Animateur : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Invitée : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
L’épisode 56 est une discussion géopolitique mettant l’accent principalement sur le Canada. Frank parle de la décision du Nouveau Parti démocratique (NPD) de mettre fin à son entente de soutien et de confiance avec le premier ministre Trudeau et son Parti libéral, ce qui donne lieu à des rumeurs d’élections surprises au Canada. Frank donne sa perspective sur ce qui va se passer lors des trois élections provinciales en octobre, soit en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et dans sa province d’origine, le Nouveau-Brunswick, où la course est serrée en raison des différences régionales dans les préférences des électeurs. Comme deux mois se sont écoulés sans que le premier ministre Trudeau ait pris la décision de démissionner, Frank a l’impression qu’il restera à la tête des libéraux aux prochaines élections. Frank considère que les préoccupations à l’égard de la sécurité à la frontière du Québec sont mineures par rapport à la frontière sud des États-Unis, puis conclut la conversation avec ses prévisions électorales américaines et une discussion sur l’escalade inquiétante des tensions entre Israël et le Hezbollah.
Chapters: | |
---|---|
00:46 | Le NPD met fin à l’entente de soutien et de confiance – Quel est son calcul? |
03:35 | Tic-tac – Le temps passe et Justin Trudeau est toujours leader |
07:52 | Prévision des trois élections provinciales en octobre |
13:27 | Frank rencontre le Cabinet libéral sur les relations entre le Canada et les États-Unis – Points à retenir |
18:30 | Sécurité aux frontières – Québec et l’État de New York |
24:22 | Obsession du Canada avec la politique américaine – Est-ce sain? |
26:38 | 40 jours avant l’élection aux États-Unis |
31:49 | Attaque préemptive d’Israël contre le Hezbollah |
Ce balado a été enregistré le 24 septembre 2024.
FRANK MCKENNA : Cette motion de défiance n’est que de la poudre aux yeux. Ça ne va pas faire tomber le gouvernement parce que le NPD et le Bloc n’y voient aucun avantage.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode de septembre de Géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs mobilières TD, et j’anime cette série de balados chaque mois. Mon invité, l’honorable Frank McKenna, est vraiment génial.
Je rédige littéralement des questions la veille de l’enregistrement, et Frank répond à chacune d’entre elles, jusqu’à la dernière. J’essaie toujours de trouver un sujet sur lequel il n’osera pas se prononcer, mais jusqu’à maintenant, je n’ai pas réussi. Si, comme moi, vous vous intéressez à la géopolitique à saveur canadienne, vous êtes au bon endroit.
Frank, on va commencer tout de suite, car on a beaucoup de pain sur la planche ce mois-ci. On va y aller avec le Canada d’abord. Il y a quelques événements intéressants à souligner. Et je ne parle pas de l’apparition de Justin Trudeau sur le plateau de Stephen Colbert.
Plus précisément, il y a quelques semaines, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a annulé le partenariat de son parti avec le gouvernement libéral, connu sous le nom « d’entente de soutien et de confiance », qui, depuis deux ans et demi, a permis aux libéraux minoritaires de Justin Trudeau de survivre aux votes de confiance au Parlement. Jagmeet Singh a expliqué sa décision en disant que Justin Trudeau est redevable à, et je cite, « la cupidité des entreprises » et qu’il a, à plusieurs reprises, je cite, « laissé tomber les Canadiens ».
Il a également déclaré que le NPD voterait désormais au cas par cas sur les motions de défiance. L’un de ces cas se produit cette semaine, puisque les conservateurs déposent un vote de défiance. Mais Jagmeet Singh a déjà dit qu’il ne voterait pas pour faire tomber les libéraux, ce que le chef conservateur, Pierre Poilievre, a vertement critiqué, estimant qu’il s’agissait d’une façon de joindre l’acte à la parole. Que pensez-vous de cette approche du NPD?
FRANK MCKENNA : Tout d’abord, ce n’est pas ce que Jagmeet Singh prétend. Il ne s’agit pas de la cupidité des entreprises. La seule ligne d’attaque à cet égard est la décision du gouvernement d’imposer l’arbitrage aux cheminots lorsque les syndicats du CN et du CP ont fait la grève.
Et franchement, je pense que c’est l’une des choses les plus populaires que le gouvernement ait faites. Je ne pense pas qu’un Canadien raisonnable, y compris beaucoup de gens qui appuient le NPD, soit en faveur de laisser perdurer une grève pendant des semaines, ce qui détruirait des milliards de dollars de valeur pour l’économie canadienne et pourrait causer probablement la faillite des agriculteurs canadiens et des autres personnes qui dépendent des chemins de fer pour leurs expéditions.
C’est le seul argument qu’il pouvait avancer. Mais franchement, je ne le crois pas lorsqu’il dit ça. Je pense que la vraie raison pour laquelle il a abandonné l’entente était purement politique. Je peux vous dire, après avoir parlé à des membres du gouvernement, à des ministres, au cabinet du premier ministre, etc., que c’est arrivé sans aucun préavis. Ils ont été complètement surpris.
Mais je pense que c’était un choix politique, et je ne le blâme pas d’avoir agi de la sorte. Je crois qu’il a utilisé ça à son avantage lors des deux élections partielles, l’une à Winnipeg et l’autre, à Montréal, deux élections pour lesquelles le NPD avait un grand intérêt stratégique. Il voulait séparer le NPD du premier ministre pour ces élections partielles.
Et, en général, je pense qu’il voulait se détacher de l’étoile de Justin Trudeau. La popularité de Justin Trudeau a chuté, et le NPD l’a maintenu, je suppose, grâce à l’entente de soutien et de confiance. Je pense qu’il voulait s’éloigner de cette entente et voir s’il ne pouvait pas renverser le sort de son parti, qui est en chute libre avec les libéraux.
PETER HAYNES : Entre-temps, les questions se multiplient sur l’avenir du leadership de Justin Trudeau. Hier soir, alors qu’il était à l’émission de Colbert, il a dit qu’il était prêt pour le long terme. Mais ces questions sur son leadership continuent de circuler. L’un des candidats à la course à la direction du Parti libéral, Mark Carney, a officiellement accepté un rôle officiel de conseiller en matière d’économie auprès du gouvernement libéral, ce qui a alimenté les rumeurs selon lesquelles les liens de Mark Carney avec les libéraux sont en train de se solidifier.
Dans nos deux derniers épisodes, qui ont tous deux suivi la décision de Joe Biden de se retirer au profit de Kamala Harris, vous avez indiqué que vous vous attendiez à ce que Justin Trudeau fasse de même, mais que ça devait se produire bientôt pour donner le temps au prochain chef de prendre ses distances par rapport à l’ancien chef du parti. Ça ne s’est pas encore produit. Avez-vous changé d’avis sur le départ possible de Justin Trudeau?
FRANK MCKENNA : En effet. J’ai changé d’avis à ce sujet. Je crois que c’était la chose logique à faire. Joe Biden l’a fait et a reçu beaucoup d’éloges pour sa décision. C’était considéré comme une décision altruiste, et il a reçu de très bonnes critiques pour les quatre années qu’il a passées à la présidence des États-Unis.
Je pense que Justin Trudeau a un ensemble de travaux qu’il pourrait défendre s’il partait, mais il a choisi de rester. Et maintenant, ce n’est plus entre ses mains parce qu’on est en situation de gouvernement minoritaire et qu’on n’a pas d’entente de soutien et de confiance. Alors, même si Justin Trudeau voulait partir maintenant, il ne le pourrait pas. Franchement, on pourrait avoir des élections d’ici quelques semaines.
Beaucoup de gens au sein du gouvernement pensent que ce gouvernement ne survivra pas jusqu’à Noël. Je pense que ça change la donne. En fait, j’en ai discuté avec Mark Carney la semaine dernière. Il a fait ce qu’il voulait, c’est-à-dire démontrer qu’il était un membre du groupe afin qu’après les élections, il puisse se présenter aux élections et être accepté comme membre de l’équipe.
C’est ce qu’il voulait faire, et je pense qu’il y est parvenu avec la nomination qu’il a faite. Mais il sait aussi qu’il n’y aura peut-être plus grand-chose à défendre si le gouvernement continue sur la même voie. En ce moment, il semble qu’il puisse se retrouver au troisième ou au quatrième rang si les sondages sont exacts.
PETER HAYNES : Existe-t-il un scénario dans lequel le Parti libéral au niveau fédéral serait réduit à l’état de vestiges à la fin des prochaines élections, de sorte qu’il pourrait perdre son statut de parti ou qu’il y aurait des problèmes de financement? Quel est le pire scénario pour le Parti libéral, si le premier ministre Justin Trudeau va jusqu’au bout et qu’il n’obtient pas de bons résultats aux élections?
FRANK MCKENNA : Oui, le parti pourrait perdre son statut. Il serait très difficile pour les gens qui ont été fiers de faire partie d’un parti libéral au fil des ans et de faire partie d’un gouvernement libéral de se classer au quatrième rang. Et franchement, ça rendrait le retour plus difficile. Ça pourrait possiblement être le cas. Et il pourrait y avoir des conséquences financières.
Je me souviens que lorsque j’ai été élu en 1987, le parti de l’opposition, bien sûr, a été complètement défait et n’a remporté aucun siège. On avait alors tous les sièges. Ils n’avaient aucun siège. Et tout leur financement s’est envolé. J’ai estimé, par honneur ou par responsabilité, que ce n’était pas correct et qu’on devait rétablir leur financement.
C’était dans les premiers mois de mon gouvernement. Et ça s’est avéré être l’une des choses les plus impopulaires que j’ai faites. Je pensais que ce serait considéré comme un geste noble et très bien accueilli, mais la population du Nouveau-Brunswick m’a dit : « Écoutez, on a pris la décision de voter pour que ces gens-là soient démis de leurs fonctions. De quel droit pouvez-vous changer notre décision en les finançant comme s’ils avaient été élus? »
C’est la dernière chose à laquelle je m’attendais. Parfois, on se laisse surprendre par ce genre de choses, mais c’est une autre histoire. Tout ça pour dire que ce ne serait pas une bonne chose si le Parti libéral tombait à ce niveau. Ça signifierait probablement que le retour prendrait plus de temps, et qu’il y aurait moins de personnes intéressées par la direction du parti.
PETER HAYNES : Parlant de votre ancienne province, celle que vous avez dirigée dans les années 1980 et 1990, le Nouveau-Brunswick est parmi les trois provinces canadiennes de ce beau pays qui tiendra des élections en octobre. Je parle du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. J’aimerais savoir si vous observez des tendances dans ces trois élections provinciales qui pourraient se répercuter au niveau fédéral. Ou est-ce qu’il y a des détails sur chacune de ces élections que vous voudriez souligner?
FRANK MCKENNA : Je pense que la Colombie-Britannique aurait probablement le plus à offrir en ce qui concerne la situation fédérale. Ce qui s’est passé là-bas, c’est que l’image des libéraux s’est complètement effondrée, et le Parti libéral s’est vraiment rangé derrière le Parti conservateur. Le Parti conservateur et le NPD sont au coude à coude.
Aussi bien faire une prédiction. Je ne suis pas vraiment proche de ça, mais je pensais que le chef des conservateurs a commis une grave erreur au cours des derniers jours lorsqu’il s’est montré plutôt antivaccin. Je ne pense pas que ce soit une position responsable à adopter. Ça le met sur la défensive alors qu’il essaie de mettre le NPD sur la défensive.
Les sondages montrent que c’est à 50/50. Je pense que le NPD aurait beaucoup de difficultés, mais je pense que le Parti conservateur est maintenant sur la défensive. Si je devais trancher, je dirais que c’est le NPD. En Saskatchewan, le gouvernement en place sera réélu haut la main. Au Nouveau-Brunswick, c’est une situation très intéressante. Le premier ministre actuel est le plus impopulaire au Canada, et tous les sondages montrent que les libéraux ont une longueur d’avance.
Mais il y a deux facteurs qui rendent cette course plus serrée qu’elle ne le semble. Le premier est l’inefficacité du vote. Les votes en faveur des libéraux sont fortement concentrés dans le nord du Nouveau-Brunswick et dans les communautés acadiennes, tandis que les votes en faveur des conservateurs sont plus concentrés dans le sud du Nouveau-Brunswick. Le deuxième facteur est l’antipathie envers la marque libérale dès le début. Et c’est là que Justin Trudeau a vraiment un impact négatif.
La première réaction aux portes, me disent les candidats, c’est : « Écoutez, je ne peux tout simplement pas appuyer Justin Trudeau. » Il suffit d’une conversation de deux minutes pour leur expliquer que cette élection n’a rien à voir avec Justine Trudeau. Cette élection oppose le Parti libéral du Nouveau-Brunswick au Parti conservateur. Heureusement, la réputation du Parti conservateur et celle du premier ministre du Nouveau-Brunswick sont aussi impopulaires que celle de Justin Trudeau. Alors, si je devais me prononcer, je dirais que ce sera une victoire libérale, mais que ce sera de justesse en raison des facteurs que j’ai mentionnés.
PETER HAYNES : Avant de passer à autre chose, ce qui me frustre le plus quand je vérifie les faits, c’est que Pierre Poilievre a demandé son vote de défiance, qui a lieu cette semaine au Parlement, et l’a justifié en disant, et je cite : « C’est la pire économie depuis la Grande Dépression. »
Frank, je ne comprends pas son commentaire. Le taux de chômage actuellement est d’environ 6,5 % au Canada. Et oui, il a augmenté de 1 % au cours de la dernière année. Mais au début des années 1980, le taux de chômage était de 13 %. Comment le premier ministre potentiel de notre pays peut-il faire un commentaire aussi inexact et ne pas être puni d’une façon ou d’une autre?
FRANK MCKENNA : Les politiciens s’en tirent avec beaucoup de déclarations extrêmes. Regardez Donald Trump. Les vérificateurs de faits n’arrivent pas à le suivre. Je vais dire ça parce que vous avez introduit la question. Selon toute probabilité, Pierre Poilievre sera le premier ministre du Canada. Cette motion de défiance n’est que de la poudre aux yeux.
Ça ne va pas faire tomber le gouvernement parce que le NPD et le Bloc n’y voient aucun avantage. Dans le cas du Bloc québécois, ils cherchent des problèmes propres au Québec, et dans le cas du NPD, qui sont propres à leur circonscription pour faire tomber le gouvernement. Ça ne va pas faire tomber le gouvernement.
Ce que j’aimerais voir, c’est Pierre Poilievre faire la transition entre le rôle de chien d’attaque dans l’opposition, où il a été très efficace, et celui de premier ministre. Et ça veut dire qu’il faut faire attention à ce genre de langage, vous avez tout à fait raison. L’économie canadienne est probablement la meilleure des pays du G7. L’inflation tend à diminuer très rapidement, comme en témoignent les décisions de la Banque du Canada.
Et selon plusieurs mesures, l’économie ne se porte pas trop mal. Pierre Poilievre est sur la bonne voie, sur une bonne pente, pour remporter facilement les élections, mais il devrait commencer à faire la transition vers le poste de premier ministre. Il faut qu’il arrête l’approche rottweiler, qu’il cesse d’être un chien d’attaque,
d’être au-dessus de la mêlée. Je pense que ça lui conviendrait mieux si et quand il deviendra premier ministre. Il pourra alors vraiment dire qu’il est le premier ministre pour tous les Canadiens. Et il y a de meilleures chances qu’on puisse en profiter pendant plus longtemps.
PETER HAYNES : Ça me rappelle le commentaire que vous aviez l’habitude de faire, et je pense que c’est Bill Clinton qui vous l’a dit : « Quand vous êtes candidat à la direction de votre parti, vous devez pencher d’un côté ou de l’autre. Mais lorsque vous vous présentez à la direction du pays, dans le cas des États-Unis, vous devez gouverner vers le milieu. » Et il semble que c’est là qu’on a besoin que notre prochain premier ministre s’oriente.
FRANK MCKENNA : Absolument. Et je pense que Pierre Poilievre et son parti se sont rapprochés du centre sur beaucoup de questions sociales. On ne va pas revenir sur beaucoup de problèmes qui dominent les élections aux États-Unis. Ce sont des droits établis, notamment les droits de reproduction, les questions des personnes LGBTQ, le cannabis, l’aide médicale à mourir, etc. Alors, je pense que ces questions ne sont plus à l’ordre du jour et que l’économie sera le sujet principal lors des prochaines élections fédérales.
PETER HAYNES : D’accord. Alors que l’été tirait à sa fin, les libéraux ont tenu une retraite du Cabinet. Les libéraux fédéraux, devrais-je dire, ont tenu la retraite du Cabinet à Halifax. Et vous et votre ancien ambassadeur canadien aux États-Unis, David McNaughton, avez été invités à discuter des relations entre le Canada et les États-Unis avec le Cabinet. Quel message avez-vous transmis à notre gouvernement? Et quels sont les points à retenir de cette rencontre que vous pouvez dire à nos auditeurs?
FRANK MCKENNA : Pour commencer, je dirais que le Cabinet a vraiment été absorbé par le dossier américano-canadien et qu’il a écouté très attentivement. J’aurais alors parlé du fait que deux menaces nous guettent au cours des prochaines années. L’une d’elles est la réouverture de l’ACEUM, qui va avoir lieu en 2026. On doit être prêts, car les États-Unis tenteront presque certainement d’obtenir des concessions.
On doit également se séparer du Mexique, car le Mexique, à bien des égards, est la raison pour laquelle les États-Unis ne sont pas très satisfaits de l’accord ACEUM. Les États-Unis savent que le Mexique est en quelque sorte une maison de transition pour les produits manufacturés chinois bon marché qui entrent au Mexique et sont ensuite déversés aux États-Unis. Il faut trouver des façons de se séparer du Mexique ou du moins essayer d’amener le Mexique à devenir un meilleur acteur.
On a besoin d’une campagne plus large autour des cœurs et des esprits, pour mieux connaître les gouverneurs et les sénateurs et les dirigeants du congrès. On doit adopter une approche à l’échelle du Canada, c’est-à-dire non partisane, avec les premiers ministres provinciaux de tous les côtés, les chefs de parti de tous les partis politiques, les dirigeants d’entreprise et les dirigeants syndicaux. Tout le Canada doit être impliqué, comme il l’a été lors de la dernière négociation de l’ALÉNA.
Tout ça doit être aligné, parce qu’on a une menace symétrique de l’ACEUM qui s’en vient, mais aussi des menaces asymétriques. Lorsque Donald Trump était au pouvoir, il a utilisé plusieurs pouvoirs dont le président jouit pour lancer des mesures commerciales contre nous en ce qui concerne l’acier, l’aluminium, etc., ce qui est sorti de nulle part. On doit avoir des amis. On doit se faire des amis aux États-Unis pour toutes ces questions, des gens à qui on peut s’adresser. Il faudra faire tout ça.
J’ai parlé de deux ou trois autres choses, qui sont beaucoup plus ciblées. L’une d’entre elles concernait le bois d’œuvre. Je pense que les conditions sont propices à un règlement pendant la période interrégime. Je pense qu’on doit être plus motivés. Au Canada, on vient de perdre un millier d’emplois dans nos usines. Les tâches vont doubler au cours de la prochaine année.
Il y a 10 milliards de dollars dans le compte séquestre. Toutes les conditions sont réunies pour tenter d’en arriver à un règlement avec les États-Unis au cours des deux derniers mois du mandat de Joe Biden avec Justin Trudeau. J’ai alors suggéré que des ambassadeurs soient nommés par les deux côtés pour essayer de régler ce problème. J’ai également suggéré qu’on trouve un moyen de collaborer avec le Mexique sur une autre question importante, soit les armes à feu américaines, qui est un problème au Canada et au Mexique.
Au Canada, probablement 70 % de la violence armée provient d’armes à feu importées des États-Unis. Au Mexique, le pourcentage est encore plus élevé. Les lois mexicaines sur les armes à feu ne sont pas du tout souples. Toutes les armes à feu qui entrent au Mexique, et il y en a beaucoup, proviennent des États-Unis.
Par conséquent, les autorités mexicaines ont intenté un recours collectif contre des fabricants d’armes américains, je crois, réclamant des dommages d’environ 10 milliards de dollars. Cette demande est déjà passée par la Cour d’appel. Elles sont sur la voie du contentieux. Je suggère à notre gouvernement de se joindre à elles et de faire tout en son pouvoir pour empêcher les fabricants d’armes à feu américains de présenter des armes dans les foires commerciales, les marchés clandestins, etc., qui pourraient être achetées et passées en contrebande à la frontière.
Ce sont là quelques-unes des idées qui ont été évoquées lors de la rencontre, mais il a surtout été question du commerce et de la façon dont on peut protéger les intérêts commerciaux du Canada. Il ne faut pas oublier que 40 % de notre PIB traverse la frontière. Ça veut dire qu’on doit surveiller de près tout ce qui se passe au sud de la frontière.
PETER HAYNES : Avez-vous l’impression, lorsque vous vous adressez à ce groupe, compte tenu de tout ce dont on vient de parler au cours des dernières minutes, que vous parliez à un groupe qui n’aura pas le pouvoir de changer les choses dans les jours, les semaines, les mois ou au moins l’année qui suivra le changement de gouvernement? Ne croyez-vous pas que votre message pourrait se perdre puisqu’il y aura un nouveau gouvernement en place qui aura ses propres points de vue? Avez-vous l’impression que le nouveau gouvernement va accorder le même niveau d’attention à ces questions?
FRANK MCKENNA : On sait tous qu’il y aura probablement des élections, et que s’il y a des élections, il y aura probablement un changement. Mais les gens à qui je parle abordent leur travail de façon très responsable. Hier, je me suis entretenu avec Chrystia Freeland sur la question du bois d’œuvre. Elle m’a appelé parce qu’elle voulait vraiment poursuivre le projet dont je viens de parler.
J’ai parlé aux ministres de l’initiative relative aux armes à feu. Ils agissent tous désormais comme s’ils avaient le poste et qu’ils allaient le faire. Je ne perçois pas de recul ni de manque d’enthousiasme.
PETER HAYNES : Oh, c’est bon à savoir. Vous avez parlé du Mexique. J’aimerais maintenant parler des États-Unis. Mais avant d’en arriver là, il est clair que la sécurité à la frontière et l’immigration illégale sont des sujets prioritaires, évidemment, et que ça a des répercussions sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Dans cette optique, la CBC a rapporté cette semaine que le nombre d’immigrants illégaux qui traversent la frontière entre le Québec et le nord de l’État de New York a considérablement augmenté au cours de l’été 2024.
Entre juin et août, le nombre de personnes qui traversaient illégalement la frontière dans cette région a quadruplé en un an. Il semble que ces passages illégaux soient dirigés par des organisations de traite des êtres humains qui promettent aux immigrants d’entrer aux États-Unis. Avec la rhétorique sur les passages illégaux à la frontière sud, ce n’est qu’une question de temps avant que ça fasse les manchettes aux États-Unis, surtout si la frontière sud devient impénétrable et que cette frontière nord devient le seul accès illégal aux États-Unis.
On a discuté de ce sujet il y a quelques mois, lorsque l’attention s’est portée sur le passage du chemin Roxham, qui était une échappatoire pour les demandeurs d’asile et qui est maintenant fermé. Selon vous, que doivent faire les autorités pour ralentir cette récente hausse de passages illégaux à la frontière québécoise vers les États-Unis?
FRANK MCKENNA : Oui. Il s’agit d’une discussion très importante, mais il faut aussi la mettre en contexte. Cette année, il y a eu environ 19 500 passages à la frontière entre le Canada et les États-Unis. Et c’est en hausse. C’est presque le double de ce qui a été enregistré l’an dernier. Et c’est environ quatre ou cinq fois plus que l’année d’avant.
Alors, il y a certainement une tendance à la hausse des rencontres à la frontière. En revanche, les États-Unis accueillent en moyenne 2 millions de personnes par année à la frontière mexicaine et américaine. En décembre l’an dernier, il y a eu 250 000 passages en un mois. Maintenant, la tendance est à la baisse. En juillet, il n’y a eu que 56 000 passages. Les plus récentes initiatives de Joe Biden sont vraiment prometteuses.
Mais pour mettre les choses en contexte, on parle de plusieurs millions de passages par année aux États-Unis et de moins de 20 000 au Canada. C’est un point très important à souligner. Est-ce que ça attire l’attention? Oui. Dans une entrevue accordée à Fox News, Donald Trump a parlé de la frontière avec le Canada et certains discours qu’il a prononcés au New Hampshire ont soulevé la question de la frontière avec le Canada. Et on en parle un peu plus qu’on le voudrait.
L’autre chose qu’il est important de savoir, c’est la nature de la situation. Tout d’abord, les passages sont limités géographiquement. Sur les 19 500 passages qu’on a eus, 15 600 ont eu lieu à la frontière du Québec, ce qui signifie qu’il devrait être plus facile d’appliquer la loi, et on devrait la faire respecter. Mais l’autre chose qui est fascinante, c’est de savoir qui traverse la frontière nord.
Dans le cas du Mexique, on sait que ce sont généralement des gens comme les Vénézuéliens qui ont été chassés de leur propre pays, des gens du Salvador, où il y a beaucoup de violence, et d’autres endroits d’Amérique latine qui tentent d’entrer aux États-Unis. Dans le cas de la frontière nord, 10 000 personnes rencontrées étaient originaires de l’Inde, ce qui représente une dynamique et un profil complètement différents.
Ce sont des gens qui arrivent au Canada à bord de gros avions transatlantiques, puis qui se rendent à la frontière pour tenter de la traverser. Ce sont des efforts organisés par de grands groupes pour essayer de faire venir un grand nombre de personnes, qui les paient pour le faire. À bien des égards, c’est beaucoup plus facile à gérer.
On a empêché beaucoup de Mexicains de venir au Canada, puis d’aller aux États-Unis en lançant un programme de visa. Alors, probablement qu’en effectuant un meilleur contrôle des passagers en provenance de l’Inde, on pourrait réduire considérablement le nombre de personnes qui traversent la frontière au nord. C’est facile de lancer des statistiques, mais on doit faire preuve de prudence et détailler les informations afin de connaître la clientèle à laquelle on a affaire, les chiffres exacts, et les comparer à l’expérience des États-Unis à la frontière au sud.
PETER HAYNES : Je suppose qu’on accepte probablement le fait qu’on ne peut pas contrôler les propos que les politiciens vont vouloir utiliser, surtout dans les États frontaliers du nord qui pourraient vouloir voir ça comme un bulletin de vote ou essayer de tirer parti, comme vous le dites, du jeu des chiffres.
FRANK MCKENNA : Non, mais il y a un point très important à retenir. En ce moment, je dirais que la situation est gérable. On devrait travailler à réduire ce nombre, en ciblant les personnes qui abusent du système. Mais ça pourrait se transformer en déluge si Donald Trump obtenait gain de cause et donnait suite à son plan d’expulsion de millions de personnes sans papiers aux États-Unis.
Il y a 11 millions de personnes sans papiers aux États-Unis. S’il fait ce qu’il dit qu’il va faire, qu’il crée des camps de détention et qu’il pourchasse littéralement les gens dans les rues, qu’il les envoie dans d’autres pays, on va avoir un flot d’immigrants qui tenteront d’entrer au Canada ou d’utiliser le Canada comme maison de transition pour retourner aux États-Unis, ce qui créerait d’énormes tensions entre nous et les États-Unis. Alors, il faut être sur nos gardes face à ce qui pourrait être une situation très problématique, selon l’issue des élections aux États-Unis.
* Oui, vous avez raison, parce que le discours est très fort et personne ne réfléchit vraiment aux conséquences. Qu’est-ce qu’il veut dire exactement? Comment ces personnes vont-elles être forcées de quitter le pays? Est-ce qu’ils vont avoir des fourches et littéralement repousser les gens au-delà des frontières? Et où vont-ils aller?
Si ce sont des gens sans papiers, des immigrants illégaux aux États-Unis, le gouvernement américain peut les pousser au Canada, et ça va devenir notre problème. Je vois qu’il s’agit d’une question vraiment difficile à traiter. Frank, au moment où vous parliez au Cabinet libéral, l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, a été interviewé par une publication politique populaire, appelée The Hub, au sujet de l’appétit apparemment insatiable du Canada pour la politique américaine, une obsession qu’il a qualifiée de « malsaine ».
Il pense que la polarisation de la politique américaine et cette couverture médiatique connexe se répandent dans la politique canadienne. Êtes-vous d’accord avec lui? Et que peut-on faire, si tel est le cas, pour renverser cette tendance?
FRANK MCKENNA : Je ne suis pas d’accord. Je reconnais que ce qu’on observe aux États-Unis est polarisant. Je suis fasciné par ce qui se passe au sud de la frontière. Je le regarde, et je trouve ça troublant. Très franchement, beaucoup de discours dans les débats sont perturbants. Mais on ne peut pas ignorer que l’histoire est en train de s’écrire.
Qu’il s’agisse de l’assassinat de Kennedy, de la photo sur la lune, de la crise des missiles à Cuba, de la guerre au Vietnam ou de quoi que ce soit d’autre, les États-Unis font les manchettes. Et on est fascinés, tout comme le monde entier. En fait, 40 % de notre PIB va aux États-Unis.
Ce qui se passe aux États-Unis est plus important que tout ce qui se passe au Canada. Chaque jour, 400 000 personnes traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis. C’est vraiment très important pour nous. Et les nouvelles sont toujours fascinantes. Au cours des deux derniers mois, il y a eu deux tentatives d’assassinat contre un président. Un président en poste a démissionné. Un nouveau candidat s’est présenté aux élections. Tout ça s’est produit au cours des derniers mois.
On va être accaparés par ces nouvelles. Et on ne peut pas s’en empêcher. Est-ce que c’est sain ou malsain? Je ne sais pas. Mais c’est comme ça. C’est la réalité. Et la réalité, c’est qu’on va toujours être fascinés par Taylor Swift, et on va être fascinés par les matchs de football et par Hollywood. C’est la nature même de la chose. Je ne pense pas qu’il soit très utile d’être critique à ce sujet, parce que ça ne va pas changer.
PETER HAYNES : Vous avez utilisé le terme « fascination ». Ma femme dirait que je suis obsédé par certaines de ces choses, notamment le sport, et pas seulement fasciné. On va maintenant passer aux États-Unis. Il reste un peu plus de 40 jours avant les élections. Depuis notre dernière conversation, les deux chefs de parti ont participé à un débat que tout le monde, à l’exception de l’ancien président Donald Trump, pense que la vice-présidente Kamala Harris a gagné, mais le résultat n’a pas vraiment fait bouger les choses. Quelles sont les variables clés que vous suivez et qui, selon vous, détermineront les élections du 5 novembre?
FRANK MCKENNA : Je pense que ça va probablement être plus précis. Ça va devenir vraiment important, parce que tout le monde qui écoute ça sait qu’aux États-Unis, il y a le vote populaire, combien de personnes votent pour un candidat ou un parti en particulier par rapport à l’autre, puis il y a le vote du collège électoral. Combien de votes réels faut-il pour essayer d’être président?
Il ne fait aucun doute que la situation de Kamala Harris a changé. Joe Biden était derrière en ce qui concerne le vote populaire. Kamala Harris est en tête. Selon le plus récent sondage, elle a une avance d’environ quatre ou cinq points pour le vote populaire. Le problème, c’est que le vote est tellement inefficace aux États-Unis que les démocrates doivent gagner au moins cinq points de pourcentage pour gagner les votes du collège électoral.
Lors des dernières élections, Joe Biden a obtenu 7 millions de votes de plus que Donald Trump, et pourtant, il a remporté de justesse le collège électoral grâce à environ 42 000 votes répartis dans trois ou quatre États. Je pense que ce sera aussi serré cette fois-ci. Je pense que Kamala Harris va gagner facilement le vote populaire, mais que la lutte va être beaucoup plus serrée dans les sept États clés.
Je pense que beaucoup de petites choses vont compter. Voici quelques-unes de ces petites choses. En Caroline du Nord, le lieutenant-gouverneur, qui est candidat au poste de gouverneur pour le Parti républicain, est une ancienne vedette de la pornographie qui affirme avoir été un nazi noir et qu’il a dit à peu près tout ce qu’on peut imaginer d’effrayant. Il va faire glisser le parti vers le bas. Est-ce que ça va se répercuter sur la course à la présidence? Je ne sais pas. Mais c’est possible, et dans ce cas, la Caroline du Nord entre en jeu.
Si la Caroline du Nord est en jeu, c’est fini pour Donald Trump. Il doit gagner la Caroline du Nord pour gagner la course à la présidence. Voilà un exemple. En Pennsylvanie, il y a environ 800 000 électeurs polonais. Les démocrates ne peuvent pratiquement pas gagner les élections sans la Pennsylvanie. Le vote polonais compte environ 800 000 électeurs. C’est énorme.
Et ils sont très influencés par ce qui se passe en Ukraine. C’est la raison pour laquelle Kamala Harris a expressément mentionné les électeurs polonais dans le débat, parce que ces votes doivent être favorables aux démocrates si ces derniers veulent finir par remporter la Pennsylvanie. C’est un exemple.
Ce qui s’est passé en Géorgie il y a un jour ou deux, où il semble que le parti de Cornel West pourrait ne pas figurer sur le bulletin de vote, pourrait être très important. Les efforts de Robert F. Kennedy pour tenter de se faire retirer du bulletin de vote afin que ses électeurs puissent voter pour Donald Trump pourraient être très importants. Certains États ne vont pas le laisser se retirer du bulletin de vote. Le succès du Parti vert au Michigan est très important. Il a déjà empêché Hillary Clinton d’être présidente.
Jill Stein a reçu environ deux millions de votes aux élections. C’est suffisant pour changer le cours de l’histoire si ça devait se reproduire. Et puis il y a les jeunes électeurs. L’écart entre les républicains et les démocrates est de 32 %. C’est presque inimaginable. Le niveau d’énergie des jeunes électeurs pourrait décider de ces élections, car il y a un si grand écart entre leurs intentions de vote pour les démocrates et les républicains.
La question est de savoir s’ils vont voter. S’ils votent, ils vont voter pour les démocrates à 32 %, ce qui est énorme. Et l’écart pour les femmes est aussi énorme. Il est probablement de 17 points de pourcentage, du moins, entre les démocrates et les républicains. Vous vous dites : et alors? Beaucoup de ces communautés ne votent pas. C’est là qu’Oprah entre en jeu.
C’est pourquoi Oprah était en Pennsylvanie. Elle y était pour essayer d’amener les femmes à voter et, en particulier, les Afro-Américaines. C’est là que l’appui de Taylor Swift devient si important. Elle ne dit pas aux gens comment voter. Elle leur dit de voter. Et son public, qui compte 280 millions de personnes sur Instagram, est principalement composé de jeunes femmes. Si ces dernières votent, elles vont voter principalement pour les démocrates.
Alors, si elle peut inciter 30 000 ou 40 000 personnes en Pennsylvanie ou au Michigan à voter, ça pourrait être suffisant pour les élections. Derrière elle, il y a probablement d’autres vedettes, Beyoncé, etc., qui ont aussi beaucoup d’abonnés sur Instagram. Selena Gomez est une célébrité très populaire qui n’a pas encore pris la parole. Elle compte plus de 300 millions d’abonnés sur Instagram et est très respectée au sein de la communauté latino-américaine.
Ce genre de messages ne plaira pas à tous les électeurs, mais même s’il n’y en a que 20 000 ou 30 000, ça pourrait être suffisant pour faire basculer les élections. Ça va être la guerre au sein de la guerre au sein de la guerre qui décidera peut-être de ces élections.
PETER HAYNES : Je pensais qu’on pourrait inviter Chris Krueger, notre collègue, le mois prochain, car on va en parler vers la fin d’octobre. Et ce sera évidemment une période importante juste avant les élections. On va voir si ça convient à l’horaire de Chris. On va maintenant se tourner vers le Moyen-Orient, Frank.
Au cours de la dernière semaine, les hostilités ont augmenté en Israël, mais cette fois-ci, l’axe du conflit s’est déplacé vers l’autre principal adversaire régional d’Israël, le Hezbollah au Liban. Pouvez-vous nous parler du Hezbollah? Et que pensez-vous des bombardements agressifs d’Israël au Liban plus tôt cette semaine, qui ont fait plus de 500 morts et de nombreuses autres victimes?
FRANK MCKENNA : La situation au Moyen-Orient s’aggrave à un rythme très dangereux et risque de devenir complètement incontrôlable. Le Hezbollah est une organisation terroriste. Elle a été fondée par l’Iran, le corps des gardiens de révolution islamique, durant la guerre civile libanaise. Cette organisation voulait combattre les forces israéliennes qui avaient envahi le Liban. Sa base religieuse est chiite, tout comme l’Iran.
Parce qu’elle est chiite, elle a non seulement des ennemis en Occident qui l’ont déclarée organisation terroriste, mais aussi au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite et certains autres pays sunnites s’opposent également vivement à l’influence du Hezbollah. C’est donc un partenaire de l’Iran. L’Iran en a trois ou quatre. L’un d’eux est en Irak. C’est une communauté chiite en Irak.
Il y a les Houthis, au Yémen, qui combattent par procuration pour l’Iran, le Hamas, bien sûr, à Gaza, puis le Hezbollah. La seule différence, c’est qu’il s’agit de l’armée la plus importante et la mieux équipée de tous. Ils prétendent avoir 100 000 combattants. La CIA, qui a fait l’analyse de cette armée, affirme que c’est plutôt environ 50 000 combattants. Mais ils sont lourdement armés et très dangereux.
Et bien sûr, ils sont à la frontière nord d’Israël, et ils créent des ravages en Cisjordanie et dans les colonies israéliennes de la Cisjordanie. C’est une force militaire très sérieuse, beaucoup plus organisée et sérieuse que le Hamas à Gaza. Que fait Israël? Je pense qu’aucun d’entre nous ne sait avec certitude ce qu’il fait, mais il semble croire que le Hezbollah va devenir de plus en plus militant contre ses communautés dans le nord et que ce dernier va passer à l’offensive.
Ce qu’Israël fait, c’est une attaque préventive. Ce qu’ils ont fait en attaquant le Hezbollah, en utilisant des explosifs et des appareils portables, des walkies-talkies et des radios, a permis de neutraliser une grande partie de la direction du Hezbollah, très franchement. Plus récemment, les forces israéliennes ont attaqué Beyrouth et tué certains des principaux commandants du Hezbollah.
Alors, elles tentent de mettre le Hezbollah hors d’état de nuire et de le rendre inefficace en tant que force de combat. Personne ne sait si ça va fonctionner ou non. Mais je doute que le Hezbollah disparaisse sans une bataille féroce. Cette organisation a la capacité d’atteindre des villes israéliennes, comme Tel-Aviv, avec ses roquettes. Il y a toujours un risque d’escalade et de danger.
La seule bonne nouvelle, et j’aimerais vous laisser avec une bonne nouvelle, c’est que l’Iran, à la grande surprise de beaucoup de gens, lors d’une élection récente, a élu un Pezeshkien modéré, qui est en fait très ouvert à l’Occident et qui a prononcé un discours aux Nations Unies cette semaine, où il a parlé de son ouverture à l’égard d’une relation avec Israël. S’il est capable d’exercer une certaine influence sur la communauté religieuse en Iran, qui a tendance à prendre les décisions, et d’essayer de faire preuve de retenue, il est possible de remettre le génie dans la bouteille. Mais c’est la seule bonne nouvelle qu’on a vue au Moyen-Orient.
PETER HAYNES : Oui, on va suivre ça de très près. Le Moyen-Orient a-t-il une influence potentielle sur les élections? Je reconnais que les gens ont pris position à ce sujet. Mais est-ce qu’il pourrait se passer quelque chose au cours du prochain mois, ou des deux prochains mois, qui pourrait influencer le résultat des élections aux États-Unis?
FRANK MCKENNA : C’est une question très pertinente, Peter, car c’est déjà le cas. Il y a plusieurs élections primaires au sein du Parti démocrate où les candidats sortants ont été défaits parce qu’ils étaient perçus comme étant trop favorables au Hamas. La communauté juive a participé très activement aux campagnes et a réussi à battre plusieurs candidats.
Ce qui est plus important, toutefois, c’est ce qui pourrait se passer au Michigan. Le Michigan compte une importante population arabe. Elle représente un pourcentage important des électeurs à Dearborn, au Michigan, mais aussi dans d’autres régions du Michigan. Cette population est furieuse contre le Parti démocrate parce qu’elle considère que ce dernier a été trop clément envers Israël.
Alors, si les électeurs ne votent pas ou s’ils votent contre les démocrates, ça pourrait coûter cher au Michigan, qui représente 12 votes au collège électoral et fait partie du « mur bleu ». Ça pourrait faire une grande différence. Le Minnesota aussi, étonnamment. Même si Tim Walz est le gouverneur là-bas, il n’est pas en mesure de créer un renversement de situation en raison de l’importante population somalienne. Et cette population somalienne est très irritée par la position du Parti démocrate au sujet du Moyen-Orient.
Il ne suffit pas d’influencer des millions de personnes à l’échelle nationale, mais dans certains endroits stratégiques; le Moyen-Orient pourrait avoir une influence sur le vote. Absolument.
PETER HAYNES : Frank, avant de vous poser des questions sur la Série mondiale, j’ai emmené ma mère voir le film Reagan. Et ce que je dirais en général, c’est que je ne me suis pas tant préoccupé de la performance de Dennis Quaid ou de l’exactitude de tous les faits individuels, mais ça m’a donné une idée plus générale de ce qui se passait aux États-Unis lorsque Reagan était président.
Il y avait des craintes nucléaires. Il a mis fin à la crise des otages en Iran. Il y a eu la chute de l’empire soviétique. Ça m’a permis de prendre du recul. Quelle que soit l’époque de la société dont on parle, il y a toujours beaucoup d’incertitude et d’agitation. Et on vit dans le moment présent et on se dit que c’est le pire qu’on a jamais vécu, mais ça vous donne une idée, que ce soit, comme vous l’avez mentionné plus tôt, la crise des missiles de Cuba, certains des autres événements qui se sont produits de votre vivant.
Est-il juste de dire, Frank, qu’on est un peu trop pris dans le moment? Je n’essaie pas de minimiser la gravité des problèmes mondiaux en ce moment. Mais est-ce qu’on devrait prendre du recul et se rendre compte qu’il y a toujours des troubles mondiaux?
FRANK MCKENNA : C’est un avertissement très important pour nous, parce qu’on le fait. On est totalement pris dans le moment, et on pense que notre crise est la seule et la plus importante. À titre de preuve, le marché boursier a augmenté de 56 % à 60 % pendant la présidence de Joe Biden. C’est très impressionnant.
Et le nombre d’emplois qui ont été créés a battu tous les records. C’est seulement aux États-Unis. Au Canada, je pense qu’on a procédé à un atterrissage en douceur après la pandémie et toutes les mesures induites par l’inflation qui ont découlé de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient. On a l’une des économies les plus fortes du G7.
Et en fin de compte, malgré ce que je considère comme des conflits de classe mondiale, l’Ukraine, le Moyen-Orient, les élections partout dans le monde qui ont lieu, comme un changement de gouvernement au Royaume-Uni, et possiblement des élections massives aux États-Unis, l’économie continue de tourner et beaucoup de gens ne se rendent pas compte de l’intrigue politique qui se déroule parce qu’ils se penchent sur des questions qui sont plus concrètes.
Alors, je dirais que, dans une certaine mesure, on a toujours connu des crises. Il peut s’agir du 11 septembre, de cet événement horrible, ou de la guerre du Vietnam, de la guerre de Corée, ou de certaines récessions qu’on a connues et qui ont frôlé la dépression. On a traversé beaucoup d’épreuves. Le monde est assez résilient.
Et, Peter, je dois le dire parce que je suis chez moi. Il n’y a pas de meilleur endroit au monde que le Canada. On a réussi à faire preuve de civilité dans nos débats politiques. On a connu des transitions de pouvoir paisibles. Même si beaucoup de gens ne sont pas d’accord, je pense qu’on a généralement eu un bon leadership au niveau des premiers ministres et à l’échelle nationale, des gens honnêtes, respectables, des gens qui font de leur mieux. Il n’y a pas un meilleur endroit où vivre.
PETER HAYNES : Et je pense que c’est exactement le message que le premier ministre Justin Trudeau a transmis au public de Stephen Colbert hier soir. Malgré toutes les difficultés, c’est un pays où il fait bon vivre, et je pense qu’on est d’accord. Vous avez parlé d’intrigue, Frank. Le baseball suscite une certaine curiosité cette semaine, alors qu’on assiste à des courses très intéressantes pour l’admission hors qualification.
Pendant ce temps, certains des favoris de la division, comme les Dodgers, les Phillies et les Guardians, s’accrochent avant les séries éliminatoires. Qui est votre favori dans la Série mondiale?
FRANK MCKENNA : Mon favori pour la Série mondiale, c’est Guerrero. Il ne va pas participer aux séries éliminatoires ni à quoi que ce soit d’autre. Mais je regarde les Blue Jays tous les soirs pour pouvoir le voir non seulement avec la batte, mais aussi avec le gant et sur le banc, juste en train de sourire et d’aimer la vie et de profiter pleinement du baseball. C’est pour ça que je regarde le baseball maintenant.
Mais pour ce qui est des autres, vous ne pouvez pas vous empêcher d’être fasciné par Ohtani et ses compétences ou Judge et ses compétences. Ce sont d’excellents joueurs. Ils me ramènent à Mickey Mantle, à Willie Mays, à Hank Aaron, à Bonds et à d’autres grands joueurs au fil des ans. Alors, je vais prendre plaisir à les regarder.
Mais certaines de ces séries éliminatoires vont être intéressantes. Les Padres ont juste besoin d’un match nul pour se qualifier, et ce serait génial si ça se produisait. J’ai un penchant pour les Tigers de Detroit. Hier, j’étais à London, en Ontario, pour des événements, et tout le monde parlait de Detroit, parce que cette ville est assez proche. Et beaucoup de Canadiens encouragent les Tigers de Detroit.
Je suis toujours partisan des Royals de Kansas City, parce que c’est une équipe de petit marché et qu’elle a toujours l’air de se battre sur le terrain. Ce sont là quelques-unes des choses que je recherche. Avez-vous un préféré?
PETER HAYNES : J’ai de la difficulté à m’opposer aux Dodgers, même si leur rotation de départ est un problème majeur avec Tyler Glasnow blessé et Walker Buehler qui ne revient tout simplement pas après ses deux opérations chirurgicales. Mais cette formation est difficile à suivre. J’ai entendu un gars de baseball faire un reportage cette fin de semaine sur les Guardians. Il a dit que les Guardians ont le meilleur lanceur que le journaliste ait jamais vu dans l’histoire. Alors, ils seront difficiles à battre si ce lanceur peut les amener à la sixième manche.
Mais vous avez mentionné London, en Ontario, et les Tigers, et je ne peux m’empêcher de me rappeler une histoire au début des années 1990. Je suis allé à l’école à London, mais j’y suis retourné l’année suivante. C’était en 1992, Frank. Et le bar local où j’ai passé beaucoup de temps s’appelait Joe Cool’s, et c’est un bar des Tigers de Detroit. Et je n’oublierai jamais. J’y suis allé avec un de mes amis.
En entrant dans le bar, parce que c’est une ville des Tigers de Detroit, le chandail de Lloyd Moseby avait été agrafé au plancher. Tous ceux qui sont entrés ont donc marché sur le chandail de Lloyd Moseby. Et l’un de mes idiots d’amis est entré derrière moi et a commencé à essayer de déchirer le chandail et a fini par être jeté dehors. Je peux vous dire que j’ai adoré être à London pour cette raison. C’était une ville des Tigers, et les habitants aimaient leurs Tigers.
Et en fait, je dois être honnête avec vous, j’encourage vraiment les Tigers en ce moment. C’est une bonne histoire. Ils ont réussi le pari et ont eu la chance de participer aux séries éliminatoires. Ça va être amusant à regarder, Frank. Alors, on verra. On va s’en reparler. Ce ne sera pas terminé lorsqu’on se reparlera à la fin d’octobre. Ils vont jouer encore, alors, on va avoir d’autres choses à se dire.
Mais ça a été une excellente conversation. On a beaucoup parlé du Canada et c’était amusant d’en parler. Et on y reviendra le mois prochain.
FRANK MCKENNA : Très bien, merci. Merci, Peter.
[MUSIQUE]
PETER HAYNES : Merci d’avoir écouté Géopolitique. Ce balado de Valeurs Mobilières TD est produit à des fins d’information. Les points de vue qui y sont décrits sont ceux des personnes et peuvent représenter ou non ceux de la TD ou de ses filiales. Il ne s’agit pas de conseils en matière de placement, de fiscalité ou autre.
[MUSIQUE]
Ce balado ne doit pas être copié, distribué, publié ou reproduit, en tout ou en partie. Les renseignements contenus dans cet enregistrement ont été obtenus de sources accessibles au public, n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante de la part de Valeurs Mobilières TD, pourraient ne pas être à jour, et Valeurs Mobilières TD n’est pas tenue de fournir des mises à jour ou des changements. Toutes les références aux cours et les prévisions du marché sont en date de l’enregistrement. Les points de vue et les opinions exprimés dans ce balado ne sont pas nécessairement ceux de Valeurs Mobilières TD et peuvent différer de ceux d’autres services ou divisions de Valeurs Mobilières TD et de ses sociétés affiliées. Valeurs Mobilières TD ne fournit aucun conseil financier, économique, juridique, comptable ou fiscal ou de recommandations dans ce balado. Les renseignements contenus dans ce balado ne constituent pas des conseils de placement ni une offre d’achat ou de vente de titres ou de tout autre produit et ne doivent pas être utilisés pour évaluer une opération potentielle. Valeurs Mobilières TD et ses sociétés affiliées ne font aucune déclaration ou ne donnent aucune garantie, expresse ou implicite, quant à l’exactitude ou à l’exhaustivité des déclarations ou des renseignements contenus dans le présent balado et, par conséquent, déclinent expressément toute responsabilité (y compris en cas de perte ou de dommage direct, indirect ou consécutif).
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.