pour cet épisode intitulé « Dix prédictions relatives à la géopolitique en 2023 ». Avant de commencer, je rappelle aux auditeurs que ce balado de Valeurs Mobilières TD est diffusé à titre informatif. Les opinions qui y sont exprimées n’engagent que leurs auteurs. Elles ne représentent pas nécessairement le point de vue de la TD ou de ses filiales et ne constituent pas des conseils auxquels se fier, notamment en matière de placement ou de fiscalité. Bonne année, Frank. J’espère que tout va bien pour vous et que vous avez profité du répit du temps des Fêtes.
FRANK MCKENNA : Oui. Non. Bonne et heureuse année. J’ai adoré le temps des Fêtes. On s’est rassemblé avec tous les enfants et les petits-enfants. Ça en fait 15 au total. Ma femme et moi on va se reposer les quatre ou cinq prochains jours. C’est fatiguant les vacances.
PETER HAYNES : On doit héberger encore une journée nos deux étudiants avant de les réexpédier à l’université. Je dois admettre qu’il est à peu près temps. On reprend le collier ici en 2023. Comme c’est le début d’une nouvelle année, voilà l’occasion de jouer au jeu des prévisions. L’épisode d’aujourd’hui va se dérouler de la façon suivante. Je vais vous proposer des sujets; certains seront ouverts. Vous devrez ensuite en prédire l’issue en apportant des arguments à l’appui. Vous ne pouvez pas répondre simplement par « oui » ou « non ». Je me montre un peu exigeant, mais je ne crains pas; vous saurez relever le défi. Allons-y avec la première question, Frank. Elle porte sur l’événement géopolitique le plus important de tous : la guerre avec la Russie. Au cours des douze prochains mois, comment le conflit va-t-il évoluer, selon vous?
FRANK MCKENNA : Histoire de donner un peu plus de détails, la stratégie russe semble consister, premièrement, à enrôler toujours plus de soldats, qui servent de chair à canon en tentant de briser sans succès les lignes de contact, et deuxièmement, à déployer son arsenal à longue portée : des missiles et des drones. Si j’en crois les médis, mais aussi des sources qui font autorité, la Russie est en train d’épuiser ses réserves de munitions. Ça va nuire à sa capacité de poursuivre cette tactique militaire, qui s’est avérée désastreuse jusqu’à maintenant. Pour sa part, l’Ukraine a très bien su s’adapter et fait preuve d’un courage extraordinaire. Les Ukrainiens tiennent bon dans les principales zones de contact et progressent légèrement ici et là. Les lignes bougent peu depuis la prise de Kherson. Je pense que la prochaine cible sera la ville d’Akhmeta. Les Ukrainiens devraient la prendre d’ici une ou deux semaines, ce qui pourrait leur permettre d’atteindre plus rapidement certains territoires occupés. J’ai l’impression que l’année va se terminer au même point qu’elle a commencé. Je pense qu’on se dirige vers une impasse. La Russie va commencer à ressentir davantage le poids financier des sanctions. Les prix de gaz ont chuté, et l’Europe a pu refaire ses réserves, en plus de bénéficier du temps doux. Elle cherche maintenant à se sevrer du pétrole russe. La Russie doit le vendre à la Chine et à l’Inde. Et le cours de l’euro a fortement baissé. Résultat, Poutine ne pourra pas amasser le trésor de guerre dont il a besoin pour poursuivre la guerre. Dans ce contexte, je crois bien que la situation risque de s’enliser en Ukraine. On pourrait même assister à une trêve des hostilités pendant un certain temps. Les manœuvres vont être limitées, sans permettre à un camp ou à l’autre de l’emporter clairement. On est donc dans l’impasse.
PETER HAYNES : Je ne sais pas si c’est une issue favorable ou non d’un point de vue mondial. À votre avis, quelle option est la plus plausible? Le nombre très restreint des partisans de la Russie vont lui faire faux bond. Ou les États-Unis vont réduire leur aide militaire à l’Ukraine. Lequel des deux événements est le plus susceptible de se produire?
FRANK MCKENNA : J’écarte la seconde option. C’est un peu cavalier comme énoncé, sans vouloir être impoli. C’est une façon économique pour les États-Unis de mettre à l’essai leur armement et de tenir la Russie à distance. Je ne crois pas qu’ils vont faire marche arrière. À dire franchement, bien des gens croient que si on laisse tomber l’Ukraine, la Russie va poursuivre ses ambitions impérialistes et pourrait s’en prendre à d’autres pays baltes. On ne laissera pas tomber l’Ukraine. La première option ne va pas non plus se matérialiser. Mais, à mon avis, ça mettrait fin à la guerre si la Chine ou l’Inde cessait d’acheter du pétrole et du gaz russes en disant qu’il faut mettre un terme au conflit. Que le prix à payer est trop élevé. Ou que le panier d’épicerie coûte trop cher. Le prix à payer est trop élevé, etc. Je pense que la Russie irait tout droit à la faillite. La guerre cesserait, sans doute. La Chine et l’Inde peuvent exercer une énorme pression sur la Russie pour qu’elle mette fin au conflit, mais vont sans doute ne rien faire. On se dit en quelque sorte que l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Le soutien accordé à la Russie en achetant son pétrole est une aubaine pour la Chine, qui a l’occasion de tenir tête aux États-Unis. Ce scénario m’apparaît aussi invraisemblable.
PETER HAYNES : À propos de l’Inde, Frank, j’aimerais savoir ce que vous en pensez. C’est un pays dont on a peu parlé précédemment. Le premier ministre Trudeau a fait parvenir ses condoléances senties au premier ministre Modi, dont la mère est décédée récemment. Et je me suis demandé pourquoi on soutenait un pays qui prend le parti de notre ennemi en Russie. Croyez-vous que l’Inde bénéficie d’un passe-droit occidental qu’elle ne mérite pas?
FRANK MCKENNA : Le monde est compliqué. Et l’Inde est un partenaire commercial important. La diaspora indienne au Canada est énorme. Si l’Inde est un partenaire commercial important, il faut aussi savoir que la Russie lui vend des armes et la soutient aux Nations Unies dans son conflit avec le Pakistan. On peut comprendre que l’Inde fasse preuve de pragmatisme et soit prête à acheter du pétrole d’un pays avec lequel elle entretient des relations plutôt amicales. Il ne faut pas oublier que l’Inde s’approvisionne aussi en pétrole auprès de l’Iran et qu’elle appuie le régime en place. L’Iran fabrique des drones qui frappent l’Ukraine. À l’inverse, le gouvernement indien peut dire qu’il sympathise avec l’Ukraine dans ce conflit. Si vous vous souvenez, on m’a déjà dit au début de mon mandat d’ambassadeur à Washington que si je cherchais un ami, il valait mieux me trouver un chien. Seuls les intérêts comptent. Ça s’applique aussi à la géopolitique. Il est dans l’intérêt de l’Inde d’entretenir ses relations avec les deux camps. La Chine s’évertue aussi à ménager la chèvre et le chou. Je ne m’attends pas à d’importants changements. Ces pays sont assez grands et puissants qu’il est difficile de les soumettre à une pression maximale.
PETER HAYNES : Comme vous le dites, il faut trouver l’équilibre. On dirait bien que l’Inde maîtrise parfaitement cet exercice. OK. Prochaine question, Frank. Quelle issue est la plus plausible? La Chine tente un rapprochement avec les États-Unis et l’Occident. Ou elle poursuit l’intimidation contre Taïwan.
FRANK MCKENNA : Je ne pense pas que la Chine cesse jamais l’intimidation contre Taïwan. Mais, pour répondre à vos questions, je crois qu’elle va tenter un rapprochement avec les États-Unis et l’Occident. La Chine traverse une période difficile actuellement. J’ai le sentiment que son économie s’est beaucoup affaiblie, notamment en raison de sa politique zéro COVID. De fait, l’économie chinoise a affiché cette année sa croissance la plus modeste en 50 ans. On en observe maintenant le contrecoup, c’est-à-dire l’absence d’immunité naturelle. De plus, le taux de vaccination en Chine est négligeable. J’ai été surpris d’apprendre que seulement 40 % des citoyens de plus de 80 ans ont reçu une dose de rappel. La population est très vulnérable. On assiste à une hécatombe en Chine. Plus d’un million de personnes vont mourir, maintenant que les restrictions ont été levées et qu’on a abandonné la politique zéro COVID. Tout ça n’aide pas la cause de la Chine, qui s’en trouve affaiblie, par conséquent. L’embargo total sur les exportations de semi-conducteurs en Chine de même certaines autres restrictions commerciales vont lui faire mal. La Chine risque de pratiquer davantage le pragmatisme, comprenant que tout le monde doit se faire des amis. Et la Chine a besoin d’amis. Biden et Xi ont eu de longs échanges bilatéraux en marge de la dernière réunion du G20. Et la Chine se montre d’un commerce agréable. Avant de quitter son poste, l’ancien ambassadeur chinois aux États-Unis a souligné tout le respect qu’il avait pour les Américains, un peuple extraordinaire. On dirait bien que la rhétorique fait l’objet d’une certaine retenue. En retour, les États-Unis évitent de provoquer l’ours en ce qui concerne Taïwan. On espère que tout le monde va garder la tête froide.
PETER HAYNES : Ce serait bien. C’est encourageant d’entendre ça. OK. Prochaine question. En dehors de la Chine et de la Russie, quel pays vous inquiète le plus ou va poser le plus gros problème en raison de son comportement?
FRANK MCKENNA : La question est intéressante. Le Brésil agissait bizarrement sous Bolsonaro. Mais, c’est de l’histoire ancienne maintenant. Je pense aussi à bien d’autres pays. En Hongrie, Orban joue les perturbateurs. Certains autres pays me viennent à l’esprit. Mais, comme vous me forcez à en choisir un, je dirais la Corée du Nord, simplement parce qu’elle possède des armes nucléaires. Nombre de pays peuvent provoquent des tensions, mais n’ont pas d’armes nucléaires. Ils sont de plus en plus belliqueux et veulent en découdre pour montrer qu’ils peuvent jouer les durs. Au cours d’un événement à St. John’s, Terre-Neuve, j’étais sur la scène en compagnie du président Clinton. Il a eu un appel urgent et a dû se rendre en coulisses durant quelques minutes. À la fin de l’événement, au moment de quitter la scène, je lui ai demandé s’il voulait me dire de quoi il avait parlé au téléphone. Il m’a répondu que le président – je ne me souviens plus lequel était alors en poste; je pense que c’était Bush – lui avait demandé s’il voulait aller en Corée du Nord ou intervenir auprès du dirigeant de la Corée du Nord. Qu’est-ce qu’il veut, ai-je demandé. Il veut de l’attention. Rien de plus. Et c’est la même chose dans les tensions entre la Chine et Taïwan, dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. La Corée du Nord reçoit peu d’attention et en réclame. Pour en obtenir, elle se montre belliqueuse. Il y a toujours un risque qu’un incident survienne et déclenche quelque chose de plus sérieux.
PETER HAYNES : J’imagine que ça explique l’affection pour le président Trump, qui accordait au dirigeant coréen l’attention tant convoitée. De toute évidence, l’administration en poste ne se prête pas au jeu. Justement, jetons un coup d’œil à ce qui se passe aux États-Unis. On a eu un aperçu cette semaine de ce que l’avenir réserve au Parti républicain, vu l’incapacité à nommer le prochain président de la Chambre des représentants. Le Freedom Caucus au sein du Parti républicain peut-il être dompté? Ou la Chambre va-t-elle être paralysée pour les deux prochaines années?
FRANK MCKENNA : Peter, ce qui se produit depuis trois jours me paraît incroyable. À peu près tous les analystes savaient qu’il y aurait de la bisbille, comme la majorité est si mince – seulement quatre sièges. Mais, je ne crois pas que personne avait imaginé pareil cul-de-sac. C’est mauvais pour le Parti républicain, qui a l’air de quoi. Et ce n’est pas mieux pour les États-Unis ou le reste du monde, où on aimerait tous voir plus de stabilité. Ils viennent juste de terminer le septième tour de scrutin et ça va se poursuivre. Je suis sous le choc. Et McCarthy a fait d’énormes concessions afin de convaincre les récalcitrants. Mais, il n’arrive pas à les faire bouger. Et c’est ce que je crains. En réponse à votre question, je dirais que tout ce beau monde est en position de force actuellement et cherche à négocier pour la renforcer davantage. Si on y parvient, ce qui me semble devoir se produire, l’administration risque d’être paralysée pendant les deux prochaines années. Qu’est-ce que j’entends par « position de force »? Disons d’abord qu’avant il fallait contrôler la moitié de la Chambre pour contester le président et tenter de lui retirer son fauteuil. On a ramené ça à cinq membres, je crois, grâce à une concession de McCarthy. Dans les 24 dernières heures, il a bonifié son offre en proposant qu’il suffise d’un membre, n’importe lequel, pour contester l’autorité du président et forcer une mise aux voix afin de déterminer s’il obtient l’appui de la Chambre. Si la proposition tient, et on dirait bien qu’elle va tenir, on risque d’assister à beaucoup d’instabilité. Je ne vois pas ce qu’il peut leur offrir de plus, sinon de présider la Chambre. Je pense qu’il va leur proposer des postes au sein des principaux comités, pour ainsi dire des droits de veto sur les règles, etc. Tout ça va donner au Freedom Caucus un pouvoir extraordinaire qui ne peut que déboucher sur une certaine paralysie. La seule façon pour le Parti républicain de refaire son unité, c’est de trouver des arguments pour attaquer les démocrates, que ce soit la sécurité des frontières, l’immigration ou le fils de Joe Biden. En concentrant leur attention sur les démocrates, Kevin McCarthy et ses troupes afficheront peut-être plus de retenue. Si vous vous souvenez, on a déjà parlé du Freedom Caucus, d’une vingtaine de membres, etc. Mais, il existe des douzaines – peut-être pas des centaines, mais certainement des douzaines – de congressistes républicains issus de districts plus modérés. Leurs circonscriptions, leurs districts souffrent chaque fois qu’une concession est accordée aux radicaux. Cet exercice d’équilibre est très périlleux pour les républicains.
PETER HAYNES : C’est l’équivalent de Joe Manchin dans la Chambre, lui qui a pris en otage le Parti démocrate au Sénat en ayant le pouvoir de déterminer l’issue du vote. J’ai vu un Tweet amusant, Frank, qui devrait vous dérider. Quelqu’un qui suit la saga a avoué ne pas aimer la règle du coureur au deuxième coussin pour les manches supplémentaires au baseball, mais qu’elle pourrait être utile au prochain tour de scrutin pour l’élection du président de la Chambre des représentants. Je l’ai trouvé bien bonne parce qu’on ne voit pas la fin du vote. Le feuilleton risque de s’éterniser. On est dans l’impasse; rien ne bouge. Et l’issue du vote est toujours la même lorsque le Freedom Caucus campe sur ses positions. OK. Prochaine question, Frank. Donald Trump va-t-il être mis en examen dans le cadre des nombreuses enquêtes criminelles qui se déroulent?
FRANK MCKENNA : Je le pense. Surtout dans le scandale des documents classifiés conservés à Mar-A-Lago, sa résidence. Trump a fait entrave aux efforts de la justice pour récupérer les documents et les placer en lieu sûr. C’est l’affaire pour laquelle il risque le plus d’être mis en accusation.
PETER HAYNES : Pour le commun des mortels, Frank, comment ça va se dérouler? Vous êtes avocat de formation. Pourriez-vous nous expliquer. Advenant une mise en examen, on fixe la date du procès, qui va être instruit devant un tribunal. Comment ça se passe? Y a-t-il un plaidoyer? Quel est le processus? Je doute qu’il produise une défense.
FRANK MCKENNA : Je pense que l’affaire sera instruite devant un grand jury, qui pourrait rendre un verdict d’accusation fondée, donnant lieu à un procès. Je vois ici la possibilité de deux poursuites. D’abord pour avoir eu en sa possession des documents classifiés, ce qui constitue un crime en tant que tel. Soit les documents étaient en sa possession ou non. Et soit ils étaient classifiés ou non. C’est un choix binaire assez simple. Mais, l’autre possibilité qui pourrait être tentante, c’est l’entrave à la justice. Et, si vous vous souvenez, c’est ce qu’avait à peu près fait Conrad Black en falsifiant des documents. Dans le cas présent, je pense que Trump a ordonné à son valet de déplacer les documents parce que le département de la Justice en avait exigé le retour. C’est une autre possibilité de mise en accusation. Il va falloir se montrer très prudent. Trump ne doit pas avoir l’occasion de jouer les martyrs. Ce serait honteux qu’après de longues procédures criminelles, on annule le procès ou que Trump soit acquitté. J’aimerais mieux que les choses soient simples et que la preuve soit incontestable.
PETER HAYNES : Ça galvaniserait sûrement sa base électorale, comme Trump a déjà enclenché le processus pour devenir le prochain chef du Parti républicain à l’élection de 2024. Je passe à la question six. Joe Biden va-t-il se présenter à la présidence en 2024 ou céder sa place? S’il cède sa place, quels sont les candidats les plus susceptibles de mener les démocrates à l’élection de 2024?
FRANK MCKENNA : Je ne suis enthousiasmé par le travail de Biden à la présidence. Mais, je lui reconnais pas mal plus de mérite dans les six derniers mois de l’année. Je suis un peu plus satisfait de ses réalisations. En toute objectivité, il faut reconnaître qu’il a eu une bonne année. Il a réussi à faire approuver le projet de loi sur les infrastructures, ce que le Congrès n’est pas parvenu à faire en 50 ans et qui manquait cruellement. De fait, Biden et Mitch McConnell ont procédé à des annonces conjointes il y a tout juste 24 heures. Biden a fait adopter l’important projet de loi CHIPS afin que les États-Unis demeurent le premier fabricant mondial de semi-conducteurs, un programme qui dépasse les 50 milliards de dollars. Il a présenté l’Inflation Reduction Act, une loi qui, comme son titre l’indique, va stimuler de façon spectaculaire les projets des clients et placer les États-Unis à l’avant-garde en matière de technologie propre. Il a réussi à faire passer un projet de loi sur le contrôle des armes à feu, même si l’avancée semble modeste. Rien ne bougeait de ce côté-là depuis longtemps. Et, finalement, il a « remporté », entre guillemets, les élections de mi-mandat. De fait, il a réalisé des gains au Sénat et chez les gouverneurs, et n’a subi que des pertes négligeables à la Chambre des représentants, contre toute attente. Et, finalement, je dirais qu’il a manœuvré avec brio dans le contexte de la guerre en Ukraine. Il a su maintenir la cohésion au sein de l’OTAN, tout en se montrant rassembleur face aux divisions politiques aux États-Unis. Sa feuille de route est assez éloquente, il faut le reconnaître. Ceci dit, je crois qu’il ne devrait pas briguer un second mandat à la présidence. L’âge compte. Biden aurait 86 ans, je pense, à la fin d’un second mandat. Les choses vont se corser si le président, durant son mandat, subit une diminution de ses capacités. Je préférerais qu’il renonce à un second mandat. Mais, je pense qu’il va y aller. Quand j’ai posé la question au président Clinton, il m’a répondu que Joe Biden allait se représenter s’il tenait encore debout. Je vais me ranger à cette opinion et dire qu’il va se représenter parce qu’il estime faire un excellent travail.
PETER HAYNES : Si vous vous trompez, quels vont être les principaux candidats, selon vous? Voyez-vous Gavin Newsom? Qui d’autre pourrait entrer dans la course?
FRANK MCKENNA : Parmi les principaux candidats, je pense à Pete Buttigieg, le secrétaire aux Transports. Il serait le premier président homosexuel aux États-Unis, ce qui n’est pas banal. Je pense aussi à Kamala Harris, une femme de couleur. Je ne trouve pas qu’elle s’est vraiment distinguée durant son mandat. Mais, à titre de vice-présidente, elle obtiendrait bien des appuis au sein du parti. Je retiens aussi un nouveau nom, celui du gouverneur du Colorado, Jared Polis, un centriste, ce dont le parti a bien besoin. Il a remporté le poste de gouverneur haut la main, sans doute encore plus nettement que DeSantis en Floride. Ce serait trois bonnes candidatures. Et je donnerais une mention honorable à Gretchen Whitmer, la gouverneure du Michigan, et à Amy Klobuchar, la sénatrice du Minnesota. J’ajouterais aussi le gouverneur Gavin Newsom, qui bénéficie au départ d’un vaste État et d’un très grand nombre de délégués. Mais c’est aussi un désavantage. Le pays va-t-il accepter d’être dirigé par un gouverneur de la Californie? Newsom va avoir une pente abrupte à remonter, je crois.
PETER HAYNES : À propos de Kamala Harris… Je parlais à un ami l’autre jour et je voulais obtenir votre avis. Je sais bien que le vice-président des États-Unis demeure généralement dans l’ombre du président. Mais dites-moi, croyez-vous que Kamala Harris reste davantage dans l’ombre que c’est habituellement le cas du vice-président? On la voit peu dans les principaux médias, que ce soit CNN, Fox ou une autre grande chaîne.
FRANK MCKENNA : Oui. C’est certainement mon avis.
PETER HAYNES : Est-ce à dire que le parti est déçu du travail qu’on espérait qu’elle accomplisse? Ou veut-on simplement maintenir le président à l’avant-scène?
FRANK MCKENNA : La décision revient au président. Obama donnait pas mal de latitude à Biden et sollicitait souvent sa collaboration. Dans le cas de Kamala Harris, je pense qu’on voulait lui confier le dossier de l’immigration et de la sécurité des frontières. Elle n’a pas su en profiter pour se mettre en valeur. Il y a sans doute un peu des deux. Le président ne veut peut-être pas céder beaucoup de pouvoir. Et peut-être que Harris ne nourrit pas tant d’ambitions. Mais je suis un peu étonné qu’elle soit si discrète.
PETER HAYNES : À propos de personnalités qui aiment le pouvoir, j’enchaîne avec la question sept. Que Donald Trump finisse en prison ou non, quels seront les trois principaux candidats à lui disputer les primaires présidentielles du Parti républicain en 2024? Et qui va l’emporter?
FRANK MCKENNA : Je n’écarterais pas Trump. Il jouit d’un appui massif et fidèle au sein de la base du parti. Mais, pour répondre à votre question, les candidats incluent, bien entendu, Ron DeSantis, gouverneur de la Floride, ancien membre de la Marine américaine et étudiant de Yale et de Harvard. Mike Pence, le vice-président, a atteint à mon avis un plafond qu’il ne pourra pas dépasser. Les partisans de Trump ne vont jamais l’appuyer. Le gouverneur de Virginie, Glenn Youngkin, est un nouveau venu et se classe sans doute au troisième rang. J’ai longtemps fait partie du Groupe Carlyle. Quand je siégeais au conseil de Carlyle, il y était. Le gouverneur de la Virginie a remporté un État pivot, plus ou moins, et permettrait au Parti républicain de se rapprocher du courant dominant, même si Youngkin affiche des valeurs passablement conservatrices. Ce sont les trois candidats qui ressortent, à mon avis. Je donnerais une mention honorable à Chris Sununu, le gouverneur du New Hampshire, un homme solide et pragmatique. J’ai travaillé avec son père, un homme aussi solide et pragmatique. Il serait utile au Parti républicain à l’échelle nationale. Le sénateur afro-américain Tim Scott sort des rangs républicains et pourrait se lance dans la course à la présidence. Ce serait très impressionnant. La candidature de Nikki Haley, une femme de couleur, le serait tout autant. Mais, à l’heure actuelle, Ron DeSantis est certainement en position de tête. Si j’avais à choisir pour le Parti républicain, je dirais qu’ils vont miser sur lui.
PETER HAYNES : Vous avez déjà dit que 15 candidats en lice serait le pire scénario si on ne veut pas que Trump redevienne le chef du Parti républicain, parce qu’il a une chance de l’emporter en présence de nombreux candidats. S’il y en a moins, quelqu’un d’autre pourrait sortir victorieux. OK. On va suivre ça de près. Question huit. Je reviens sur le Canada. Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, va-t-il dominer les sondages sur la politique fédérale au pays d’ici la fin de 2023?
FRANK MCKENNA : Oui. À ce sujet, je me suis montré très critique dans ce balado à l’égard de Trudeau, avec qui je diverge encore d’opinion sur des enjeux importants. Mais, j’ai lu tout juste la semaine dernière un article publié dans le Globe and Mail par John Ibbotson, qui n’est pas exactement un partisan libéral. Il vantait la liste plutôt impressionnante des réalisations que Trudeau pouvait revendiquer, notamment la Loi sur les mesures d’urgence. Il s’est montré très habile à justifier l’emploi des mesures d’urgence. Sur le plan commercial, le Canada a signé le Partenariat transpacifique et l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne. Et on a finalement sauvé l’ALENA. Dans le dossier de l’immigration, le seuil est passé de 260 000 à 500 000 migrants. En ce qui concerne le contrôle des armes à feu, même si les libéraux ont très mal géré le dossier, l’enjeu jouit de l’appui populaire au pays. S’ils peuvent venir à bout des nombreuses complexités et se limiter aux armes d’assaut et de poing, les libéraux tiennent un bon filon. En matière de climat, les libéraux ont fait adopter une taxe carbone qui s’applique à l’échelle du pays, je crois. Pour ce qui est des politiques sociales, je pense au programme national de garderies et au soutien du revenu pour les familles, à l’entrée en vigueur du programme national de soins dentaires et, bien entendu, à la légalisation du cannabis, un dossier dans lequel s’empêtrent bien des pays, sans oublier la gestion de la pandémie, un enjeu plutôt favorable aux libéraux. Les déceptions ne manquent pas non plus. On reproche aux libéraux plusieurs ratés. Je pense aux engorgements dans les aéroports et à la gestion des visas, autant de dossiers où le gouvernement a mal paru. Mais je crois que Trudeau va finir l’année en bien meilleure posture qu’il ne l’a commencé. Par contre, j’estime que Poilievre gagne aussi du terrain. Il a mis en sourdine certaines de ses idées plus radicales. Dans son entourage, on le dit assez lucide pour savoir qu’il doit se montrer très responsable et se tourner un peu plus vers le centre, tout en évitant les positions radicales pour ne pas être diabolisé par les libéraux. Présentement, je dirais que les deux chefs ont marqué des points en ce début d’année. Le gagnant va dépendre de la façon dont l’économie évolue au moment d’appeler les électeurs aux urnes et de la capacité de Poilievre à continuer de faire preuve de retenue dans son discours. C’est là que se trouve l’enjeu. En conclusion, en tentant de prédire au mieux à quoi ressembleront les sondages dans un an, je dirais que Poilievre sera en tête. Pas tant à cause des antécédents de Trudeau que de l’usure du pouvoir. Le temps fait son œuvre et les chefs tombent en défaveur plus rapidement qu’avant. Les médias sociaux sont d’une extrême cruauté. Saviez-vous que… Je n’arrive pas à le croire, Peter. Un joueur de football de Buffalo semble en voie de se rétablir. Son nom : Hamlin. Il était toujours étendu sur le terrain et, avant qu’on le transporte, plus d’un million de messages dans les médias sociaux suggéraient déjà que la gravité de sa blessure était due au fait qu’il était vacciné, ce qui aurait déclenché son problème cardiaque. C’est vous dire à quel point la désinformation peut prendre des proportions incroyables. Le monde est cruel et les chefs tombent au combat plus rapidement qu’avant. Un joueur de hockey célèbre dans le temps me disait récemment qu’il n’aurait jamais pu survivre dans le monde actuel des iPhones, etc. Les jeunes joueurs doivent surveiller leur comportement chaque heure, chaque jour. En définitive, le principal problème de Trudeau tient à l’usure du pouvoir. Après sept ou huit ans en poste, l’électorat canadien va avoir envie de le remplacer, comme on le fait pour nos téléphones, nos montres et tout le reste.
PETER HAYNES : Je ne cherche pas à prendre la défense des médias sociaux, mais il faut savoir, par contre, que plus de 150 000 personnes ont contribué à la campagne de sociofinancement pour l’achat de jouets que la famille de Damar Hamlin a organisée à Pittsburgh, là où il est allé à l’école. On a recueilli plus de six millions de dollars. C’était intéressant de voir les réactions dans les médias sociaux tout de suite après l’accident. On demandait à quel organisme de charité donner. Si Hamlin était associé à un organisme de ce genre. Les messages affluaient. La bonté du monde s’est manifestée spontanément. Ça venait de partout, et pas nécessairement des partisans des Bills de Buffalo. Oui, nos prières accompagnent le numéro 3. Et on dirait bien qu’il est en voie de se rétablir. Ça me semble la meilleure façon de décrire l’évolution de son état de santé.
FRANK MCKENNA : Peter, je suis heureux que vous le souligniez, parce que ça illustre le monde polarisé dans lequel on vit maintenant. Les médias sociaux peuvent être une force positive qui permet de s’organiser et d’accomplir des choses extraordinaires. Mais, cette force peut aussi favoriser l’anonymat de ceux qui sont davantage portés à détruire qu’à construire. Bref, tous ceux qui évoluent dans ce monde doivent pouvoir se forger une carapace. Leur longévité tient à peu de chose.
PETER HAYNES : La question suivante devait être ma dernière, le numéro dix. Mais je vais la ramener au numéro neuf parce qu’elle facilite l’enchaînement. Comme on parlait des médias sociaux, ma question numéro neuf porte sur Elon Musk. Est-il l’équivalent de Darth Vader, séduit par le côté obscur de la Force? Et quelle opinion en aura le monde à la fin de 2023? D’ailleurs, est-ce que Twitter sera toujours en vie à la fin de 2023?
FRANK MCKENNA : Je le trouve brillant. Pas juste à cause de Tesla, déjà un exploit, mais aussi de Starlink et de son projet de traitement, qui le sont tout autant. Il travaille d’ailleurs sur d’autres projets qui vont amorcer de véritables révolutions. Musk est un être humain fascinant, mais torturé par son propre génie. Et je pense que le monde en aura une perception très négative d’ici la fin de l’année s’il s’entête dans la voie actuelle de donner son opinion sur tout, de mettre son grain de sel dans le conflit en Ukraine, de s’en prendre à un secouriste des enfants rescapés de la grotte en Thaïlande et de jouer au monsieur je-sais-tout. Il risque de se faire comparer à Trump avec le temps pour son attitude polarisante. Est-ce que Twitter sera toujours en vie à la fin de 2023? Bien possible que non, à mon avis. Musk en a fait une sorte d’instrument politique. Les abonnés les plus fidèles vont accepter de payer pour la plateforme et les autres, très en colère, ne voudront rien entendre. Il ne faut pas qu’un produit devienne si politisé que l’on risque de perdre la moitié de la clientèle. C’est ce que Musk a fait. Il s’est mis à dos ses employés. Il est partie à une flopée de poursuites. Je pense qu’il perd actuellement sans doute trois ou quatre milliards de dollars par année. Ses dettes lui coûtent une fortune. Twitter va avoir du mal à garder la tête hors de l’eau d’ici la fin de l’année. L’entreprise n’a jamais été très rentable de toute façon. Musk va devoir ramer pour la sauver.
PETER HAYNES : Quand on atteint cette taille, on a tendance à se croire au-dessus de la loi. Musk a toujours cherché à se montrer au-dessus de la Commission fédérale des communications, des banques et de tous ses prêteurs. J’ai entendu dire que, lors du montage financier de Twitter, on a demandé à Musk de donner des actions en garantie de prêts personnels et il ne voulait pas se soumettre aux procédures de diligence raisonnable. Ça n’était pas pour lui. Ça illustre bien la démesure du personnage ou de l’entreprise. Tout ça génère de l’effervescence sur le marché; on parle constamment de marché à haut rendement. Dès que les engagements disparaissent, on sait immédiatement qu’on a atteint le sommet du marché et que quelque chose va éclater. C’est l’impression que ça donne actuellement. Je pense aussi que Musk est un être torturé. Il a fait tellement de choses exceptionnelles. J’espère vraiment qu’il va se ressaisir. Mais, on a l’impression qu’il emprunte le mauvais chemin. Dixième et dernière question. Le Parti conservateur uni de Danielle Smith va-t-il défaire le Nouveau Parti démocratique de Rachel Notley à l’élection provinciale de mai 2023 en Alberta?
FRANK MCKENNA : Je ne pense pas. Je connais et respecte ces deux femmes. Aucune ne colle vraiment au portait qu’on en fait. Danielle Smith n’est pas aussi radicale qu’on pourrait le croit. Et Rachel Notley n’est pas aussi socialiste qu’on pourrait le penser. Mais Daniell Smith a dû adopter une approche assez extrême pour remporter la nomination à la tête de son parti. Et elle va avoir de la difficulté à s’éloigner de cette position pour apprivoiser un pan plus large de la population. Je ne suis pas prêt à la diaboliser; je crois qu’elle a de nombreuses bonnes idées et une feuille de route éloquente. Mais elle joue gros. En revanche, Rachel Notley est pas mal populaire en Alberta, où même le secteur de l’énergie l’apprécie. Reste à savoir si elle peut rapprocher son parti du citoyen ordinaire. Elle a recruté pour son parti un conseiller financier qui est un ancien cadre supérieur d’ATB Financial; c’est sans doute bon signe. Si son parti peut apparaître plus modéré et compétent, je pense que Notley va remporter l’élection. Je la crois assez lucide pour savoir que c’est ce qu’elle doit faire. À la dernière élection, je ne pense pas que son parti s’attendait à gagner. On cherchait simplement à nommer des candidats; n’importe qui pouvait tenter sa chance. Mais cette fois, le parti peut vraiment aspirer à former le gouvernement et on va vouloir relever le calibre des candidats. Ce serait d’ailleurs une bonne chose.
PETER HAYNES : Je pense que les échanges vont être intéressants avec l’honorable Rona Ambrose et vous au cours des prochains mois dans le cadre de nos discussions en privé ou de séances générales. Je sais que madame Ambrose – pour l’avoir entendue le dire à notre conférence en novembre – croit fermement à la victoire de Smith à l’élection. De toute évidence, c’est une conservatrice. Ça tombe sous le sens. Mais ça va être intéressant. J’ai hâte de vous recevoir tous les deux. Je sais tout le respect que vous avez l’un pour l’autre. La discussion va être intéressante. À n’en pas douter, elle est très près de la communauté. C’était la dernière de mes dix questions, Frank. On va conclure par une séance en rafale. Vous devez répondre par oui ou non, ou par un chiffre. C’est parti. Je commence par par l’IPC au Canada, établi à 6,8 % en novembre, je pense, selon les données annualisées. Disons qu’il s’agit de l’IPC actuel. À combien va-t-il s’élever à la fin de l’année?
FRANK MCKENNA : 4,5.
PETER HAYNES : 4,5. OK. Bien. Le Canada va-t-il éviter une récession?
FRANK MCKENNA : Tout dépend de votre définition d’une récession. Je pense qu’on va connaître un ralentissement économique qui correspond à la définition technique d’une récession. Pour cette raison, je crois que oui. On ne peut pas échapper au sort qui attend le reste du monde. Mais, je pense que le phénomène au Canada sera plus modéré et d’assez courte durée.
PETER HAYNES : OK, Frank, je pense que je vais toucher l’une de vos cordes sensibles. L’entreprise québécoise Produits forestiers Résolu sera rachetée par des Américains. Les actionnaires de Résolu vont toucher un certificat de valeur garantie dans la vente. Ça correspond au versement par les États-Unis de droits d’environ 500 millions de dollars américains à Résolu sur le bois d’œuvre résineux. Dans un pari de type «plus ou moins », si 2026 est l’année où les actionnaires de Résolu reçoivent un paiement, choisiriez-vous le plus ou le moins?
FRANK MCKENNA : Je pense que tout cet argent est dû aux entreprises canadiennes et qu’il doit être récupéré. Va-t-il l’être? Une transaction a eu lieu il y a deux semaines au cours de laquelle Larry Tanenbaum a vendu son entreprise de produits forestiers du Nouveau-Brunswick pour environ 300 millions de dollars. Et, si je me souviens bien, une bonne partie du prix d’achat convenu tenait compte du certificat de valeur garantie. À mon avis, on croyait que l’argent allait être récupéré. J’ai négocié la dernière entente sur le bois d’œuvre résineux. Tout au long des pourparlers, j’ai toujours refusé de céder le moindre cent de cette somme. J’étais d’avis que si on avait gain de cause devant les tribunaux, l’argent devait nous revenir. Pour des raisons tout à fait légitime, le gouvernement a fini par accepter un compromis. Mais je pense qu’il va y avoir un énorme montant en jeu. Ça va faire partie de la négociation. On va trouver un compromis. Mais, une bonne partie du montant forfaitaire – qui s’élève à plusieurs milliards – doit revenir aux producteurs canadiens. Et j’espère que notre gouvernement va se montrer ferme dans ce dossier. Autrement, on va encourager ceux qui sont prêts à se lancer dans des litiges dans l’espoir de récupérer une partie de leur argent. Je pense que cet argent revient aux entreprises canadiennes. Si la chance nous sourit dans ce poker, on devrait gagner le pot.
PETER HAYNES : En général, on estime qu’il faudra trois ans – c’est pourquoi je parle de 2026. Êtes-vous optimiste ou pessimiste? Croyez-vous que l’argent sera remis avant 2026 ou après?
FRANK MCKENNA : Non. Je pense que 2026 est une date réaliste. C’est le temps qu’il faudra pour en finir avec les tribunaux, le processus et les appels. On est déjà passé par là. On a beaucoup d’expérience. On finit par gagner habituellement. Mais les Américains cherchent à gagner du temps et refusent de nommer des juges d’appel au sein de l’OMC, entre autres tactiques dilatoires. Ça va prendre un certain temps avant d’obtenir le bon résultat. Plus on s’en rapproche, plus on a des chances d’avoir gain de cause. Il est plus probable qu’on va s’asseoir à la table et négocier. Et si ça se produit, on va chercher un compromis sur le montant global. Et il y a des façons d’y arriver, Peter. Par le passé, on a déjà consacré une partie des fonds au logement social aux États-Unis, ce qui a créé une demande pour les produits forestiers, en plus d’aider les producteurs des deux côtés de la frontière. Il y a donc bien des façons créatives d’aborder le problème. Mais la question est épineuse. Les producteurs américains ont contribué à grever lourdement la richesse de leurs propres citoyens. Le coût de construction des maisons a grimpé. Voilà une politique publique mal ficelée. Tout ça parce que les Américains sont passés maître dans l’art d’exercer des pressions sur le gouvernement. Ça ne devrait pas se produire. Les consommateurs américains le paient au prix fort.
PETER HAYNES : Très bien. Donc vous pariez sur 2026. Merci de l’information. Bien du monde dans les milieux financiers suit le dossier de près. Une percée technologique majeure va-t-elle contribuer à la lutte contre les changements climatiques en 2023?
FRANK MCKENNA : Oui. Je le crois. On parle de fusion nucléaire. Ça m’apparaît comme une solution très prometteuse à long terme. Mais, je pense que le captage du carbone atmosphérique est plus près de nous. Des expériences concrètes sont déjà en cours. Ça pourrait changer la donne, si on y arrive.
PETER HAYNES : Bonne nouvelle. Le brut WTI se vend environ 73,50 $ au moment d’enregistrer ce balado. Quel sera son prix en fin d’année?
FRANK MCKENNA :Je dirais 60 dollars. D’une part, le pouvoir de négociation de la Russie va diminuer, parce que l’Europe va s’être sevrée de son pétrole. Ce qui va réduire la pression sur les prix. D’autre part, je suis convaincu qu’il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande. Si le marché est sous-approvisionné, ça va établir un prix plancher.
PETER HAYNES : OK. Actuellement, l’indice S&P 500 avoisine les 3830 points. À la fin de 2023, quel niveau croyez-vous qu’il va atteindre?
FRANK MCKENNA : Bien fin qui pourrait le prédire. Je me lance : 4500 points. Durant l’année, si la récession est modérée, on devrait s’en tirer. Et, vers la fin de l’année, le contexte des taux d’intérêt va changer. Ce qui devrait stimuler le marché.
PETER HAYNES : Beaucoup pensent que le marché risque de baisser au premier trimestre avant de se redresser en fin d’année si la récession est modérée. Les données canadiennes vont reculer, Frank; le secteur de l’énergie représente 20 % de notre marché. Si le brut WTI se vend 60 dollars, le Canada risque de s’en tirer moins bien que les États-Unis durant l’année.
FRANK MCKENNA : Oui, mais notre corrélation est moins marquée qu’avant, de ce point de vue. On verra bien.
PETER HAYNES : OK. La question la plus importante de toutes, Frank, et c’est la dernière. Quelle équipe va remporter la série mondiale en 2023?
FRANK MCKENNA : Les Blue Jays. Même si on évolue dans un marché stratosphérique, à en juger d’après la masse salariale des Yankees. Les Mets de New York, leur compétiteur direct, affichent aussi une énorme masse salariale. Mais, je me réjouis un peu plus des échanges effectués. Peter, je ne suis pas un partisan inconditionnel… J’adore Teoscar. Même chose pour Lourdes Gurriel. Ça me fend le cœur d’avoir échangé Moreno, un joueur d’avenir. Bon, on a obtenu un frappeur gaucher, on a gagné en rapidité et on s’est amélioré en défensive. Ça pourrait nous permettre de connaître une bonne année. Je me dis qu’à long terme un gars comme Moreno va devenir un peu notre quart-arrière, comme au football. Ça vaut de l’or. Je déteste l’idée qu’on pourrait perdre un joueur complet capable de nous aider dans les années à venir.
PETER HAYNES : Je comprends très bien votre point de vue. Mais, je pense aussi qu’on vise les grands honneurs maintenant. Les joueurs prometteurs ont moins d’importance, même s’il ne faut pas brader notre club-école. J’espère que vous avez raison là-dessus. En fin de compte, c’est à nos joueurs vedettes qui sont censés briller, comme Guerrero et Bichette, de connaître leurs meilleures années. Il faut aussi que des gars comme Springer demeurent en santé. Nos lanceurs de fin de rotation doivent garder la santé et performer. J’espère que Berríos va rebondir. C’était très agréable, Frank. À la fin de l’année, on va revenir sur vos prédictions pour vérifier si vous aviez vu juste. J’espère que vous obtiendrez une bonne note. On va revenir au format habituel adopté tout au long de l’année. On va se reparler à la fin de janvier, Frank. Merci beaucoup.
FRANK MCKENNA : OK. Merci, Peter.
[TRAME MUSICALE]
Ce balado ne doit pas être copié, distribué, publié ou reproduit, en tout ou en partie. Les renseignements contenus dans cet enregistrement ont été obtenus de sources accessibles au public, n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante de la part de Valeurs Mobilières TD, pourraient ne pas être à jour, et Valeurs Mobilières TD n’est pas tenue de fournir des mises à jour ou des changements. Toutes les références aux cours et les prévisions du marché sont en date de l’enregistrement. Les opinions et les points de vue exprimés dans ce balado ne sont pas nécessairement ceux de Valeurs Mobilières TD et peuvent différer de ceux d’autres services ou divisions de Valeurs Mobilières TD et de ses sociétés affiliées. Valeurs Mobilières TD ne fournit aucun conseil financier, économique, juridique, comptable ou fiscal ou de recommandations dans ce balado. Les renseignements contenus dans ce balado ne constituent pas des conseils de placement ni une offre d’achat ou de vente de titres ou de tout autre produit et ne doivent pas être utilisés pour évaluer une opération potentielle. Valeurs Mobilières TD et ses sociétés affiliées ne font aucune déclaration ou ne donnent aucune garantie, expresse ou implicite, quant à l’exactitude ou à l’exhaustivité des déclarations ou des renseignements contenus dans le présent balado et, par conséquent, déclinent expressément toute responsabilité (y compris en cas de perte ou de dommage direct, indirect ou consécutif).
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant d’intégrer Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au Comité consultatif de la structure des marchés de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.