Répercussions des élections américaines sur le commerce au Canada

oct. 17, 2024 - 6 minutes 30 secondes
Deux mâts. Un des mâts porte le drapeau des États-Unis et l’autre, celui du Canada.

Aperçu :

  • La politique commerciale internationale de l’administration actuelle serait probablement maintenue en cas de victoire de Mme Harris.
  • Si M. Trump l’emporte, le Canada pourrait être assujetti à des droits de douane de 10 % sur toutes les importations internationales et pourrait mettre en place des mesures réciproques sur les importations américaines.
  • La participation du Canada à l’ACEUM pourrait exonérer le pays des droits de douane, avec quelques concessions mineures.
  • La Banque du Canada pourrait réagir à une guerre commerciale en prolongeant le cycle d’assouplissement actuel.

À l’approche des élections présidentielles américaines du 5 novembre 2024, un regain d’attention est porté à la politique commerciale internationale. Même si la course est encore trop serrée pour que l’on puisse entrevoir qui remportera la victoire, selon notre hypothèse de départ, une administration dirigée par Mme Harris maintiendrait le statu quo en matière de politique commerciale internationale, alors qu’un retour à une administration dirigée par M. Trump représenterait une menace de protectionnisme accru et augmenterait l’incertitude pour les États-Unis et ses partenaires commerciaux.

L’incertitude commerciale au Canada a augmenté lors du premier mandat du président Trump, car les efforts de renégociation visant à remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ont été éclipsés par les menaces d’invoquer l’article 2205 et de retirer complètement les États-Unis de l’ALENA. Le Canada a également été soumis à des droits de douane sur l’acier (25 %) et l’aluminium (10 %) pendant près de 12 mois avant de négocier une exemption en mai 2019. Les droits de douane sur les produits canadiens liés à l’énergie solaire sont toutefois restés en vigueur à compter de février 2018, et ce, jusqu’à ce qu’ils soient jugés comme une violation de l’ACEUM à l’issue d’un processus de règlement de différends en février 2022. La menace de tarifs douaniers est beaucoup plus importante pour 2025, car l’ancien président Trump propose un droit de douane de 10 % sur toutes les importations américaines provenant de pays autres que la Chine, alors que la Chine serait assujettie à un droit de douane de 60 % sur toutes ses exportations à destination des États-Unis.

Incertitude concernant la politique économique canadienne pendant les cycles électoraux aux États-Unis

Est-ce une menace réelle?

Nous sommes d’avis que les droits de douane proposés par le président Trump devraient être pris au sérieux, même si la participation du Canada à l’ACEUM offre la possibilité d’exclure les droits de douane généraux. Les conseils de règlement des différends de l’ACEUM se sont déjà prononcés contre les États-Unis en ce qui concerne les droits de douane sur les panneaux solaires, et les accords parallèles à l’ACEUM contribueraient également à obtenir une exemption de 60 jours à l'égard des droits de douane imposés. Ces facteurs pourraient aider à contester les nouveaux droits de douane imposés par les États-Unis, mais le délai de résolution des différends signifie que les mesures américaines (et les mesures de représailles) pourraient rester en place pendant longtemps si les pourparlers initiaux visant à obtenir l’exclusion n’aboutissaient pas. Il convient de mentionner que l’administration Trump a été l’architecte de l’ACEUM, mais cela ne garantit pas une relation sans difficulté à l’avenir.

Scénario de base : Le Canada et le Mexique sont exemptés de tous les nouveaux droits de douane

En cas de réélection, la promesse de l’ancien président Trump d’imposer de nouveaux droits de douane au cours des 100 premiers jours de son mandat laisse peu de temps pour négocier un accord. Toutefois, dans notre scénario de base, le Canada bénéficierait d’une exemption temporaire qui lui permettrait de gagner du temps et d’engager des pourparlers commerciaux plus pointus en s’appuyant sur le cas de l’acier et de l’aluminium de 2018. Les médias canadiens ont fait état de discussions préliminaires visant à éviter les droits de douane américains sous une autre administration de M. Trump, discussions qui revêtiraient beaucoup plus d’importance durant la période de transition, en cas de victoire de M. Trump.

Dans ce scénario, nous nous attendons à ce que le Canada réussisse à obtenir une exemption permanente des droits de douane sur les importations américaines, moyennant quelques concessions mineures. Il pourrait s’agir d’une surveillance accrue, d’examens périodiques des flux commerciaux entre le Canada et les États-Unis ou de nouvelles exigences antidumping pour le Canada, avec la menace implicite d’un rétablissement des droits de douane en cas d’augmentation des exportations canadiennes vers les États-Unis. Le coût des concessions serait faible, même si nous pouvions tout de même subir un léger choc lié aux modalités d’échange, si une guerre commerciale plus large entraînait une baisse de la demande mondiale et des prix des produits de base.

Autre scénario : Le Canada est assujetti à des droits de douane de 10 % et met en place des contre-mesures

Rien ne garantit que le rôle du Canada dans l’ACEUM sera suffisant pour obtenir une exemption des nouveaux droits de douane américains. Si le Canada ne reçoit pas d’exemption permanente des nouveaux droits de douane, nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral prenne des mesures de représailles à l’égard des importations américaines, bien que l’ampleur des importations canadiennes en provenance des États-Unis représente un défi majeur.

Dans ce scénario, les droits de douane américains toucheraient 419 milliards de dollars américains d’exportations canadiennes (ou 300 milliards de dollars américains si les produits énergétiques sont exclus), tandis que les contre-mesures canadiennes devraient cibler la quasi-totalité des exportations américaines à destination du Canada (soit 485 milliards de dollars canadiens en 2023). Étant donné que les importations de marchandises représentent une part beaucoup plus importante du PIB nominal au Canada qu’aux États-Unis, les droits de douane sur les importations auraient beaucoup plus d’effet de ce côté-ci de la frontière, et la nécessité de rester pragmatique pourrait atténuer tous risques de représailles.

Évaluation des répercussions économiques

Selon notre scénario de base, les conditions qui permettraient au Canada d’obtenir une exemption des nouveaux droits de douane en cas de nouvelle administration de M. Trump nuiraient tout de même aux perspectives de croissance intérieure, étant donné qu’une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux, hors ACEUM, aurait un effet négatif sur la demande mondiale. Dans ce scénario, de nouveaux droits de douane seraient appliqués à 2 200 milliards de dollars américains d’importations américaines (8 % du PIB nominal), ce qui dépasse l’ampleur de la guerre commerciale de 2018-2019 entre les États-Unis et la Chine, pendant laquelle les importations ciblées ne représentaient que 0,4 % du PIB des États-Unis. Toutefois, le conflit de 2018-2019 a tout de même eu un impact important sur les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine. Les pertes que les nouveaux droits de douane infligeraient à la croissance canadienne seraient proportionnelles aux répercussions de ces derniers sur l’économie mondiale.

Si le Canada n’est pas exempté des nouveaux droits de douane américains, les répercussions sur le marché intérieur seront beaucoup plus importantes. Dans ce scénario, les exportations canadiennes seraient freinées par la réduction du pouvoir d’achat des importateurs américains et par le choc encore plus rude porté à la demande mondiale par les nouveaux droits de douane. Des mesures de représailles introduiraient un risque de hausse des prix à la consommation plus important en 2025 et par la suite. Les recettes douanières pourraient aider à amortir le choc pour les consommateurs canadiens si elles sont utilisées pour réduire l’impôt sur le revenu des particuliers ou pour des transferts directs aux ménages, bien qu’il faudrait les équilibrer avec des mesures de soutien au secteur industriel. Ce scénario créerait également plus d’incertitude quant à la longévité de l’ACEUM et aux perspectives de renouvellement de l’accord pour une autre période de 16 ans en 2026. Toutefois, il pourrait tout de même y avoir quelques frictions durant le processus de renouvellement sous une administration de Mme Harris, étant donné que la vice-présidente faisait partie des dix sénateurs qui ont voté contre la ratification de l’ACEUM en janvier 2020.

Les réponses de premier ordre soutiennent l’assouplissement, mais les répercussions de second ordre sont nébuleuses

Les répercussions sur les conditions financières du Canada dépendront largement de l’ampleur des perturbations commerciales et de la réaction du gouvernement canadien. Selon notre instinct, la réaction initiale de la Banque du Canada (BdC) en cas d’escalade de la guerre commerciale sera d’accélérer ou de prolonger le cycle d’assouplissement actuel. Les guerres commerciales entraînent de la stagflation. En théorie cependant, les répercussions tarifaires ne sont plus prises en compte dans le calcul de l’inflation après 12 mois, tandis que la baisse de la demande globale peut durer plus longtemps.

L’incidence de droits de douane de représailles sur la politique budgétaire au Canada est un facteur qui vient compliquer les choses. Dans un contexte où une politique commerciale hostile des États-Unis menacerait de causer des dommages économiques importants, il est tout à fait plausible que les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada réagiraient en adoptant une politique budgétaire expansionniste, au risque de surcompenser. Cela pourrait atténuer l’envie initiale de la BdC d’adopter une politique monétaire plus expansionniste ainsi qu’entraîner une inflation et des taux d’intérêt nominaux persistants. Tout cela signifie que le profil de risque à long terme du segment à court terme de la courbe n’est pas aussi marqué à la baisse qu’on pourrait le croire à première vue.

Plus loin sur la courbe, les déficits élevés et persistants aux États-Unis devraient accentuer les primes à l’échéance aux États-Unis, ce qui soutiendra les titres à revenu fixe canadiens. Selon nous, la politique monétaire demeure le principal facteur déterminant la forme de la courbe au Canada, mais l’accroissement des primes à l’échéance à l’échelle mondiale aura également une influence. De plus, si le gouvernement s’engage dans une autre politique budgétaire expansionniste, cela exercerait des pressions sur le segment à long terme de la courbe, étant donné que la BdC ne serait probablement pas en mesure d’absorber l’offre supplémentaire au moyen d’un assouplissement quantitatif. En conséquence, un scénario de guerre commerciale devrait, selon nous, entraîner une accentuation de la courbe des taux au Canada.

Les clients abonnés peuvent lire le rapport en entier intitulé A Worthwhile Canadian Initiative: Local Implications of the US Election sur le TD One Portal

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Robert Both

Vice-président et stratège, Macroéconomie, Valeurs Mobilières TD

Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, Valeurs Mobilières TD

Robert Both


Vice-président et stratège, Macroéconomie, Valeurs Mobilières TD

Robert fournit des recherches et des analyses sur l’économie et les marchés financiers au Canada à un large éventail de clients commerciaux et institutionnels. Il est entré au service de Valeurs Mobilières TD en 2015.

Andrew Kelvin

Chef, Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux, Valeurs Mobilières TD

Andrew Kelvin


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Andrew est chef de la Stratégie canadienne et mondiale liée aux taux. Dans le cadre de ses fonctions, il contribue aux commentaires et aux conseils économiques du groupe sur les marchés des titres de créance du gouvernement et des taux des pays du G10. Avant de se joindre à Valeurs Mobilières TD en 2011, il a travaillé quatre ans à la Banque du Canada, au sein des services des marchés internationaux et financiers. Avec l’équipe Stratégie du bureau de crédit, Andrew et son équipe ont été classés au premier rang du classement sur la qualité des services des titres à revenu fixe au Canada en 2021 par la Coalition Greenwich.