Le nouveau premier ministre du Canada participe au débat sur les tarifs et la souveraineté
Invités : Frank McKenna, Président suppléant, Valeurs Mobilières TD et Chris Krueger, directeur général, Washington Research Group, TD Cowen
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 63, les discussions portent sur deux sujets principaux : les premiers jours du nouveau premier ministre Mark Carney à la tête du Canada et les droits de douane. Frank discute de la décision de M. Carney de se rendre en Europe avant d’aller aux États-Unis, une décision qui a été critiquée par le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, et de la réduction importante des effectifs du nouveau Cabinet libéral, une décision qui a certainement heurté certains membres du caucus. Frank présente les avantages et les inconvénients de choisir Mark Carney ou le chef conservateur Pierre Poilievre pour représenter le Canada dans les négociations avec le président Trump, et il réfute les récentes allégations de l’ancien premier ministre Stephen Harper, qui a accusé Mark Carney de s’attribuer à tort le mérite d’avoir sorti l’économie canadienne de la crise financière mondiale. Dans les discussions sur les droits de douane, Frank rejette les exagérations répétées de Donald Trump, qui dit que les États-Unis « subventionnent » le Canada en faisant allusion à la présence de déficits commerciaux. Frank répond que le déficit commercial actuel n’est pas une subvention qui coûte des emplois aux États-Unis. Il traduit plutôt l’abondance des matières premières que les États-Unis importent du Canada. Il remet également en question l’idée que le secteur laitier canadien n’est pas ouvert aux fournisseurs américains; en réalité, les États-Unis n’ont pas encore utilisé plus de la moitié de leurs quotas laitiers avec le Canada depuis l’établissement en 2018, dans le cadre de l’ACEUM, de nouvelles limites d’offres en libre-échange. Frank termine par quelques idées pour que le gouvernement du Canada respecte ses engagements de dépenses envers l’OTAN, et il croit en la nécessité de poursuivre sur la lancée en ce qui a trait à l’élimination des obstacles au commerce entre les provinces.
Chapitres : | |
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0:25 | Jour de l’amitié au Colorado |
3:44 | Cabinet Carney et premier voyage en Europe |
9:02 | Mark Carney ou Pierre Poilievre – Qui est le mieux placé pour négocier avec Trump? |
14:28 | Mark Carney sur les impôts |
16:41 | Déclaration de M. Harper sur le rôle de M. Carney dans la réponse du Canada à la crise financière mondiale |
19:03 | Démission de deux premiers ministres de l’Atlantique : une coïncidence? |
21:12 | Les exagérations de Donald Trump pour justifier les droits de douane imposés au Canada |
28:38 | Atteindre la cible de l’OTAN pour les dépenses militaires |
36:24 | Comprendre les quotas laitiers – Un problème qui ne touche pas uniquement le Canada |
48:08 | La dynamique en faveur de l’élimination des barrières commerciales entre les provinces est-elle durable? |
50:25 | J’ai retrouvé la passion des Blue Jays. |
Ce balado a été enregistré le 17 mars 2025.
FRANK MCKENNA : Les États-Unis devraient nous remercier d’être un partenaire commercial aussi généreux plutôt que de dire qu’on ne contribue en rien à la relation.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode de mars de Géopolitique, en compagnie de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD, et j’anime cette série de balados chaque mois, où nous avons l’occasion d’entendre les perspectives de Frank sur les enjeux géopolitiques mondiaux.
Frank, je voudrais commencer par saluer nos amis canadiens au Colorado. Le gouverneur Jared Polis a déclaré le samedi 15 mars Journée de l’amitié avec le Canada. Il a hissé le drapeau canadien au capitole d’État à Denver.
Il s’agit d’un beau geste à un moment où tous les Canadiens se sentent un peu blessés par la rupture apparente avec nos meilleurs amis et voisins du sud. En attendant, les Canadiens sont très mécontents. Ça, on le sait. L’hymne national américain est hué lors de manifestations sportives et les municipalités canadiennes commencent à retirer les drapeaux américains qui flottaient auparavant en harmonie aux côtés des drapeaux canadiens. Frank, où en est-on dans notre relation avec les États-Unis?
FRANK MCKENNA : Le Canada est ciblé de manière extrêmement sévère, et les Canadiens, bien sûr, ne le comprennent pas. Ils ne comprennent pas non plus que leur voisin digne de confiance parle d’annexion et affirme que leur pays n’a aucune valeur, ce qui est dans les faits ce qu’a dit M. Trump.
« Vous n’apportez rien à la relation », en oubliant le pétrole, le gaz, la potasse, l’acier, l’aluminium et tout le reste. En gros, on n’a aucune valeur. « Vous êtes un partenaire sans valeur. » S’il s’agissait d‘une relation personnelle, comment le prendriez-vous? C’est la même chose dans une relation de pays à pays.
Mais il ne s’agit pas que de M. Trump. Tous ses laquais nous adressent le même message. Ça me rappelle une blague sur Margaret Thatcher lorsqu’elle était première ministre du Royaume-Uni.
Mme Thatcher est allée manger dans un restaurant, et le serveur lui a demandé : « Madame Thatcher, qu’est-ce que vous aimeriez manger? » Elle a dit : « Je prendrai le pâté au bœuf et aux rognons. » Le serveur lui demande alors : « Et pour les légumes? » Elle lui répond : « Oh, ils prendront la même chose que moi. »
Ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui. Si vous écoutez tous les hommes du roi, ceux qui entourent M. Trump, ils utilisent presque exactement les mêmes mots et se font l’écho des mêmes pensées.
Pour faire court, les Canadiens sont blessés, se sentent trahis et font ce qu’ils peuvent dans leur petit monde pour gérer la situation. Beaucoup d’entre eux sont en train de vendre. J’ai parlé hier à un Canadien qui rentre au pays. Il a vendu sa maison en Floride, et il m’a confié que six Canadiens dans la même rue ont fait la même chose.
Voilà ce qu’ils font. Ils expriment leur mécontentement en partant. Ils annulent des conventions, des vacances, des voyages aux États-Unis et font des achats au Canada. Ils achètent des produits canadiens plutôt que des produits américains. Ils huent l’hymne américain, une attitude que je n’aime pas, mais que je comprends, et retirent les drapeaux américains.
On passe même en revue les grands contrats d’approvisionnement, qu’il s’agisse de Starlink dans l’Ontario ou de l’achat de Teslas. Le premier ministre Carney a également demandé une revue du contrat F-35, un énorme contrat d’approvisionnement conclu avec un fabricant américain, Lockheed Martin. Chacun à sa manière fait ce qu’il peut pour exprimer sa désapprobation quant au comportement de nos voisins, ainsi que son soutien et son amour pour le Canada.
PETER HAYNES : Oui, chacun essaie de contribuer à sa manière. Notre fierté envers ce pays n’a jamais été aussi grande, du moins de mon vivant, et c’est un point positif. On va aborder d’autres aspects positifs un peu plus tard dans la discussion.
Mais vous avez mentionné Mark Carney. C’est notre nouveau premier ministre depuis vendredi. Les relations entre le Canada et les États-Unis restant un sujet brûlant, la guerre commerciale économique en cours et les menaces d’annexion étant au cœur de l’actualité, Mark Carney est incontestablement dans l’œil du cyclone médiatique en ce moment. Il n’a pas perdu de temps en annonçant son nouveau Cabinet.
Frank, les nominations de Mark Carney au sein de son cabinet vous paraissent-elles pertinentes, importantes, surprenantes? Le National Post a titré aujourd’hui que M. Carney était censé ne rien faire. Ils font référence au fait qu’on est sur le point d’entrer dans un cycle électoral. Alors, pourquoi a-t-on besoin de ce nouveau cabinet?
FRANK MCKENNA : Parce qu’on est littéralement, entre guillemets, « sur le pied de guerre ». Les nominations des membres du cabinet comportent trois ou quatre signaux qu’il convient d’interpréter. Premièrement, il a eu le courage de passer de 37 à 20 ministres, ce que je lui avais franchement déconseillé. Ce genre de décision peut blesser beaucoup de gens. Beaucoup d’endroits se sentent sous-représentés. C’était assez courageux, et ça envoie un signal clair : il veut une machine efficace et sans superflu.
Deuxièmement, il n’a pas respecté la parité hommes-femmes au sein du cabinet; il a envoyé un autre signal intéressant : je ne suis pas un adepte du wokisme à la M. Trudeau. Il a laissé Dominic LeBlanc, Mélanie Joly et David McGuinty en première ligne dans le conflit en cours avec les États-Unis d’Amérique. Ça montre clairement qu’ils ont fait du bon travail et qu’il leur fait confiance.
Il a confié à François-Philippe Champagne le portefeuille des finances, le plus important dans presque tous les gouvernements. Il s’agit là d’un signal fort, qui marque un changement de direction, un changement vers le centre du spectre. J’ai parlé à François-Philippe à de nombreuses reprises. Il n’a jamais été adepte de certaines des orientations les plus à gauche de M. Trudeau. Il est beaucoup plus centriste et proaffaires.
La nomination de François-Philippe Champagne est un véritable signal, tout comme celle d’Anita Anand. Elle se voit confier le portefeuille le plus important après les finances et les affaires mondiales, c’est-à-dire le portefeuille de l’industrie.
C’est une belle récompense pour elle. Elle a prouvé qu’elle était très compétente, très pro-entreprise, très centriste et très avisée dans tous les domaines qu’elle a touchés, qu’il s’agisse de l’approvisionnement, des forces armées ou du libre-échange interprovincial. Il a récompensé les personnes qui ont fait du bon travail, et il fait savoir qu’il s’agit d’un gouvernement tourné vers les affaires, très favorable au secteur privé.
PETER HAYNES : Un autre point marquant des premiers jours de travail de M. Carney, soit deux ou trois jours, c’est sa décision de se rendre en Europe pour son premier voyage à l’extérieur du Canada. Ce matin, on enregistre le lundi ici, il a dîné avec le président de la France, Emmanuel Macron. Il s’est ensuite rendu au Royaume-Uni pour rencontrer le roi en privé, puis il a rencontré le premier ministre Keir Starmer.
Cette décision d’aller en Europe plutôt qu’ailleurs a soulevé l’ire du premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui a critiqué M. Carney pour ne pas s’être rendu d’abord à Washington. M. Carney dit qu’il n’a pas l’intention de se rendre à Washington et qu’il parlera au président Trump au « moment approprié ». Êtes-vous d’accord avec la décision de M. Carney de rencontrer ses partenaires européens avant les États-Unis?
FRANK MCKENNA : Oui. J’ai le plus grand respect pour le premier ministre Moe, mais je pense qu’il a tort. La première ministre Danielle Smith s’est rendue à Mar-a-Lago et à Washington et, comme qui dirait, elle n’est revenue qu’avec un t-shirt minable. Ça n’a pas aidé la cause du tout, et faire des génuflexions devant le président Trump n’a pas l’air de lui avoir réussi.
Quel serait le comportement du président Trump lors d’une rencontre avec le premier ministre Carney? M. Carney se mettrait-il à plat ventre? Est-ce qu’il ferait le coq? Ça donnerait quoi? Vous avez vu ce qu’il s’est passé avec Zelensky lors de cette confrontation à la télévision en direct.
On parle d’une rencontre en tête-à-tête avec quelqu’un d’aussi imprévisible que le président Trump. Le niveau de risque pour M. Carney et pour le pays est alors extrêmement élevé. Un appel téléphonique, qui est prévu, est une première étape appropriée. Alors, je suis d’accord avec lui sur ce point.
D’un autre côté, tout observateur indépendant pourrait dire qu’il a agi rapidement et qu’il a été très décisif. Rencontrer très tôt le premier ministre Ford, de la plus grande province du Canada : c’est judicieux. Rencontrer le premier ministre Legault en fin de semaine, la deuxième plus grande province du Canada : c’est judicieux. Participer au défilé de la Saint-Patrick, c’est judicieux pour toutes les personnes d’origine irlandaise. C’était la bonne chose à faire.
Quelle est l’utilité d’une rencontre avec Macron et Starmer? Ça vous donne l’air d’un premier ministre en compagnie de premiers ministres et de dirigeants. C’est un signal fort à envoyer aux Canadiens : je ne suis pas seulement un chef de parti. Je suis premier ministre. Le fait qu’il les connaisse est plutôt impressionnant.
Ensuite, il rencontre le roi, et pour beaucoup de Canadiens, ça a un sens. Et c’est aussi important que le roi le rencontre. Sur le chemin du retour, il s’arrêtera dans l’Arctique pour y mettre le drapeau du Canada et faire valoir ses prétentions sur l’Arctique. Il coche toutes les bonnes cases dès le départ.
PETER HAYNES : Il ne va pas tarder à faire face à la compétition : une élection est prévue, et certains observateurs politiques considèrent qu’il s’agit de la plus importante de l’histoire du Dominion depuis sa création en 1867.
Je suis curieux, Frank. Quand on pense aux tensions avec les États-Unis et le président Trump, beaucoup de Canadiens vont voter en fonction de qui se comporte le mieux dans les négociations avec le président et les États-Unis.
Pouvez-vous nous parler des avantages et des inconvénients de chacun des deux principaux candidats, le leader conservateur Pierre Poilievre et Mark Carney, en ce qui concerne la gestion de la position du Canada dans le débat actuel sur le commerce et la souveraineté avec les États-Unis?
FRANK MCKENNA : Les critiques diront que je ne peux pas rendre justice aux deux, mais je vais énumérer quelques-uns des points forts de chacun. Je dirais que les élections fédérales de 1988 et l’accord de libre-échange proposé par le gouvernement de Brian Mulroney ont aussi été très, très importants dans l’histoire du Canada. En cent ans, on n’a pratiquement jamais eu d’élections portant sur un seul sujet; en 1988, c’était le libre-échange. C’était aussi très important.
Dans le cas de Poilievre, on a affaire à un politicien extrêmement expérimenté. Il a fait de la politique toute sa vie. Il n’y aura pas de conflits d’intérêts, car il n’a jamais vraiment travaillé dans un domaine autre que la politique.
C’est un débatteur très compétent. Il va mener une très, très bonne campagne et apporter avec lui tout un arsenal d’armes, 30 ou 40 millions de dollars, qu’ils vont dépenser pour tenter d’attaquer Carney et vraisemblablement toute une série de candidats déjà investis. Il dispose d’une organisation électorale puissante et efficace. Il est paré pour le combat.
C’est aussi un conservateur, et on peut dire que ça conviendrait à Trump et à ses courtisans. Je l’ai déjà fait remarquer, il n’est pas du type MAGA. Je ne pense pas qu’il soit le type de conservateur qui compose actuellement le parti républicain. Mais c’est un conservateur, et en ce sens, idéologiquement, il conviendra mieux, probablement, aux partisans de M. Trump.
Il s’est également engagé à mettre en œuvre certaines des mesures qui font écho à ce que font les États-Unis : réduction de la taille du gouvernement, baisse des impôts, déréglementation, simplification des procédures de délivrance des permis, place au secteur privé. Ce sont des avantages pour lui.
Dans le cas de M. Carney étonnamment, il a des points communs avec M. Poilievre en ce qui a trait à l’orientation du gouvernement : petit gouvernement, réforme fiscale.
Il a déjà indiqué que la taxe carbone et le taux d’inclusion des gains en capital disparaîtraient. La différence réside dans les taux de carbone industriel. M. Poilievre a déclaré aujourd’hui qu’il s’en débarrasserait. Très franchement, j’ai constaté que l’industrie a fini par l’accepter, mais apparemment, les conservateurs pensent aussi qu’il faut l’abolir.
Ce sera probablement un facteur de différenciation. Selon moi, Carney n’a aucune expérience politique. On lui reprochera de venir du secteur privé en termes de conflits.
Il apportera une grande expérience du secteur privé, de Goldman Sachs, de Brookfield Asset Management, de Streit, de Bloomberg. Ces entreprises sont parmi les plus respectées du monde. Il apporte cette expérience du secteur privé. Il a géré deux des plus grandes crises de ces dernières décennies : la crise des services financiers et, bien sûr, le Brexit, en tant que gouverneur de deux banques respectives.
Il présente un pedigree de classe mondiale, ce qui n’est pas négligeable. Stephen Schwarzman, chef de la direction de Blackstone, a lutté pour que Mark Carney les rejoigne à Brookfield. Et il m’a confié plus tard : « Vous avez le plus grand talent de la planète. Ce type a un carnet d’adresses incroyable. Il peut appeler n’importe qui dans le monde, et on répond à son appel. » Vous êtes au sommet de l’échelle en termes d’influence.
Est-ce que c’est positif pour un pays? C’est certain. On a une personne qui a une expérience extraordinaire du secteur privé et de l’économie, une expérience reconnue en gestion de crise, mais qui n’a que très peu d’expérience politique. En termes d’expérience politique, il sera malmené par Poilievre dans les débats et sur le chemin de la campagne, et c’est aux Canadiens de décider.
PETER HAYNES : Frank, pensez-vous qu’il s’agira de décider qui est le mieux armé pour débattre avec M. Trump, ou bien cette question est-elle exagérée en ce moment?
FRANK MCKENNA : L’anxiété économique au sens large sera le thème de l’élection. Elle tournera autour de notre réponse aux États-Unis, mais aussi de la manière dont on va remodeler le Canada. Ce seront les grands enjeux.
Je ne pense pas que M. Carney puisse se soustraire à l’héritage, pour le meilleur ou pour le pire, du gouvernement libéral dont il fait partie, et ce point fera également partie du débat. Il pourra se vanter de certaines réussites et il devra se défendre contre certaines critiques. Dans une large mesure, la discussion portera sur l’anxiété économique du Canada par rapport aux États-Unis, sur la place du Canada dans le monde et sur la manière dont le Canada peut devenir une nation plus compétitive.
PETER HAYNES : En parlant de compétitivité, la fiscalité est un enjeu important. Par rapport aux États-Unis, nos taux d’imposition sont bien plus élevés. C’est une question que l’on me pose régulièrement au sujet de M. Carney. On ne cesse de me demander quelle sera, selon Frank, la position de M. Carney sur la fiscalité.
Comme vous l’avez déjà dit, il a éliminé la tarification du carbone pour les consommateurs. Il a annoncé son intention de renverser le taux d’inclusion des gains en capital, qui a augmenté en juin 2024, je crois. Et compte tenu des efforts déployés par le président Trump pour inciter les multinationales à investir aux États-Unis et, bien entendu, pour vanter les taux d’imposition sur les sociétés les plus bas dans ce pays, le Canada risque de se retrouver dans une position peu compétitive. Pensez-vous que M. Carney réduira l’impôt sur les sociétés et, le cas échéant, devra-t-il réduire les dépenses publiques en conséquence?
FRANK MCKENNA : Oui et oui. Il va limiter la présence de l’État. Premièrement, le moment est venu de tailler sagement dans les dépenses publiques. Deuxièmement, M. Carney comprend qu’on doit être compétitifs par rapport aux États-Unis. Il a déjà indiqué qu’on devra avoir un environnement fiscal plus concurrentiel.
Ça pourrait se traduire par une baisse des taux d’imposition sur les sociétés, mais aussi par des mesures telles que l’amortissement accéléré, qui tend à stimuler l’investissement sur des sites, ou d’autres mesures qui rendraient l’investissement au Canada plus probable. Sur tous ces points, vous pouvez être certain qu’il fera tout ce qui est nécessaire pour pouvoir rivaliser avec les États-Unis.
PETER HAYNES : Frank, en songeant aux problèmes fiscaux rencontrés par les différents gouvernements au cours de votre mandat, pourquoi le Canada n’a-t-il jamais envisagé un modèle pour les gains en capital similaire à celui des États-Unis : si vous investissez à court terme, c’est considéré comme un revenu, mais si vous investissez à long terme, c’est-à-dire un an plus un jour, c’est considéré comme un gain en capital, et avec un taux d’inclusion beaucoup plus bas que celui en vigueur au Canada? Pourquoi n’a-t-on jamais expérimenté ce type de structure au Canada? Y a-t-il quelque chose qui m’échappe?
FRANK MCKENNA : Je soupçonne qu’avec M. Trudeau aux commandes, on n’a pas beaucoup réfléchi à la fiscalité des entreprises et à la manière de la rendre plus concurrentielle. C’est l’une des choses qui changeront radicalement avec François-Philippe Champagne.
C’est un homme d’affaires dans l’âme, qui s’est battu pour attirer les investissements au Canada en tant que ministre de l’Industrie et qui sait ce qu’il faut faire pour attirer les investissements. C’est quelqu’un qui se pencherait sur la question très, très rapidement.
PETER HAYNES : Frank, juste avant de passer à la discussion sur les tarifs, sujet principal de notre échange aujourd’hui, j’aimerais avoir votre avis : l’ancien premier ministre Stephen Harper a récemment déclaré que son ministre des finances de l’époque, Jim Flaherty, un de vos bons amis, méritait les honneurs pour la gestion de la crise financière de 2008 par le Canada, et non Mark Carney. Comme on le sait, ce dernier s’est vu attribuer de nombreux mérites en tant que gouverneur de la Banque du Canada. Selon vous, M. Carney mérite-t-il une partie du mérite qui lui est accordé, ou est-ce M. Flaherty qui s’est chargé de la plus grande partie de la gestion de la situation pendant la crise financière mondiale?
FRANK MCKENNA : Je ne suis pas surpris que le premier ministre Harper fasse du révisionnisme historique. La campagne de Poilievre a sans aucun doute exercé une forte pression sur lui pour qu’il s’exprime publiquement. Auparavant, il s’était montré très élogieux à l’égard de Mark Carney. Je sais qu’il a invité Mark Carney dans son cabinet en tant que ministre des Finances, ce qui est le plus bel éloge que l’on puisse faire. Mais il joue pour son équipe. Alors, il essaie de tenir compte de l’intérêt de Poilievre à battre Carney.
Je pense qu’ils méritent tous les deux d’être félicités, et c’est généralement le cas. M. Flaherty a été ferme et efficace pendant cette période, et Mark Carney a été un banquier central extraordinairement compétent à l’époque. Si vous leur posiez la question, ils se féliciteraient l’un et l’autre d’avoir travaillé en étroite collaboration et de nous avoir permis de traverser la crise.
En passant, je note aussi que les cinq chefs de la direction des banques ont également joué un rôle majeur dans la réponse canadienne. Notre chef de la direction, Ed Clark, était littéralement le chef de ce groupe. Il téléphonait pratiquement tous les jours au gouverneur de la banque, au sous-ministre des finances ou à d’autres personnes concernées pour nous aider à traverser cette période.
C’est grâce au leadership de ce regroupement que le Canada s’en est probablement mieux sorti que n’importe quel autre pays du monde face à la crise des services financiers. La solidité de nos banques était une caractéristique extraordinairement importante. Le fait qu’on disposait d’une direction restreinte et proche, qui se téléphonait littéralement presque tous les jours pour gérer la situation, au lieu d’une multitude d’agences de régulation dans d’autres pays, nous a permis d’y parvenir.
PETER HAYNES : L’histoire montrera clairement que le Canada a mieux résisté à la crise financière que bon nombre des autres pays du G7. Frank, deux premiers ministres très populaires de la côte est, Andrew Furey de Terre-Neuve et Dennis King de l’Île-du-Prince-Édouard, ont démissionné à la fin du mois de février. Dans le cas de M. Furey, c’était peu de temps après avoir fait des commentaires très inquiétants sur les véritables intentions de l’administration Trump, à son retour d’un voyage à Washington. Que pensez-vous de ces départs soudains? Est-ce une coïncidence, ou y a-t-il autre chose dans cette histoire?
FRANK MCKENNA : Il n’y a rien de particulier à dire, Peter. Tous les deux étaient de bons premiers ministres qui faisaient du bon travail. Ce sont tous les deux de bons amis à moi et on s’est parlé avant leur départ respectif. Il n’y a aucun lien.
Dans le cas de Dennis King, il aimait son travail et faisait du bon travail à l’Île-du-Prince-Édouard, mais il était plus proche d’un libéral que d’un conservateur, même si son titre était conservateur. Et il était très proche du premier ministre Trudeau. Il savait que M. Trudeau était la seule personne qui pouvait l’aider à atteindre son objectif, c’est-à-dire être l’ambassadeur en Irlande. Il a été nommé ambassadeur au cours des derniers jours du gouvernement Trudeau.
Dans le cas du premier ministre Furey, on a eu de nombreuses conversations pendant un certain temps. Son intention était de faire du bon travail, mais pas longtemps. En tant que premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, il était excellent, mais il s’est enlisé dans les rouages du processus législatif de la province.
À Terre-Neuve-et-Labrador, si vous partez, si vous démissionnez, une élection doit être déclenchée dans l’année. Andrew Furey aurait alors aimé tenir une autre élection et poursuivre son travail pendant encore plusieurs années.
Le problème, c’est que, à son départ, peut-être un ou deux ans plus tard, de nouvelles élections seraient organisées, et ça, juste après la tenue d’élections. Il ne voulait pas faire vivre cette épreuve à Terre-Neuve-et-Labrador, alors il est parti plus tôt qu’il ne l’aurait souhaité.
Mais il est parti sur une bonne note, et je pense qu’on aura des conversations dans les semaines à venir sur son avenir. C’est un homme très brillant, un grand Canadien, et il devrait figurer sur la liste de tous ceux qui souhaitent étoffer leur équipe.
PETER HAYNES : Je suis heureux d’apprendre qu’il continuera à faire partie d’une équipe, en espérant que ce soit au Canada. Nos dirigeants politiques canadiens ont été très frustrés par le président Trump et ses proches. Vous les avez qualifiés de « laquais » tout à l’heure, surestimant à plusieurs reprises le déficit commercial des États-Unis avec le Canada.
Le 13 mars, M. Trump a déclaré : « Dans le cas du Canada, on dépense 200 milliards de dollars par année pour subventionner le pays », fin de la citation. Ce chiffre est tout à fait exagéré. Le déficit réel avoisine les 70 milliards de dollars pour l’année dernière, et il est bien documenté. On en parle depuis des mois, tout comme de nombreux dirigeants canadiens : ce déficit est dû à la demande nette des États-Unis pour les produits énergétiques canadiens.
Plus récemment, les observateurs ont eu l’impression que M. Trump incluait dans sa rhétorique les coûts attribués à la défense du Canada. Après tout, ce n’est un secret pour personne que le Canada n’a pas respecté son engagement de 2 % de dépenses de défense de l’OTAN, en place depuis 2014, et pour cette raison, on reconnaît tous que le pays mérite d’être critiqué.
J’ai du mal à comprendre s’il suffit de calculer le montant de la sous-contribution du Canada à ses dépenses de défense depuis que l’engagement de 2 % a été officialisé, et si ce montant est égal à celui des subventions accordées par les États-Unis au Canada. Est-ce que vous pouvez m’aider à comprendre, Frank?
FRANK MCKENNA : Il y a beaucoup de choses à décortiquer ici, mais ce serait antiparlementaire de dire que M. Trump a menti. Je dirai simplement qu’il s’agit d’une exagération grossière, qui n’est pas différente des autres exagérations dont il s’est rendu coupable au fil du temps. Il ne dit jamais de bien du Canada.
Ce qu’il oublie de dire, c’est qu’il s’agit de la relation commerciale la plus importante que les États-Unis entretiennent dans le monde entier. On pourrait s’attendre à ce que le déséquilibre commercial soit le plus important dans le cadre de la relation la plus importante. Ce n’est pas le cas. Sur dix pays dans le monde, on est au dixième rang en termes de déséquilibre. C’est dérisoire par rapport à l’ampleur de la relation.
Deuxièmement, d’un point de vue qualitatif, le déséquilibre dans d’autres pays qui dérange les États-Unis – la Chine, le Vietnam et le Mexique – concerne les produits manufacturés qui sont importés aux États-Unis et qui, pourrait-on dire, défavorisent le secteur manufacturier américain.
Ce n’est pas le cas au Canada. C’est tout le contraire. On fournit des matières premières. En fait, on cède la valeur ajoutée et la chaîne de valeur ajoutée aux États-Unis. Dans le cas du pétrole, la valeur a diminué de 10 % à 20 %.
On transfère littéralement des dizaines de milliards de dollars de valeur aux États-Unis pour qu’ils ajoutent de la valeur à nos matières premières. On n’a pas de surplus pour les produits manufacturés. En fait, on est en déficit, et on est aussi en déficit sur les services d’environ 30 milliards de dollars. Sur tous ces points, les États-Unis devraient nous remercier d’être un partenaire commercial aussi généreux plutôt que de dire qu’on ne contribue en rien à la relation.
Il ne faut pas oublier non plus, Peter, que le seul domaine dans lequel on a des produits manufacturés est essentiellement le secteur de l’automobile. On détient environ 10 % des automobiles en Amérique du Nord. Le Mexique est plus près des 20 %, mais 10 % est plus proche de notre part naturelle.
M. Trump a beau vouloir nous dénigrer, il y a 40 millions de personnes ici, et on conduit aussi des voitures. On devrait avoir le droit d’avoir un certain nombre de produits manufacturés et de pièces automobiles pour répondre aux besoins de cette clientèle nationale. Mais le commerce des pièces et des voitures est parfaitement intégré partout en Amérique du Nord.
Et, Peter, ce n’est pas comme si ça avait surgi de nulle part. On l’a négocié. J’ai participé aux négociations en 1989. Les États-Unis voulaient la sécurité énergétique, et en échange, ils voulaient qu’on s’entende sur un cadre intégré pour le commerce, ce qu’on a fait et signé.
Puis, M. Trump a déchiré cet accord, puis il a négocié : il a dit que c’était le pire accord commercial jamais conclu. Il a ensuite négocié l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui, selon lui, a été le meilleur accord commercial jamais conclu. C’est sur cette base que les fournisseurs et les fabricants de pièces automobiles ont mis en place cette structure intégrée que le monde entier nous envie.
Peter, on n’a pas cherché d’autres marchés dans le monde pour notre pétrole. On n’a pas construit de pipelines, ce qu’on aurait dû faire. On n’a pas trouvé d’autres marchés pour la potasse, l’aluminium et tout le reste, parce qu’on a cru les États-Unis sur parole lorsqu’ils ont dit qu’il s’agissait d’une relation où les deux parties étaient gagnantes.
Et maintenant, il a tout déchiré. Franchement, il est sans foi ni loi. Bien qu’on ait conclu un accord de libre-échange, il se comporte comme un véritable renégat, ignorant totalement la règle de droit. Alors, on peut comprendre que n’importe quel partenaire commercial dans le monde puisse être frustré dans de telles circonstances. Il se trompe dans ses chiffres.
Vous avez parlé des dépenses militaires. On devrait sans doute en faire plus et on en fera plus. Mais il ne faut pas oublier que le monde entier a récolté les dividendes de la paix grâce à ce que j’appelle la Pax Americana. Les dividendes de la paix ont été versés au fur et à mesure que les hostilités ont cessé dans le monde et que les relations commerciales se sont développées, en grande partie grâce au leadership des États-Unis.
On a probablement été trop complaisants, alors il faut maintenant redoubler d’efforts. On peut le faire. On atteint déjà des niveaux d’engagement plus élevés en matière de dépenses militaires, et on peut justifier ces dépenses différemment. Les Américains comptabilisent l’ensemble de leurs garde-côtes dans leurs dépenses militaires. On pourrait mettre quelques fusils à bord de nos navires de la Garde côtière pour gonfler les chiffres, ce qui nous permettrait d’inclure des milliards de dollars supplémentaires dans la comptabilité de nos dépenses militaires.
L’autre chose qu’on doit garder à l’esprit tout comme les Américains, c’est la destination de l’argent qu’on dépense. On le dépense aux États-Unis. On passe une grande partie de nos marchés d’armement aux États-Unis. Ce n’est pas le cas de tous les autres pays du monde.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’on est une frontière septentrionale qui n’a pas besoin d’être défendue. Cette frontière est littéralement la plus longue et la moins défendue au monde. Si les États-Unis étaient voisins d’un autre pays plus hostile que nous, ils devraient consacrer une grande partie de leur budget militaire à la protection de leur frontière septentrionale. Je dirais que 0 % de leur budget est consacré à la frontière nord, parce qu’on est un allié bienveillant.
On peut envisager les choses de différentes façons, mais en fin de compte, on sait qu’on doit faire plus, et on va le faire. Avant d’engager d’énormes sommes d’argent, on doit savoir où va le monde.
À l’heure actuelle, les États-Unis affirment en substance que la Russie est leur nouveau meilleur ami, et pas le Canada. Est-ce qu’il faut se réarmer pour pouvoir repousser la Russie alors qu’elle est maintenant dans le cercle des amis des États-Unis, ou est-ce qu’il faut attendre de voir comment ça se passe?
Les États-Unis envisagent actuellement une réduction de 10 % par année de leurs dépenses de défense. Est-ce qu’on devrait aussi attendre de voir comment ça se passe? Il y a beaucoup de choses qui bougent ici, mais pour faire court, il me semble que la tendance à long terme devrait être un plus grand engagement dans les dépenses militaires.
PETER HAYNES : Alors, on va parler de la façon dont on va y parvenir. Votre bon ami, le général à la retraite des Forces canadiennes Rick Hillier, et quelques autres anciens chefs militaires du Canada ont récemment suggéré dans une lettre d’opinion publiée par le National Post que le Canada pourrait obtenir de l’argent pour les dépenses de défense auprès de sources externes en créant ce qu’on appelle une banque de défense, de sécurité et de confiance. Elle émettrait ensuite des obligations garanties par le gouvernement à des acheteurs, potentiellement des fonds de pension canadiens, et d’autres acheteurs potentiels au pays.
Les chefs militaires ont suggéré d’augmenter les dépenses notamment par la remise en état des casernes militaires partout au Canada, qui sont, de l’avis de tous, plutôt délabrées, ce qui permettrait d’augmenter les dépenses d’environ 15 milliards de dollars.
De plus, le Canada pourrait payer davantage ses soldats, ce qui aiderait au recrutement. Quel conseil donneriez-vous au prochain gouvernement canadien sur la manière d’aborder ce domaine sensible pour le Canada, et pensez-vous que nos citoyens sont prêts à faire les sacrifices nécessaires pour répondre à cette obligation de défense?
FRANK MCKENNA : Je pense que nos citoyens sont prêts. La tolérance à la douleur est assez élevée dans ce pays, et il faut revoir l’ordre des priorités. Dans une certaine mesure, on doit être plus ambitieux. On ne peut pas dépenser en un mois les 20 ou 30 milliards de dollars qui nous permettraient d’atteindre le chiffre souhaité par certains, mais on doit être plus ambitieux.
J’en ai parlé à l’ambassadeur des États-Unis, il n’y a pas si longtemps. Il a dit : « Écoutez, ça aiderait beaucoup si votre gouvernement nous disait ‘On aspire à atteindre cet objectif et on est déterminés à l’atteindre’.
M. Trudeau ne dit même pas ça. » M. Trudeau n’a jamais été vraiment engagé dans cette voie, alors je comprends pourquoi il ne le disait pas. Sous la nouvelle direction d’Ottawa, c’est ce qu’ils disent. Et il est important qu’on démontre nos aspirations et nos convictions. C’est la première chose.
Deuxièmement, on doit être beaucoup plus attentifs à nos dépenses. Doit-on continuer à dépenser de l’argent aux États-Unis? Par exemple, on a le contrat F-35, qui est en cours d’examen. L’alternative, ce sont les griffons suédois, et je crois comprendre qu’ils ont des capacités similaires. Mais dans le cas des griffons, ils sont prêts à fabriquer l’avion en grande partie au Canada.
On doit penser un peu égoïstement. Ne devrait-on pas détourner une partie de notre argent des États-Unis, puisque la relation est devenue trop dépendante, et se tourner vers d’autres régions du monde?
Soit dit en passant, Peter, ce n’est pas un hasard si les actions de défense européenne explosent et que les actions de défense américaines s’effondrent. Le monde entier comprend ce message assez rapidement, et le message n’est pas beau à entendre pour les États-Unis.
L’autre question est celle de l’opérabilité. On a toujours voulu être interopérable avec les États-Unis, mais c’est peut-être en train de changer. Peut-être qu’il faut penser à d’autres formes d’interopérabilité. De nombreux systèmes d’armement sont contrôlés par le vendeur final de ces systèmes d’armement.
Beaucoup en Europe disent ne pas vouloir que les États-Unis contrôlent le système d’armes qu’ils utilisent aujourd’hui. Ils peuvent nous fermer le robinet au pire moment, comme l’Ukraine l’a découvert avec la plateforme de renseignement.
Alors, on doit y réfléchir très attentivement et ne pas se laisser guider par notre attachement émotionnel aux États-Unis. Il faut réfléchir à la meilleure façon de dépenser cet argent, parce que ça coûtera des dizaines de milliards de dollars, et aux avantages qu’on peut en tirer pour le Canada.
D’ailleurs, on est en train de prendre des décisions qui nous permettront d’atteindre rapidement ce chiffre et même de le dépasser. Pour les navires de combat de surface, ce programme représente 30 à 50 milliards de dollars sur la durée, et il est bien lancé.
De nombreuses décisions importantes en matière de dépenses sont en train d’être mises en œuvre, et je pense qu’on va arriver au chiffre approprié. Mais franchement, Peter, il faut faire preuve de détermination, de volonté et d’égoïsme.
PETER HAYNES : Oui. La question est : ça va coûter combien? L’objectif de 2 % du PIB pour les dépenses militaires pourrait ne plus suffire. Vous avez parlé des actions de défense européenne. J’aimerais parler un peu de l’Europe et des dirigeants européens.
Compte tenu des récentes actions du président Trump à l’égard de l’Ukraine, certains des dirigeants européens que le premier ministre Carney a rencontrés aujourd’hui ont compris que le continent pourrait être livré à lui-même alors que les États-Unis se retirent de leur engagement en faveur du multilatéralisme.
Il y a un peu plus d’un an, le général britannique Sir Patrick Sanders a provoqué l’émoi en prononçant un discours dans lequel il décrivait l’état de l’armée britannique. Cette armée a diminué de moitié par rapport à ce qu’elle était il y a 30 ans et a subi une réduction de près de 30 % de son financement au cours des douze dernières années.
M. Sanders a décrit les Britanniques comme faisant partie de ce qu’il a appelé, je cite, une génération d’avant-guerre qui pourrait devoir se préparer à affronter une Russie de plus en plus agressive. Il a suggéré au pays de suivre l’exemple de la Suède en réintroduisant une sorte de service obligatoire.
L’amiral Sir Tony Radakin, alors chef de la défense britannique, s’est empressé de revenir sur ce commentaire. Selon vous, les dirigeants européens croient-ils vraiment qu’il s’agit d’un nouveau paradigme? Si oui, comment pensez-vous que les différents pays se partageront le fardeau de la défense du continent, et quel rôle le Canada pourrait-il jouer?
FRANK MCKENNA : Oui. Il ne fait aucun doute que l’Europe, comme le reste du monde, surfe sur les dividendes de la paix depuis un certain temps. Maintenant, avec une Russie beaucoup plus agressive et une Amérique beaucoup moins amicale, les gens doivent repenser leur position.
Honnêtement, je pense que les dirigeants européens le voient comme ça. La conscription est un autre problème. Je ne pense pas qu’on en soit encore là, même si la question a été activement abordée la semaine dernière pour le Canada, mais on n’en est pas encore là.
Les dirigeants européens, oui. Ils se méfient des États-Unis. Ils se rendent compte qu’ils doivent augmenter leurs dépenses et renforcer leur contrôle de la défense de l’Europe. Ils doivent se réarmer. Vous aurez remarqué que l’Allemagne est parvenue à un accord avec son nouveau gouvernement et les Verts sur un nouveau programme de dépenses massif; je pense que toute l’Europe suit la même voie.
L’augmentation spectaculaire de la production de défense en Europe, l’utilisation des capacités européennes et la volonté d’interopérabilité au sein de l’Europe. Ils craignent que les Américains aient le doigt sur la gâchette. Ils ne sont pas sûrs que ce soit un allié digne de confiance.
Ces mots me font mal, mais c’est le monde dans lequel on vit. Le Canada allait probablement envisager une plus grande interopérabilité avec les Européens. Difficile de dire ce que ça signifie.
On a déjà une commande importante pour 18 F-35, trois lots de six, il me semble. Mais la deuxième phase de la commande pourrait être confiée à un autre constructeur aéronautique. Les forces armées préféreraient ne pas avoir deux avions différents en service, mais il est possible qu’on suive cette voie. Tout dépendra de l’hostilité des relations avec les États-Unis dans les semaines et les mois à venir.
Tout ça pour dire que le président Trump a rendu service à l’Europe et au Canada à bien des égards, en réveillant les gens sur la nécessité de s’occuper d’eux-mêmes. L’Europe commence à réagir vigoureusement.
PETER HAYNES : Frank, vous avez évoqué tout à l’heure la réduction des dépenses de défense des États-Unis. Pensez-vous que ces derniers fermeront certaines de leurs bases militaires avancées en Europe?
FRANK MCKENNA : Oui. Ils vont vraisemblablement rapatrier des militaires d’Europe. Ça aurait dû être fait depuis longtemps, sur une période prolongée, mais ça va se faire maintenant. Il est certain que le Pentagone aura une présence moindre. Ils vont procéder au rapatriement de certaines troupes d’Europe.
PETER HAYNES : D’accord. Je voudrais revenir sur les tarifs, le sujet du jour. Les dernières semaines ont été incroyablement difficiles à suivre en ce qui concerne les menaces de droits de douane. À un moment donné, le président Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 250 % sur les produits laitiers et le bois d’œuvre. Le secrétaire au commerce Lutnick est revenu sur cette menace quelques jours plus tard et a déclaré qu’ils seraient appliqués le 2 avril.
L’incompréhension est grande en ce qui concerne la gestion de l’offre pour les produits laitiers canadiens, négociée dans le cadre de l’accord ACEUM de 2018. Cet accord, auquel vous avez fait référence plus tôt, a été qualifié par le président Trump de meilleur accord commercial jamais négocié, et c’est lui qui l’a négocié.
Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs en quoi les commentaires de M. Trump ne reflètent pas le fonctionnement réel de la gestion de l’offre dans le secteur laitier? Et aussi, pour équilibrer les choses, pourriez-vous nous indiquer quelques dispositions particulières équivalentes du côté américain de l’ACEUM qui fonctionnent de manière similaire et qui ont fait partie des négociations du côté américain en 2018?
FRANK MCKENNA : La gestion de l’offre est controversée même au Canada. Il s’agit d’un domaine dans lequel les États-Unis pourraient nous rendre service en le soumettant à un examen approfondi. Notre secteur agricole est important. Ça comprend les pommes de terre, le blé et le colza. Ça comprend le bœuf, le porc, les bleuets et toutes sortes d’autres produits, dont aucun n’est protégé.
Mais pour des raisons historiques, les produits laitiers, le poulet, les œufs et le lait sont protégés par un système de quotas. Les États-Unis n’ont pas tort de mettre l’accent là-dessus.
Mais ils se trompent sur les faits, malheureusement, parce qu’ils ont eu accès à notre marché laitier. Lors des dernières négociations, ils ont fini par y avoir accès. On a ouvert le système de quotas pour permettre aux États-Unis d’accéder à une partie de notre marché.
Et ce que M. Trump ne dit pas, c’est qu’ils n’ont même pas atteint la moitié des parts qu’ils sont autorisés à prendre. C’est paradoxal de vouloir en faire une cible alors qu’il n’a même pas pris tout ce qui lui revenait dans le cadre de ce marché.
Deuxièmement, il faut comprendre que ce n’est pas une situation où on a un accès sans tarifs douaniers, et eux non. Ils ont un accès, mais ils n’en profitent pas. Et on n’exporte pas vraiment nos produits de base à cause de notre système de gestion de l’offre. On n’exporte pas vraiment ces produits partout dans le monde. On pourrait le faire, mais on ne le fait pas. Ce n’est pas comme si on était en train d’inonder les États-Unis de nos produits.
C’est important de le savoir en termes d’actions. Deuxièmement, les États-Unis se protègent dans toutes sortes de domaines, de manière beaucoup plus flagrante, franchement, que dans les produits laitiers. Le sucre en est un excellent exemple. Leur industrie sucrière est tellement protégée que les confiseurs fuient vers le Canada pour y installer leurs activités de fabrication, avant de réintroduire le produit aux États-Unis sous la forme d’un produit fini.
Le coton, je crois, est également protégé. Les arachides, peut-être, et il y a toujours d’autres produits de base. Tous les pays du monde sont protectionnistes en matière d’agriculture. C’est presque historique. Ça permet de protéger les réserves de nourriture en temps de guerre. Les Japonais protègent le riz, par exemple.
Je ne perdrais pas le sommeil si notre système de gestion de l’offre était modifié, mais ce n’est pas la bête noire que M. Trump prétend. Il peut produire toutes sortes de produits laitiers et les envoyer au Canada en ce moment avec la marge qu’il a dans notre système de quotas.
PETER HAYNES : Frank, la semaine dernière, Doug Ford a fait beaucoup de bruit en imposant une taxe sur les exportations d’électricité vers certains États américains. Ensuite, il a participé à une réunion avec notamment l’ambassadeur Hillman, Dominic LeBlanc. Ils se sont entretenus avec l’équipe de M. Lutnick et, selon leurs dires, ils ont reçu un cours magistral sur les discussions relatives aux tarifs douaniers imposés par M. Trump.
D’après ce que je comprends, ils ont dit qu’ils voulaient s’attaquer au déficit de 1,8 billion de dollars des États-Unis l’an dernier de trois façons différentes, et j’aimerais connaître votre point de vue sur cette question en termes de logique et, éventuellement, de contre-argumentation.
Tout d’abord, dans le cadre du budget, ils vont proposer des réductions d’impôts, mais celles-ci ne doivent pas se traduire par une augmentation du déficit budgétaire, et doivent alors s’accompagner de réductions des dépenses. Et bien sûr, on sait qu’il y a le DOGE, qui essaie de réduire la taille globale du gouvernement. Troisièmement, il y a les droits de douane, qu’ils considèrent comme une nouvelle source de revenus qui attirera les investissements aux États-Unis.
Le revers de la médaille, c’est que l’un des coûts importants de leur déficit est la couverture des intérêts. Et si ces droits de douane entraînent une hausse de l’inflation aux États-Unis, ce que la plupart des économistes pensent, car ils rapatrient des emplois et n’ont pas assez de personnes qualifiées pour occuper ces emplois, l’inflation augmentera et les coûts de la dette augmenteront.
Est-ce que je me trompe en disant que c’est le résultat probable de cette attaque douanière, où ils peuvent générer des revenus par le biais des tarifs, mais qui seront plus que contrebalancés par des coûts d’intérêt plus élevés?
FRANK MCKENNA : Oui, voilà le soi-disant grand dessein de M. Trump. Il s’en écarte parfois en raison de ses nombreuses motivations personnelles et de ses vendettas. Mais en fin de compte, les États-Unis sont en train de trouver un autre moyen de faire quelque chose de sale, et c’est augmenter les impôts des citoyens américains.
Les républicains détestent les impôts. Grover Norquist dirige un grand organisme à but non lucratif consacré à la suppression des impôts. Il m’a dit une fois, chez moi quand j’étais ambassadeur, qu’il voulait parvenir à un gouvernement si petit qu’on pourrait le noyer dans une baignoire.
Lorsque vous êtes idéologiquement allergique aux impôts, vous devez trouver une autre façon de taxer. Ils appellent ça des droits de douane ou tarifs, et c’est ce que représente ce mur tarifaire massif autour des États-Unis. C’est une taxe pour les consommateurs américains.
Malheureusement, les personnes aux revenus les plus faibles vont devoir payer plus cher pour tous les produits qui entrent aux États-Unis. Tous les économistes vous diront que, contrairement aux discours, ce n’est pas l’entreprise expéditrice qui paie généralement les droits de douane. C’est l’entreprise destinataire, le consommateur final.
Il s’agit d’une taxe massive sur la consommation qui sera imposée aux États-Unis. Elle entraînera inévitablement une hausse de l’inflation et aura un impact certain sur les taux d’intérêt, comme vous l’avez prévu, et probablement une réaction du dollar et des marchés boursiers.
Si vous y parvenez, vous êtes un véritable magicien. Mais le comportement humain est tel que les gens réagissent lorsqu’ils sont confrontés à des prix plus élevés et à l’incertitude du marché, comme c’est le cas aujourd’hui.
D’ailleurs, je précise que ce qui nous attend dans les deux semaines à venir, ce sont deux vagues différentes de droits de douane. La première est ce qu’on appelle les tarifs sectoriels, élaborés par Peter Navarro. S’il n’y a pas d’autre option pour obtenir ce qu’on veut, on va simplement appliquer des tarifs sectoriels.
Ils veulent les augmenter sur le bois d’œuvre, par exemple. On paie déjà 25 %. On détient 25 % du marché américain du bois d’œuvre, ce qui semble choquer certains barons du secteur qui s’enrichissent grâce aux prix plus élevés, mais qui veulent s’enrichir encore plus.
En gros, ils veulent augmenter encore plus les droits de douane pour que le prix du bois d’œuvre augmente davantage, ce qui veut dire que les consommateurs paient un prix exorbitant pour construire une maison. En Californie, les autorités affirment qu’il faudra plus de temps pour reconstruire en raison des droits de douane massifs imposés par le gouvernement américain sur le bois d’œuvre.
Ils essaient ensuite d’élargir la définition du bois d’œuvre pour y inclure des produits à valeur ajoutée tels que les armoires de cuisine, etc. Ce projet, c’est le bébé de Peter Navarro. Ils essaient aussi de mettre en place des tarifs sectoriels pour toutes sortes de produits, notamment les semi-conducteurs.
Mais le principal barrage tarifaire portera sur les tarifs réciproques, en essayant d’imposer des droits de douane à tous ceux qui, dans le monde, ont des droits de douane à l’encontre des États-Unis. Je me suis laissé dire par des sources internes qu’il existe trois niveaux différents : les tarifs élevés pour les pays les plus agressifs, les tarifs moyens pour les pays moins agressifs, et enfin les tarifs les plus bas pour les pays les moins agressifs.
Le Canada devrait figurer dans la dernière catégorie. On fait partie d’une zone de libre-échange avec les États-Unis d’Amérique. On n’applique pas de droits de douane sur leurs produits et ils n’en appliquent pas non plus sur les nôtres. Ils auront du mal à dire qu’on pratique des tarifs douaniers qu’ils devraient appliquer en retour. Pour contourner le problème, ils vont appeler notre taxe sur la valeur ajoutée, la taxe sur les produits et services ou TPS, « barrière non tarifaire ». Ils vont tenter, par ce subterfuge, de nous imposer des droits de douane.
Yale a réalisé une étude à ce sujet et a déclaré que le Canada devrait être le pays où les droits de douane sont les plus bas au monde. Ça ne cadre pas avec le programme de M. Trump ou de Peter Navarro, alors ils vont trouver des tarifs sectoriels comme ceux de l’acier et de l’aluminium, le bois d’œuvre, qui visent principalement le Canada, pour essayer de nous punir ou de nous battre. C’est ce à quoi on fait face, un nouveau mur tarifaire massif prenant deux formes différentes, sectorielle et réciproque.
PETER HAYNES : Frank, avez-vous une opinion sur ce qui va se passer lorsque les nouveaux droits de douane entreront en vigueur en avril?
FRANK MCKENNA : Il y aura des agréables et désagréables. Le président Trump aime jouer à Dieu. Le Vietnam va être durement touché parce qu’il a un énorme déficit commercial. Mais le président ou le premier ministre du Vietnam viendra probablement faire des courbettes, comme d’autres le font à Mar-a-Lago ou à Washington.
Ça marchera ou ça ne marchera pas selon les endroits. Ceux qui se montrent dociles avec les États-Unis trouveront peut-être des moyens d’obtenir des exemptions. Certains vont simplement se manger les tarifs et la vie reprendra son cours. Et puis, d’autres, comme l’Europe et le Canada, riposteront avec leurs propres droits de douane.
On est passé d’un problème centré sur les États-Unis à un problème mondial. On va créer une incertitude massive dans le monde entier, en modifiant les chaînes d’approvisionnement, les bases de fabrication, les centres de distribution et toutes sortes d’autres choses, ce qui entraînera une désorganisation massive de l’économie mondiale. Si c’est bon pour les affaires, alors ce sera une excellente période pour les affaires. Mais si cette désorganisation n’est pas bonne pour les affaires, alors on va traverser une période difficile.
PETER HAYNES : Frank, quels conseils donneriez-vous au chef de la direction de Ford, qui doit gérer une chaîne d’approvisionnement intégrée dans trois pays différents et un président qui veut qu’il règle ce problème d’ici le 2 avril? Quel serait votre conseil, de patienter pendant quatre ans?
FRANK MCKENNA : Oui. Je lui dirais de faire traîner les choses s’il le peut. Mais je pense qu’il doit dire à Trump que la vérité est que, sur la base d’un accord contraignant, on a fait des choses qui sont figées, et qu’on ne peut pas construire une nouvelle usine automobile avec un préavis d’un mois. Ça peut prendre des années. Et on doit quand même approvisionner le marché au Mexique et au Canada, parce qu’ils utilisent aussi des voitures.
Peut-on considérer le secteur automobile comme un exemple parfait de la façon dont les États-Unis gagnent gros en travaillant avec leurs voisins? Si ce n’est pas le cas, le résultat sera très simple, Peter : les consommateurs américains paieront des prix beaucoup plus élevés pour leur voiture.
PETER HAYNES : Frank, je vais garder le sujet de l’énergie pour le mois prochain parce que les discussions vont se poursuivre dans le secteur de l’énergie quant à la manière dont le Canada va réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis en tant qu’acheteur, comme vous l’avez dit tout à l’heure en parlant d’un rabais, et je veux creuser ce sujet. On prendra le temps d’en parler le mois prochain.
Je veux finir ici sur une note peut-être plus positive. En vous écoutant, Frank, je vois que vous trouvez facilement des avantages inattendus dans ce réveil brutal pour le Canada. D’une part, comme mentionné plus tôt, on constate que notre souveraineté est appréciée comme jamais auparavant, et d’autres aspects positifs sont ressortis de cette crise.
J’aimerais que vous fassiez le point, Frank, sur les derniers développements en matière de suppression des barrières commerciales interprovinciales. Pensez-vous que ce projet sera mené à terme ou qu’il risque de s’essouffler si les tensions entre les deux pays s’apaisent? Après tout, il y aura des perdants lorsque les barrières commerciales interprovinciales seront supprimées.
FRANK MCKENNA : Peter, c’est une excellente question, car les deux éventualités sont possibles. On est dans une bonne dynamique. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Mais à mon avis, les premiers ministres, pour en avoir été un, sont des gens retors. Ils essaieront de se soustraire à ces engagements quand ils le pourront parce qu’ils n’aiment pas souffrir. C’est la condition humaine. On n’aime pas la douleur, et certains engagements font souffrir.
Quel que soit le gouvernement fédéral à Ottawa, il doit maintenir la pression, mettre vraiment la pression et ne pas considérer le résultat actuel comme acceptable. Chaque province a exprimé un nombre significatif de désaccords, certaines provinces soulevant jusqu’à 26 points d’exception. Le gouvernement du Canada doit vraiment les faire marcher au pas, quitte à utiliser des carottes financières si nécessaire. Des progrès ont été réalisés, mais ce n’est pas suffisant.
Deuxièmement, on pourrait finir par obtenir une augmentation des dépenses militaires au Canada grâce à la présidence de M. Trump. Ce serait une bonne chose. On va certainement trouver d’autres marchés pour nos ressources. Le pipeline Trans Mountain est la solution la plus évidente.
On peut littéralement envoyer un demi-million à un million de barils par jour en Asie, et ces barils marginaux fixent souvent le prix. De la sorte, on observe déjà un rétrécissement de l’écart, ce qui représente des milliards de dollars pour le Canada. On verra ça.
On verra un gouvernement plus petit, plus efficace, des taux d’imposition plus concurrentiels. Tous ces aspects seront les soi-disant dividendes de la paix qu’on obtiendra de la présidence de M. Trump.
PETER HAYNES : Voilà. Il faut trouver les points positifs pour en tirer parti. Frank, il ne reste que quelques jours avant le début de la saison de la Ligue majeure de baseball. En fait, ça commence demain matin à 6 h 10 au Japon, mais ce n’est que quelques matchs en début de journée. Je dois admettre que j’ai attrapé le virus et que je me suis de nouveau laissé emporter par la fièvre des Blue Jays. Je ne sais pas comment c’est arrivé, mais c’est arrivé.
On risque d’être déçu, car nos deux atouts les plus précieux qui ont grandi ici à Toronto, Vlad Guerrero et Bo Bichette, pourraient quitter l’équipe à la fin de l’année parce qu’ils n’ont pas encore signé. Le revers de la médaille, c’est que ces deux joueurs vont avoir des années exceptionnelles puisqu’ils veulent devenir des agents libres.
De plus, on a survécu à l’entraînement de printemps jusqu’à présent, je touche du bois, en bonne santé, alors que les méchants de New York ont perdu leurs numéros 1 et 2, et que Giancarlo Stanton semble souffrir d’une tendinite aux deux coudes, ce que personne n’arrive à comprendre. Êtes-vous d’accord, Frank? Les choses pourraient se passer un peu mieux que prévu.
FRANK MCKENNA : Je ne pardonnerai jamais à la direction et au groupe de propriétaires des Blue Jays s’ils perdent Bichette et Guerrero, parce qu’on a grandi avec eux et qu’ils sont aimés partout au Canada. Ça fait des années qu’on essaie de les faire signer, et je vis toujours dans l’espoir qu’ils le fassent avant qu’on les perde, franchement.
Je suis comme vous, c’est le printemps, et je vis dans l’espoir. Je vois Ernie Clement qui semble faire un printemps extraordinaire et Alan Roden, qui est très prometteur, Will Wagner, Addison Berger et d’autres encore. Certains d’entre eux pourraient se révéler et casser la baraque. On pourrait avoir de belles surprises. Il y a Varsho et Springer qui, on l’espère, ont encore du jus.
Alors, oui, j’entame la saison avec un optimisme extraordinaire. Le bilan est parfait pour l’instant, et je vis dans l’espoir. J’espère aussi qu’on finira par avoir une équipe plus audacieuse qui, même si on est petits, joue gros, soit plus créative, etc. Je vis dans l’espoir que tout ça se réalise, Peter. En ce moment, je suis extraordinairement optimiste.
PETER HAYNES : Comme vous le dites, le début de saison promet d’être passionnant, et on aura le plaisir d’en reparler au mois d’avril. D’ici là, on aura eu droit à quelques semaines de baseball. Merci pour toutes vos réflexions aujourd’hui, Frank.
Les gens nous disent qu’ils apprécient beaucoup vos explications, ainsi que celles de l’honorable Ron Ambrose et de Chris Krueger à Washington, ça les aide à démystifier cette époque où on cherche tous à comprendre. On veut tous aller un peu mieux, alors merci beaucoup.
FRANK MCKENNA : Merci.
PETER HAYNES : Merci d’avoir écouté Géopolitique. Ce balado de Valeurs Mobilières TD est à titre informatif seulement. Les opinions décrites dans le balado d’aujourd’hui sont celles des individus y participant et peuvent ou non représenter le point de vue de la TD ou de ses filiales, et ces opinions ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, fiscaux ou autres.
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.

Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.