Ottawa aux prises avec des luttes sur plusieurs fronts au Canada
Invités : Frank McKenna, Deputy Chair, TD Securities
Animateur : Peter Haynes, Managing Director and Head of Index and Market Structure Research, TD Securities
Dans notre dernier épisode avant 2024, la conversation se tourne d’abord vers Israël, où le premier ministre Netanyahou peine à conserver des soutiens dans sa guerre contre le Hamas. Nous nous tournons ensuite vers la Russie, où le président Poutine a averti son voisin, la Finlande, nouvellement membre de l’OTAN, qu’il déploiera des troupes à la frontière russo-finlandaise, même s’il reconnaît n’avoir aucun droit territorial à l’égard des pays de l’OTAN. De retour au Canada, Frank critique la décision du Québec de resserrer les exigences linguistiques et d’augmenter les frais de scolarité pour les étudiants de l’extérieur de la province, un coup dur pour les universités McGill et Concordia, ainsi que pour la Ville de Montréal, qui souffriront de la baisse des inscriptions et des réductions de revenus correspondantes. La conversation porte ensuite sur l’article publié récemment par David Dodge sur l’amélioration de la productivité au Canada, un problème qui mériterait une commission d’enquête, selon Frank. L’épisode se conclut par un examen du système de plafonnement et d’échange proposé par Ottawa pour lutter contre les émissions du secteur pétrolier et gazier, et un bilan de la première semaine en poste du nouveau président de l’Argentine, Javier Milei.
Ce balado a été enregistré le 18 décembre 2023.
FRANK MCKENNA : Ça va à l’encontre de tout ce que nous avons bâti, Peter, l’idée de deux communautés, française et anglaise, vivant ensemble. Ça faisait partie du marché.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 47 de Géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD, et j’ai le plaisir d’animer cette série de balados mensuels dans lesquels nous faisons le tour du monde pour couvrir les plus importants enjeux géopolitiques globaux du moment, depuis notre perchoir d’observation au Canada. Frank, j’espère que vous profitez du temps des fêtes. Je suis impatient de discuter avec vous aujourd’hui. Je crois que vous serez à Ottawa pendant les fêtes. Parlez-nous un peu de vos projets.
FRANK MCKENNA : Pour changer, et j’en suis ravi, on sera au Canada. On rend visite à nos deux petits-enfants, à notre fille et à son mari à Ottawa pour les fêtes. Ça va être merveilleux.
PETER HAYNES : Profiterez-vous de l’occasion pour rencontrer quelqu’un d’autre pendant que vous êtes à Ottawa, ou seront-ils tous partis pour les fêtes, comme je le suppose?
FRANK MCKENNA : J’espère qu’ils sont tous partis. Ils ont besoin de partir et de faire une pause. Je n’ai jamais vu un groupe de membres des corps législatifs aussi immodéré. Je pense qu’ils ont besoin d’une pause, très franchement, d’une intervention, ou peu importe comment on l’appellera. J’espère qu’ils prendront un peu de vacances.
PETER HAYNES : On profitera de l’occasion aujourd’hui pour parler de certains de ces problèmes pour lesquels nos amis d’Ottawa pourraient avoir besoin d’une intervention, certains ne sont pas de leur faute. Quoi qu’il en soit, ce par quoi j’aimerais commencer, puisque le Canada a été montré du doigt et remis en cause dans certains commentaires récents : Israël.
La semaine dernière, les pays occidentaux ont fait monter la température avec le gouvernement israélien, le président Biden ayant déclaré lors d’une collecte de fonds politique qu’Israël perdait son soutien international en raison de, je cite : « … des bombardements sans discernement », en plus de la couverture de presse quotidienne sur les pertes civiles massives à Gaza causées par ces bombardements.
Plus tard, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont envoyé une lettre conjointe à Israël pour demander une pause dans les combats et son appui pour, je cite : « … un effort international urgent en vue d’un cessez-le-feu durable. » Enfin, en fin de semaine, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont écrit sur le besoin urgent de, je cite : « … un cessez-le-feu durable. » Benjamin Netanyahu est clairement en train de perdre le soutien des pays occidentaux. Que va-t-il se passer?
FRANK MCKENNA : Pour commencer, Peter, il faut comprendre que, dans le langage diplomatique, tout ça a des significations différentes. Une pause correspond à un certain niveau de commentaire. Un autre niveau serait le moratoire. Vous pouvez avoir plusieurs niveaux de pause : pause humanitaire ou pause plus longue. Tous ces mots ont beaucoup de significations différentes dans une situation comme celle-ci. Il se passe donc beaucoup de choses.
Tout d’abord, je pense qu’il faut mentionner le vote du Canada, car il s’agit d’un changement très important dans notre position de soutien de longue date à Israël lors des votes aux Nations Unies. Notre justification a toujours été qu’on ne voulait pas qu’Israël soit isolé et qu’on resterait solidaires d’Israël.
Je pense qu’il est juste de dire que le consensus qui se dégageait partout dans le monde a influencé le Canada. De nombreuses nations de moyenne importance aux vues similaires, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne et la France, sont arrivées à la même conclusion. Les États-Unis sont à peu près les seuls à s’opposer à un vote moratoire à l’ONU.
Il faut bien le comprendre, Peter, parce que vous venez de le mentionner, les États-Unis disposent d’un type de veto différent. Ils peuvent voter comme bon leur semble à l’ONU. Et Israël apprécie toujours leur soutien. Soit dit en passant, Israël a été extrêmement contrarié par le vote du Canada dans ce tour, le premier ministre Netanyahu appelant le premier ministre Trudeau et l’exhortant vivement, avec un vocabulaire explicite, à ne pas le faire, ou au moins, à s’abstenir.
Le Canada est vraiment allé très loin. Mais pourquoi est-on différents des États-Unis? Parce que les États-Unis ont d’autres outils et d’autres armes. Les États-Unis donnent beaucoup d’argent à Israël et lui fournissent beaucoup d’armes.
Pas plus tard que cette semaine, à l’extérieur du Congrès grâce au pouvoir du président, quelque 14 000 obus d’artillerie ont été envoyés à Israël. Israël a donc besoin des États-Unis. Ils peuvent donc tolérer de vives critiques de leur part. Et Biden les a vivement critiqués, comme vous l’avez mentionné.
Le ministre de la Défense des États-Unis est en Israël en ce moment même pour les inciter à faire preuve de plus de retenue. Alors, il y a beaucoup de pression sur Israël. Par ailleurs, bien sûr, ils ont tué trois otages, qui semblaient tous arborer des drapeaux blancs et implorer la clémence. Ce qui a également enflammé la population en Israël. Toutes ces choses pèsent sur eux.
Mais d’un autre côté, en Israël, le niveau d’indignation demeure extraordinairement élevé à l’égard de l’attaque du Hamas, qui a coûté la vie à tant d’innocents de façon aussi violente. C’est ce qui a alimenté la coalition dirigée par Netanyahu. C’est une coalition militaire. Ne vous y trompez pas. À mon avis, elle restera unie jusqu’à ce que la guerre soit terminée.
Netanyahu, qui le sait bien, tente déjà de façonner une version des événements pour l’après-guerre en Israël. C’est pourquoi les événements se déroulent de la sorte. Joe Biden a critiqué Israël en disant qu’il voulait vraiment qu’ils commencent à envisager un avenir dans lequel l’autorité de libération de la Palestine aurait un rôle à jouer, plus précisément une solution à deux États. Netanyahu rejette catégoriquement cette idée, affirmant qu’il n’acceptera pas le système du Hamas à sa frontière.
L’un de ses partenaires de la coalition s’y est opposé. Benny Gantz, qui est général dans l’armée israélienne et que j’ai rencontré, qui est je dois le dire vraiment très impressionnant. Il a mis en garde Netanyahu contre les attaques à l’encontre de leur meilleur ami au monde, les États-Unis. Ou plus précisément, contre Biden, qui est considéré comme l’un des présidents les plus favorables à Israël dans toute l’histoire des États-Unis.
Tout ça pour dire que le monde entier est en proie aux turbulences sur ce débat. Tous les pays ont des problèmes internes qui en découlent. En Israël, d’énormes débats s’étendront sur une plus longue période, une fois la guerre terminée.
PETER HAYNES : Vous dites donc que, malgré les critiques du président Biden et évidemment du Congrès, Netanyahu a encore la possibilité de poursuivre ses opérations pour tenter d’éliminer le Hamas? Qu’est-ce qui pourrait inciter les États-Unis, par exemple, à voter en faveur d’un cessez-le-feu?
FRANK MCKENNA : Les États-Unis ont tellement d’armes à leur disposition. Ils pourraient voter en faveur d’un cessez-le-feu, ce qui est un cran au-dessus de la pause, mais un cran en dessous du moratoire. Ils ont aussi d’autres armes. Ils retiennent 20 000 ou 22 000 fusils qu’ils ne veulent pas donner à Israël parce qu’ils ont peur qu’ils finissent entre les mains des colons. Et les colons de Cisjordanie ont malheureusement tué des Palestiniens là-bas.
Les États-Unis essaient donc de choisir de façon chirurgicale les domaines où ils pourraient exercer une certaine influence. Mais je pense que Netanyahu a encore une certaine marge. Il y a encore beaucoup d’indignation dans les cercles gouvernementaux partout dans le monde à l’égard de ce qu’a fait le Hamas. Plus important encore, je crois que Netanyahu a l’approbation de la société israélienne pour poursuivre cette guerre, que le reste du monde soit contre ou pas.
Si la critique s’intensifie, le gouvernement israélien prendra probablement la température tous les jours. Il tentera de tempérer la façon dont il mène cette guerre pour gérer ça. Mais n’oubliez pas que c’est une arme à double tranchant, et le peuple d’Israël le sait. Les Israéliens ont perdu bien plus de 100 soldats.
Certains d’entre eux ont été tués parce que l’artillerie et les bombardements qui précèdent généralement la prise d’un quartier n’ont pas pu se faire en raison de l’indignation internationale. Par conséquent, des soldats israéliens ont été tués. Neuf d’entre eux ont été pris en embuscade et tués. Les soldats israéliens savent donc que l’opinion publique internationale leur coûte la vie.
Et les citoyens israéliens le savent aussi, de manière beaucoup plus consciente que nous. Ça va aboutir. Je pense qu’il y aura une forme de retenue. Israël dira qu’il fait preuve de retenue maximale alors que le conflit se poursuit. Si des incidents comme les otages tués se reproduisent, il y aura beaucoup de pression pour désescalader. On verra bien. Mais pour le moment, je dirais que Netanyahu a certainement un solide soutien populaire dans son pays pour poursuivre cette guerre.
PETER HAYNES : Il est vrai qu’il est très rare qu’un pays tiers dise à un autre pays comment mener sa guerre. Évidemment, ça fait partie du calcul dans toute cette discussion. Malheureusement, il y a une autre guerre, que j’appelle la guerre oubliée, en Ukraine. Samedi, le président Poutine a averti qu’il y aurait, je cite : « des problèmes » avec la Finlande voisine après que celle-ci a été admise à l’OTAN plus tôt cette année.
La Finlande partage une frontière de plus de 1 335 kilomètres avec la Russie. Le président Poutine a laissé entendre qu’il concentrerait des unités militaires dans la région maintenant que la Finlande fait partie de l’OTAN. Poutine a de nouveau souligné qu’il n’avait pas l’intention de, je cite : « continuer », comme le président Biden l’a suggéré récemment lors de ses discussions pour obtenir des fonds supplémentaires auprès du Congrès. Vladimir Poutine a dit que la Russie, je cite : « … n’a aucune raison, aucun intérêt géopolitique, ni économique, ni militaire, à combattre les pays de l’OTAN », fin de citation.
Poutine prétend qu’il n’a pas de droits territoriaux sur les pays de l’OTAN et qu’il veut développer des relations avec ces pays plutôt que de les bousculer. Personne ne sait s’il faut le croire. Je vous pose cette question à un niveau élevé, Frank. Mais y a-t-il une raison de ne pas croire Poutine lorsqu’il dit qu’il ne va pas être agressif et qu’il n’exercera pas plus de contrôle territorial envers les pays de l’OTAN?
FRANK MCKENNA : Oui. Je pense qu’il y a une bonne raison, à savoir qu’il s’est avéré être un menteur sociopathe. L’expérience en Ukraine en est la preuve. Vous vous souvenez peut-être qu’en 2022, lorsque les troupes russes ont commencé à se déplacer vers les frontières de l’Ukraine, il n’arrêtait pas de dire qu’il s’agissait simplement de manœuvres pacifiques. Lorsqu’elles ont avancé encore un peu plus loin, il a dit que c’était en réaction aux provocations. Il a dit à plusieurs reprises qu’elles n’avaient aucune intention d’envahir l’Ukraine.
Il est capable, dans la même journée, de faire exactement le contraire de ce qu’il dit. Alors, non, il n’y a aucune raison de le croire. Soit dit en passant, chaque tyran, chaque agresseur qui envahit un autre pays a toujours la bonne grâce de se justifier. Si on remonte jusqu’à Hitler et à notre époque, ils n’aiment pas appeler les choses par leur nom. Habituellement, ils disent qu’ils sont exhortés à le faire, ou qu’un plébiscite local leur a donné son appui, etc.
Rapidement, pour vous donner un petit exemple de l’agression de Poutine. En 2014, il y a eu l’invasion de la Crimée et son annexion. En 2022, on a eu l’invasion du reste de la Crimée ou du moins une tentative. En Syrie, l’Union soviétique s’est jointe au pouvoir pour bombarder les rebelles anti-Assad et les ramener presque à l’âge des ténèbres. Et puis la Moldavie, les méfaits qu’il a commis là-bas.
La Géorgie, où il a essentiellement soutenu les indépendantistes, en envoyant des tanks et des avions et en nourrissant les tensions. Alors, lorsqu’on examine l’ensemble de ces éléments, je dirais qu’il n’y a pas de meilleure façon de décrire la situation que la célèbre expression de Ronald Reagan : faites confiance, mais vérifiez. Dans ce cas-ci, je pense qu’on n’a aucune raison, compte tenu des preuves, de faire confiance, ne serait-ce qu’un petit peu, à Poutine.
PETER HAYNES : Poutine semble très bien accepter l’impasse actuelle. Il semble attendre que le soutien du gouvernement américain faiblisse. Évidemment, le président des États-Unis a de la difficulté à garder le soutien du Congrès pour aider l’Ukraine. Alors, compte tenu de cette baisse de soutien et du retour potentiel de Trump à la Maison-Blanche, comment le président ukrainien Zelensky peut-il convaincre le président Biden et le Congrès américain de maintenir son aide au moins jusqu’à la fin de la présidence actuelle?
FRANK MCKENNA : Je vais me rabattre sur la célèbre déclaration de Winston Churchill : « Les États-Unis prendront la bonne décision après avoir épuisé toutes les autres possibilités. » Je crois que c’est ce qui va se passer ici. Ils vont s’agiter et s’essouffler, faire des allers-retours, mais ils finiront par faire ce qu’il faut. Il y a trop de soutien au sein du Sénat, tant chez les républicains que chez les démocrates, pour que ça ne passe pas.
Et il y a trop d’appuis au sein du Parti démocrate à la Chambre pour que ça ne passe pas. Il y aura donc du soutien en faveur de ça. Mais je pense que ça deviendra un peu plus préoccupant dans un an. Lorsque le président Poutine aura endossé Trump en tant qu’ami devant les tribunaux en cours d’année, ça devrait donner froid dans le dos.
Ça devrait effrayer les Américains et certainement les Ukrainiens. C’est un problème pour plus tard. En même temps, l’alliance de l’OTAN semble très ferme et très résolue. Biden a fait preuve d’une détermination extraordinaire. De plus, il a fait un excellent travail pour rallier l’alliance de l’OTAN. Et je crois qu’ils continueront de plaider en faveur de l’Ukraine.
PETER HAYNES : Le discours de Trump en fin de semaine, où il faisait référence à certains commentaires de Poutine, semblait assez tyrannique. Il semble intensifier ce vitriol dans ses discours de revanche alors qu’il continue à monter dans les sondages. On parlera davantage des élections et des courses à la présidence en 2024.
On va revenir au Canada. Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé dans ces balados de la longue liste de griefs de l’Alberta contre Ottawa. Ces doléances sont probablement à l’origine de certaines mesures prises récemment en Alberta, comme la possibilité de quitter le PPC. Il y a un autre gouvernement provincial qui est souvent en conflit avec Ottawa, c’est celui du Québec.
Les dirigeants provinciaux ne se sont pas rendu service avec les Québécois anglophones ou le reste du Canada cette semaine avec cette décision d’augmenter considérablement les droits de scolarité dans les écoles anglophones pour les étudiants à l’extérieur de la province et, surtout, d’exiger la maîtrise du français.
Pour bon nombre de ces étudiants à l’extérieur de la province, ça équivaut à un semestre supplémentaire. Frank, ces changements sont dévastateurs sur le plan économique pour la ville de Montréal, qui compte à la fois McGill et Concordia, deux des universités anglophones, surtout qu’ils auront évidemment une incidence sur les inscriptions à l’extérieur de la province.
Pour ces deux grandes écoles et, dans une moindre mesure, pour Bishop, ça pourrait être catastrophique. Dans quelle mesure cette décision du gouvernement de la CAQ du Québec, dirigé par François Legault, vise-t-elle à regagner le soutien des Canadiens francophones, qui ont hissé le PQ en leader dans le récent scrutin provincial? Selon vous, est-il possible que la situation s’inverse?
FRANK MCKENNA : Pour commencer, ce que le premier ministre Legault a fait est scandaleux. Il n’y a pas d’autre mot. C’est absolument scandaleux. Ça a déjà des répercussions sur ces institutions. Des personnes qui travaillent dans ce domaine me disent que les demandes ont chuté de 30 % ou 40 %, parce que les étudiants n’envoient même pas de candidature à cause de cette mesure spécifique, ce qui semble être exactement ce qu’ils voulaient en fin de compte.
Il y a deux raisons pour lesquelles Legault a fait ça. L’une d’elles est que son parti, la CAQ, a perdu le soutien du Parti québécois, qui a un message plus dur au sujet du nationalisme québécois. C’est dommage, mais c’est le cas. Ce qui est malheureux, c’est que le Parti libéral du Québec, qui a été par le passé le parti ascendant au Québec, s’est considérablement affaibli désormais. C’est un parti tiers qui n’a pas vraiment beaucoup de poids à mettre dans la balance.
Mais la deuxième raison pour laquelle Legault a fait ça est très simple. Ça fait partie de son programme nationaliste. Beaucoup de gens diraient que c’est un indépendantiste déguisé en mouton. Plutôt que de partir avec un feu d’artifice, il préfère le faire dans un soupir. Ce n’est pas amusant d’assister à sa provocation constante envers le gouvernement du Canada.
Hier soir, j’ai parlé à un ministre francophone du gouvernement du Canada au Québec. On m’a dit que le problème devenait préoccupant. Le premier ministre est impliqué, tout comme le caucus du Québec. Le gouvernement du Canada fera une déclaration de condamnation très ferme, comme il se doit.
Ça va à l’encontre de tout ce qu’on a construit dans ce pays, Peter, l’idée qu’on pouvait vivre ensemble à deux communautés, les francophones et les anglophones et qu’on protégerait les droits des minorités, que ce soit au Manitoba ou dans le nord de l’Ontario. Ça faisait partie du marché. Comment peut-on continuer de respecter cette partie du marché alors que, au Québec, le gouvernement du Québec s’en prend ouvertement à une population anglophone minoritaire? Encore une fois, je dis que c’est scandaleux.
PETER HAYNES : C’est une honte. Évidemment, McGill est considérée comme l’Université Harvard du Nord. En fait, j’étais à Montréal la semaine dernière et j’ai discuté de ce sujet avec pas mal de gens. Il a été question de réflexions autour de McGill quittant le Québec. Je ne peux pas me l’imaginer, surtout quand on passe devant le campus et qu’on se rend compte que McGill, c’est Montréal. Et le campus, c’est McGill. Tout est relié. Il semblerait que ce ne soit pas réalisable. C’est juste très honteux et triste. On va espérer qu’il y aura un compromis supplémentaire.
À Ottawa, on continue de parler beaucoup de productivité et de l’écart de productivité grandissant entre le Canada et les États-Unis en particulier. Le Canada a accru son PIB brut grâce à ses politiques d’immigration. Les chiffres par habitant vont dans la mauvaise direction, ce qui signifie que le Canadien moyen est moins bien nanti.
La semaine dernière, l’ancien chef de la Banque du Canada, David Dodge, a cosigné un rapport publié par son employeur actuel, Bennett Jones, dans lequel il a exhorté les dirigeants du gouvernement et du monde des affaires du Canada à se concentrer sur les politiques d’investissement plutôt que sur la consommation, et il a qualifié le rythme actuel des transferts gouvernementaux et des dépenses en services de, je cite : « non tenable. »
La résolution de la pénurie d’investissement a récemment fait l’objet de discussions entre le gouvernement du Canada et les principales caisses de retraite du pays, car le gouvernement estime que ces fonds canadiens peuvent contribuer à résoudre le manque d’investissement en détenant plus de sociétés canadiennes.
Même si on a convenu dans les épisodes précédents que transférer ce problème du gouvernement aux régimes de retraite en leur disant d’acheter des actifs dont ils ne voudraient pas dans d’autres circonstances est une dérobade. Frank, comment peut-on faire passer un gouvernement de coalition libéral/néo-démocrate de gauche dépensier vers l’investissement, surtout lorsque les types d’investissements gouvernementaux envisagés pourraient aller à l’encontre des politiques de la coalition actuelle.
FRANK MCKENNA : Il s’agit d’un problème chronique au Canada, qui touche toutes les allégeances politiques. C’était vrai sous le gouvernement Harper. C’est vrai sous le gouvernement Trudeau. Rien qu’au cours des cinq dernières années, notre productivité a diminué de 0,3 %. La productivité aux États-Unis a augmenté de 1,7 %. Notre productivité est en baisse par rapport à presque tous les pays auxquels on se compare habituellement.
C’est une de ces choses insidieuses. Comme ébouillanter une grenouille. La grenouille ne se rend pas compte qu’elle est en difficulté avant qu’il ne soit trop tard. Dans le cas du Canada, c’est une attaque directe contre notre richesse nationale. On l’a masquée, déguisée, si vous voulez, en continuant de faire croître la population grâce à l’immigration. Mais ça ne règle pas du tout notre problème fondamental.
On pourrait être un pays plus prospère si on arrivait à maîtriser cette question de productivité. La solution habituelle à ce problème est d’investir plus de capitaux. Il ne fait aucun doute qu’on a besoin de plus d’investissements en capital, de recherche et développement et de plus d’innovation à l’échelle de l’entreprise. C’est tout à fait vrai.
D’une certaine façon, ça amène à se demander ce qu’on pourrait faire pour obtenir plus de capitaux, car les entreprises font normalement ce qui va dans leur intérêt. La réponse à ça, bien sûr, est que le problème est celui d’un manque de concurrence. La concurrence est ce qui stimule les investissements. La concurrence est le moteur de l’ingéniosité.
Au Canada, dans de nombreux secteurs, il y a un manque de concurrence. Et on a beaucoup de vaches sacrées. C’est pourquoi cette question n’a pas été abordée. Les barrières commerciales entre les provinces font partie de celles qui nous coûtent très cher en termes de PIB. La gestion de l’offre entraîne des coûts plus élevés pour les Canadiens. Est-ce un prix qu’on est prêts à payer pour protéger les petites fermes? Les gouvernements successifs semblent le croire.
Il y a d’autres secteurs protégés dans l’économie canadienne. Les télécommunications, par exemple. Il y a aussi les privatisations. Au cours des trois dernières années, le Brésil, avec un gouvernement socialiste, a procédé à cent privatisations. Cette semaine seulement, ils ont privatisé des parties de leur réseau de transport d’électricité. Ça ne fait tout simplement pas partie du vocabulaire des Canadiens.
Comme on le sait, lorsqu’on privatise des entreprises, elles ont tendance à être dirigées par des personnes issues du secteur privé, avec des principes du secteur privé. Elles ont tendance à se rendre compte que pour être concurrentielles et réussir, il faut investir. C’est un exemple évident de la raison pour laquelle on a un problème. On a des caisses de retraite d’une valeur de 2 000 milliards de dollars, le Maple 8 étant le meilleur au monde, toutes divisions confondues.
Et pourtant, ils ne trouvent pas assez d’argent pour investir au Canada. Et quelqu’un va essayer de leur imposer d’investir sur les marchés publics. À mon humble avis, ce n’est pas très intelligent. Au bout du compte, il faut trouver une solution. Je suis la dernière personne au monde à vouloir faire cette suggestion parce que je n’aime pas avoir plus de bureaucratie et que je n’aime pas retarder les choses. Mais ça ne sera pas résolu tant qu’on n’en fera pas un problème national.
Il est très difficile de régler ce problème, car personne ne sait qu’on a un problème. Vous ne pouvez pas régler les problèmes dans la vie publique si vous ne les définissez pas à l’avance. On a donc fini par utiliser un exercice, il y a 25 ou 30 ans, une commission royale sur le libre-échange dirigée par Donald MacDonald. Je crois que ça portait sur le libre-échange, en soi.
Mais cette commission royale a fini par conclure qu’on avait besoin du libre-échange. C’est devenu la base d’une élection. C’est devenu la base pour ce qui est, selon moi, l’une des décisions les plus importantes à avoir été prises dans ce pays pour créer de la prospérité. À mon avis, on a besoin d’une sorte de commission royale sur la prospérité. Je ne dirais pas sur la productivité, parce que les gens n’aiment pas ce mot. Ils pensent que ça veut dire travailler plus et gagner moins.
Mais la prospérité ou, comme l’appelle le groupe Services économiques TD, le niveau de vie… Ils ont écrit un excellent article à ce sujet, soit dit en passant… Une commission royale sur la prospérité ou sur le niveau de vie ou quelque chose du genre pourrait isoler le problème et nous donner toutes les munitions dont on a besoin pour relever ce grand défi, le grand défi politique d’essayer de régler ce problème. Autrement, on continuera de faire moins bien, ce qui minera notre force et notre vigueur en tant qu’économie nationale, car on aura moins d’argent pour faire toutes les bonnes choses qu’on veut faire pour nos citoyens.
PETER HAYNES : Eh bien, Frank, quand vous parlez d’investissement, au niveau de l’entreprise, ces entreprises finissent par devenir une fin en soi, ce qui signifie qu’elles se retrouvent sur les marchés publics et deviennent des véhicules qui peuvent être détenus par les régimes de retraite du Maple 8. Et on n’a pas beaucoup de nouvelles entreprises cotées en bourse.
En 2023, Frank, on a eu un premier appel public à l’épargne au Canada de plus de 100 millions de dollars. Ça veut tout dire. Vous pouvez dire, OK, c’est un mauvais marché pour un PAPE, mais il y a encore beaucoup de PAPE qui sont en cours au sud de la frontière. Je tiens à dire que ce n’est pas un problème qui se limite au marché canadien. Je vais vous soumettre ce jeu-questionnaire, Frank. Selon vous, quel pays européen a mené la danse en ce qui a trait aux PAPE en 2023?
FRANK MCKENNA : Je vais dire l’Allemagne.
PETER HAYNES : La réponse est Bucarest, avec 1,9 milliard de dollars en privatisant un service public, devenu une entité publique. Le groupe de la Bourse de Londres a amassé 900 millions d’euros en PAPE en 2023. Neuf cents millions. Il ne s’agit donc pas d’un problème propre au Canada. C’est un problème mondial. Le capital est concentré aux États-Unis, pour le meilleur ou pour le pire.
Je m’inquiète que ces investissements qu’on fait dans des sociétés… Comme vous l’avez dit, les sociétés font ce qu’il y a de mieux pour leurs actionnaires. Au bout du compte, ça pourrait vouloir dire ne pas rester une entreprise canadienne. Ça pourrait vouloir dire déménager aux États-Unis. Il serait difficile de dire à une entreprise de technologie qui fait un premier appel public à l’épargne de 1 milliard de dollars qu’elle devrait être considérée comme une société canadienne, et non comme une société américaine si l’on considère que les sept plus grandes sociétés aux États-Unis sont toutes des sociétés technologiques. Il semble donc qu’il y a des obstacles qui compliquent les choses.
OK. On va passer à d’autres politiques purement canadiennes. La conférence annuelle apparemment sans fin sur le climat, la COP28, s’est conclue la semaine dernière, du moins je crois qu’elle s’est conclue, avec la signature d’un accord entre les membres qui marque, je cite : « le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles. »
Lors de la COP28, les ministres de l’Environnement et de l’Énergie du Canada ont annoncé conjointement un nouveau cadre de travail pour limiter la pollution par les gaz à effet de serre provenant du secteur pétrolier et gazier canadien d’ici 2030 à un niveau de 35 % à 38 % inférieur à celui de 2019. Les émetteurs de pétrole et de gaz, qui sont ceux qui produisent le plus de CO2 au Canada, ne pourront acheter qu’un nombre limité de crédits compensatoires s’ils dépassent les plafonds de pollution.
Ce n’est pas le premier prétendu système de plafonnement et d’échange de droits d’émission qu’on nous présente, mais c’est, je crois, le premier qui l’est par notre gouvernement fédéral. C’est perçu comme une attaque contre le secteur pétrolier et gazier du Canada, donc une attaque contre la province de l’Alberta. Les dirigeants de l’Alberta ont décrit cette politique comme étant, je cite : « le programme énergétique national qui recommence à l’identique » et ils se sont engagés à poursuivre le Canada devant les tribunaux. Je reconnais qu’il y a beaucoup de vitriol répandu. Mais, Frank, est-ce qu’il existe un terrain d’entente entre l’Ouest et Ottawa au sujet des émissions de pétrole et de gaz?
FRANK MCKENNA : Eh bien, je pense que oui. Je vais simplement déclarer ouvertement que je suis en faveur de la lutte contre les changements climatiques. Je pense qu’il s’agit d’une taxe insidieuse qu’on fait peser sur nos enfants et nos petits-enfants et que notre génération devrait avoir le courage d’y faire face. Je crois qu’on ne devrait pas faire quelque chose de stupide. On devrait prendre des mesures durables.
Je veux dire par là qu’il faut mettre en place des politiques qui survivront d’un gouvernement à l’autre, pour ne pas pouvoir faire marche arrière. J’ai entendu beaucoup de commentaires de la part du gouvernement de l’Alberta, beaucoup de commentaires et d’attaques contre Ottawa. Mais je n’ai pas beaucoup entendu s’exprimer le secteur lui-même.
Les commentaires que j’ai vus indiquent que le secteur a été consulté et qu’il trouvait que c’était dans la fourchette supérieure de ce qu’il estimait faisable. Si c’est le cas, je pense qu’il existe un terrain d’entente entre Ottawa et l’Alberta, dans lequel Ottawa se retrousse les manches et dit, OK, admettons que c’est faisable. De quoi avez-vous besoin? De quels outils avez-vous besoin?
Doit-on utiliser le bilan fédéral? Doit-on faire des concessions fiscales? Doit-on procéder à l’amortissement accéléré? Lequel de nos outils pourrait être utilisé pour vous aider? Parmi ce qui doit être fait, qui n’est pas facile, mais qui fait partie des problèmes les plus abordables, c’est de s’attaquer aux émissions de méthane. On sait que les émissions de méthane sont exponentiellement bien pires que les autres émissions de carbone.
Si on peut y faire face, on se sera vraiment tiré une épine du pied pour résoudre notre problème. Et on peut gérer les émissions de méthane. Le Canada émet déjà beaucoup de méthane. [INAUDIBLE] J’ai vu Chrystia Freeland il y a une semaine, je crois, elle m’a dit qu’elle pensait qu’on était en bonne position, car on est presque des chefs de file mondiaux en matière de contrôle des émissions de méthane.
Alors, si on prenait quelque chose comme les émissions de méthane et qu’on travaillait vraiment là-dessus. Comme on est assez avancés là-dessus dès le départ, je pense qu’on peut très bien y arriver. Il faut faire preuve de prudence avec la façon de le présenter. L’imposition sur les émissions carboniques a une très mauvaise réputation. C’est devenu un véritable football politique. Et franchement, ceux qui s’y opposent sont en train de gagner.
Il y a eu un article très intéressant de Tony Keller dans le Globe and Mail de la semaine dernière, qui souligne que, pour presque tous les particuliers, la taxe sur le carbone rapporte plus qu’elle ne coûte. C’est dans ce but que le programme a été conçu. L’argent devait sortir d’une poche et aller dans une autre.
On voulait que les gens soient imposés sur des choses dont on ne veut plus et qu’ils aient de l’argent dans leurs poches pour acheter des choses dont on veut. Le problème, c’est que les gens n’ont pas fait ce lien. Et le gouvernement du Canada a très mal communiqué le message. Par conséquent, on est probablement…
Si on a des élections et que l’opposition finit par gagner, comme c’est la direction qu’elle semble prendre pour le moment, on se débarrassera probablement complètement de la taxe sur le carbone, alors que ce qu’on devrait faire, c’est communiquer beaucoup mieux sur ce sujet et établir un lien plus étroit avec le prix du gaz et du pétrole et ses répercussions sur la réduction de la consommation de carbone. Je pense qu’il en va de même ici.
Je pense qu’on doit attendre que les preuves de ce que le secteur est en mesure de faire commencent à nous être présentées. N’oubliez pas, Peter, que si tout le monde à l’échelle internationale le fait, je ne vois pas en quoi on serait désavantagés en termes de concurrence. Si le coût de l’énergie augmente en raison de ça, on peut présumer que l’Alberta sera encore plus riche qu’elle ne l’est déjà. Je crois qu’il faut faire preuve de réflexion et comprendre qu’il y a probablement beaucoup de choses à faire avant de baisser les bras.
PETER HAYNES : Je suis certain qu’on passera beaucoup de temps à discuter de ce sujet en 2024. Avant de conclure, j’aimerais revenir sur un sujet qu’on a abordé le mois dernier, l’élection d’un leader d’extrême droite en Argentine, Javier Milei. La semaine dernière, Milei a été investi. Et il n’a pas attendu longtemps pour mettre en œuvre ses promesses électorales de dévaluer et de dollariser le peso, ainsi que de réduire de moitié les organismes gouvernementaux.
Il s’est également rendu aux États-Unis pour rencontrer des dirigeants du gouvernement. En fait, sa première rencontre a été un dîner avec votre ami, l’ancien président Bill Clinton. Je me demandais si vous aviez eu l’occasion de discuter avec le président Clinton de sa rencontre avec Milei et si, après réflexion, vous pensiez maintenant qu’il pourrait mettre en œuvre les réformes qu’il a proposées sans déclencher un mouvement civil en Argentine.
FRANK MCKENNA : Pour commencer, laissez-moi vous dire que l’Argentine a un gros problème. Le fait qu’il s’attaque au problème à coups de masse n’est pas vraiment surprenant. À une époque, l’Argentine était l’un des dix pays les plus riches du monde. Puis ils sont passés d’une crise économique à l’autre. Quelque chose de spectaculaire était nécessaire.
J’étais en Argentine et, à mon grand plaisir, j’ai découvert qu’il y avait différents endroits où vous pouviez changer votre argent à des taux différents. Tout dépend du coin de rue où vous vous trouvez. Ce n’est pas une bonne façon de gérer une économie moderne. Il fallait faire quelque chose. Je pense que la frustration des gens s’est exacerbée et qu’ils ont atteint le stade où ils étaient prêts à choisir quelqu’un qui proposait des mesures draconiennes.
Ce qu’il a fait jusqu’à maintenant est en fait assez modéré, pour un ancien mystique, ancien joueur de soccer et gourou du sexe tantrique. Je pense qu’il a réussi à mettre en place un ensemble de réformes assez raisonnable pour commencer : éliminer la subvention pour l’essence, dévaluer le peso de 54 % et réduire les dépenses publiques. C’est le genre de recettes auxquelles on peut s’attendre dans une économie qui dépense au-delà de ses moyens, avec un taux d’inflation élevé.
Je pense que s’il s’en tient à ça et qu’il ne se lance pas dans d’autres idées plus folles, il va probablement s’en sortir. Il a indiscutablement des idées bien à lui. Mais jusqu’ici, il a vraiment démontré qu’il avait la capacité de se rapprocher du centre, là où le dialogue politique est plus favorable. Il est encore tôt, mais la première ou les deux premières semaines ne se sont pas si mal passées.
PETER HAYNES : Alors, selon vous, pour quelle raison a-t-il d’abord rencontré Clinton? Y a-t-il une logique particulière à ça?
FRANK MCKENNA : Oui, ils sont tous amis. C’est logique. Selon moi, c’est pour montrer au monde occidental qu’il est sérieux et qu’il veut vraiment s’attaquer à ces problèmes. N’oubliez pas que Bill Clinton a été le dernier président à avoir diminué les impôts alors que la croissance économique était historiquement la plus forte aux États-Unis, tout en réduisant le déficit dans le même temps. Ce n’est pas un mauvais modèle à suivre.
PETER HAYNES : Non. Et ça lui apporte une certaine crédibilité auprès du monde occidental. Autrement dit, ce ne sont pas les personnes les plus excentrées qu’il a rencontrées à Washington.
FRANK MCKENNA : Non. Et jusqu’à maintenant, la réaction a été plutôt bonne. La dette argentine a diminué. Les mesures prises jusqu’ici ont été très bien accueillies.
PETER HAYNES : Les politiques sociales dans ce pays étaient certainement très peu conventionnelles. Ils ont dépensé tout ce qu’ils avaient pour leurs politiques sociales. Il doit donc redresser ça. C’est pourquoi je me demande s’il va… Les personnes qui ont voté pour lui sont celles qui pourraient souffrir de sa politique. C’est pourquoi je me demande s’il sera en mesure de maintenir la cohésion.
FRANK MCKENNA : Ça dépend si vous parlez du court terme ou du long terme. Je pense qu’à long terme, le pays se portera mieux s’il peut commencer à vivre selon ses moyens. C’est un pays riche. Mon Dieu, ses ressources naturelles sont incroyables. Il y a beaucoup de personnes brillantes là-bas, beaucoup d’excellents entrepreneurs. Mais ils doivent reprendre le contrôle de leurs finances publiques.
PETER HAYNES : OK, Frank, pour finir, je m’en voudrais de ne pas mentionner qu’en janvier de cette année, on a publié un rapport de prévisions sur les enjeux géopolitiques pour 2023. Ça vous fera sans doute plaisir d’apprendre que ça a été le balado le plus écouté de l’année. Le mois prochain, je prévois de revenir sur certaines de vos prévisions pour 2023 et de regarder un peu vers 2024.
Il est peut-être temps pour vous de commencer à réfléchir à l’année qui vient et qui, bien entendu, verra se dérouler une élection le 5 novembre aux États-Unis. Entre-temps, le tirage au sort de Shohei Ohtani est terminé, et il semble que les Blue Jays aient tout misé et perdu face aux Dodgers, ce qui a évidemment brisé le cœur des amateurs de baseball partout au Canada, y compris vous et moi. Et maintenant?
FRANK MCKENNA : Pour commencer, il semble qu’il y ait 50 restaurants de sushis à Toronto dont on n’a pas tenu compte.
PETER HAYNES : Tout à fait.
[RIRES]
Eh oui. Oh, eh bien…
FRANK MCKENNA : J’en ai eu le cœur brisé. Pendant quatre ou cinq heures, j’étais sur mon petit nuage. Alors, je vais vous dire. Bravo à Toronto pour son sens de la compétition. Je ne pensais pas qu’ils joueraient le tapis, mais je pense que c’est assez clair. Les preuves montrent qu’ils étaient plutôt bien préparés à lui faire une contre-offre. C’est plutôt clair aussi qu’il a pris une décision pour des raisons de style de vie, je suppose, peu importe comment vous appelez ça.
Il a décidé qu’il voulait vivre à Los Angeles. Ça aurait été bien qu’il le dise à tout le monde dès le tout début, ça aurait probablement évité beaucoup de va-et-vient. Mais ça me donne l’occasion de parler du financement du baseball, parce que c’est vraiment devenu hors de contrôle, Peter.
Je ne sais pas où ça va s’arrêter, mais vous avez des sports comme le hockey et le football, etc., qui ont des plafonds fixes et des salaires. Je pense que ça a contribué à créer une certaine parité entre les équipes. Au baseball, vous avez un propriétaire multimilliardaire des Mets de New York qui a une masse salariale de 356 millions de dollars. Ensuite, à Oakland, nous avons une masse salariale de 56 millions de dollars.
Bien sûr, ce qui arrive, c’est qu’il s’agit d’une équipe de petit marché. Le propriétaire se retire, l’apporte à Vegas et fait fortune. Ce n’est pas bien. Ce n’est pas juste. Dans le baseball, le moment est venu d’exercer un peu plus de contrôle sur les finances et d’avoir un peu plus d’équité entre les équipes. S’il faut retenir quelque chose de la situation avec Ohtani, c’est bien ça.
L’autre chose, c’est que la façon dont ils ont truqué son salaire justifie l’impôt sur le luxe ou tout type de plafond. Il prend deux millions de dollars par année jusqu’à la fin de son contrat, après quoi ils lui verseront les 700 millions sous une forme ou une autre, ce qui signifie qu’ils peuvent non seulement avoir Ohtani, mais aussi embarquer d’autres talents et ouvrir les portes du coffre pour s’offrir une équipe de championnat. Quoi qu’il en soit, Peter, je ne suis qu’un petit gars du pays, mais ne croyez pas que c’est correct.
PETER HAYNES : Je suis très heureux que vous ayez soulevé ce problème, car j’ai écouté hier une entrevue avec l’agent de Shohei, Nez Balelo. Ils lui ont posé de manière directe une question sur les impôts. C’est la seule question à laquelle il n’a pas répondu. Mais il a dit qu’ils avaient parlé avec tout le monde avant de conclure l’accord. Je pense que s’il y a bien quelqu’un avec qui ils n’ont pas discuté, c’est les autorités fiscales de la Californie.
Pouvez-vous m’expliquer comment il peut travailler dans cet État pendant dix ans et ne rien gagner, mais que lorsqu’il prendra sa retraite au Japon, il recevra tout l’argent gagné au cours des dix années où il a travaillé en Californie et dans tous les autres États américains où on est supposés payer ses impôts? Comment ça ne peut-il pas être un problème d’évasion fiscale pour l’État de la Californie?
FRANK MCKENNA : Peter, nous avons eu quelques personnes dont vous connaissez les noms qui ont quitté Toronto et sont partis en Alberta pendant un an ou deux, simplement pour encaisser la totalité de leurs capitaux. Et une fois que tout a été encaissé, ils sont revenus à Toronto. Il y a donc arbitrage interprovincial et arbitrage international. Je ne sais pas si les autorités fiscales pourraient y mettre fin. Elles devraient. Mais si ce n’est pas le cas, les autorités du baseball devraient y mettre fin, car ça tourne vraiment les règles en dérision.
PETER HAYNES : Eh oui. Frank, je prédis que lors de la prochaine convention collective dans trois ans, il y aura une grève. Cette grève portera sur un plafond ferme. Les équipes du petit marché en ont assez. C’est ridicule. Il y a eu sept équipes sur Yamamoto. Ce sont les mêmes sept équipes qui étaient sur Bellinger, les mêmes sur Shohei. Personne d’autre ne peut se le permettre.
C’est un marché de nantis et de démunis. Ce n’est pas bon pour le sport. Je prédis donc qu’il y aura une grève brutale, et elle sera longue parce qu’ils attendront le plafond. C’est ce que je prédis. J’espère que je me trompe. Mais j’espère que ça apportera un peu de longévité ou de soutien pour le sport à long terme. Ça n’a aucun sens que le baseball soit, je cite : « différent » et qu’ils n’aient pas de plafond fixe ou de plafond salarial alors que tous les autres sports en ont.
Ce n’est pas différent. C’est mal. Quoi qu’il en soit, j’adore le sport. J’ai hâte, je suis certain que le mois prochain, on comptera le nombre de jours avant le début de l’entraînement du printemps. Frank, je vous souhaite, à vous et à votre famille, beaucoup de bonheur à Ottawa pendant le temps des fêtes. Soyez prudent, on reparle avec vous en janvier.
FRANK MCKENNA : Merci, Peter.
[MUSIQUE]
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.