Le long chemin vers l’élection américaine tire à sa fin – ou non?
Invitée : Frank McKenna, Président suppléant, Valeurs Mobilières TD et Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen.
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 57, Frank invite Chris Krueger, expert politique de TD Cowen à Washington, au balado pour discuter de l’élection du 5 novembre aux États-Unis et des principaux facteurs qui détermineront qui remportera la course à la présidence. Frank explique l’importance des résultats de l’élection pour le Canada, soulignant que si Donald Trump est fidèle à sa parole, une victoire des républicains conduira à un affaiblissement (voire la fin pure et simple) du multilatéralisme à l’échelle mondiale. Bien que l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC) puisse survivre, la menace de tarifs unilatéraux planera sur les relations entre le Canada et les États-Unis pendant la durée de la prochaine administration.
Nous discutons des votes pour la Chambre des représentants, ce qui, selon Frank et Chris, devrait entraîner la division du Congrès. Chris parle également du risque que des événements atypiques perturbent la transition pacifique du pouvoir. Nous terminons avec le point de vue de Frank sur la révolte du caucus libéral fédéral et la probabilité que le premier ministre Trudeau reste en poste pour disputer la prochaine élection au Canada, surtout si l’on tient compte des défaites des candidats sortants lors des élections provinciales d’un océan à l’autre.
Chapitres: | |
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00:55 | L’élection américaine est-elle la plus importante de l’histoire? |
02:11 | Principales variables qui influenceront le résultat |
08:58 | AEUMC – Menace de sanctions unilatérales de la part d’une potentielle administration Trump |
14:07 | Le premier ministre incitera-t-il M. Biden à résoudre le conflit sur le bois d’œuvre? |
16:50 | Risque d’événements atypiques perturbant la transition pacifique du pouvoir |
27:02 | Allègements fiscaux de Donald Trump et plafond de la dette |
33:19 | Prédictions à l’égard du gagnant |
36:28 | Révolte du caucus libéral et probabilité que Justin Trudeau reste en poste pour disputer la prochaine élection |
Ce balado a été enregistré le 23 octobre 2024.
CHRIS KRUEGER : La soirée électorale pourrait bien devenir l’hiver électoral. Ça va prendre un certain temps pour compter environ 150 millions de bulletins de vote.
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 57 de Géopolitique avec l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes, de Valeurs Mobilières TD, et j’anime ce balado. Eh bien, Frank, il ne nous reste que deux semaines avant que les États-Unis décident de leur prochain président. Je me suis dit que ce serait logique d’inviter notre ami et collègue Chris Krueger au balado de ce mois-ci.
Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, Chris fait partie du groupe de recherche de TD Cowen le mieux classé à Washington et c’est aussi notre expert en résidence de la politique à Washington. Laissez-moi vous dire quelque chose. Il est en forte demande en ce moment. Je sais qu’il sera en voyage pour faire un discours avec vous demain, je crois, Frank. Chris, merci beaucoup d’avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd’hui.
CHRIS KRUEGER : Absolument. Ravi d’être à nouveau avec vous.
PETER HAYNES : Excellent. Comme je l’ai dit, Frank, vous reverrez Chris demain. Je suis certain qu’il y aura beaucoup de questions sur le 5 novembre. Alors, je vais commencer avec la suivante. Frank, est-ce que l’élection du 5 novembre est celle qui sera la plus importante de votre vie?
FRANK MCKENNA : Pour le monde entier, je pense. Qu’elle le soit pour les États-Unis, c’est une autre histoire. Je suppose que tout dépendra de la façon dont les choses se passent. Mais je pense que c’est pour le monde entier. Je dis ça parce qu’au moins une des parties a renoncé à son engagement à l’égard du multilatéralisme. Si Trump et son parti gagnent et s’il fait ce qu’il envisage de faire, ça représentera une attaque très grave contre les institutions multilatérales partout dans le monde.
Tout d’abord, ça se traduirait par des tarifs douaniers qui entraîneraient une guerre tarifaire d’envergure mondiale. Deuxièmement, ce serait le retrait de l’engagement traditionnel des États-Unis à l’égard de tout, de l’OMS à l’OMC, en passant par l’OTAN. Ça pourrait être inquiétant pour l’Ukraine si les États-Unis se retirent de leurs obligations à cet égard et aussi en ce qui concerne les accords sur le climat, comme l’Accord de Paris, etc. De ce point de vue, sur le plan mondial, je dirais que les répercussions seront conséquentes et qu’il s’agit de l’élection qui aura le plus d’impact que nous ayons connu de notre vivant.
PETER HAYNES : Chris, il nous reste moins de deux semaines avant que les Américains se rendent aux urnes et beaucoup de votes ont déjà été exprimés. Il semble que les candidats ne puissent plus vraiment faire grand-chose pour faire basculer l’élection maintenant. D’abord, êtes-vous d’accord avec ça? Ensuite, quelles seraient les trois variables les plus importantes qui pourraient faire basculer la balance dans un sens ou dans l’autre?
CHRIS KRUEGER : Pour ce qui est de votre question générale, Peter, on enregistre ce balado deux semaines à l’avance. Plus de 15 millions de votes ont déjà eu lieu. Chaque État d’affrontement important a adopté un mode de vote précoce. À titre de rappel, il y a le trio de la Rust Belt, Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin, qu’on appelle souvent le mur bleu.
Il y a aussi les quatre États de la Sun Belt, soit la Caroline du Nord, la Géorgie, l’Arizona et le Nevada. Dans la mesure où il y aurait encore des électeurs indécis, oui. Les deux prochaines semaines sont déterminantes. Mais encore une fois, 15 millions d’électeurs ont déjà choisi.
Pour ce qui est de trois variables, je vais vous laisser penser à trois cohortes électorales. Je crois que c’est essentiellement ce que disent ces trois cohortes. La première est la situation de l’éducation. L’élément clé sera probablement de savoir si madame Harris réussira à convaincre suffisamment de républicains titulaires d’un diplôme universitaire pour compenser l’avantage massif de M. Trump parmi ceux qui n’en ont pas.
Deuxièmement, il y a ce qui est rapidement devenu non seulement l’écart entre les sexes, mais le fossé entre les sexes. Il s’agira du troisième cycle présidentiel d’affilée où l’écart entre les sexes approche des 25 points. Trump a presque une avance à deux chiffres auprès des hommes. Madame Harris a presque une avance à deux chiffres auprès des femmes. Ce fossé entre les sexes a vraiment été exacerbé par la décision de la Cour suprême, il y a un peu plus de deux ans, d’invalider l’arrêt Roe c. Wade, puis par les interdictions et les restrictions sur l’avortement imposées par l’État républicain qui ont suivi.
Et puis la troisième cohorte, c’est probablement une combinaison des deux premières. Mais on a beaucoup mis l’accent sur ce groupe, les électeurs principaux de Nikki Haley. Peter, on y revient toujours puisqu’il s’agit de votes réels, n’est-ce pas? Ce ne sont pas des sondages, des tendances ou des indices. Ce sont des votes réels.
Et ils sont importants. Presque 160 000 en Pennsylvanie et 300 000 au Michigan. Et c’est après que Haley soit sortie de la course. Ce sont des républicains encartés. Ce ne sont pas des indépendants qui oscillent dans un sens ou dans l’autre. Ce sont des votes enregistrés de républicains dans des primaires fermées.
Dans les deux cas, ces marges représentent presque le double de la marge de victoire de Biden dans ces États en 2020. Je pense que ça explique pourquoi Liz Cheney a fait campagne avec Harris dans les États décisifs la semaine dernière et cette semaine.
PETER HAYNES : Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez que les candidats vont faire pendant les deux prochaines semaines?
CHRIS KRUEGER : Ils iront dans ces sept États pivots. Depuis la semaine dernière, ce mur bleu semble être le chemin vers les 270 sièges. En réalité, c’est la Pennsylvanie. Bruce Springsteen donnera quelques concerts lors des rassemblements de Harris. Madame Harris fait également campagne avec probablement les deux démocrates les plus populaires du pays dans des bureaux de vote anticipé en Géorgie. Je parle de Barack et Michelle Obama. Le calendrier de M. Trump est un peu moins clair. Je suppose qu’il mettra l’accent sur la Géorgie, la Caroline du Nord et l’Arizona. Il a aussi un grand rassemblement au Madison Square Garden, au cœur de Manhattan.
PETER HAYNES : Chris, il y a ce concept aux États-Unis, dont on a beaucoup entendu parler lors de cette élection en particulier; je sais qu’il n’est pas nouveau. Mais c’est ce qu’on appelle les initiatives du type sortez et allez voter, pour les deux partis. Pouvez-vous dire aux personnes qui nous écoutent d’où ça provient et ce que ça signifie exactement pour les deux prochaines semaines?
CHRIS KRUEGER : Sortir le vote. Frank en sait probablement plus que quiconque sur le blocage et le tacle électoral. Comment s’y prendre pour amener la base jusqu’aux urnes? De plus, la campagne de Harris et celle de Trump ont des stratégies et des tactiques très différentes pour inciter les gens à sortir et voter.
Madame Harris privilégie fortement les mesures traditionnelles des démocrates visant à faire sortir les électeurs, sous l’impulsion surtout des syndicats du secteur public. Tim Walz est membre de la Teachers Union. C’est vraiment l’une des principales forces des démocrates. Encore une fois, bravo aux Swifties, puisqu’on a vu des centaines de milliers de femmes entre 18 et 35 ans s’inscrire, encore une fois, motivées par le jugement dans Roe c. Wade.
Trump et le Grand Old Party semblent un peu plus préoccupés par l’intégrité des élections. Ça vient des nombreuses fausses revendications de Trump au sujet de 2020. Une grande partie des opérations du comité national des républicains a porté sur les commissaires aux élections le 5 novembre, contrairement au porte à porte qui a occupé les semaines et les mois précédents. On en est là. C’est le moment où la campagne bloque et tacle, ce qu’on appelle le jeu de terrain.
PETER HAYNES : Frank, si vous aviez été directeur de campagne de Harris ou de Trump, auriez-vous recommandé des stratégies différentes, que ce soit pour déclencher le vote ou, en général, sur la façon dont les deux candidats ont géré leur campagne?
FRANK MCKENNA : Non, je ne pense pas. Ils ont tous les deux misé sur leurs forces. En fait, madame Harris a considérablement progressé depuis qu’elle a été mise sur le devant de la scène, ce qui a été tard dans la campagne. Je pense qu’ils ont bien instruit leur dossier.
Si j’étais l’équipe Trump, et je suis certain qu’elle est d’accord avec moi là-dessus, j’aurais voulu un peu moins du style débridé de Trump et un peu plus de Trump discipliné. Ses points forts reposent sur quelques aspects politiques qui comptent, comme la dette, l’économie et l’immigration.
Et je pense qu’il a assez bien réussi, ou que les républicains ont assez bien réussi, à dominer sur ces aspects. Et ce sont des sujets très décisifs pour la façon dont les gens votent. Il martèle son message et reste sur ces problèmes. Ça joue en sa faveur.
Lorsqu’il commence à parler des organes génitaux d’Arnie Palmer ou à distiller une partie de sa haine à l’égard des journalistes, des candidats et de toutes sortes d’autres choses, je pense que ça lui nuit aux yeux des électeurs indépendants et du type d’électeurs de Nikki Haley, dont Chris a parlé. Alors, je pense que, dans la mesure où le camp de Trump peut lui tenir la bride et le faire s’en tenir à des messages robustes et à la lecture du téléprompteur, c’est très avantageux pour lui.
PETER HAYNES : Frank, vous avez dit que le multilatéralisme serait menacé par une victoire de Trump. Le Canada n’est pas vraiment à l’abri de cette menace. J’aimerais vous interroger sur l’AEUMC. Les deux candidats ont menacé de rouvrir l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, ce qui, je crois, peut être fait tous les six ans, c’était un aspect du nouvel accord de libre-échange que Trump a négocié dans le cadre de la refonte de 2020.
Dans le cas de madame Harris, elle pense que les normes environnementales de l’accord sont suffisantes, tandis que les menaces de M. Trump sont un peu plus inquiétantes et préoccupantes à la lumière de ses déclarations sur les tarifs douaniers. Et je dirais qu’elles sont préoccupantes pour les Canadiens. Selon vous, est-ce envisageable que l’essentiel de l’AEUMC explose?
FRANK MCKENNA : Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus. Pour commencer, je tiens à souligner de nouveau que les Canadiens ont un intérêt extraordinairement important pour l’élection aux États-Unis, mais qu’on n’élit pas le président américain et que notre responsabilité en tant que pays est de respecter le choix de notre voisin démocrate que sont les États-Unis.
Mais on a un intérêt personnel dans un dossier comme celui que vous avez décrit. Il y a deux ou trois choses importantes à souligner ici. Premièrement, je ne pense pas que Kamala Harris soit à côté de la plaque en ce qui concerne sa mise en garde pour renforcer les normes environnementales. Le Canada appuierait certainement ça. On ne représente pas vraiment un souci sur cet aspect.
Deuxièmement, M. Trump n’a pas tort de croire que le Mexique est devenu une base à mi-chemin pour le secteur manufacturier chinois, avec sa production bon marché envoyée aux États-Unis en passant par le Mexique. Je ne crois pas qu’il se trompe là-dessus. Je pense que le Canada partage cette inquiétude.
La portée générale de l’accord est très en faveur de l’aide aux économies de nos trois pays. Il concerne la plus grande relation commerciale au monde. Il offre des garde-fous pour que cette relation puisse prospérer. Dans l’ensemble, c’est une relation extrêmement bénéfique.
Il est important de noter que pour le Canada, bien que Trump ait une clause de réouverture de l’accord, il ne s’agit pas non plus d’une manœuvre suicidaire. Ce qui se passe si les parties se mettent autour de la table en 2026, c’est qu’elles pourront exprimer leurs préoccupations à l’égard de l’accord. Idéalement, elles trouveront un moyen de réconcilier ces préoccupations et, auquel cas, tout se poursuivra normalement.
Toutefois, si les préoccupations ne sont pas apaisées et que tout le monde n’est pas satisfait, l’accord ne prendra pas fin pour autant. Il sera automatiquement reconduit chaque année pendant dix ans jusqu’en 2036, avec une réouverture chaque année pour rediscuter des problèmes et déterminer si on peut parvenir à un accord plus large.
Alors, il ne faut pas penser que tout explosera en 2026. Ce n’est pas le cas. C’est juste un coup de pied chassé ajourné. Ça pourrait être le résultat final. Ce ne serait pas fatal pour notre économie. Mais à mesure qu’on se rapproche de 2036, il y aurait de moins en moins de certitude pour les trois pays quant à la prise de décisions fondées sur l’existence d’un accord commercial, en particulier dans le cas des secteurs qui pratiquent la délocalisation proche au Canada et au Mexique. Ils seraient, je crois, très préoccupés par leur devenir. C’est de mauvais augure d’avoir ce compte à rebours, mais il ne s’agit pas d’une bombe qui explosera en 2026.
Ce qui peut être plus menaçant, Peter, c’est ce que j’appelle les menaces asymétriques. Ce dont je viens de parler au sujet de l’AEUMC est une menace symétrique. Elle est prévisible. On sait qu’elle est là et on sait qu’il faut la gérer. Ce qui nous préoccupe davantage, c’est ce que Trump a fait la dernière fois, en invoquant les intérêts en matière de sécurité nationale pour imposer des barrières tarifaires sur l’acier et l’aluminium au Canada, qui est l’allié stratégique le plus proche des États-Unis. Il s’agit d’un pays allié de l’OTAN, allié du NORAD. Il fournit une grande partie de l’acier et de l’aluminium au secteur américain de la défense. Au bout du compte, il a fallu faire marche arrière. Ça a été très difficile pour le secteur, des deux côtés de la frontière.
M. Lighthizer, qui était le U.S. Trade Representative à l’époque et celui qui a murmuré à l’oreille de M. Trump une grande partie de ses idées sur le commerce et les tarifs douaniers, a clairement indiqué que le Canada et le Mexique ne seraient pas à l’abri de droits de douane de 10 % s’ils allaient de l’avant. Si ça se produisait, ça déclencherait toutes sortes de mécanismes de règlement des différends dans le cadre de l’AEUMC.
Et c’est là que ça devient très difficile, parce qu’il se peut très bien que les gens qui travaillent pour Trump fassent fi de l’accord et refusent tout simplement de nommer des juges d’appel, etc. En gros, ils diront : « Malgré l’accord qu’on a, qui est extrêmement solide, on va continuer de vous imposer des tarifs douaniers. »Ça deviendrait très compliqué, très rapidement. Il y aurait des mesures de rétorsion et une véritable guerre commerciale.
PETER HAYNES : Ça ressemble à une stratégie familière. Je pense au bois d’œuvre, Frank. En fait, le dossier du bois d’œuvre aurait pu être réglé par le Congrès sortant, juste avant l’élection. Mais on n’en parle pas et je n’ai rien vu à ce sujet. Savez-vous s’il y a eu des efforts en coulisses pour régler le dossier du bois d’œuvre par le Congrès sortant, ou si c’est simplement passé aux oubliettes?
FRANK MCKENNA : Eh bien, j’ai été très impliqué dans le litige sur le bois d’œuvre et c’est moi qui ai négocié le dernier accord lorsque j’étais ambassadeur à Washington. Je sais que ça ne pourra se produire que si les deux dirigeants, le premier ministre et le président, prennent la responsabilité personnelle de tenter de conclure une entente qui aille à l’encontre des intérêts particuliers d’un grand nombre de leurs propres intéressés.
C’est ce qu’on avait réussi à faire la dernière fois avec M. Martin et M. Bush. Cette fois-ci, il ne semble pas y avoir autant de tensions. J’ai tenté de relancer ce débat. J’ai parlé à Chrystia Freeland, qui a bien sûr déjà été notre négociatrice pour l’AEUMC. Et Mary Ng, notre ministre du Commerce international.
Les deux sont fermement déterminées à conclure un accord sur le bois d’œuvre avec le Congrès sortant. Ça se produirait après l’élection, lorsque Biden aura eu quelques mois de latitude. Notre premier ministre pourrait avoir quelques mois pour réfléchir et voir si on peut conclure un accord.
Il y a 10 milliards de dollars en titres bloqués sur la table. Ça fait beaucoup d’argent pour lubrifier les rouages. Les usines canadiennes éprouvent des difficultés, ce qui motive encore plus les entreprises canadiennes. Et les droits de douane vont littéralement doubler au cours de la prochaine année, ce qui devrait motiver encore plus les entreprises canadiennes.
Alors, le temps est compté. J’ai expliqué la situation au premier ministre. Je ne sais pas si le dossier arrivera sur la table du président et du premier ministre après la session du Congrès sortant. Je sais qu’un événement négatif s’est produit cette semaine, et c’est le résultat très contrasté en Colombie-Britannique. Le premier ministre Eby a vraiment perdu son mandat, il a perdu un nombre considérable de sièges et il ne tient plus que par un fil.
Il sera très difficile pour la Colombie-Britannique de mobiliser ses forces et de trouver un certain degré d’unanimité parmi les divers intérêts, entre ceux de la côte et ceux de l’intérieur de la province. Je dirais alors que ça va rendre les choses plus difficiles, en raison de la volatilité politique en Colombie-Britannique, pour mobiliser une énergie politique au Canada.
PETER HAYNES : Eh bien, il y a beaucoup de choses qui se passent en même temps. C’est difficile. J’ai entendu certaines de ces conversations récemment. Je ne suis pas apocalyptique, mais je sais que certains le sont. À l’approche de l’élection, il semble que de plus en plus d’investisseurs veuillent connaître les scénarios qui pourraient perturber une transition pacifique du pouvoir.
Par exemple, qu’arriverait-il si un nouveau dépouillement était requis dans, par exemple, le Michigan, dans l’un des bureaux de vote et que des terroristes décidaient de brûler le bureau de vote. Je sais que ça peut sembler exagéré, mais on a tous assisté aux événements du 6 janvier avec consternation et on entend tous les discours qui sont tenus. Chris, pouvez-vous expliquer à nos auditeurs quelles sont les dates clés de la transition, auxquelles il faudra prêter attention? Et comment ce genre d’événements indésirables pourrait avoir des répercussions sur ces dates?
CHRIS KRUEGER : Peter, on a laissé entendre que la soirée électorale pourrait bien devenir l’hiver électoral. Ça va prendre un certain temps pour compter environ 150 millions de bulletins de vote. Plusieurs États ne sont pas autorisés à commencer le comptage des votes avant le jour de l’élection. Pour rappel, en 2020, l’Associated Press a attendu jusqu’à 11 h 26 le samedi pour annoncer la victoire de Biden après le décompte de la Pennsylvanie. On a aussi 165 procès dans 37 États au sujet de la dernière présidentielle.
J’ajouterais que dans les sept États clés, des secrétaires d’État ou des gouverneurs ont dit qu’ils certifieraient le vainqueur de l’élection. Ils sont là pour compter les points et s’assurer que la loi est respectée. Il y a aussi la Electoral Count Reform Act, qui a fait le ménage sur une grosse partie des propos qui avaient alimenté l’émeute du 6 janvier.
Il y a cinq dates importantes pour l’élection présidentielle après le 5 novembre. La première est le 11 décembre. C’est la date limite nationale pour arrêter le décompte partout aux États-Unis. Les électeurs des capitales des États devront certifier les résultats le 17 décembre. Si vous vous souvenez, en 2000, en Floride, c’est le catalyseur qui a obligé la Cour suprême à intervenir et à certifier Bush plutôt que Gore.
Le 3 janvier, le nouveau Congrès prête allégeance. Le 6 janvier est le jour de la certification par le Congrès. Le 6 janvier aux États-Unis est maintenant officiellement un événement impliquant la sécurité nationale, tout comme le Super Bowl ou l’investiture présidentielle. Alors, les services secrets sont chargés de la sécurité pour ces événements et la présence de l’armée sera importante en ville à cette occasion.
Puis, le 20 janvier, aura lieu l’investiture présidentielle. Vous avez donc neuf semaines entre le jour de l’élection et le 20 janvier. Je pense que le 6 janvier est moins inquiétant, mais je suis un peu inquiet pour le 17 décembre dans les capitales des États.
PETER HAYNES : Je crois que dans quelques-unes de vos conversations avec certains investisseurs, la seule date qui est vraiment ferme et définitive est le 20 janvier, vers midi, le moment de la transition. Est-ce que c’est votre sentiment, maintenant que vous étudiez le problème plus en détail?
CHRIS KRUEGER : C’est la seule vraie date, ferme et définitive. Pour les autres, il faudrait quelque chose d’extraordinaire pour qu’elles changent. Et on a vu qu’il y a près de quatre ans, le Congrès n’a pu certifier Biden et Harris avant les premières heures du matin du 7 janvier, en raison de l’émeute et ainsi de suite. Le 20 janvier à midi, un nouveau président sera investi. Les quatre dates précédentes sont toutes prévues par la loi, mais elles pourraient en théorie être reportées, même si le 20 janvier est ferme.
PETER HAYNES : On va espérer que la transition du pouvoir se fera calmement. Je sais que tout le monde le souhaite et espère que ce sera le cas. Frank, on va passer aux votes secondaires. Selon vous, quelle est la probabilité que les démocrates gardent le Sénat et quelle est la probabilité que les républicains gardent la Chambre des représentants?
FRANK MCKENNA : Je vais commencer par la Chambre des représentants, parce que c’est vraiment à pile ou face, 50/50. Il y a une mince possibilité pour les démocrates. Certains sièges sont incertains en Californie et à New York. Selon les calculs, les démocrates sont un peu plus favorisés que les républicains. Ils devraient avoir une bonne organisation politique dans ces deux États.
Mais c’est vraiment à pile ou face, pour savoir si la Chambre des représentants va basculer ou pas. Une mince possibilité pour ça. Il est impossible que le Sénat reste aux mains des démocrates. Les républicains remporteront le Sénat. Le calcul les favorise largement. Les démocrates ont deux fois plus de sièges en jeu que les républicains.
Des endroits comme le Montana et la Virginie occidentale vont probablement basculer. L’Ohio et la Pennsylvanie sont en jeu pour les républicains. Ils sont tenus par des démocrates solides, mais ils sont en jeu pour les républicains. Le Maryland a un très solide passé démocrate, mais le candidat républicain est très respecté là-bas. Alors, le Maryland pourrait être en jeu. Je ne crois pas. Mais ça pourrait.
Les seuls scénarios qui pourraient fonctionner pour les démocrates seraient de pouvoir garder l’Ohio, la Pennsylvanie et le Maryland, par exemple, et de gagner un État comme le Texas. On dit toujours que le Texas est en jeu. En fait, les résultats des sondages sont assez serrés. Mais à la fin de la soirée, le Texas revient presque toujours à son instinct républicain. Alors, je pense que ce serait présomptueux.
Il y a toutefois une exception et je vais laisser Chris en parler, c’est le Nebraska. Ce n’est pas un État qui normalement pose des problèmes aux républicains. Mais un scénario qui pourrait se dérouler au Nebraska pourrait rendre les choses très intéressantes. En 2026, changement de tendance. Il y a de bonnes chances que les démocrates prennent le contrôle du Sénat. Chris, la parole est à vous là-dessus.
CHRIS KRUEGER : Oui. Pour le Nebraska, il ne s’agit généralement pas d’un État où les républicains peuvent perdre. Donald Trump va gagner au Nebraska avec environ 20 points d’avance, même s’il ne gagnera probablement pas tous les votes du collège électoral au Nebraska, car le Nebraska et le Maine sont les deux États américains qui accordent leur vote par l’intermédiaire d’un district du Congrès. Il y a un point bleu au milieu d’un océan de rouge, le district d’Omaha.
À l’extérieur d’Omaha, il y a Deb Fischer, la sénatrice républicaine, qui se présente pour être réélue face à un candidat indépendant. Il est en faveur du second amendement, en faveur du mur à la frontière. Il a mené une grève des syndicats dans le Nebraska. C’est un indépendant à tous points de vue. Tout proche de la victoire. Il a dit qu’en cas de victoire, il ne se joindrait à aucun parti. J’en doute un peu. La première chose qu’ils doivent faire, c’est voter pour le chef.
De plus, si vous êtes un indépendant et que vous ne rejoignez pas un caucus de parti, vous n’avez droit à aucune affectation au sein d’un comité. Mais oui, surveillez le Nebraska non seulement pour cette course au Sénat, mais aussi pour une course importante à la Chambre des représentants, puis pour le vote au collège électoral. Je pense à l’ensemble des élections à la Chambre des représentants et au Sénat.
Ça pourrait prendre beaucoup de temps. Ce n’est pas assujetti au calendrier présidentiel dont je viens de parler. Je pense que Frank a fait du bon travail sur le plan géographique. De façon générale, un Sénat contrôlé par les démocrates 51/49 est très susceptible de devenir républicain.
Pour les démocrates, la carte se présente mal. Les démocrates doivent gagner tous les États décisifs qu’ils défendent et en gagner deux de plus, entre la Floride, l’Ohio, le Montana et le Texas. Lorsque vous êtes démocrate dans ces quatre États, quatre États qui ont voté pour Donald Trump deux fois et probablement trois fois par acclamation, c’est très difficile.
À l’heure actuelle, la Chambre compte 435 sièges. Les républicains ont une majorité de quatre sièges. La situation est difficile pour les républicains, par contre. C’est parce que seulement environ 40 de ces sièges sont vraiment en jeu. Comme Frank l’a mentionné, beaucoup de ces sièges se trouvent en Californie et un bon nombre d’entre eux se trouvent également dans la vallée de la rivière Hudson et sur Strong Island.
En Californie, les bureaux de vote ne ferment pas avant 23 h, heure de l’Est, et ils sont particulièrement connus pour être lents à décompter. Je serais très surpris que l’on connaisse vite le résultat des élections à la Chambre des représentants. C’est très important pour l’année prochaine, car un certain nombre de points névralgiques sur le plan fiscal et de la dette se profilent à l’horizon.
PETER HAYNES : On va en parler dans un instant. Mais laissez-moi simplement vous demander ce qui se passe… Je suis désolé de vous poser des questions théoriques… Mais qu’arrivera-t-il si, après avoir voté au nouveau Congrès le 3 janvier, certains de ces sièges n’ont pas encore fait l’objet d’une décision?
Lors d’une conférence téléphonique à laquelle j’ai participé, en 2004, Al Franken a été mentionné, mais il n’y a pas eu confirmation avant un long moment, n’est-ce pas? Qu’est-ce qu’il se passe dans ce scénario?
CHRIS KRUEGER : Eh bien, lorsque le nouveau Congrès prêtera allégeance le 3 janvier, le premier vote portera sur le président de la Chambre des représentants. Il faut alors une majorité de votants pour devenir président de la Chambre des représentants. La Chambre certifie toujours ses propres résultats électoraux. Vous avez le processus de certification de l’État. Alors, s’il y a un nouveau comptage, comme dans le cas de Franken au Minnesota, ça peut prendre un certain temps. La marge étant à ce point étroite, si vous pensiez que l’élection du président de la Chambre en 2023 était étrange, attendez de voir en 2025.
PETER HAYNES : Oh, oui. Il faut en parler. OK. Vous avez parlé de fiscalité. Une chose que j’ai vite comprise en profitant de votre expertise, Chris, c’est qu’il est important de porter attention à l’expiration des accords fiscaux du gouvernement, comme le financement, les activités courantes de Washington et, dans le cas présent, l’expiration des allégements fiscaux de M. Trump.
Pour le grand public, ces questions ont tendance à apparaître d’un coup comme les poussées d’urticaire. Mais pour ceux qui suivent avec attention, il y a des signaux d’alerte qui apparaissent largement à l’avance. Chris, pouvez-vous faire le point sur ces deux enjeux et sur tout autre enjeu important, ainsi que sur l’incidence possible des résultats de l’élection sur ces échéances?
CHRIS KRUEGER : Le Center for Responsible Federal Budget est, je crois, l’une des rares organisations centristes en ville. Ils établissent un delta budgétaire de 15 000 milliards de dollars, si on prend en compte les fourchettes du programme de l’un ou l’autre des candidats, ce qui est supérieur au PIB des États-Unis, par année. Le 1er janvier, on se cognera la tête sur le plafond de la dette. Des mesures extraordinaires seront prises.
La date limite à laquelle les États-Unis entreront en situation de défaut de paiement arrivera au plus tôt en juin, ou peut être au plus tard en octobre, mais ça posera problème l’année prochaine, peu importe le résultat de l’élection. Mais le plus gros problème parmi tous les autres problèmes, c’est le gouffre fiscal de 5 000 milliards de dollars et la falaise fiscale au bord de laquelle on se trouvera le 31 décembre de l’année prochaine.
C’est une combinaison de la fin des réductions d’impôt de 2017, des taux individuels de la Loi sur l’emploi et de la fin des subventions liées à l’Obamacare. Ce sont des fonds gouvernementaux versés aux personnes pour les aider à acheter une assurance maladie au titre de l’Affordable Care Act.
Avec une grande largesse, Trump a parlé de prolonger ces taux, pour un coût approximatif de 4,5 billions de dollars, à moins qu’ils ne les suppriment complètement. Madame Harris a proposé de laisser les tranches d’imposition supérieures à 400 000 $ revenir au niveau de l’époque Obama. Les taux supérieurs à 37 % reviendraient à 39,6 %.
Il est important de noter également que le taux des sociétés n’est pas automatiquement temporisé comme le sont les taux individuels. Trump a dit qu’il aimerait ramener le taux des sociétés qui est de 21 % à 20 %. Harris a dit qu’elle passerait de 21 à 28 %. On estime que le plafond se situe probablement autour de 25 %. Mais cette question relève entièrement de la Chambre des représentants et du Sénat. Ce ne sont pas des choses qu’on peut faire de façon unilatérale. Ça montre à quel point les enjeux sont importants pour la Chambre des représentants et le Sénat l’an prochain.
PETER HAYNES : Oui, ce sont des montants importants, ceux dont vous parlez. Frank, vous avez dit qu’en tant que Canadiens, on était des spectateurs de cette élection et qu’on devait respecter la volonté du peuple américain. Y a-t-il d’autres enjeux qui devraient préoccuper les Canadiens en ce qui concerne les élections aux États-Unis?
FRANK MCKENNA : Oui, il y en a. Encore une fois, même si tout ça semble chaotique, je rappelle que c’est la démocratie. Et les États-Unis sont très bons pour ce qui est de trouver les solutions nécessaires une fois qu’ils ont épuisé toutes les autres possibilités, que ce soit au sujet du plafond de la dette ou simplement de la certification des élections, etc.
Pour le Canada, il y a de vraies préoccupations. Si Kamala Harris est réélue, je dirais qu’elles sont moins inquiétantes. On connaît cette administration. On sait qu’elle a des instincts protectionnistes, mais jusqu’ici, on a été en mesure de composer avec.
Les vraies préoccupations pour le Canada vont découler d’une nouvelle présidence de Trump. Une guerre des tarifs douaniers serait une mauvaise nouvelle pour nous. Une attaque sur les institutions multilatérales serait une mauvaise nouvelle pour le Canada, qui est l’un des pays les plus ouverts au commerce global sur la planète. Soixante-dix-sept pour cent de nos exportations partent aux États-Unis. Toute attaque contre un monde multilatéral, contre l’OMC ou l’une de ces institutions, nous nuirait.
L’OTAN. Ce serait très préoccupant pour nous si les États-Unis se retiraient de leurs obligations et si ça permettait à l’Ukraine d’être vraiment envahie par la Russie. Les enjeux environnementaux. Si les États-Unis abaissaient considérablement leurs normes environnementales, nos secteurs de l’énergie, en particulier, seraient très rapidement non concurrentiels.
Par exemple, si les normes relatives aux émissions de méthane étaient retirées, alors que les nôtres sont très rigoureuses, ce serait très difficile. Si l’impôt des sociétés baissait aux États-Unis, il serait difficile pour nos entreprises de rester concurrentielles. Et puis, si les États-Unis vont de l’avant avec ce dont Trump et maintenant Johnson et d’autres parlent en ce qui concerne l’expulsion massive de personnes sans papiers, ça aurait des conséquences, selon moi, pour le Canada.
Beaucoup de ces personnes pourraient finir par essayer de venir au Canada. Ce serait difficile pour nous de les absorber. Beaucoup tenteront peut-être de venir au Canada, puis de revenir en cachette aux États-Unis, ce qui nuirait grandement à nos relations à la frontière nord. Ce sont des conséquences imprévisibles. On ne sait tout simplement pas si l’administration républicaine serait vraiment déterminée à faire ça, à chasser des millions de personnes de son territoire. Si c’est le cas, ça aurait des conséquences importantes pour nous.
PETER HAYNES : Frank, y a-t-il certains des problèmes dont on a parlé sur lesquels le Canada devrait vraiment réagir? Vous avez parlé des émissions de méthane et de certains autres facteurs. Ou est-ce que le Canada serait simplement appelé à devenir moins concurrentiel et devrait s’adapter à moins de profits?
FRANK MCKENNA : J’ai du mal à croire que le Canada réduirait ses exigences sur les émissions de méthane, par exemple, parce que la question ne se limite pas aux États-Unis. On doit être concurrentiels ou commercialiser notre produit au reste du monde. De même, sur le plan fiscal, nos impôts sont très concurrentiels à l’échelle mondiale et il y a une limite aux baisses que vous pouvez faire pour rester cohérent avec votre cadre budgétaire.
Nous n’avons pas la devise qui sert de réserve sur le plan mondial. Nous n’avons pas de planche à billets. Alors, il y a des limites à ce qu’on peut faire. Sincèrement, je pense que les États-Unis eux aussi ont des limites quant au niveau de dette qu’ils peuvent supporter. C’est juste qu’ils ne l’ont pas encore reconnu. Mais à tout moment, ils pourraient se trouver face à un mur, et les conséquences ne seraient pas belles à voir.
PETER HAYNES : Chris, il y a un site de paris en ligne sur les résultats de l’élection qui s’appelle Kalshi. Kalshi a récemment remporté une action en justice contre la CFTC, qui lui permet maintenant d’exercer en tant que plateforme réglementée pour parier sur le résultat de l’élection, entre autres choses. Chris, si vous deviez faire un pari sur le résultat de l’élection sur Kalshi, où placeriez-vous votre mise?
CHRIS KRUEGER : Je ne le ferais pas parce que le fait que des gens semblent si convaincus de savoir me rend perplexe. Par ailleurs, je suis à six contre 1 avec ma fille sur notre équipe de football fantaisiste, alors, je ne vais pas forcer ma chance. Mais si vous m’y obligez, dans un esprit de camaraderie, je vous dirais Harris, avec un Sénat républicain, et une Chambre des représentants démocrate très serrée, mais ce serait parier avec l’argent de quelqu’un d’autre.
PETER HAYNES : Frank?
FRANK MCKENNA : Je suis d’accord pour le Sénat et la Chambre des représentants. Aujourd’hui, je serais probablement plus enclin à parler d’une modeste victoire de Trump. En fait, je suis quotidiennement les sondages, avec beaucoup trop d’assiduité pour ma propre santé. J’ai l’impression que Trump a réussi à survivre à toutes les attaques contre lui et semble progresser légèrement dans les États décisifs.
Alors, j’aurais la même configuration globale que Chris. Mais aujourd’hui, je dirais probablement que strictement pour la présidentielle, ce serait Trump, avec une légère avance. Mais certainement un changement au Sénat et je suis d’accord pour la Chambre des représentants.
PETER HAYNES : Voulez-vous formuler une hypothèse quant au positionnement actuel du marché, sur une échelle de probabilité?
FRANK MCKENNA : Oh, il est nettement républicain.
PETER HAYNES : Selon vous, quels sont les chiffres? On va dire les choses ainsi, Frank. Le 10 octobre, sur Kalshi, c’était 50/50. Que pensez-vous que ce soit aujourd’hui?
FRANK MCKENNA : Je dirais 75/25.
PETER HAYNES : Et vous, Chris?
CHRIS KRUEGER : Je pense qu’il est clair que le biais de sélection libre dans un marché de prédictions fondées sur la crypto est énorme et les sites de paris avaient tort pour les trois dernières élections, soit en 2012, en 2016 et en 2020. Alors, oui, probablement que Trump est donné gagnant en grande majorité.
PETER HAYNES : 59/41. Mais on était encore à 50/50 il y a encore deux semaines. 59 pour Trump.
CHRIS KRUEGER : Probablement plus une question sur la structure du marché pour vous, Peter, mais quelle est la valeur des liquidités de ces sites? Est-ce qu’il ne serait pas plutôt... J’ai l’impression qu’ils sont très manipulés, pour générer une couverture du cycle de l’actualité.
PETER HAYNES : C’est tout à fait possible. J’assistais récemment à une conférence où le chef de la direction de Kalshi parlait de la façon dont son marché fonctionne. Vous pouvez parier jusqu’à 100 millions de dollars sur l’élection au cours d’une séance. Ils ont clairement des teneurs de marchés qui veulent être du bon côté de cette somme. Comment ils couvrent ce marché, je l’ignore.
Mais je dois dire, Chris, pour ceux qui veulent miser sur le résultat, c’est légal. On voit beaucoup de sociétés de courtage en ce moment qui disent « Voici le portefeuille que vous devriez détenir si Trump gagne » ou « Voici la stratégie que vous devriez adopter si Harris gagne ». Mais ce site est légitime. Je pense que c’est pour ça que beaucoup de gens aiment ce genre de résultat binaire. Je ne dis pas que c’est un espace où j’aimerais passer du temps, mais c’est un espace qui gagne en popularité dans notre secteur.
Frank, je m’en voudrais de ne pas vous poser quelques questions sur certains sujets qui font actuellement les manchettes. Je vais les passer en revue et vous laisser répondre. Le premier est cette fameuse rumeur de lettre de caucus de la part de députés libéraux qui souhaitent la démission de Trudeau. Est-ce que vous lui donnez beaucoup de crédibilité?
Deuxièmement, il y a la récente déclaration de la GRC sur l’Inde et ses préoccupations à l’égard des nouvelles menaces qui pèsent sur les Canadiens d’origine sikhe, qui sont en faveur d’un État indépendantiste en Inde, connu sous le nom de Khalistan. Qu’avez-vous à dire sur ces deux sujets?
FRANK MCKENNA : Il n’y a aucun doute qu’il y a du mécontentement au sein du caucus libéral. Les sondages sont très mauvais. On m’a parlé récemment de 30 membres du caucus. Il doit comprendre qu’il y a une humeur hostile à son mandat en cours dans le pays.
Lors des élections en Colombie-Britannique, le NPD qui avait une avance importante a été humilié par un parti qui n’avait obtenu que 1,5 % des suffrages la dernière fois. C’était une humeur hostile au mandat en cours.
Au Nouveau-Brunswick, hier soir, le gouvernement conservateur a été chassé avec un vote massif en faveur du Parti libéral. De plus, en Saskatchewan, le parti très conservateur qui a remporté une victoire retentissante lors des dernières élections serait légèrement à la traîne par rapport au NPD, selon les sondages.
Alors, si j’occupais le mandat en cours, je dirais que les chances sont contre moi. Et si j’étais titulaire de ce mandat depuis 10 ans, ce qui est presque la fin de la durée de vie d’un mandat au Canada, je dirais que les probabilités sont encore plus élevées contre moi.
Des ministres à qui j’ai parlé cette semaine m’ont dit que le premier ministre attendait probablement les résultats de l’élection américaine avant de prendre une décision. En cas de victoire de madame Harris, il pourrait vouloir bâtir un discours pour les Canadiens disant qu’ils feraient mieux de choisir un gouvernement qui s’entende bien avec l’administration Harris. C’est peut-être son calcul. Mais, à mon avis, il sera difficile de redresser la situation et il est fort probable que nous participions à une campagne pour la direction du parti au cours des prochains mois.
En ce qui concerne la GRC et l’Inde, c’est une organisation très professionnelle, je ne pense pas qu’ils auraient fait part de leurs préoccupations au public sans preuve de menaces immédiates envers ces gens et s’ils ne pouvaient pas documenter ces menaces jusqu’au sommet de la représentation indienne officielle au Canada.
Je crois que ça a été confirmé par les États-Unis, cette semaine, qui a accusé un ancien employé du gouvernement indien de conspirer en vue de tuer un citoyen américain. Alors, il n’y a aucun doute que quelque chose de concret se passe.
Là où la position du Canada est légèrement affaiblie, c’est qu’il ne fait aucun doute qu’on a toléré l’extrémisme sikh dans la mesure où il y a un mouvement pro-Khalistan au Canada parmi certains sikhs, probablement pas parmi la majorité, mais certains, ce qui inquiète vraiment l’Inde.
Notre démocratie est libre et ouverte. Il est très difficile pour nous de dire aux gens qu’ils ne peuvent pas s’organiser ou qu’ils ne peuvent pas exprimer une opinion sur un sujet, même si c’est dans un autre pays. En particulier, si on ne le considère pas comme un pays. Dans l’ensemble, en tant que pays, on est opposés à la création d’un État du Khalistan en Inde, mais on n’a pas réussi à contenir certains de nos citoyens qui ont des opinions bien arrêtées à ce sujet.
Dans l’ensemble, il s’agit d’une question très grave qui évolue au sein d’une relation économique d’une importance extraordinaire. En raison de mon respect pour la GRC, je ne peux que tenir pour acquis que les preuves qu’elle a sont très solides pour qu’elle en parle publiquement.
PETER HAYNES : Un suivi rapide, Frank. Votre pronostic sur le moment auquel le gouvernement du Canada sera défait et où nous devrons nous rendre aux urnes. Est-ce que ça va se produire avant la fin de l’année? Ce n’est qu’un pronostic, bien entendu.
FRANK MCKENNA : Oui. Une menace sur deux sujets a été formulée par le bloc pour la fin de ce mois. D’une part, la gestion de l’approvisionnement et, d’autre part, le supplément pour personnes âgées. Aucun des deux ne sera remporté par le bloc. Je ne pense pas que ce sera le facteur déclencheur d’une élection.
Je pense que, au besoin, le NPD, compte tenu surtout de ses victoires en Colombie-Britannique, pourrait très bien lever le pied et soutenir le gouvernement. Si ça se produisait, je pense que le gouvernement pourrait déposer un budget en toute sécurité jusqu’au printemps et que ça ferait l’objet d’une motion de défiance pour remanier le gouvernement.
Soit le gouvernement chute au cours des deux prochaines semaines, ce qui, selon moi, ne se produira pas, soit ça nous mène à la fin de l’hiver, au début du printemps, date à laquelle le gouvernement tombera certainement. Ce gouvernement ne survivra pas jusqu’à l’automne prochain. La question sera réglée au printemps au plus tard.
PETER HAYNES : Chris, c’est ici que vous l’avez entendu pour la première fois. Si vous vous ennuyez aux États-Unis après en avoir fini avec toutes vos manigances dans le Sud, n’hésitez pas à venir vous intéresser à notre élection l’an prochain. C’était formidable, messieurs. Je pense que c’est une excellente préparation à ce qu’on va devoir examiner au cours des prochaines semaines. Frank, merci de vos points de vue pour le Canada, alors que nous concluons ici.
Retour au baseball. Les séries éliminatoires de la ligue majeure de cette année pourraient être les plus intéressantes de toute ma vie. Maintenant, on a le juge Ohtani dans les séries mondiales. Frank, quel est votre avis sur les séries éliminatoires de ligue majeure et qui va gagner les séries mondiales?
FRANK MCKENNA : Tout d’abord, je suis d’accord avec vous au sujet de tout le contexte de mise en scène. Mais j’ai un autre commentaire à faire à ce sujet. Ce n’est pas un hasard si ces deux équipes sont aussi les plus chères des ligues et représentent deux très grandes villes.
Ça m’indique que le baseball n’a pas trouvé la bonne formule pour établir un plafond salarial ou une formule d’égalisation. Pour les séries mondiales, les équipes que nous avons sont les meilleures que l’argent puisse acheter. Alors, je ne trouve pas que ce soit une bonne chose.
Deuxièmement, Toronto a les ressources nécessaires avec le Canada tout entier qui lui sert de marché pour être dans la même ligue et choisit de ne pas y aller. J’ai passé le dernier mois à pleurer littéralement tous les soirs, ne pouvant pas regarder mes chers Blue Jays, car je crois que, en raison du manque de conviction de la direction et d’une prise en charge et d’une gestion inadéquate de l’équipe, on n’a tout simplement pas été une équipe compétitive.
Je pense que l’actionnariat et la direction doivent au pays une meilleure équipe que celle qu’elle a mise en place. Je vais donc m’arrêter aux deux équipes qui jouent. Les deux équipes regorgent de vedettes. D’excellents talents, payés très cher. Je vais aller avec Los Angeles parce que j’aime le sourire contagieux de Teoscar Hernández et la façon dont il joue avec tant de joie. Et pour cette seule raison, j’encouragerai Los Angeles.
PETER HAYNES : Je suis d’accord avec tout ce que vous venez de dire. Ce que ces deux équipes ont prouvé, c’est qu’il est difficile de gagner avec une seule vedette.
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : Il en faut plusieurs. Il faut une défense dans cette composition. La façon dont les Bullpens ont été domptés comme une vulgaire mule dans ces séries éliminatoires est incroyable. Les Blue Jays sont loin du niveau de jeu des équipes qui jouent en ce moment, de la direction au terrain. C’est le jour et la nuit, et j’ai suivi chaque minute de ces séries éliminatoires.
Chris, je sais que vous êtes un partisan des Red Sox, mais je suis curieux de savoir si vous avez pu regarder des parties de baseball, ou si vous êtes trop inquiet pour vos effroyables Patriots et passez trop de temps à étudier les manuels de droit constitutionnel?
CHRIS KRUEGER : On dirait le coach en chef des Patriots. Non. Je crois en Drake May. J’ai dû rappeler à mes enfants, Clementine et Clark, hier soir, qu’on avait remporté trois titres du Super Bowl de leur vivant. Pour ce qui est des séries mondiales, il est intéressant de noter que Harris est de la Californie et que Trump est du Queens. Je suppose que Harris se range du côté des Dodgers et Trump, du côté des Yankees.
Il faut dire que la dernière fois que les Dodgers ont remporté les séries mondiales, Trump a perdu l’élection. Je suis vraiment impatient de voir le nouveau documentaire sur les Red Sox en 2004, c’était il y a 20 ans. J’ai l’impression que 10 vies sont passées depuis.
PETER HAYNES : Est-ce sur la chaussette ensanglantée de Curt Schilling?
CHRIS KRUEGER : Oui, monsieur.
PETER HAYNES : Oui. C’est ce que je me suis dit. Oui. OK. Je regarderai ça.
CHRIS KRUEGER : Ils étaient menés trois fois au score dans l’ALCS contre les Yankees et ils ont tout simplement retourné la situation.
PETER HAYNES : Frank et Chris, merci beaucoup pour ces observations, au nom de nos auditeurs. Chris, au plaisir de vous revoir à notre conférence du 7 novembre. Deux jours après les élections. Il y aura certainement beaucoup de choses à dire à ce moment-là et vous pourrez revenir sur certaines de vos prévisions. Merci encore, messieurs.
FRANK MCKENNA : Merci.
CHRIS KRUEGER : Merci. C’était super d’être avec vous tous.
PETER HAYNES : Merci d’avoir écouté Géopolitique. Le balado de Valeurs Mobilières TD est proposé à des fins d’information. Les opinions décrites dans le balado d’aujourd’hui concernent les particuliers et peuvent ou non représenter le point de vue de la TD ou de ses filiales, et ces opinions ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, fiscaux ou autres.
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Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste en macroéconomie, commerce, fiscalité et politique fiscale, TD Cowen
Chris Krueger s’est joint au Groupe de recherche de Washington de TD Cowen en août 2016 à titre de stratège à Washington. M. Krueger et le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen ont récemment été nommés premiers dans la catégorie Institutional Investor Washington Strategy, où le Groupe et lui ont été constamment classés au cours de la dernière décennie. M. Krueger publie le DC Download, un quotidien incontournable pour les gestionnaires de portefeuille de Wall Street qui veulent avoir un aperçu des principaux événements de Washington et de leur impact sur les marchés de capitaux. M. Krueger couvre les politiques macroéconomiques, fiscales et commerciales de Washington D.C.
Il a occupé des postes similaires au sein de Guggenheim Securities, de MF Global, de Concept Capital et de Potomac Research Group. Auparavant, il a travaillé pendant près de quatre ans à titre de haut fonctionnaire à la Chambre des représentants des États-Unis. Il a également participé à plusieurs campagnes politiques locales, étatiques et fédérales partout au pays.
M. Krueger est titulaire d’un baccalauréat de l’Université du Vermont et d’une maîtrise en relations internationales du King’s College London. Il fait des apparitions fréquemment à CNBC et à Bloomberg et est largement cité dans : The Wall Street Journal, FT, Axios, New York Times, Washington Post et POLITICO. Il prend également la parole régulièrement dans le cadre d’événements du secteur et de conférences, notamment la conférence mondiale du Milken Institute, la National Organization of Investment Professionals et la Bourse de New York.
Les documents préparés par le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen sont des commentaires sur les conditions politiques, économiques ou de marché et ne sont pas des rapports de recherche au sens de la réglementation applicable.
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.