Défis liés au financement et à la réglementation à la suite de la crise bancaire américaine
Par : Ed Arden, Christy Jenkins, Jaret Seiberg
oct. 04, 2023 - 6 minutesLa crise des banques régionales américaines a engendré des difficultés en matière de financement pour les banques, qui ont dû se tourner vers le système de la Federal Home Loans Bank et d’autres sources de liquidités. De plus, de nouvelles exigences en matière de dette à long terme et de capital pour les banques régionales sont en cours d’élaboration.
Propositions relatives à la dette à long terme
La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et la Réserve fédérale ont publié la proposition relative à la dette à long terme pour les banques régionales américaines. De façon générale, la conception et le contenu ont été sans surprise, surtout si l’on tient compte des exigences globales.
La FDIC et les organismes de réglementation ont proposé d’intégrer de façon permanente les instruments existants. En supposant une mise en œuvre dès aujourd’hui, cette mesure contribuera à réduire le déficit net par rapport aux exigences et devrait soulager la pression exercée par l’obligation de se conformer à la réglementation à court terme. Toutefois, les avantages des anciens instruments prendront fin assez rapidement, et assurément avant que les nouvelles exigences soient pleinement mises en œuvre.
Les répercussions des propositions sur les banques régionales varieront
La proposition relative à la dette à long terme correspond à peu près à ce que le marché attendait. Bien que l’émission de 30 à 50 milliards de dollars de dette à long terme sur trois ans semble simple, il est important pour les investisseurs de noter que la plupart des banques régionales rencontreront des obstacles différents pour satisfaire aux exigences en matière de dette à long terme.
Certaines banques régionales pourront facilement satisfaire aux exigences de la dette à long terme sur une longue période, même à 100 pour cent, tandis que d’autres, dont les anciennes dettes du portefeuille sont moins importantes, seront confrontées à des défis plus grands, car elles auront besoin d’environ 5 à 7 milliards de dollars d’émissions de la société de portefeuille au cours des prochaines années. Cela entraînera une baisse du BPA, qui sera un indicateur à surveiller par les investisseurs en obligations et en actions.
Augmentation de l’émission de dette avant la mise en œuvre de la dette à long terme
L’un des avantages de ce résultat attendu est que les émetteurs s’y sont déjà préparés, compte tenu des rumeurs. Depuis le début de 2023, nous avons constaté une augmentation spectaculaire des émissions de titres de créance des sociétés régionales américaines dans le contexte d’une croissance d’environ 30 % sur 12 mois par rapport à 2022 et d’une croissance d’environ 100 % sur 12 mois par rapport à 2021. Cette augmentation des émissions de titres de créance s’est notamment produite malgré une baisse générale des émissions dans l’ensemble du secteur des services financiers d’environ 30 % depuis le début de l’année par rapport à 2022.
Banques régionales et BISM
Si l’on examine les répercussions de la finalisation de Bâle III pour les banques d’importance systémique mondiale (BISM), on s’attend à une inflation des actifs pondérés en fonction des risques de l’ordre de 20 % à 25 %. Il y a une grande variation du modèle d’affaires, similaire à la règle de la dette à long terme, qui conduit à un écart dans la manifestation de l’inflation des actifs pondérés en fonction des risques. Les centres financiers et les banques fiduciaires se situent à l’extrémité inférieure de cette fourchette (environ 20 %), suivis des courtiers à l’extrémité supérieure (environ 25 %). La proposition indique que les actifs pondérés en fonction des risques opérationnels proviendront des produits tirés des comptes à honoraires et des pertes opérationnelles. Les modèles d’affaires légèrement plus risqués des courtiers entraînent une inflation plus importante des actifs pondérés en fonction des risques, alors que l’inverse est vrai pour les banques régionales américaines (qui devraient connaître une inflation des actifs pondérés en fonction des risques d’environ 5 % à 10 %), ce qui semble tout à fait gérable.
Comme pour la dette à long terme, ce sont les détails qui posent problème. Les BISM fonctionnent déjà avec des niveaux de fonds propres de catégorie 1 très élevés; elles peuvent donc absorber ces niveaux d’actifs pondérés en fonction des risques. Au cours des prochaines années, elles seront en mesure de récupérer les fonds propres de catégorie 1 perdus en raison du changement de dénominateur.
Pour les banques régionales (catégories III et IV), nous n’avons pas mentionné l’élimination de l’exemption relative au cumul des autres éléments du résultat global. Les banques régionales éprouvent une série de difficultés (titres de créance à long terme, cumul des autres éléments du résultat global et maintenant la finalisation de Bâle III), en plus d’avoir une base de fonds de catégorie 1 grandement inférieure. Par conséquent, le taux d’inflation attendu de 5 % à 10 % des actifs pondérés en fonction des risques est plus important pour les exigences relatives aux fonds de catégorie 1.
L’élimination du cumul des autres éléments du résultat global était pleinement attendue. Nous avons déjà constaté que les banques régionales qui sont vraiment dans la mire de cette initiative sont proactives; il n’y a pas beaucoup de place pour l’optimisation des actifs pondérés en fonction des risques, étant donné que la proposition est au moins opérationnelle. Les actifs pondérés en fonction des risques sont basés sur les produits tirés des comptes à honoraires, qui ne se modifient pas aisément. Les banques devront donc être plus réactives avec des mesures telles que la suspension des rachats d’actions. En fait, la suspension des rachats d’actions a été un thème pour les banques régionales américaines lors des résultats du deuxième trimestre. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, en particulier pour celles dont le modèle d’affaires est susceptible de prendre de trois à quatre ans pour récupérer le BPA touché, plutôt que d’attendre de un à deux ans (BISM).
Répercussions sur les fusions et acquisitions
Les banques dont le total des actifs avoisine les 90 milliards de dollars doivent être très prudentes à l’égard de leurs actifs pondérés en fonction des risques, car ils pourraient servir de catalyseur pour les fusions et acquisitions. Lorsque nous évoquons l’augmentation du BPA et les difficultés auxquelles les compagnies régionales feront face, nous ajoutons souvent toutes les discussions sur les anciennes économies d’échelle concernant des sujets tels que la conformité aux règlements et la cybersécurité. La discussion sur les fusions et acquisitions potentielles sera éventuellement au premier plan.
Financement bancaire – Débat sur la Federal Home Loans Bank
Les avances de la Home Loan Bank sont devenues un enjeu politique à Washington. Il semblerait que le système de la Federal Home Loan Bank subisse des pressions pour déterminer si les banques de catégorie I doivent continuer à bénéficier de l’accès au système et aux avances de la Home Loan Bank. Les avances sont un moyen pour les banques d’obtenir du financement garanti pour des prêts hypothécaires; cela peut également se faire directement sur le marché des obligations sécurisées, qui est un marché important et dynamique et qui pourrait certainement absorber l’offre des grandes banques américaines.
Il semble y avoir des subventions des contribuables. Par exemple, une avance de cinq ans peut être assortie d’un taux SOFR plus 50, tandis qu’un taux SOFR plus 100 pour un portefeuille de prêts hypothécaires garantis de cinq ans peut être un prix typique. Il n’est pas logique que les plus grandes banques américaines profitent de ce type de subvention publique pour ce qu’elles pourraient obtenir sur les marchés financiers publics.
Toutefois, les petites banques communautaires, dont les actifs s’élèvent entre 50 et 100 millions de dollars, sont les véritables bénéficiaires de ce système. Lorsque les BISM et les banques régionales utilisent le système de la Federal Home Loans Bank, ce sont elles qui, en fin de compte, fournissent le financement dont bénéficient les banques locales. Si ces frais fixes devaient être payés uniquement par les banques communautaires, le coût de ces avances serait beaucoup plus élevé. En ce qui concerne les obligations sécurisées, elles retirent plus d’actifs de la mise sous séquestre (en cas de faillite d’une banque) et peuvent accroître les coûts de résolution. Cela continuera d’être un débat intéressant.
Primes de la FDIC
Les États-Unis ne sont pas les seuls à essayer de faire de la résolution des banques un processus plus cohérent qui favorise la stabilité financière. En Europe, les autorités ont récemment proposé une préférence générale pour les déposants, en vertu de laquelle tous les dépôts, assurés ou non, ont le même rang en cas de faillite, afin d’améliorer la protection des déposants. Après la crise bancaire de cette année, nous constatons qu’à l’échelle mondiale, l’accent est mis davantage sur les réformes de la gestion de crise et sur la réforme de l’assurance-dépôts.