Locuteur 1 :
Bienvenue à Insights de TD Cowen. Ce balado réunit des penseurs de premier plan qui offrent leur éclairage et leurs réflexions sur ce qui façonne notre monde. Soyez des nôtres pour cette conversation avec les esprits les plus influents de nos secteurs mondiaux.
Phil Nadeau :
Bonjour, je m’appelle Phil Nadeau et je suis analyste en biotechnologie pour TD Cowen. J’assiste à la 45e conférence annuelle sur les soins de santé de TD Cowen en compagnie de Chris Viehbacher, chef de la direction de Biogen. Chris, bienvenue de nouveau à la conférence de TD Cowen. On a fait appel à vos services pour relancer Biogen. Quelle est votre vision pour Biogen dans les cinq prochaines années? Comment la société va-t-elle créer de la valeur pour les actionnaires?
Chris Viehbacher :
Merci, Phil. C’est un plaisir d’être ici à la conférence avec vous pour le balado. Je suis en poste depuis deux ans et demi. Compte tenu de l’histoire de l’entreprise, on savait que le segment de la sclérose en plaques allait subir une vive concurrence, mais qu’on avait d’excellents actifs dans l’Alzheimer, d’abord Aduhelm, puis Leqembi. Étant donné la taille de ces marchés, on avait entre les mains des produits gagnants. La société aurait alors les moyens d’investir à fond en neurosciences. En passant, on avait aussi un médicament très prometteur appelé Sage pour le trouble dépressif majeur. En 2023, on a constaté que les choses ne se déroulaient pas comme prévu. Leqembi a connu un excellent départ, mais était loin de correspondre aux attentes du marché.
En plus, Sage n’a pas été approuvé. En analysant la filière de développement, j’ai compris clairement qu’il y avait eu beaucoup de paris risqués et qu’aucun produit à un stade de recherche au moins avancé ne pourrait compenser. Alors, on s’est mis à examiner les fusions et acquisitions et je me suis dit qu’il faudrait rejouer le scénario de Sanofi et acheter notre avenir. On s’est penchés là-dessus. Mais, en 2024, on a commencé à obtenir des données vraiment encourageantes pour certains actifs qu’on avait décidé de privilégier. Je pense au dapirolizumab, par exemple, dans le lupus; les résultats de la phase 3 étaient très positifs. Le lupus est un marché d’au moins 5 millions de patients dans le monde. On a aussi un deuxième produit, le litifilimab, qui est un actif local.
Ces données ont fini par nous rassurer et, au début de l’année, on a monté un financement avec Royalty Pharma. En plus du financement, on a pu compter sur la diligence de Royalty Pharma. Ils ont examiné le produit avec soin. Les gens de Royalty Pharma sont très intelligents; ils ne financent habituellement rien sans y croire. En R-D, c’est très facile de s’enticher de son propre produit; alors, pour moi, cette source de validation était rassurante. Tout à coup, on a compris qu’on aurait bientôt un créneau porteur dans le lupus. Ensuite, on a beaucoup travaillé avec notre oligonucléotide antisens pour la protéine tau. Cette protéine suscite beaucoup l’intérêt des neurologues dans l’Alzheimer. Ils estiment que cette piste pourrait être encore plus prometteuse que le traitement de la bêta-amyloïde. On est parvenus à modifier la phase 2 pour accélérer le résultat afin d’avoir des données sur l’efficacité, l’innocuité et le dosage d’ici la fin de l’année prochaine.
Et si tout se déroule comme prévu, on va pouvoir miser sur un créneau très solide. Le marché potentiel de l’Alzheimer est énorme; on parle de 500 000 patients nouvellement diagnostiqués. C’est comparable au marché de l’oncologie pour le nombre de patients. Ensuite, on a fait l’acquisition de HI-Bio. C’est le type d’actifs qu’il faut avoir dans sa filière de développement. Les résultats d’essais de phase 2 sont impressionnants. Habituellement, on n’a pas besoin de cinq ans pour effectuer les essais cliniques de phase 3. Ces actifs misent sur un besoin non comblé important et sur une nette différenciation. On s’est demandé quelles pourraient être les ventes maximales. Et si tout fonctionne – ce qui ne va évidemment pas arriver – ça représente dans l’absolu une fois et demie à deux fois nos ventes actuelles.
Peu d’entreprises dans notre secteur peuvent se vanter de pouvoir non seulement renouveler, mais aussi stimuler la croissance de leur filière de développement. On a alors cherché à maximiser l’exécution. On voulait renforcer nos quatre produits lancés l’an dernier. Il fallait non seulement les mettre sur le marché, mais aussi engager des efforts de précommercialisation avant le lancement. On désirait approfondir nos connaissances sur le lupus, les rénopathies rares et l’Alzheimer. Ensuite, on va continuer d’utiliser notre capital pour stimuler la croissance en misant sur le développement des affaires.
Phil Nadeau :
J’aimerais approfondir deux de ces points. Tout d’abord, en ce qui concerne la filière de développement et le portefeuille de produits actuels, vous avez indiqué que les revenus vont baisser d’environ 5 % en 2025. Les investisseurs cherchent donc à savoir quand Biogen pourrait renouer avec la croissance. Croyez-vous que votre filière de développement et votre portefeuille de produits actuels peuvent suffire à relancer la croissance de Biogen? Avez-vous une idée du parcours que Biogen doit emprunter pour dynamiser le chiffre d’affaires?
Chris Viehbacher :
Ça va prendre un peu de temps pour retrouver la croissance, mais je ne m’attends pas non plus à un recul marqué. Depuis cinq ans, notre chiffre d’affaires diminue en moyenne de 700 millions de dollars par année en raison du déclin de notre portefeuille dans la sclérose en plaques. Dans ce contexte baissier, nos revenus avoisinent 4,5 milliards de dollars et nos bénéfices 2,5 milliards. Si j’extrapole à partir des tendances observées, ces chiffres pourraient être amputés de moitié dans les cinq prochaines années. En passant, j’inclus les redevances d’Ocrevus dans ce domaine thérapeutique. C’est l’écart à combler. Or, on s’apprête à lancer de nouveaux produits et, l’an dernier, on a réussi à contrer le recul du portefeuille dans la sclérose en plaques. Cette année, c’est un peu plus difficile, parce que les régimes d’épargne-retraite américains sont imposables au titre du programme Medicare. Et il y a aussi le taux de change avec l’euro.
C’est pourquoi les directives misent sur une certaine prudence. Mais on devrait pouvoir rester dans les mêmes eaux dans les deux ou trois prochaines années et peut-être atteindre la croissance si les choses s’accélèrent pour Leqembi. Un certain nombre de facteurs pourraient entraîner une accélération de Leqembi l’an prochain. Compte tenu de la filière de développement et du retour du balancier, notre croissance va reprendre d’ici la fin de la décennie et on va lancer de nouveaux produits dès 2028.
Phil Nadeau :
Qu’est-ce que Biogen pense du développement des affaires? Quels actifs seraient les plus complémentaires à votre portefeuille actuel et quels domaines thérapeutiques présentent le plus d’intérêt par rapport au stade de développement?
Chris Viehbacher :
Je pense aux maladies inflammatoires et auto-immunes; celles qui sont probablement plus d’origine neurologique ou qui sont plus rares. On peut prendre comme exemple les actifs de HI-Bio. On parle des affections inflammatoires et auto-immunes, mais aussi des maladies rares, et c’est la cible idéale pour Biogen. Le niveau scientifique à Biogen est impressionnant; l’équipe sait comment vendre des produits à faible volume, mais de grande valeur en s’appuyant sur la science. On ne va pas nécessairement déployer d’énormes effectifs sur le terrain pour rencontrer les intervenants en soins primaires, et ces deux domaines favorisent notre diversification par rapport aux neurosciences. Les neurosciences vont continuer de jouer un rôle important dans l’Alzheimer et la SLA. Mais on cherchait des domaines où la biologie des maladies est mieux comprise et où les essais cliniques sont moins risqués ou moins longs.
Phil Nadeau :
Vous comptez parmi les hauts dirigeants du secteur biopharmaceutique depuis longtemps. Quels sont les changements les plus frappants que le secteur a connus au cours de la dernière décennie et quelles principales constantes sont demeurées?
Chris Viehbacher :
De toute évidence, la science a beaucoup évolué. Quand j’ai commencé, les petites molécules dominaient le secteur. Aujourd’hui, la biotechnologie s’intéresse au niveau des biomarqueurs, et on comprend beaucoup mieux la génétique. Je pense aux nouvelles technologies, comme la technique CRISPR, l’édition génomique et la thérapie cellulaire. Toutes ces avancées risquent de révolutionner les soins de santé d’ici 20 ans et témoignent des progrès scientifiques accomplis. En corollaire, aujourd’hui, on cible de plus en plus étroitement les populations. À mes débuts, il y a des années, les populations visées étaient plus vastes. Mais le ciblage plus étroit a toutefois une contrepartie; le coût de traitement par patient augmente. Quand on mettait au point des statines, le coût de la R-D était amorti sur d’immenses populations. Aujourd’hui, on doit composer avec un bassin de population beaucoup plus limité. Évidemment, ça retient beaucoup l’attention, et ça peut faire augmenter les quotes-parts et alimenter la critique envers les prix. Ça fait partie des changements.
Il y a aussi la forte concentration des gestionnaires de régimes d’assurance médicaments, les GRAM. À l’origine, les GRAM visaient simplement à négocier les prix pour les compagnies d’assurance. Mais maintenant, ils contrôlent des milliers de médecins, de pharmaciens, et pèsent très lourd sur le marché pharmaceutique. À tel point que, pour chaque dollar dépensé en médicaments, l’industrie du médicament – j’entends par là la recherche, le développement et la fabrication – ne reçoit que 48 cents. Ça varie d’un pays à l’autre. Dans la plupart des autres pays, les revenus tirés des médicaments atteignent au moins 90 %. Il y a beaucoup d’efforts à faire pour corriger la situation. Lorsque les gens paient leurs médicaments, ils pensent surtout à la quote-part. Et elle est fixée en grande partie par les GRAM.
Par contre, le coût de la R-D n’a pas changé. Et je pense qu’il va falloir être beaucoup plus efficace et faire appel à des outils comme l’IA pour faciliter la recherche fondamentale, optimiser les molécules et recruter des patients. Pour lancer une étude de 400 patients, on va probablement solliciter 450 sites. On doit être beaucoup plus efficaces dans le développement clinique, parce que la société commence à se demander combien on peut se permettre d’investir en innovation. C’est pourquoi je pense qu’il faut être beaucoup plus efficace et faire un meilleur usage de la technologie. Le système de soins de santé est souvent l’un des plus lents à adopter les nouvelles technologies.
Phil Nadeau :
Très bien. Merci de votre présence à la 45e conférence annuelle sur les soins de santé de TD Cowen, et de votre participation au balado Insights de TD Cowen.
Chris Viehbacher :
Ça m’a fait plaisir, Phil.
Locuteur 1 :
Merci d’avoir été des nôtres. Ne manquez pas le prochain épisode du balado Insights de TD Cowen.