Animateur : Frank McKenna, président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Invitée : Peter Haynes, directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
L’épisode 53 porte sur les élections. Frank présente d’abord le programme double des élections à venir de l’autre côté de l’Atlantique, mettant en vedette la France et le Royaume-Uni. En France, l’annonce d’élections a surpris le marché, tandis qu’au Royaume-Uni, le résultat semble décidé d’avance, il ne resterait qu’à décider du sort du Parti conservateur du Royaume-Uni, qui devrait être balayé lors du vote du 4 juillet. Frank remet en question le calcul du président Macron qui a déclenché des élections surprises en plein été. Il croyait qu’il pourrait maintenir une coalition centriste même s’il était menacé des deux côtés : le Rassemblement national de droite occupait la première place dans les sondages alors qu’une coalition de gauche était aussi en avance dans les sondages par rapport au gouvernement sortant. Ensuite, Frank aborde deux élections récentes importantes. D’abord, le Mexique et le succès de Claudia Sheinbaum, la successeure triée sur le volet du leader sortant Andrès Manuel López Obrador (ALMO), qui a fait échec à la tendance mondiale de rupture avec le gouvernement sortant dans d’autres élections. Ensuite, on discute de l’incapacité du président Modi à obtenir une victoire majoritaire en Inde, malgré des vents favorables, y compris une campagne énergique sur les médias sociaux. Enfin, Frank donne son opinion sur l’importance des débats présidentiels aux États-Unis et sur la quête incessante de Trump pour trouver son colistier de novembre, quête qui rappelle The Apprentice.
Ce balado a été enregistré le 18 juin 2024.
FRANK MCKENNA : Le Canada doit être extrêmement audacieux dans ses relations avec le Mexique, car ce pays va devenir un véritable problème dans les relations à trois.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode de mai de Géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD. J’ai le plaisir d’animer cette série de balados mensuels dans lesquels on fait le tour du monde pour couvrir les plus importants enjeux géopolitiques planétaires du moment, depuis notre perchoir d’observation au Canada. Frank, je crois que votre perchoir d’observation en ce moment est à Cap-Pelé, on vient de célébrer la fête des Pères. Avez-vous pu fêter ça avec vos enfants?
FRANK MCKENNA : Oui, c’était formidable. Mon fils et mon petit-fils de Calgary étaient ici. On a joué au golf et nos autres enfants nous ont appelés. C’était merveilleux.
Peter, je n’arrête pas de dire aux enfants que c’était ma meilleure fête des Pères. Ils m’ont offert un cigare, que j’ai fumé. J’ai pris une photo. Ils m’ont offert un drapeau, que j’ai brandi avec fierté. Ils m’ont offert un appareil pour retrouver les balles de golf, que j’ai utilisé sur presque tous les 18 trous que j’ai joués hier. Mon fils a pris une photo chaque fois que je fouillais un bunker avec mon détecteur. Donc voilà.
PETER HAYNES : J’adore! J’ai aussi eu la chance de passer le dimanche sur le terrain de golf avec mon fils. On a en fait suivi le parcours que l’Omnium canadien fera l’an prochain, à Osprey Valley.
FRANK MCKENNA : Oh, wow.
PETER HAYNES : Et je peux vous dire, après l’avoir joué, qu’à moins qu’ils ne trouvent une astuce pour rendre les choses plus difficiles, ils vont le dévorer tout cru. Ce n’est pas Pinehurst, qu’on a pu voir en fin de semaine. Ils vont le dévorer tout cru, même s’il s’agit d’un magnifique terrain de golf. On verra ça l’an prochain.
Avant de commencer, toutefois, Frank, je veux parler à nos auditeurs d’un événement qui aura lieu le mois prochain avec notre série de balados. On va enregistrer pour la première fois, un épisode en direct, le 29 juillet, ou plutôt devant un public en direct, devrais-je dire. C’est grâce à une suggestion de David Cho, qui travaille au sein de l’équipe de supervision des marchés mondiaux de la TD. Il m’a demandé si on avait déjà fait quelque chose en direct, je lui ai dit non. Alors il m’a dit : « En ce cas, pourquoi ne pas essayer d’organiser quelque chose pour les jeunes associés, les étudiants d’été et les jeunes professionnels de Valeurs Mobilières TD »?
C’est exactement ce qu’on va faire le 29 juillet. Ces gens représentent l’avenir de l’entreprise, et seront ici beaucoup plus longtemps que vous et moi. Ce sont eux qui vont vous poser des questions, et je suis sûr que vous êtes ravi que ce ne soit pas moi pour une fois.
FRANK MCKENNA : Oh, en passant, je dois vous dire, Peter, que j’ai déjà eu le plaisir de jouer à Pinehurst, ces verts en carapace de tortue sont tout simplement dévastateurs. J’étais vraiment désolé pour Rory McIlroy. J’ai eu de la peine pour lui. Se frotter à quelques verts n’est pas si difficile, mais ne faire que des verts, c’est vraiment, vraiment difficile.
PETER HAYNES : Oui, je pense que chaque golfeur peut ressentir la douleur de manquer un coup roulé de trois pieds. On en a manqué beaucoup au cours de nos vies, mais aucun n’était décisif pour l’US Open, pas vrai?
FRANK MCKENNA : C’est pourquoi je les considère maintenant comme des formalités, Peter.
[RIRES]
PETER HAYNES : Oui, il n’y a qu’à les accumuler encore et encore. Je suis d’accord avec vous, Frank. On est trop vieux pour s’inquiéter de ça. En Amérique du Nord, les regards ont récemment été tournés vers les taux d’intérêt. Les participants au Canada viennent d’absorber une baisse de taux de 25 points de base, qui a été annoncée le 5 juin. Nos amis au sud de la frontière se demandent, depuis que la Fed a annoncé la semaine dernière qu’il n’y aurait qu’une seule réduction de taux au sud de la frontière en 2024, si ça sera suffisant.
Maintenant, pour le Canada, le résultat à court terme de la réduction du 5 juin, qui était prévue à 70 %, je crois, est qu’on a constaté une faiblesse persistante de notre monnaie, qui cherche maintenant à tester ce niveau de résistance de 1,40, ce qu’elle n’avait pas connu depuis le début de la pandémie. Frank, étiez-vous d’accord avec la décision de la Banque du Canada de réduire les taux d’intérêt? Dans quelle mesure la faiblesse du dollar retient-elle l’attention des politiciens à Ottawa?
FRANK MCKENNA : Oui, j’étais tout à fait d’accord. Je dirais que la croissance au Canada est plus anémique et que l’inflation est plus faible, alors ça semblait tout à fait approprié. Il y a des différences entre les deux pays. La croissance aux États-Unis est certainement plus robuste. De plus, leur profil de dette est différent. Ils ont beaucoup d’emprunts sur 30 ans, donc il n’y a pas autant de dommages engendrés par une réévaluation. Au Canada, on a des emprunts à court terme, et même s’il y a des amortisseurs qui existent, c’est certainement plus dommageable pour les consommateurs qui doivent renouveler leur prêt. Il y a donc beaucoup de bonnes raisons à ça.
Si on avait besoin d’une confirmation que la Fed n’est pas une institution politique aux États-Unis, elle nous est donnée par le fait qu’elle a retardé la réduction des taux à un moment où il aurait été extraordinairement avantageux pour le président Biden d’avoir des baisses de taux et de pouvoir l’utiliser à son avantage. Donc je suppose qu’ils continuent de vouloir un profil statistique sur un plus long terme, alors il faut surveiller ça avec intérêt. Mais c’est certainement difficile pour le gouvernement américain, très difficile, de ne pas avoir des taux qui baissent.
Pour ce qui est du dollar, il ne fait aucun doute que la banque centrale le surveille de très près. À bien des égards, le dollar n’est qu’un indicateur de la vigueur de l’économie et notre économie est certainement un peu plus faible que celle des États-Unis.
Ça a donc des effets positifs et négatifs. Comme vous le savez, Ce n’est pas bon pour les consommateurs dans l’ensemble et pour les importateurs, mais pour les exportateurs, ça peut être un peu un accélérateur important et parfois s’avérer utile pour les industries exportatrices.
Mais pour vous rassurer sur le fait que le dollar est surveillé, je pourrais vous raconter une anecdote qui date de quelques années avec M. Chrétien. On parlait du dollar. Il m’a dit : « Oh, Frank, je surveillerais ce dollar très attentivement. Si le dollar devient un peu trop fort, je parle simplement de la séparation du Québec et de la menace que ça représente, malgré que le dollar reste solide. Ça fonctionne comme un coup de baguette magique. »
[RIRES]
Je pense que c’est l’une de ces histoires qui n’est probablement pas particulièrement véridique, mais qui vous donne une petite idée à quel point Jean Chrétien était sensible à ça.
PETER HAYNES : C’est super. Ce sera intéressant à voir. Je suppose qu’au Canada, le marché prévoit des réductions de taux supplémentaires de 50 à 75 points de base pour le reste de l’année. Compte tenu de ce profil qui s’annonce et du fait que les États-Unis restent là où ils sont, il sera intéressant de voir si ça se traduit par une faiblesse supplémentaire.
Évidemment, on connaît les prix du marché à l’avance. Alors à Ottawa, parmi les politiciens et les chefs d’entreprise de partout au pays et les investisseurs à qui vous parlez, quels sont les trois principaux sujets sur votre liste de conversations, actuellement? Et vous ne pouvez pas inclure la direction des Blue Jays et leur avenir dans votre réponse. On y reviendra sous peu.
FRANK MCKENNA : Il y a beaucoup de problèmes, parce que le monde tourne un peu à l’envers en ce moment. Mais je dirais que la priorité est l’élection aux États-Unis. C’est incroyablement important pour l’économie canadienne, mais c’est aussi quelque chose qui nous absorbe, ne serait-ce que sur le plan de l’intérêt humain. Qui va gagner? Qu’est-ce que tout cela signifie? Et tout de suite après, bien sûr, parce que tout cela est d’actualité, des élections au Royaume-Uni, en France et en Inde. C’est le premier point.
Deuxièmement, les taux d’intérêt. J’étais assis dans le bureau d’un médecin pour quelque chose de routinier, une prise de sang ou quelque chose du genre. L’infirmière m’a dit : « Selon vous, vers quelle direction vont les taux d’intérêt? Mon fils envisage un renouvellement de son prêt.
Trois jours plus tard, j’étais ailleurs, on s’occupait de moi dans un magasin et quelqu’un m’a demandé ce que je pensais des taux d’intérêt? Où cela va-t-il nous mener? Je pense à l’achat d’une maison. Je pense que les gens sont très préoccupés par les problèmes d’abordabilité et les taux d’intérêt sont donc très pertinents.
Et la troisième, en raison des quelques semaines qu’on a passées au Canada, c’est le taux d’inclusion des gains en capital. Le gouvernement dit peut-être qu’il ne concerne que 1 % de la population, mais je peux vous dire qu’il touche 100 % des gens à qui je parle, parce que c’est tout ce dont ils veulent parler. Devrais-je exercer mon option? Devrais-je vendre des actions? Est-ce que je devrais retirer mes bénéfices arrivés à maturité? Que dois-je faire ou comment doit-on gérer la situation? Est-ce que ça peut changer avec un gouvernement futur? Et cetera, et cetera.
Ça semble donc susciter beaucoup d’intérêt en ce moment. Je ne peux donc que supposer qu’un gros volume d’argent va rentrer dans les coffres du gouvernement du Canada au cours des quatre ou cinq prochains jours, pendant que les gens décident comment gérer ce changement fiscal.
PETER HAYNES : Oui, et le marché canadien pourrait se retrouver figé en raison de cela, si dans les faits ils ne font que démêler leurs positions pour le moment.
Vous avez parlé des élections, Frank, on va en discuter en grande partie de ce balado, parce qu’elles sont à l’avant-plan en ce moment, surtout en Europe. C’est intéressant. Si je devais classer les élections par ordre d’importance, donc vous venez de classer les élections américaines comme la première chose dans l’esprit des gens à qui vous parlez en ce moment. Si je regarde à l’échelle mondiale et l’attention des médias mondiaux, je dirais que l’élection en France est au premier rang, puis le Royaume-Uni, puis les États-Unis, mais je sais que c’est surtout parce que ces deux élections européennes auront lieu au début de juillet. Êtes-vous d’accord avec moi à l’échelle mondiale?
FRANK MCKENNA : Oui, je pense que pour cette semaine, ce serait vrai. Mais pour ce qui est de l’importance relative, les États-Unis sont de loin l’élection la plus importante. Mais je suis d’accord avec vous. La France et le Royaume-Uni ont grimpé très haut dans la liste, parce qu’on est en plein dedans en ce moment.
PETER HAYNES : Commençons par la France, une situation qui est rendue compliquée par la position de la France dans l’Union européenne et par son échéancier inattendu. Le président Macron a vraiment ébranlé le pays et, à son tour, les marchés financiers lorsqu’il a demandé la tenue d’élections parlementaires en deux temps, soit le 30 juin et le 7 juillet.
Maintenant, le calcul du président Macron est qu’il peut tenir une coalition centriste et se battre contre une nouvelle alliance à gauche et un parti nationaliste de droite dirigé par un nom familier dans la politique française, Marine Le Pen, qui défiera Macron lorsque les élections présidentielles approcheront. Elle a choisi Jordan Bardella, un jeune homme, pour devenir éventuellement premier ministre si son parti remporte les élections. Je pense qu’il a moins de 30 ans.
Les marchés financiers craignent que le président Macron se trompe. Ils pensent qu’on pourrait assister à une sorte de course à la présidence comparable à celle de Liz Truss qui prendrait en otage les actifs français, puisqu’il est question de réductions d’impôt non financées, comme la réduction de la TVA et des choses de ce genre. Et cela pourrait entraîner des déséquilibres dans certaines autres de ces décisions stratégiques que la gauche et la droite prévoient de mettre en œuvre.
Sans surprise, le marché boursier français a été très faible et a fait moins bien que les autres marchés mondiaux. Lorsque le marché obligataire allemand s’est redressé récemment sur fond de remontée des États-Unis, le marché obligataire français n’a pas bougé. D’après ce que j’ai compris de notre bureau des obligations, le monde développé dans son ensemble vend actuellement ses obligations françaises.
Expliquez-nous pourquoi ce déclenchement d’élections a été décidé par le président Macron et quelles sont vos impressions sur le déroulement de cette élection et ses conséquences pour la France, selon les divers scénarios possibles?
FRANK MCKENNA : Je pense que vous avez évalué correctement la raison pour laquelle il a décidé de ces élections. Il a pensé qu’il pourrait peut-être surprendre ses adversaires politiques et mettre sur pied une coalition centriste qui résisterait contre la gauche et la droite. Cela pourrait s’avérer une erreur aussi grave que le Brexit, peut-être l’un de ces événements au sujet desquels les gens se taperont la tête contre le mur pendant des décennies.
À l’heure actuelle, le parti de Le Pen est en avance, nettement en avance, au point que Le Pen est désormais en position de réclamer publiquement, ou du moins que Bardella en tant que futur premier ministre, réclame publiquement une majorité. « On y est presque. Donnez-nous une majorité et on pourra vraiment faire ce qu’on veut faire. »
La coalition Macron est maintenant en troisième position. C’est tout simplement incroyable. La coalition de droite est en première position et la coalition de gauche, composée de quatre partis de l’extrême gauche s’est rassemblée pour atteindre la deuxième place et défier la droite. Donc, au lieu que Macron écarte la droite et la gauche avec une coalition centriste, la coalition centriste est reléguée en troisième position.
C’est ce qu’on appelle un gouvernement de cohabitation, ce qu’on appellerait probablement un gouvernement de coalition au Canada et qui signifie que Macron, en tant que président, devra travailler avec un premier ministre qui lui est très hostile. Et cette situation au cours des deux ou trois prochaines années, si Macron peut y survivre.
Il se passe beaucoup de choses en ce moment. L’écart de taux des obligations allemandes est de 76 points de base, ce qui est sans précédent. On voit les gens commencer à regarder de plus près les programmes de ces partis, ce qui commence à vraiment effrayer les marchés et les gens.
Ils envisagent notamment de réduire la taxe de vente sur l’énergie. On parle de 13 milliards de dollars. C’est ce que veut la coalition de droite. Ils affirment qu’ils financeront ça en mettant fin à la fraude fiscale. C’est juste un appât que tout le monde utilise. Ça veut dire en réalité qu’on se dirige vers un déficit des finances. Mais ils réduiraient considérablement les contributions financières et les subventions vers l’UE, ce qui aurait un effet important sur l’UE.
Ils veulent modifier la réforme des retraites. Macron a payé un prix politique énorme en modifiant l’âge de la retraite, ce qui est vraiment important dans un pays comme la France, qui vit au-dessus de ses moyens depuis longtemps et qui accumule des déficits qu’elle ne peut pas se permettre d’avoir.
Tout cela se passe en même temps. L’extrême droite et l’extrême gauche sont très hostiles à l’Europe. Il sera donc très difficile de maintenir la coalition européenne. Et cela s’ajoute aux élections européennes qui, tant en Allemagne qu’en France, ont produit des résultats très anti-européens.
Dans l’ensemble, on voit de solides mouvements d’extrême droite se développer en Europe et un mouvement anti-européen très important. Je dirais donc que c’est très inquiétant pour la stabilité en Europe et partout dans le monde.
PETER HAYNES : On a parlé de Frexit, parce qu’il y a des élections et beaucoup d’incertitude. Craignez-vous que l’un ou l’autre de ces partis extrêmes hostiles à l’égard de l’UE, ou des coalitions, devrais-je dire, mentionne cette possibilité?
FRANK MCKENNA : En parler ne coûte rien et c’est facile d’être contre quelque chose. Mais quand on y regarde de plus près, d’après mon expérience auprès des parlementaires européens, malgré toutes les fanfaronnades, ils sont extraordinairement engagés dans le projet européen et ils le sont parce qu’ils connaissent la solution alternative. On peut flirter avec certaines choses en Amérique du Nord, mais en Europe, il y a eu des guerres qui ont coûté des dizaines de millions de vies en raison des frictions politiques.
L’Europe est donc très engagée dans le projet européen, dans l’UE. Je pense qu’en fin de compte, ils résisteront aux forces du changement. Ils peuvent aussi regarder du côté du Royaume-Uni, qui éprouve des difficultés économiques importantes en raison de sa décision de se retirer de l’UE.
PETER HAYNES : Justement, passons à l’élection à venir au Royaume-Uni, qui est une autre élection à l’avant-plan ici et qui aura lieu entre les deux tours des élections à Paris. Il s’agit de l’élection du 4 juillet, au cours de laquelle un chef du Parti conservateur en poste, un parti dirigé par le premier ministre Rishi Sunak, devra faire face à une bataille extrêmement difficile contre le Parti travailliste, qui semble se diriger vers une victoire.
Jusqu’à maintenant, la campagne en Europe a été ce que certains ont qualifié d’ennuyeuse, car le Parti travailliste, dirigé par Keir Starmer, que la plupart des gens qualifieraient d’ennuyeux, ne dit rien de controversé qui pourrait freiner son énorme avantage et les Conservateurs balancent toutes les idées qu’ils peuvent pour essayer de gagner des votes. Le résultat de cette élection est-il acquis, ou y a-t-il des imprévus qui pourraient se mettre en travers du rouleau compresseur Starmer?
FRANK MCKENNA : Oui, je crois que c’est effectivement plié. Cette élection est bel et bien terminée. Je pense que la seule vraie question qui reste, c’est de savoir ce qu’il restera du Parti conservateur en fin de compte?
Soit dit en passant, la stratégie de Keir Starmer, qui consiste à se taire et rester ennuyeux, s’avère très efficace. En fait, la plupart des politiciens devraient se comporter davantage comme des poissons : garder leur bouche fermée et ne jamais mordre à l’hameçon. Dans ce cas-ci, je pense qu’il mène une bonne campagne.
La déclaration très intéressante que j’ai lue cette semaine était la suivante : quelle a été la plus grande réalisation de Margaret Thatcher? On peut argumenter sur toutes sortes de choses, mais la réponse est Tony Blair. En fait, Margaret Thatcher et la réaction à ses politiques ont amené Tony Blair à prendre le pouvoir du Parti travailliste, faisant passer le Parti travailliste d’un mouvement de gauche à un mouvement centriste et à un parti au pouvoir crédible.
On pourrait dire la même chose de David Cameron et de Boris Johnson. Leur plus grande réalisation est Keir Starmer. Il fallait faire passer le Parti travailliste de Jeremy Corbin à un parti centriste capable de diriger dans une direction qui rencontre le plus de soutien de la part des gens.
Je ne pense pas qu’il y aura de surprise, sauf peut-être l’ampleur de ce que les Conservateurs auront perdu. Il y a un facteur imprévisible, et c’est Nigel Farage. Nigel Farage a essentiellement menti. Bien sûr, il a menti au sujet du Brexit. Il a menti sur beaucoup de choses. C’est un vrai populiste et il dira tout ce qu’il doit dire. C’est le Donald Trump, du Royaume-Uni. Mais il a dit qu’il ne retournerait pas en politique.
Il a immédiatement accepté le poste de chef du Parti réformiste. Il cherche un siège. Il va presque certainement gagner ce siège et il va diviser les Conservateurs à droite. Je veux dire, vraiment les tailler à coup de hache. Le Parti réformiste privera le Parti conservateur de beaucoup de votes et beaucoup de sièges marginaux finiront par être attribués au Parti travailliste.
C’est ce à quoi on va assister, à mon humble avis. On va avoir un Parti travailliste avec une très grande majorité. On aura un Parti conservateur qui sera grandement affaibli et qui pourrait se retrouver à la troisième place du vote populaire en fin de compte.
PETER HAYNES : Le Parti conservateur se retrouve donc avec deux extrêmes. Il y a 40 ou 50 personnes à gauche qui vont gagner, 40 ou 50 personnes à droite qui vont gagner. Il n’y a vraiment personne au milieu. L’un des scénarios possibles est que Nigel Farage puisse former une sorte de coalition avec ce qu’il reste à la droite du Parti conservateur et, par conséquent, créer un mouvement d’extrême droite au Royaume-Uni. Qu’est-ce que ce scénario signifie pour ce pays à l’avenir?
FRANK MCKENNA : Eh bien, je n’aimerais pas voir ça. L’argument de Farage et de la droite du Parti conservateur est qu’on n’est pas assez conservateurs. On n’est pas allés assez loin en ce qui concerne le Brexit. On devrait se dissocier complètement de l’Europe, et ainsi de suite.
Déjà, au sein du Parti conservateur, il y a des récriminations et les gens commencent à se dire : « On a perdu notre direction avec Liz Truss, Boris Johnson et ainsi de suite. On est juste allés trop à droite ». Mais les gens de droite disent : « Non, non, non, non, non, non, ce n’est pas vrai. On a fini par être trop libéraux ou trop centristes, alors on s’est perdus en faisant ça. »
Cette bataille va donc faire le ménage, comme c’est le cas dans tous les mouvements politiques. Une fois les élections terminées, il y aura beaucoup d’affrontements, de récriminations et d’examens de conscience. Mais il y a de fortes chances que ce que vous dites se concrétise, c’est-à-dire un basculement à droite du Parti conservateur qui se joindrait à un mouvement de réforme et cela deviendrait la véritable opposition au Royaume-Uni.
PETER HAYNES : Ce qui est triste, c’est que le nom Rishi Sunak, dont les gens ne parlent pas beaucoup, devrait être retiré de la liste des dirigeants conservateurs s’ils sont décimés, comme prévu. Mais vous n’entendez pas beaucoup de gens le critiquer, Frank. Il a en quelque sorte stabilisé le pays après le gâchis fiscal de Truss et ses répercussions sur le marché obligataire. Donc, malheureusement…
FRANK MCKENNA : J’ai trouvé qu’il était un leader politique intéressant. Je pense qu’il a fait de grands efforts pour redresser la situation, diriger le pays et régler ses problèmes.
Mais parfois, ça n’a pas d’importance. Quatorze ans, c’est à peu près la longévité de ce gouvernement. Les gens veulent un changement. Je l’ai déjà dit et je le répète, c’est très semblable parfois au fait de changer une couche. Les gens les changent de temps à autre pour les mêmes raisons.
PETER HAYNES : [RIRES]
FRANK MCKENNA : J’ai bien peur que les partis politiques aient une espérance de vie naturelle, peu importe à quel point le leader est convaincant ou charismatique. Vous avez tendance à manquer de temps et j’ai bien peur que ce soit le cas ici. Dans d’autres circonstances, en tant que premier ministre sortant, il serait probablement un excellent choix.
Mais c’est une question d’opinion, Peter. Je pense toujours que les dirigeants du Royaume-Uni vont payer le prix du Brexit pendant un certain temps. Vous pouvez reformuler tout ce que vous voulez, et vous pouvez argumenter sur tous les aspects, mais en fin de compte, ça n’a pas été une bonne décision.
PETER HAYNES : Avant de passer à certaines des élections qui viennent d’avoir lieu, j’aimerais vous poser une question sur Sunak. C’est un jeune leader assez charismatique qui a fait un excellent travail et qui va probablement disparaître de la politique pendant un certain temps. Vous souvenez-vous d’un cas ou quelqu’un comme lui qui a émergé de nouveau pour redevenir un leader prospère une deuxième fois?
FRANK MCKENNA : C’est rare, mais d’une certaine façon, David Cameron l’a fait. Il a été défait comme premier ministre, a été mis à la porte, mais il est de retour comme secrétaire d’État au Royaume-Uni et a assez bien réussi avec ce mandat.
Bill Clinton est le meilleur exemple. Il a été gouverneur de l’Arkansas, puis les gens l’oublient, mais il a été battu comme gouverneur de l’Arkansas et il a fait partie de l’opposition avant de faire campagne pour obtenir un siège, de revenir et de remporter le poste de gouverneur de l’Arkansas, puis de remporter un mandat à la présidence deux fois de suite.
Bien sûr, l’exemple classique est celui de Winston Churchill, qui était constamment ballotté en termes de succès électoral au Royaume-Uni. Et après avoir remporté la guerre, indiscutablement après avoir remporté une victoire retentissante pendant la Seconde Guerre mondiale, il a été mis à la porte. Il y a des exemples de personnes qui l’ont fait. Bien sûr, Pierre Trudeau père, qui a été battu et qui est parti. Mais lorsqu’une ouverture est apparue au cours des deux années suivantes, il est revenu et est redevenu premier ministre. C’est possible.
PETER HAYNES : Vous avez mentionné David Cameron. J’ai une petite faiblesse pour David Cameron parce que, lorsqu’ils ont tenu le sommet du G8 à Huntsville, en Ontario, les dirigeants sont restés à Deerhurst, un centre de villégiature assez célèbre de Muskoka et David Cameron était le seul à être allé dans le lac. Il a été le seul à s’être baigné parmi les huit leaders, alors j’ai une petite faiblesse pour lui.
Revenons sur quelques élections qui ont eu lieu récemment au Mexique et en Inde et parlons des conséquences des résultats. Je commence par le Mexique. Le président mexicain sortant, je ne vais même pas essayer de prononcer son nom. Je vais l’appeler AMLO, comme tout le monde utilise cet acronyme. La personne qu’il a choisie pour lui succéder, Claudia Sheinbaum, a remporté la majorité lors des récentes élections nationales au Mexique. Il y a beaucoup de questions sur l’indépendance de Sheinbaum par rapport à AMLO et sur le maintien des réformes controversées de son mentor, notamment l’élection des juges de la Cour suprême et une augmentation du salaire minimum correspondant à l’inflation annuelle.
Ces réformes devraient entrer en vigueur avant l’ouverture du nouveau Congrès à l’automne et les répercussions sur le peso mexicain ont été très négatives, la monnaie locale ayant reculé de 12 % depuis les élections du 2 juin. Que pensez-vous de l’orientation de la nouvelle dirigeante du Mexique et comment pensez-vous qu’elle s’intégrera à un partenariat Trump-Trudeau dans le cadre de l’AEUMC?
FRANK MCKENNA : Ce qui est vraiment remarquable, c’est son niveau d’accomplissement. C’est une femme incroyable, la première dirigeante juive au Mexique, pour commencer, mais elle est titulaire d’un doctorat en génie énergétique. Elle est l’auteure de plus de cent articles et de deux livres. Un leader vraiment accompli a été élu.
Mais pour répondre directement à votre question, je ne pense pas qu’elle changera d’orientation par rapport à Obrador et à sa direction. Elle est sa protégée dans tous les sens du terme. Elle a servi sous son gouvernement à Mexico, dans son cabinet, puis est devenue maire de Mexico. Dans sa tradition, elle est très, très fidèle à Obrador, ou AMLO, comme on l’appelle. Elle est vraiment sa protégée et elle est vraiment sa digne héritière. Je ne pense pas qu’elle va bousculer le bateau pour apporter des changements au cours des prochains mois.
En passant, certaines personnes, compte tenu de ce qui s’est passé en Inde et de ce qui va se passer en France, au Royaume-Uni et ailleurs, se sont demandé pourquoi le Mexique semble s’être engagé dans une direction complètement différente et a réélu le même parti avec une majorité encore plus importante? L’une des réponses qui ont été données, je ne sais pas si c’est exact, c’est qu’il y a une limite de mandat au Mexique et qu’Obrador était limité à cinq ans, qu’il n’a pas vraiment eu l’occasion de mettre à l’épreuve sa popularité, comme le font de nombreux leaders. Ils ont donc fait une transition et un changement avant que le gouvernement soit périmé. C’est donc quelque chose d’intéressant auquel les gens doivent réfléchir, car cela pourrait justifier des gouvernements à court terme par rapport à ce qu’on a vu partout dans le monde.
PETER HAYNES : Une question technique, Frank. Savez-vous si AMLO peut revenir après cinq ans, ou s’il a un mandat limité comme président et ne reviendra jamais, comme le gouverneur de la Virginie, par exemple?
FRANK MCKENNA : C’est une excellente question. Je ne connais pas la réponse. En passant, je n’ai pas répondu à votre question : qu’est-ce que tout cela signifie pour le Canada et les États-Unis? Le Canada doit être extrêmement audacieux dans ses relations avec le Mexique, car ce pays va devenir un véritable problème dans les relations à trois. À l’origine, on avait conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis, que nous avons appelé l’ALE, en 87-88. Il a bien fonctionné entre le Canada et les États-Unis.
Le Mexique a décidé de s’y accrocher quelques années plus tard pour tenter de conclure une entente bilatérale avec les États-Unis. Heureusement, la relation de M. Mulroney avec M. Bush était assez solide pour qu’il dise non, non, non, vous n’allez pas avoir de relation bilatérale et exclure le Canada. C’est ainsi qu’on s’est retrouvés avec une relation trilatérale, qui était bien sûr l’ALENA et maintenant l’ACEUM.
Le problème, à mon avis, c’est que le Mexique profite trop avantageusement de cette relation d’une manière qui n’est pas bonne pour les deux autres partenaires. Le secteur manufacturier chinois, qui a tellement porté atteinte aux États-Unis, a simplement déménagé au Mexique, qui l’a bien accueilli. Vous vous retrouvez donc avec des normes environnementales moins élevées, des prix de main-d’œuvre moins élevés et des normes de travail moins élevées, pour des produits vraiment agressifs et bon marché à la frontière des États-Unis, ce qui est l’un des facteurs qui motivent les États-Unis à vouloir renégocier l’accord de libre-échange.
En revanche, le Canada a été un bon élève. Nos normes environnementales, nos taux de main-d’œuvre et nos normes de travail sont élevés, et cetera. Ce qui va finir par nous coûter cher. On va se faire laminer dans ce tir croisé qui va avoir lieu entre le Mexique et les États-Unis.
De plus, il y a le problème de l’immigration. Le Mexique semble ouvrir ou fermer les vannes à volonté quant au nombre d’immigrants illégaux qui traversent la frontière, ce qui crée également des ravages aux États-Unis et des pressions sur les deux frontières.
Je pense que c’est merveilleux qu’on soit amis et partenaires, mais le Mexique doit jouer franc-jeu, et le Canada doit faire volte-face, parce que, lors des dernières négociations, on a été poignardés dans le dos par le Mexique à un moment donné, qui a presque fait cavalier seul avec les États-Unis et qui a éjecté le Canada. Et maintenant, on doit s’assurer que les violations des règles par le Mexique ne nuisent pas au Canada au point de perdre notre accès privilégié aux États-Unis.
PETER HAYNES : Vous l’avez dit mieux que moi, Frank. Je n’aurais pas dû présumer que Trump serait le leader des États-Unis. On dira simplement les États-Unis, le Mexique et le Canada, plutôt que de laisser entendre que Trump va gagner, parce que, évidemment, cette élection n’est pas encore terminée.
Passons maintenant à l’Inde, un autre pays que vous avez mentionné plus tôt et qui entretient une relation délicate avec le Canada, le pays où vous et moi vivons. Dans ma vie de balado parallèle, mon prochain balado sur la structure de marché portera sur l’Asie-Pacifique. Dans mon travail préparatoire, les investisseurs à qui j’ai parlé m’ont dit la même chose : l’argent dans cette région provient de la Chine et part en Inde.
À la suite de la perte de la majorité du président Narendra Modi lors des récentes élections, même s’il est demeuré président, certaines critiques ont été formulées à l’égard de la suppression de certains électeurs, de l’intimidation et de la perte générale des droits personnels et des libertés démocratiques dans le pays. Tout cela a en faveur de la majorité actuelle. Le parti Bharatiya Janata de Modi, le PBJ, n’a toujours pas été en mesure d’obtenir une majorité malgré tous ces avantages qui, encore une fois, ont favorisé le tenant du titre.
Est-ce que le résultat de cette coalition minoritaire maintenant dirigée par Modi est une bonne chose pour l’Inde aux yeux du monde occidental? Et selon vous, comment cela façonnera la façon dont Modi perçoit sa relation avec les États-Unis en particulier, compte tenu de l’importance croissante de l’Inde dans l’économie mondiale?
FRANK MCKENNA : Il s’agit d’une étude de cas très intéressante. À mon avis, les résultats en Inde ont été un choc pour le monde et aussi pour Modi. Contrairement aux pronostics, Modi s’en est bien sorti. Toutefois, par rapport aux attentes, il n’a pas bien réussi, n’a pas fini par avoir un gouvernement majoritaire et est forcé de former une coalition.
Je pense que beaucoup de gens dans le monde diraient que ce n’est pas un mauvais résultat. On a Modi, qu’on aime bien parce qu’il est prévisible, favorable aux affaires, dans un pays bien géré, mais on a un Modi tenu en laisse, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Je ne pense pas que le résultat soit négatif dans le monde. La plupart des gens seraient probablement heureux de ce résultat.
Pour ce qui est de son importance, je pense qu’il n’y a aucun doute sur ce que vous dites. L’Inde devient tout simplement extraordinairement importante. Dans la récente stratégie indopacifique élaborée par le Canada, cette importance a été soulignée à maintes reprises.
J’ai organisé, pour le ministre des Affaires internationales, une petite séance avec tous les fonds de pension au Canada. Chacun d’eux a dit qu’on allait lentement quitter la Chine pour l’Inde. On parle de 2 000 milliards de dollars, pas en totalité dans ce marché bien sûr, mais on parle d’énormes fonds.
C’est typique de ce qu’on entend partout dans le monde. Personne ne veut faire grand bruit de sa sortie de la Chine et personne ne désertera probablement complètement la Chine, mais ils sont certainement en train de redéployer leurs investissements et leurs fonds vers l’Inde, en dehors de la Chine, car l’Inde est un partenaire plus prévisible.
Je dirais donc que les gros investisseurs votent avec leurs mouvements de capitaux sur cette question. L’Inde va en profiter. On doit maintenant voir si Modi est un peu malmené en raison de ce recul électoral. Les assassinats extraterritoriaux qui ont eu lieu au Pakistan, aux États-Unis, au Canada, etc., ou les pressions déployées en même temps, toutes ces choses doivent être rappelées, et une partie de son zèle religieux doit être rappelée, je pense, pour que le reste du monde soit vraiment conscient.
PETER HAYNES : Alors, Frank, l’un des aspects de ce qu’on appelle l’intimidation des électeurs a été les pressions exercées sur les médias sociaux. Je suppose que le PBJ, le parti de Modi, était très présent dans les médias sociaux. J’ai lu un article très intéressant sur une étude où ils ont pris beaucoup de gens, sur lesquels ils avaient un groupe de contrôle, puis un grand nombre d’autres personnes. Ce groupe a essentiellement appris à tirer des leçons de la désinformation sur les médias sociaux. À la fin, ils sont retournés voir à quel point ces personnes étaient plus efficaces pour prendre une décision éclairée sur la personne pour qui voter, plutôt que d’être influencés sur les médias sociaux.
J’ai trouvé ça vraiment intéressant, parce que peut-être que l’avenir de l’enseignement à l’école sera d’aider notre jeune génération à apprendre à distinguer l’intox sur les médias sociaux, étant donné que ce sera le moyen de communication qui sera tellement biaisé lors des prochaines élections. J’ai trouvé ça très instructif.
FRANK MCKENNA : Vous tenez vraiment quelque chose, Peter. Comme vous le savez, j’ai créé un institut numérique au Nouveau-Brunswick qui est conçu pour tenter de traverser la transition vers l’économie numérique et novatrice. Une partie de la programmation qu’on lance concerne l’hygiène numérique, en essayant de faire exactement ce dont vous parlez, faire en sorte que les gens soient plus sensibles aux plateformes sur lesquelles ils se trouvent et qu’ils posent plus de questions sur ce qu’ils entendent sur ces plateformes, qu’ils soient simplement plus prudents dans la façon dont ils s’expriment sur ces plateformes.
PETER HAYNES : Frank, ce sont les gens les plus éduqués que vous connaissez et que je connais qui se font prendre par la désinformation sur les médias sociaux. C’est ahurissant. Je me rends compte que je lis des choses, que je les crois et que je ne les vérifie pas nécessairement.
Revenons au sujet le plus important à l’ordre du jour, même si ce n’est peut-être pas le cas en ce moment, soit le 5 novembre, jour des élections aux États-Unis. Donc, deux sujets qui sont d’actualité en ce moment en ce qui a trait à cette élection : tout d’abord, les débats. Quelles répercussions anticipez-vous du premier des débats présidentiels du 27 juin?
FRANK MCKENNA : La plupart des débats, des débats politiques, ne changent pas beaucoup la donne, ou seulement en marge. Ceux-là ont le potentiel d’avoir de plus grandes répercussions. C’est à cause des deux personnalités. Les deux ont d’énormes faiblesses que l’autre candidat tentera d’exploiter.
Dans le cas de Trump, s’il perdait son sang-froid, d’une certaine façon, ou s’il explosait, ou simplement s’il était tout à fait odieux, cela renforcerait l’image qu’ont certaines personnes de lui et ce serait négatif. Dans le cas de Biden, s’il avait de la difficulté à rester concentré, s’il montrait des signes de détérioration de sa santé ou des effets de l’âge, ce serait très négatif, car cela renforcerait également certains points de vue.
Il ne faut pas oublier que les fidèles du parti, dans une grande mesure, ne seront pas influencés d’un iota par ce débat. Mais il y a qu’une poignée d’électeurs indépendants qui vont décider des élections et ils pourraient être influencés. Je dirais donc que ce n’est pas tant ce que ces personnages disent, mais plutôt comment ils se comportent et s’ils commettent une erreur importante en raison de certaines lacunes de caractère ou de personnalité.
PETER HAYNES : OK, le deuxième sujet est celui du colistier de Trump, dont il devrait faire l’annonce, je crois, lors du Congrès républicain à la mi-juillet à Milwaukee. Quel est votre pari pour cette course de chevaux? D’après ce que j’ai lu, il semble y avoir différents chevaux qui mènent cette course, selon la journée.
FRANK MCKENNA : C’est tout à fait exact et je pense que c’est exactement ce que Trump veut. Il s’agit vraiment d’une retransmission de The Apprentice. Ces personnes vont littéralement devoir faire des auditions. C’est ce qu’ils font en ce moment. Ils se rendent à Mar-a-Lago et ils se vantent devant Trump et il aime ça. Il fait la distribution des rôles. Il s’agit d’un rôle principal et il sait comment faire ça, il fait venir ces personnes.
Et l’idée que chaque jour pourrait avoir une rumeur différente serait très intéressante pour lui. Ça le garde dans les nouvelles et ça garde les candidats dans les nouvelles.
Ce qu’il recherchera, ce sont des gens qui vont le flatter et s’aplatir devant lui. Il sera également à la recherche de personnes qui ont un certain point de vue le 6 janvier. Et je pense que ces facteurs éclipseront la compétence, qui est habituellement considérée comme le plus important critère. Il veut des gens fidèles. Il veut des gens qui ont une belle apparence, qui se tiennent bien, qui sonnent bien, mais qui ne l’éclipsent pas. Pour lui, c’est une question de personnalité.
Et il a beaucoup de gens parmi lesquels choisir. Le Parti républicain compte des personnes extraordinairement qualifiées si vous mettez de côté leurs tendances idéologiques et beaucoup de gens les aiment peut-être aussi sur le plan idéologique.
Mais vous avez Tim Scott, qui est bien sûr afro-américain. Il est très obsédé par Trump, ce qui serait négatif pour moi, mais probablement pas pour Trump. Il y a un sénateur, Marco Rubio, en Floride. JD Vance, qui est très populaire en ce moment en Ohio, ce qui est important sur le plan stratégique : Yale, un passé militaire, très combatif, agressif, des choses que Trump aimerait beaucoup.
Nikki Haley, je pense, serait leur meilleure candidate : une femme de couleur, très futée, qui a été sur la scène mondiale, dirige un État. Mais je doute que Trump soit en mesure d’accepter l’idée que quelqu’un puisse le mettre au défi. Je pense que ça pourrait l’exclure, mais elle serait un excellente choix.
Doug Burgum, le gouverneur du Dakota du Nord, très accompli et riche. Je pense qu’il se comporterait bien. Elise Stefanik, une jeune mère de New York qui a fait ses études à Harvard et qui est très, très réfractaire aux derniers résultats des élections et très favorable à Trump. Tom Cotton, un ancien Ranger et un ancien McKinsey, extrêmement militant : il est la copie de tout ce qu’est Trump. Un homme blanc du Sud très à droite. Ensuite, il a Ben Carson, qui faisait partie de son cabinet, qui est chirurgien, Afro-Américain, qui est parti de rien, très loyal. Il est plutôt décontracté et n’est peut-être pas assez ferme pour plaire à Trump.
Mais ce sont des choix solides, très franchement et il a donc beaucoup de candidats solides dont il pourrait s’inspirer. La question est de savoir s’il choisira quelqu’un qui comble une certaine faiblesse qu’il pourrait avoir ou s’il tentera de chercher un clone avec une personne aussi engagée sur le plan idéologique que lui. Ce sera intéressant à voir.
Mais la chose dont vous pouvez être certain, c’est qu’il y aura beaucoup de personnes très accomplies qui seront à genoux au cours des prochaines semaines pour auditionner pour ce rôle. Ce sera un rôle important parce que les gens parlent beaucoup de la santé de Biden et de qui le remplacerait si quelque chose arrivait. Mais n’oubliez pas que Trump a aussi 78 ans, et les gens seront aussi intéressés de savoir qui pourrait le remplacer si quelque chose arrivait.
PETER HAYNES : Vous avez parlé de The Apprentice. Frank, je ne sais pas pourquoi Trump ne le fait pas, mais pourquoi ne fait-il pas défiler simplement chacun de ces candidats dans la salle de réunion? « Tim Scott, you’re fired » « Ben Carson, you’re fired. » Est-ce que ça ne ferait pas une émission de télévision incroyable qui lui permettrait de rester en une des actualités chaque jour? Je pense que ce serait plutôt drôle. Il pourrait ensuite faire la finale sur scène à Milwaukee.
C’était intéressant, soit dit en passant. Il s’est créé quelques difficultés en parlant de Milwaukee comme d’un dépotoir ou quelque chose du genre. Ce n’était pas son meilleur moment.
FRANK MCKENNA : Oui, ce n’est pas une bonne idée de dénigrer la ville où vous allez tenir votre Congrès. Mais encore une fois, c’est ce que les gens rechercheront dans le débat. Va-t-il faire preuve de débordements, comme je pense qu’il le fera, ou sera-t-il vraiment bien entraîné et bien maîtrisé? Mais il y aura un très grand auditoire.
Et les gens s’en souviennent. Je peux revenir sur l’histoire des débats. Dans 90 % d’entre eux, il ne s’est rien passé, mais il y en a au moins trois ou quatre, peut-être une demi-douzaine de mon vivant dont je me souviens qui étaient vraiment importants. C’est ce que les gens rechercheront.
PETER HAYNES : OK, on va terminer avec les Blue Jays, Frank. J’ai eu l’occasion de vous poser des questions sur l’état de l’équipe à l’approche de la date limite pour le match des étoiles et les négociations. Les Jays sont autour de 500. 140 semble être un niveau de résistance pour les Blue Jays, comme 1,40 l’est pour le dollar canadien. Ils ont encore perdu hier soir. Ça les garde juste en dessous de 500. Toutefois, ils sont à portée de main de la Ligue américaine.
Je me trouve personnellement dans une situation désastreuse parce que je pense que, d’une part, on est loin d’être assez bons. C’est ce que je ressens à l’idée de gagner les quand je vois cette équipe chaque jour essayer de gagner la Série mondiale et on devrait vendre. Mais d’un autre côté, je pense qu’avec le début de la rotation, si on y arrive, on pourrait mener en octobre. Que voulez-vous faire : acheter ou vendre? Vous ne pouvez pas garder.
FRANK MCKENNA : [RIRES] Pour commencer, mon opinion va être celle de tout le monde et fondée sur ce que j’aime au baseball. J’aime une équipe athlétique et stimulante, créative, pas ennuyeuse, juste une équipe divertissante. Dans cette optique, je dirais que Jays ne devrait pas être vendeur, et voici pourquoi.
Premièrement, je ne pense pas qu’on ait grand-chose à vendre. On a Springer. J’aime beaucoup de choses à son sujet, mais il frappe en dessous de 200 maintenant et il a un contrat à 150 millions de dollars, alors je ne sais pas comment vous pouvez vendre ça. Justin Thomas, un contrat d’un an à 13 millions de dollars. Qui va prendre ça, sachant qu’il frappe plus proche de 200 que de 300. Kiermaier, qui frappe moins de 200, un an pour 10,5 millions de dollars. Kirk, qui manque d’athlétisme et qui est à mon avis un réel désavantage. Contrat d’un an seulement à 2,8 millions de dollars.
Ensuite, il y a Guerrero et Bichette. Ce sont des actifs prisés, mais ils sont bien en deçà de leur valeur réelle parce qu’ils n’ont pas eu des années formidables dernièrement. Même Guerrero, même si son nombre peut être de 285 ou de 290, tout repose sur les simples, et on n’entre pas au Temple de la renommée avec des simples.
Je ne pense pas que vous pourriez obtenir un bon prix si vous étiez vendeur, Peter. C’est mon humble avis. Si c’était à moi de décider, je ferais probablement quelque chose au niveau de la direction. C’est un gros problème.
Mais je garderais les lanceurs. Et j’adore l’idée qu’ils fassent jouer les jeunes. Autant le faire. Si vous avez un frappeur à 250, autant avoir un jeune payé 650 000 $ que quelqu’un qui gagne 13 millions de dollars. Je garderais donc Clement, David Schneider, Spencer Horwitz et Addison Barger. Je ferais jouer Orelvis Martínez et je construirais quelque chose autour d’eux.
Et si je devais ajouter quelqu’un, comme je pense qu’on devrait le faire, j’ajouterais de jeunes athlètes qu’on pourrait rassembler et qui seraient très amusants à surveiller pour les années à venir. Ce serait un ajout.
Je continuerais les lanceurs. Je pense que, dans l’ensemble, les lanceurs sont solides. Le lanceur de départ est certainement aussi bon que n’importe quel autre joueur de la ligue, et il est généralement solide. Je suppose que ce serait une façon rapide et brutale de faire les choses.
S’il y avait de bons talents disponibles, de jeunes talents sportifs, créatifs et intéressants, qui pourraient être liés à des contrats à long terme, j’opterais pour ça. Mais autrement, je ne céderais pas nos talents à des prix aussi bas.
PETER HAYNES : Je pense que George Springer est un type formidable. Je suis vraiment impressionné par lui et son comportement, il a une belle histoire personnelle, il a eu des difficultés d’apprentissage depuis son enfance et j’adore son histoire. Mais je commence à me demander si les Jays pourraient faire ce que Houston a fait avec son premier joueur de buts, Abreu, qui avait un gros contrat et qu’ils viennent de le libérer. Ils l’ont mis à disposition. On n’a aucun pouvoir à l’extérieur, sauf, évidemment, un peu, Varsho. Je suis vraiment désolé de le dire, mais je m’inquiète du fait que le déclin de Springer soit si important.
L’autre aspect, Frank, c’est que, on l’a dit l’an dernier, on était en parfaite santé avec notre équipe de lanceurs et maintenant, regardez notre équipe de lanceurs de relève. C’est un désastre complet, pour des raisons de santé et c’est un véritable problème. Donc, si on doit compter sur Nate Pearson pour boucler au cours des prochaines semaines, on va perdre des matchs qu’on n’a pas envie de perdre.
[MUSIQUE]
C’est un vrai problème. Bien, on sera de retour le mois prochain, juste avant la date limite de l’opération. Et je suis sûr qu’on pourra continuer là-dessus, on le fera en direct et j’ai hâte d’y participer. Frank, merci de votre temps, comme toujours.
FRANK MCKENNA : D’accord. Merci, Peter.
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.