Où le chemin Roxham se trouve-t-il?
Invités: Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Animateur: Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 37, Frank analyse en profondeur les problèmes d’immigration complexes en Amérique du Nord, particulièrement en ce qui concerne les réfugiés qui demandent l’asile au Canada depuis les États-Unis en franchissant des points d’entrée irréguliers qui ne sont pas couverts par les ententes d’immigration conclues entre les deux pays. Il admet qu’il n’y a pas de solution facile au problème des réfugiés à la frontière sud des États-Unis, qui est complexe puisqu’il n’y a pas seulement que les Mexicains qui la traversent pour entrer illégalement aux États-Unis. Frank discute de l’état de la situation entre la Russie et l’Ukraine après un an de guerre et explique pourquoi il est pratiquement impossible, en temps de guerre, de réaliser un audit de l’aide apportée par l’Occident. Il termine en abordant la poursuite de Dominion Voting Systems contre FOX News, une cause que remportera haut la main le plaignant, si on en croit l’opinion publique.
FRANK MCKENNA : Je pense que les dirigeants républicains les plus responsables appuient franchement les efforts de l’administration et qu’une bonne partie du mérite revient au président Biden pour avoir préservé l’unité au sein de la coalition de l’OTAN.
PETER HAYNES : Bienvenu à l’épisode 37 du balado mensuel de VMTD sur la géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Ici Peter Haynes, votre animateur pour cet épisode intitulé « Où diable se trouve le chemin Roxham? ».
Avant de commencer, je rappelle aux auditeurs que ce balado de Valeurs Mobilières TD est diffusé à titre informatif. Les opinions qui y sont exprimées n’engagent que leurs auteurs, Frank et moi. Elles ne représentent pas nécessairement le point de vue de la TD ou de ses filiales et ne constituent pas des conseils auxquels se fier, notamment en matière de placement ou de fiscalité.
Frank, notre fusion avec Cohen aux États-Unis est légalement reconnue depuis hier. C’est une étape importante pour Valeurs Mobilières TD. L’expansion de notre entreprise étend davantage son rayonnement au sud de la frontière. Ça retient certainement mon attention. Par simple curiosité, Frank, depuis un mois, qu’est-ce qui retient la vôtre?
FRANK MCKENNA : Le monde devient de plus en plus complexe et les dangers se multiplient. Le conflit en Ukraine n’a rien perdu de son intensité, bien au contraire. La Chine est peut-être même tenter de soutenir la Russie en égalant l’approvisionnement militaire offert à l’Ukraine par l’Occident. Il y a aussi l’Iran, qui se rapproche de l’arme nucléaire. On dirait que partout le danger s’accentue et pèse davantage dans la balance. Ces événements-là, entre autres, m’inquiètent.
PETER HAYNES : En fait, pour quelqu’un comme vous qui s’intéresse de près à ces enjeux, il y a de quoi s’occuper. Ce ne sont pas les sujets qui manquent. Justement, je voudrais en aborder un certain nombre qui nous concernent ici-même au Canada. Je commence par le chemin Roxham. Il y a un mois, je dirais que moins d’une poignée de Canadiens avaient entendu parler du chemin Roxham. Aujourd’hui, tous les médias en font leurs manchettes.
Depuis 20 ans, le Canada et les États-Unis gèrent la sécurité frontalière en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, aux termes de laquelle les réfugiés qui veulent demander asile doivent le faire dans le premier pays qu’ils atteignent. Dans ce contexte, les demandeurs d’asile qui entrent au Canada par les États-Unis et vice-versa doivent être renvoyés sauf s’ils arrivent par un point d’entrée officiel, comme le Rainbow Bridge, disons, à Niagara Falls.
Le chemin Roxham, une petite route entre le nord de l’État de New York et le Québec, constitue un point d’entrée irrégulier et n’est donc pas reconnu par l’Entente sur les tiers pays sûrs. Depuis des années, les réfugiés qui traversent les États-Unis en direction du Canada y arrivent à pied par le chemin Roxham. Une fois au Canada, ils sont pris en charge par la sécurité frontalière et obtiennent bien souvent l’asile.
Récemment, le nombre de réfugiés empruntant illégalement le chemin Roxham a explosé. De fait, en 2022, je crois, ils ont été deux fois plus nombreux que le record précédent établi en 2017, je pense. Ils étaient alors quelque chose comme 35 000 ou 40 000 réfugiés à avoir traversé. Le phénomène exerce une pression énorme sur le système d’immigation canadien, et le Québec a été forcé de transférer bon nombre de ces réfugiés vers d’autres villes au Canada.
Le Québec a demandé l’aide du gouvernement fédéral, qui prétend être en négociation avec les États-Unis pour résoudre le problème. L’ambassadeur américain a contredit cette prétention. Le chef conservateur de l’opposition, Pierre Poilievre, a suggéré que le Canada ferme le chemin Roxham dans un délai de 30 jours. Le premier ministre Trudeau estime que la solution de Poilievre simplifie exagérément le problème de gestion d’une réalité imposée par la frontière non protégée la plus longue du monde entre le Canada et les États-Unis.
La fermeture du chemin Roxham pousserait les demandeurs d’asile à franchir d’autres points d’entrée illégaux plus dangereux pour gagner le Canada. Bien souvent, les éléments de la nature ne leur laissent aucune chance. Des événements tragiques de la sorte ont d’ailleurs été largement médiatisés. Frank, que pensez-vous de la situation au chemin Roxham et quelle est la solution?
FRANK MCKENNA : Il n’y a pas de solutions simples à ces questions complexes. Il faut se dépêtrer, habituellement. Mais, revenons aux origines de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Conclue essentiellement après les événements du 11 septembre, l’Entente était surtout réclamée par le Canada. Un grand nombre de voyageurs qui transitaient par les États-Unis demandaient asile au Canada. Leur nombre a fini par excéder la capacité de traitement des demandes.
En comptant sur beaucoup de bonne volonté, on a négocié avec les États-Unis un accord qui nous avantageait largement et qui allait devenir l’Entente sur les tiers pays sûrs. Dans ce contexte, on peut comprendre la nature du dilemme qui se pose maintenant. Le seul aspect exclu de l’Entente était les points d’entrée irréguliers. Et maintenant le problème revient nous hanter.
Poilievre n’a pas tort de dire que c’est un enjeu important qu’il faut régler. Il propose d’ailleurs de fermer le chemin Roxham. Malheureusement, c’est une solution simpliste. Le Québec est particulièrement affecté parce que nombre des demandeurs d’asile irréguliers ne parlent pas français, ce qui va à l’encontre de la stratégie du Québec en matière d’immigration. C’est l’une des raisons pour lesquelles la province se plaint de voir la situation perdurer.
Trudeau n’avait pas tort non plus de dire qu’il était futile de chercher à bloquer l’entrée par le chemin Roxham étant donné les 6 000 kilomètres de frontière qu’il faut protéger. Et ça représente un défi de taille.
Il y a un an à peine, Jagdish Patel, sa femme et deux de leurs enfants sont morts de froid en tentant de franchir la frontière américaine pour gagner le Manitoba. On ne veut pas non plus que ces tragédies se reproduisent.
Il vaudrait mieux en arriver à une solution négociée, mais ce ne sera pas facile, comme l’Entente nous favorisait largement. Je dirais que c’est la nature du défi qui se présente à nous, mais c’est pour ça que l’on paie grassement les diplomates, pour trouver des solutions aux problèmes plus épineux.
PETER HAYNES : Selon vous, qu’est-ce qui se passe en coulisse quand on est devant l’ambassadeur américain au Canada, votre ancien homologue, qui déclare n’être au courant d’aucune négociation en cours? Diriez-vous que c’est simplement un faux-fuyant et que les deux pays négocient en catimini pour en arriver à une solution?
FRANK MCKENNA: Je réponds « oui » aux deux questions. Je déteste le dire de la sorte, mais ça revient à se demander quel est l’enjeu de la négociation. Il y a certainement des discussions, disons-le. Peut-être qu’on n’en est pas encore aux négociations, mais il y a sûrement des discussions. Il ne faut pas oublier que notre ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, entretient des relations très étroites avec Antony Blinken, le secrétaire d’État américain. Soyez assuré qu’elle cherche résolument à régler le problème avec lui et tous ceux qui participent aux discussions.
Mais, je pense que l’ambassadeur Cohen est en droit de dire que si les discussions atteignent l’étape de la négociation, ça crée des attentes qui ont leurs conséquences. On assiste à un ballet diplomatique, mais, en fin de compte, tout ce beau monde se parle.
PETER HAYNES : Le Canada a toujours été une terre d’accueil pour l’immigration, et, de toute évidence, ça nous aide. Mais, comme vous l’avez déjà souligné, Frank, la politique d’immigration du Canada vise en réalité à contrôler le processus. Dans le cas du chemin Roxham, je pense qu’on a transféré 700 ou 800 demandeurs d’asile illégaux à Niagara Falls. Bien entendu, on les envoie dans des villes où il y a beaucoup d’hôtels.
C’est donc dire que 800 réfugiés à Niagara Falls occupent des chambres d’hôtel qui auraient pu être louées à des visiteurs venus dépenser de l’argent dans la région. La collectivité et les petits commerçants locaux sont privés d’une clientèle payante parce que les hôtels sont bondés d’occupants qui n’ont pas un sou à dépenser. Ça déclenche un effet en cascade au pays et, clairement, la tension monte.
Curieusement, Frank, les problèmes d’immigration aux États-Unis, qui sont si bien documentés, touchent maintenant le Canada. On sait que le maire de New York a récemment envoyé un autobus de réfugiés vers le chemin Roxham et que nombre d’entre eux sont entrés au Québec. Je suppose que le maire a fait ça en partie parce que New York est une ville refuge où les gouverneurs du Texas, de la Floride et d’autres États envoient leurs réfugiés.
Il est de notoriété publique que ce que l’ancien président Trump a tenté de faire avec la frontière mexicaine est devenu un enjeu important. Et le président Biden a confié le dossier de l’immigration à la vice-présidente Harris. On dirait bien que peu de progrès ont été réalisés pour résoudre les problèmes d’immigration illégale des Mexicains qui entrent aux États-Unis. Le sujet est devenu un peu plus d’actualité récemment lorsque les démocrates se sont demandés comment ils allaient régler le problème.
Je pense que le Titre 42, une mesure mise en place durant la COVID, permet pour l’essentiel aux États-Unis de retourner les demandeurs d’asile d’où ils viennent si ce pays fait partie d’une liste liée à la COVID, sauf erreur. Mais, Frank, le problème d’immigration aux États-Unis ne va pas disparaître et il est devenu le nôtre à bien des égards. Qu’est-ce que les États-Unis peuvent faire pour régler leurs problèmes d’immigration?
FRANK MCKENNA : Si je possédais la vérité absolue à ce sujet, je ne me contenterais pas de vous parler actuellement, Peter. Ce savoir me permettrait de gagner une fortune. Il n’y a jamais de réponse simple à ce genre de question.
D’entrée de jeu, je pense qu’il faut avoir au moins un semblant de compassion pour les personnes qui vivent cette situation. Ces gens sont poussés par le désespoir en bonne partie. Et le phénomène ne s’observe pas qu’ici; il touche toute la planète. Des migrants meurent en grand nombre en tentant d’atteindre des côtes étrangères.
Presque toujours, ils fuient le désespoir dans lequel ils sont plongés dans leur pays, que ce soit la pauvreté extrême, la violence de gangs ou toute situation qui met leur vie et leur famille en danger. Résultat, le monde est rempli de personnes désespérées, et c’est la cause du problème. le problème est très politisé, et à raison.
Aux États-Unis,Bien des gens estiment qu’il est des plus élémentaires pour un pays de pouvoir protéger la souveraineté de ses frontières. Dans le cas des États-Unis, j’aimerais souligner deux aspects. Premièrement, les travailleurs étrangers temporaires.
Le Canada a un excellent programme à cet effet et, à bien des égards, fait l’envie du monde. Les gens arrivent du Mexique – ça se voit dans mon village au Nouveau-Brunswick. Ils viennent de la Jamaïque, d’ailleurs dans le monde, des Philippines. Ils séjournent un certain temps, puis rentrent dans leur pays. Ils savent qu’ils peuvent retourner au Canada pour travailler. Ils s’installent chez nous, ils font leur travail, puis ils rentrent dans leur pays.
Aux États-Unis, le programme est beaucoup moins élaboré. Dans le cas des Mexicains, en particulier, ils ont souvent l’impression que la seule façon de conserver un accès à leur emploi, c’est de disparaître aux États-Unis et d’y vivre plutôt que de rentrer au Mexique. Je pense qu’on commence à s’attaquer au problème avec succès en remontant à sa source, c.-à-d. les Mexicains qui tentent d’entrer aux États-Unis.
Malheureusement, aujourd’hui, le désespoir pousse les migrants de toute l’Amérique latine et des Caraïbes vers la frontière. Je pense notamment au Venezuela, un pays en pleine tourmente où la population souffre de la faim et fuit en masse – et pas seulement vers les États-Unis. Il y a aussi d’autres endroits comme la Colombie et Haïti, un pays où règne carrément l’anarchie. Au Salvador, les gangs contrôlent le pays. La population vit la terreur et craint pour sa vie chaque jour.
Les citoyens fuient tous ces pays et se massent aux frontières du Mexique. La solution, bien qu’à long terme, passe en partie par une prise en charge des causes profondes. Il faut financer les services de police au Salvador, restaurer la démocratie au Venezuela, rétablir la gouvernance en Haïti. Je parle ici de solutions à long terme qui ont toujours fait partie de l’arsenal déployé par les États-Unis.
Depuis quatre ou cinq ans, les Américains se sont retirés d’un certain nombre de ces programmes; on en voit les résultats aujourd’hui. Ce n’est pas facile. Mais, c’est la réalité. Et les gouvernements doivent choisir entre protéger leurs frontières et se montrer froidement rationnels ou faire preuve de compassion et refuser de séparer les familles. C’est extrêmement difficile.
J’aimerais vous raconter en passant, Peter, un des moments où je me suis senti personnellement le plus fier – mon petit tour de piste sous les projecteurs. Quand j’étais ambassadeur, j’ai dû répondre à la question du journaliste de CNN à propos de l’intégrité des frontières. Lou Dobbs, le modérateur dans ce dossier, se montrait très incisif. Il m’a demandé si, en tant qu’ambassadeur, j’étais préoccupé par l’intégrité des frontières et si c’était équitable pour les États-Unis de devoir s’occuper de tous les migrants du monde qui cherchent à fouler le sol américain.
Je lui ai répondu que c’était peut-être vrai au sud des États-Unis, mais que je n’avais jamais entendu parler d’un Canadien qui aurait rampé sous les barbelés pour tenter d’entrer aux États-Unis. Les Canadiens sont heureux de vivre dans leur pays. Dobbs a eu un petit sourire satisfait en riant, mais j’ai trouvé que ma réplique avait fait mouche.
PETER HAYNES : J’imagine que Lou Dobbs ne rate encore jamais l’occasion d’enfourcher ce cheval de bataille. Je suis convaincu que cet enjeu demeure l’un de ses principaux sujets. Vous devriez peut-être reprendre la conversation avec lui.
Vous avez évoqué la violence des gangs et la situation en Haïti. Je voudrais parler de ce pays parce que bon nombre des réfugiés du chemin Roxham sont de descendance haïtienne. Vous avez souligné que, bien souvent, ils se présentent à la frontière et ils ne parlent pas français. Pourtant, la communauté haïtienne de Montréal est bien implantée et vibrante. Ce n’est pas étonnant que les Haïtiens quittent leur pays en masse et tentent de s’installer à Montréal, où ils peuvent compter sur des amis et des collègues.
Haïti est en déroute depuis la plus récente mission de maintien de la paix, qui a pris fin en 2017. La semaine dernière, le premier ministre Trudeau a promis une aide financière et une surveillance militaire à Haïti, mais il n’est pas allé jusqu’à accepter d’envoyer des troupes en appui au gouvernement local. Cette proposition est en train de gagner la faveur des nations caribéennes, de même que des États-Unis et de l’ONU, mais demeure très impopulaire en Haïti.
Je sais qu’Haïti est un pays qui vous tient à cœur. Vous y êtes allé plusieurs fois dans le cadre de missions humanitaires. Selon vous, quelle est la solution en Haïti pour permettre à ce magnifique pays de se relever?
FRANK MCKENNA : Haïti est un pays d’une incroyable beauté. Un peuple qui affiche une grande dignité. Rappelez-vous toute l’élégance de notre gouverneure générale, Michaelle Jean, elle qui est arrivée au Canada en tant que réfugiée. Ça en dit long sur notre pays et sur cette femme d’exception.
Haïti est un pays d’une grande beauté, sans oublier ses artistes, ses poètes, etc. Mais c’est aussi l’un des endroits les plus dangereux au monde. En plus, le sort s’acharne sur ce pays plus que sur toute autre nation que je connaisse. J’ai commencé à m’y rendre après les ouragans dévastateurs. Je pense qu’il y en a eus quatre de suite. Des inondations ont submergé le pays et fait des milliers de victimes.
J’y étais avec Wyclef Jean et Matt Damon pour distribuer l’aide alimentaire des camions à la population venue d’un peu partout faire la queue. Je me souviens qu’un après-midi, on a manqué de nourriture et on a été littéralement pourchassés par une foule en colère dans la rue. J’ai couru le plus vite que je pouvais malgré mes bottes en caoutchouc parce que l’eau nous montait aux genoux. À côté de moi, il y avait Matt Damon qui piquait un sprint. Je me suis dit que j’avais affaire à Jason Bourne. Il fallait que je le rattrape. [RIRES]
Une autre fois, j’étais assis avec le président Clinton sur les marches de l’hôtel Montana. C’est l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, Peter. Vous m’excuserez d’abuser de votre temps. Toute la nuit, on a discuté d’Haïti, de ce peuple merveilleux et de ce qui pourrait être fait pour lui venir en aide.
Et, en tant que secrétaire d’État, la femme du président Clinton suivait de près le dossier d’Haïti. Le président lui téléphonait toutes les heures ou toutes les deux heures pour discuter de ceci ou de cela, de ce qui pourrait être fait ou des possibilités de déléguer certains rôles. Les échanges se sont poursuivis jusqu’à l’aube. Ça va rester gravé dans ma mémoire. Trois mois plus tard, l’hôtel, qui était tout près de l’épicentre du terrible tremblement de terre survenu en 2010, a été entièrement détruit.
Fait à noter, un avion d’Air Canada a atterri à l’aéroport ce jour-là. Les passagers en classe affaires sont sortis en premier et se sont presque tous dirigés vers l’hôtel Montana, comme d’habitude. Les premiers qui sont arrivés à l’hôtel Montana ce jour-là sont tous morts durant le séisme. Tous les occupants de l’hôtel ont péri dans cette horrible tragédie. On ne sait jamais le sort qui nous attend.
Et j’espère qu’il penchera en faveur d’Haïti cette fois-ci. Il faut qu’un leader se manifeste. Le Canada ne serait pas mauvais dans ce rôle. À propos, le Canada et les États-Unis sont les deux seuls acteurs importants en Haïti. Les deux pays comptent une importante diaspora et jouissent d’une crédibilité en Haïti. Nos gestes et nos paroles ont du poids. Et le premier ministre a raison. On ne peut pas choisir le cheval sur lequel parier dans cette course. On ne sait pas vraiment lequel est légitime. On ne peut donc pas appuyer un gouvernement à proprement parler.
On soutient plutôt les services de police, par exemple, et on leur offre de la formation et du matériel, notamment. Mais, à cette étape-ci, il faut se montrer patient, en espérant que la démocratie l’emporte et qu’une élection produise un candidat crédible derrière lequel nous rallier. Dans l’intervalle, il faut continuer d’investir dans le capital humain. Et c’est ce que fait notre famille.
On parraine en Haïti une ONG qui soutient les femmes et les enfants. Cette organisation accomplit des merveilles. Elle appuie l’entrepreneuriat local et procure de l’emploi aux travailleurs. Ça me donne de l’espoir quand je vois ce qui se fait, mais il n’y a pas de solution facile sinon que de compter sur l’émergence d’un leader capable de rallier la population.
Le vide politique permet aux gangs de contrôler Port-au-Prince; on risque sa vie simplement à marcher dans les rues dans le contexte actuel. Il y a un dernier aspect que je voudrais souligner à titre gracieux, Peter. Je sais que je vais en payer le prix, mais je veux bien. Je suis assez grand pour encaisser le coup. Je veux parler des compétences qui sont transmises en Haïti.
Dans le pays, la langue principale est le créole. Et le français est enseigné comme langue officielle dans le système scolaire. Mais la langue parlée en Haïti part souvent du créole. Je ne crois pas qu’on puisse améliorer ses conditions de vie en parlant seulement deux langues que personne d’autre ne connaît dans un rayon de 1 000 kilomètres carrés.
Je suis pour la préservation des langues indigènes, etc., mais Haïti est entouré de pays dont la langue est l’anglais ou l’espagnol, sans parler des touristes qui utilisent d’autres langues. À un certain moment, Haïti va devoir former des citoyens capables de communiquer avec les clients ou les touristes dans leur langue, ou peu importe le contexte.
PETER HAYNES : C’est un inconvénient et c’est difficile à croire. Haïti est l’autre moitié d’une île très fréquentée par les visiteurs : la République dominicaine, je pense. Ça paraît bizarre aux étrangers qui, contrairement à vous, connaissent mal la situation en Haïti. Il faut espérer que la paix l’emporte et que le pays trouve un leader capable de maîtriser la situation. Il ne faut pas non plus oublier l’assassinat de l’an dernier. Espérons que cet homicide soit résolu.
Autre source de grande instabilité dans le monde, on vient de souligner le premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine. Pour l’occasion, le président Biden s’est rendu en Ukraine, où il a rencontré son homologue Zelensky en lui promettant une aide financière supplémentaire des États-Unis. Entre-temps, en Russie, dans un discours enflammé sur l’état de l’Union, le président Poutine a accusé l’Occident d’être responsable de la guerre en Ukraine et a suspendu la participation russe au traité nucléaire START.
C’est normal qu’au premier anniversaire d’un événement mondial aussi important les deux belligérants campent sur leurs positions. Y a-t-il quoi que ce soit qui vous surprenne d’un côté ou l’autre, et croyez-vous que Poutine cherche à faire monter les enchères en se retirant du traité START?
FRANK MCKENNA : Je pense que ça constitue une escalade malheureuse. Mais, il ne faut pas s’en étonner. Les deux belligérants campent sur leurs positions. L’Occident ne peut pas vraiment reculer. Le conflit risquerait de s’étendre aux États baltes, et la Russie chercherait à mettre la main sur des pays comme la Moldavie, l’Estonie et la Lituanie. L’Ouest ne peut tout simplement pas laisser faire cette expansion.
Dans le cas de Poutine, il se retrouve au bord du précipice. Les dictateurs ne connaissent jamais une fin heureuse. Ils s’accrochent au pouvoir ou ça tourne très mal pour eux. Il est l’artisan de son propre malheur.
PETER HAYNES : Êtes-vous étonné que l’ancien vice-président Mike Pence ait accueilli si chaudement la décision, ou du moins qu’il se soit rangé du côté des démocrates, à propos du risque que le président Poutine envahisse les États baltes? Ça s’écarte apparemment de l’opinion des autres républicains et ça pourrait laisser croire qu’il ne compte pas être candidat à la présidence. Ses commentaires vous ont-ils surpris?
FRANK MCKENNA : Non. Les dirigeants républicains les plus responsables appuient franchement l’administration dans ce dossier. Mitch McConnell se montre très ferme quant à la défense du rôle des États-Unis en Ukraine, tout comme Tom Cotton et bien d’autres républicains responsables. Certains républicains ne tiennent pas le même discours, mais ça se limite souvent à de la vertu ostentatoire.
Ils se contentent de dire qu’il y a des problèmes à régler au pays et qu’il faut y penser à deux fois avant de soutenir financièrement l’Ukraine. Il faut s’assurer que les fonds sont utilisés à bon escient, etc. Mais, en réalité, s’ils devaient prendre eux-mêmes cette décision, je pense qu’ils s’en tiendraient exactement à la même qu’actuellement.
C’est facile dans l’opposition de chercher à amuser la galerie, mais je ne prends pas ça très au sérieux à vrai dire. Je pense que les dirigeants républicains les plus responsables appuient franchement les efforts de l’administration et qu’une bonne partie du mérite revient au président Biden pour avoir préservé l’unité au sein de la coalition de l’OTAN et avoir fédéré les États-Unis dans cet effort. Il a beaucoup de mérite.
À mon avis, la question va embêter les candidats républicains durant la course. Le président Trump, comme d’habitude, dit une chose et son contraire dans ce dossier, mais il se complaît certainement dans une vertu ostentatoire. Et même DeSantis pratique exagérément l’ambiguïté. Je suis tombé sur un éditorial très édifiant dans le Wall Street Journal sur lui et sa position. Mais l’ambassadrice Nikki Haley appuie sans réserve l’Ukraine. Et je crois que cette position sera celle de la plupart des candidats avant la fin de la course.
PETER HAYNES : L’un des commentaires que j’ai entendus de la droite, qu’elle accorde ou refuse son soutien à l’Ukraine ou qu’elle se complaise dans une vertu ostentatoire, tient aux craintes soulevées par l’emploi réservé à l’aide financière américaine et occidentale fournie à l’Ukraine. Les républicains se montrent d’un naturel sceptique à l’égard de l’Ukraine. À tort ou à raison, ils considèrent que le pays est gangrené par la corruption.
Quelles garanties peuvent rassurer les républicains, qui craignent que l’aide financière octroyée à l’Ukraine ne soit détournée des efforts de guerre au profit de criminels, surtout que le président Zelensky continue de limoger certains hauts dirigeants déjà accusés de corruption auparavant? Existe-t-il un processus d’audit, Frank, qui permettrait de confirmer que l’aide financière ne finit pas entre des mains criminelles?
FRANK MCKENNA : Le fait que Zelensky limoge des hauts dirigeants et dénonce la corruption est sans doute notre meilleur espoir. De toute évidence, l’Ukraine n’est pas épargnée par la corruption. Mais, c’est probablement sans commune mesure avec ce qui se passe en Russie. Néanmoins, il y a toujours eu des allégations.
Cependant, dans toute cette affaire, je peux comprendre que chacun en veuille pour son argent. Tout le monde exige que l’argent soit employé à bon escient. Par contre, au beau milieu d’une crise, c’est difficile de faire des audits, par exemple, après un tremblement de terre, pour confirmer que chaque dollar est dépensé judicieusement. C’est la même chose sur le champ de bataille. On ne peut pas tout comptabiliser et dire que l’artillerie a lancé 36 obus alors que 34 auraient suffi. Quand tout est terminé, les auditeurs peuvent passer et récupérer les blessés, comme c’est souvent le cas. Mais, entre-temps, il faut monter une poursuite pour crimes de guerre en faisant appel à notre meilleur jugement.
PETER HAYNES : À ce sujet, Frank, j’ai une question technique pour vous. L’aide occidentale fournie à l’Ukraine n’est pas un don, je crois. C’est un prêt qui devra être remboursé, du moins en partie, sauf pour les dons qui pourraient être faits. Comprenez-vous ou pouvez-vous expliquer aux auditeurs comment ça fonctionne exactement? On parle de sommes importantes, ici.
FRANK MCKENNA : Oui. Il y a un peu des deux. Dans certains cas, c’est carrément un don et dans d’autres un prêt. Souvent, on se montre accommodant, sachant que l’emprunteur ne pourra jamais rembourser. Il faut compter sur le FMI et la Banque mondiale, qui se chargent habituellement de tenir les livres dans ce type d’opérations.
Mais, il faut être réaliste. L’ampleur des dommages en Ukraine dépasse la capacité du pays de reconstruire et il va falloir mettre en place un programme d’envergure comparable au plan Marshall.
C’est l’une des retombées extraordinaires dont le monde peut être fier à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
Le monde entier a serré les coudes et adhéré à un plan gigantesque qui a permis au Japon et à l’Allemagne, notamment, de devenir des participants importants – je dirais même des leaders – de l’économie mondiale.
Il va falloir un plan de la sorte en Ukraine pour reconstruire les villes et rétablir la productivité. Mais, les Ukrainiens font preuve de résilience et possèdent les compétences techniques pour y arriver. Ça permet de croire qu’une fois la paix revenue le pays va retrouver une économie extraordinaire.
Et l’un des truismes intéressants après une catastrophe mondiale, c’est que la reconstruction permet de mettre en place une économie ultramoderne qui progresse plus rapidement à certains égards que les autres. C’est ce qui est arrivé à l’Allemagne et au Japon, pourrait-on dire.
Dans le cas de l’Ukraine, une fois que l’histoire se sera écrite, j’espère que le pays en profitera à court terme plutôt qu’à long terme. L’économie ukrainienne va être très moderne et concurrentielle, à mon avis. Parce que, de toute évidence, il va falloir investir des sommes faramineuses pour reconstruire l’Ukraine.
PETER HAYNES : Il faut souhaiter que l’argent de la reconstruction arrive au pays avant qu’il ne soit complètement rasé; dans certaines zones les combats sont intenses. Il faut espérer que les civils demeurés dans les villes comme Bakhmout, je crois – je ne suis pas sûr de la prononciation – arrivent à survivre, malgré les horreurs de la guerre.
Les critiques républicains et la droite médiatique expriment depuis longtemps des doutes à propos du soutien indéfectible des États-Unis à l’Ukraine, comme on vient d’en parler. En général, on déplore que Biden ait visité l’Ukraine pour le premier anniversaire du conflit plutôt que d’être allé voir le déversement chimique survenu à East Palestine, en Ohio. Souvent, la droite politique s’inquiète des autres enjeux, mais n’est même pas au courant que des textes ont été publiés à propos des découvertes issues de la poursuite intentée par Dominion Voting Services contre Fox News.
Selon le communiqué diffusé, des textes échangés entre les animateurs de Fox, notamment Tucker Carlson, et la haute direction de l’agence de presse confirment que Fox était parfaitement au fait que les craintes exprimées en ondes par ses animateurs à propos des irrégularités imputées aux machines à voter étaient sans fondement. Pourtant, ces mêmes animateurs ont continué d’alléguer que ces machines étaient source d’irrégularités afin de soutenir l’intérêt des téléspectateurs.
La raison à tout ça tient bien entendu aux recettes publicitaires en jeu pour ces conglomérats qui exploitent les principales agences de presse. Frank, comment reprendre confiance à l’égard du quatrième pouvoir comme pouvaient l’inspirer dans le temps Walter Cronkite, Peter Jennings, Lisa LaFlamme, ou même Peter Mansbridge?
FRANK MCKENNA : Oui. Vous posez une question particulièrement importante, Peter. Pour que les auditeurs comprennent, il faut savoir que l’affaire ne fait pas l’ombre d’un doute. Les preuves sont tout à fait claires. Les personnalités que vous avez mentionnées, Hannity, Carlson, ont déclaré une chose en ondes et croyaient son contraire. C’est aussi simple que ça.
À l’extérieur du plateau de télé, ils n’en revenaient pas des bêtises entendues, mais en ondes ils continuaient de recevoir Sidney Powell, Rudy Giuliani et les autres pour répandre le mensonge que l’élection avait été volée. En tant qu’avocat, je peux vous dire que, malgré l’évidence de toute cette affaire, toute la protection accordée à la liberté d’expression fait en sorte que la partie n’est pas gagnée pour Dominion devant les tribunaux simplement en raison de la nature des obstacles techniques à surmonter. Mais je crois que l’opinion publique saura trancher dans ce dossier :
les intérêts d’affaires l’ont clairement emporté sur la probité de l’information. Chez Fox, on disait que les téléspectateurs voulaient de quoi se mettre sous dent et voir Fox se ranger derrière la Trump. Si on y renonce et qu’on se contente de présenter les faits, on va perdre une énorme part de marché au profit de Newsmax et des autres, c’est aussi simple que ça.
Tout d’abord, je ne suis pas sûr qu’on va revoir des journalistes du calibre de ceux que vous avez mentionnés. On vit maintenant dans un monde de désintermédiation pour éviter qu’une ou deux grandes chaînes produisent toute l’information transmise au public. Des milliers de sources numériques abreuvent d’information le public. Si le média n’est pas à la hauteur des attentes, il suffit d’en changer pour obtenir des nouvelles plus juteuses. C’est le monde dans lequel on vit.
Mais, Peter, je pense qu’à la base la situation va changer seulement en même temps que la polarisation actuelle aux États-Unis. Il y a aussi un envers à la médaille. Fox News représente l’extrême droite. Mais la chaîne MSNBC n’est pas non plus impartiale, pas plus que CNN, etc. Les médias devraient être détachés des débats politiques.
Mais, pour que ça change, il va falloir que les causes profondes de la polarisation changent aussi. Ça implique un certain nombre de facteurs. Parmi les deux principaux, il y a le découpage abusif des circonscriptions et le financement des campagnes. Ces deux enjeux polarisent fortement les États-Unis, et les médias en sont le reflet. Pour corriger le tir et améliorer la crédibilité des médias, il faut presque dépolariser les États-Unis. Mais, la tâche risque d’être ardue.
PETER HAYNES : Il va falloir consacrer un épisode entier au sujet, Frank, afin d’expliquer le découpage abusif des circonscriptions et ses problèmes, tout en cherchant à amener le débat politique vers le centre. Et le financement des campagnes devrait aussi faire l’objet d’un épisode d’une heure à lui seul. Avant de terminer, Frank, si je récapitule, on a parlé de la guerre, d’autres enjeux géopolitiques, ici, au Canada, concernant le chemin Roxham, et des opinions soutenues par Fox News. Qu’est-ce qui manque qui retient votre attention?
FRANK MCKENNA : Il se passe dans le monde bien des choses intéressantes. Et, Peter, on a parlé des nouvelles négatives parce qu’elles font vivre les médias. Pourtant, la planète demeure un lieu très agréable où habiter. On a mis au point un vaccin en un temps record dans l’histoire pour enrayer l’une des plus grandes menaces posées à l’humanité. Et le monde continue de jouir d’une relative prospérité.
Mais, je pense qu’il faut davantage prêter attention à la loi Inflation Reduction Act aux États-Unis. Pour une loi, c’est la plus mauvaise appellation jamais trouvée de l’histoire de la législation parce qu’elle n’a rien à voir avec la réduction de l’inflation. Par contre, elle concerne beaucoup le climat. Cette loi a d’énormes conséquences pour le monde. Elle incarne une approche américaine très dynamique et généreuse qui propose des mesures pour atténuer les changements climatiques. C’est une excellente nouvelle pour la planète.
Mais, pour des endroits comme l’Europe et le Canada, ça pèse lourd sur notre compétitivité – je pense aux fabricants de batteries et de véhicules électriques, etc. Les États-Unis offrent des crédits à la production qu’aucun autre pays n’est en mesure de concurrencer. Par conséquent, on peut se poser la question à savoir si c’est bon pour la planète. Bien sûr. Les États-Unis affirment sans équivoque leur leadership dans le dossier des changements climatiques.
Mais au Canada, c’est actuellement sans doute le principal souci du gouvernement fédéral. Et on peut s’attendre à une riposte dans le budget à venir, comme on voit en Europe. Mais le défi est de taille pour nous.
PETER HAYNES : Un autre aspect du budget dont on va entendre parler dans quelques mois, ce sont les modalités de la taxe de 2 % que le gouvernement canadien compte adopter sur les rachats d’actions, dans le sillage des États-Unis. Biden a récemment déclaré que la règle de 1 % - et je ne me souviens pas, Frank, si ça faisait partie de l’Inflation Reduction Act ou d’une autre loi promulguée aux États-Unis, entrerait en vigueur en janvier.
Ça semble ne pas avoir marché et on propose maintenant de relever le taux à 4 %. Que pensez-vous globalement de toute cette discussion à propos des taxes sur les rachats d’actions. Ça semble anodin au départ, mais ça pourrait finir par représenter une source de revenus importante pour les gouvernements.
FRANK MCKENNA : C’est une intrusion sur le marché – je n’aime pas ça. Je ne crois pas que Biden va pouvoir obtenir 4 %, compte tenu de la division au Congrès. Il n’y a donc pas lieu de s’en inquiéter au Canada. Le gouvernement fédéral n’y arrivera sans doute pas non plus. En toute franchise, dans le cas du Canada, on fait preuve de vertu ostentatoire.
Le gouvernement en place conserve le pouvoir en raison de son alliance avec le NPD, qui réclame toujours sa livre de chair aux milieux d’affaires. Et la surtaxe sur les bénéfices des banques était, je pense, une pièce de viande jetée au NPD. Et c’est la même chose pour la surtaxe sur les rachats d’actions. Est-ce qu’elle pourrait augmenter? J’imagine que oui si le gouvernement cherche à calmer le NPD.
Mais c’est illogique. Le raisonnement adopté aux États-Unis et au Canada tient au fait qu’on veut non pas voir de rachats d’actions, mais plutôt une circulation de ces fonds pour réaliser des investissements productifs dans l’économie. En d’autres mots, on veut que l’argent serve à soutenir l’expansion des entreprises plutôt qu’à simplement racheter des actions. Mais la principale cible du programme de rachats d’actions au Canada, ce sont les entreprises pétrolières et gazières, qui encaissent d’importants bénéfices à cette étape du cycle.
Et le gouvernement du Canada ne veut pas qu’elles augmentent leur production parce que ça va à l’encontre de ses autres objectifs. D’une certaine façon, c’est une contradiction pour le gouvernement du Canada de promouvoir une taxe en disant vouloir accroître l’activité économique. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire dans le budget, mais je pense que c’est malsain pour les gouvernements de continuer d’intervenir dans la loi naturelle du marché. Ce n’est pas une bonne chose.
PETER HAYNES : Vous soulignez que le Canada cible les entreprises énergétiques et leurs gros profits. De toute évidence, si vous êtes propriétaire d’une société de ce type, vous pouvez comprendre pourquoi elles veulent réinvesitr dans d’autres puits de pétrole. Mais, pour des raisons évidentes, le gouvernement n’est pas réceptif à l’idée au Canada. Dans d’autres secteurs d’activité, les actionnaires peuvent refuser que les entreprises investissent de la sorte dans un nouveau domaine.
Ils préfèrent empocher eux-mêmes l’argent et choisir les entreprises dans lesquelles ils veulent investir. C’est toujours l’argument invoqué : le rendement pour l’actionnaire et ses raisons d’aimer les rachats d’actions, les dividendes et d’autres éléments de rendement du capital. On tient un filon, Frank. On va sûrement rediscuter de tout ça.
J’enchaîne maintenant avec un autre sujet très intéressant pour vous comme pour moi : le début du camp d’entraînement au baseball majeur. En particulier, les nouveaux règlements qui intriguent, causent une confusion monstre et irritent certains amateurs plus près de la tradition. Mais je dirais que la plupart sont d’accord. Que pensez-vous des nouvelles règles après quelques matchs d’avant-saison? Je pense aux coussins plus grands, au cadran des lanceurs, la principale source de controverse, et aux règles entourant les permutations. Quelle est votre opinion sur ces nouvelles règles?
FRANK MCKENNA : De façon générale, je suis pour si elles permettent d’accélérer le match, et pas seulement au cadran, mais aussi sur les sentiers. Dans l’ensemble, j’aime les changements apportés. C’est d’un ennui mortel quand le match dure trois heures et demie et se résume à des retraits sur des prises et à un coup de circuit chanceux.
La majorité des amateurs de baseball, ou les mordus comme moi, ont probablement la télécommande en main et zappent d’une chaîne à l’autre parce que ça manque d’action. J’aimerais qu’on cherche à rendre les matchs plus divertissants. Je dois dire cependant que, jusqu’à un certain point, ça ne devrait pas être nécessaire. Les propriétaires d’équipes devraient chercher à proposer un meilleur divertissement aux amateurs qui, eux, devraient l’exiger.
Je me rappelle d’avoir inteviewé Kevin Pillar, un voltigeur de centre exceptionnel pour les Blue Jays, une vedette comme vous le savez. Il courait comme le vent. Il avait réussi 32 buts volés l’année précédente et il en comptait alors seulement peut-être 12 ou 13.
Durant cette brève entrevue, je lui ai demandé pourquoi il avait cessé de voler des buts, quelle était l’explication? Il m’a répondu qu’il avait peut-être fait l’erreur d’aller en arbitrage. Je l’ai relancé : « Quel est le lien? ». Il m’a répondu « quand on est dans le vestiaire, on les entend dire ce qui est important pour eux. Et c’est très différent de ce qu’il l’est pour soi. Quand j’étais dans le vestiaire, j’entendais que le vol de buts n’était pas important pour mon équipe ».
Si les propriétaires veulent des coups sûrs, je pense que les joueurs sont prêts à fendre l’air pour se donner la chance de frapper un circuit au lieu de jouer en fonction de la situation sur le terrain, comme aiment les amateurs, et de miser sur un entraîneur rusé et prêt à tout pour marquer des points. Quoi qu’il en soit, ces nouvelles règles me semblent nécessaires pour forcer les propriétaires à offrir du jeu plus excitant sur le terrain, ce qui me paraît la chose à faire.
PETER HAYNES : Ça tombe bien que vous parliez d’arbitrage. J’ai lu un article sur le sujet l’autre jour. Les propriétaires ont remporté la majorité des causes d’arbitrage cette année, trois fois sur quatre. En entrevue, un joueur qui avait perdu sa cause a raconté qu’il avait dû écouter les propriétaires de l’équipe se plaindre sans fin de tout ce qu’il ne faisait pas par rapport à l’ancienne façon de jouer.
Les nouvelles règles sont censées en faire un meilleur joueur et on vient lui dire qu’il ne vaut pas le salaire qu’on devrait lui verser, compte tenu de la façon dont le jeu va se jouer à l’avenir, au lieu d’être payé comme Kevin Pillar – si je reprends votre exemple – pour frapper des circuits et non voler des buts. Ça ne va pas.
En terminant, Frank, je ne sais pas comment je peux entretenir une pareille relation d’amour-haine avec les médias sociaux. Tout le monde connaît les raisons de les détester, pourtant je les adore dans certains cas. On peut y voir côte à côte Pitch Ninja, un gars que vous devriez suivre si vous aimez le baseball.
Peu importe. On le voit l’an dernier à côté d’un lanceur qui effectue un seul tir tout le temps qu’il a fallu durant un match d’avant-saison pour finir simplement une demi-manche. C’est hilarant. Le lanceur se retire cinq fois du monticule. Le frappeur en fait autant. Et, finalement, le lanceur effectue le tir dans l’autre minute et demie ou trois minutes, peu importe le temps qu’il a fallu. C’était spectaculaire de montrer tout le chemin parcours et ce qui s’en vient.
Les amateurs de baseball vont certainement s’habituer aux nouvelles règles en un rien de temps. J’ai bien hâte de regarder le baseball avec vous cette année, Frank. On va bientôt voir les modifications apportées à notre stade. Ça va être amusant. Voilà qui met fin à notre balado. On se reparle le mois prochain. Merci, Frank.
FRANK MCKENNA : OK. Merci, Peter.
[TRAME MUSICALE]
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant d’intégrer Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au Comité consultatif de la structure des marchés de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.