Bâtir pour sortir ou bâtir pour faire cavalier seul
Invitees : Jean-François Formela, partenaire d’Atlas Venture et Otello Stampacchia, fondateur d’Omega Funds.
Animateur : Yaron Weber, Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Dans cet épisode de la série de balados Biotech Decoded de TD Cowen, Yaron Weber, analyste du secteur de la biotechnologie, discute avec Jean-François Formela, partenaire d’Atlas Venture et Otello Stampacchia, fondateur d’Omega Funds. Ils discutent de l’investissement et de la création d’entreprises depuis la base, en particulier en tenant compte du rythme inégalé de l’innovation dans le secteur de la biotechnologie. La science prévaut lorsqu’il s’agit d’investir dans des entreprises de biotechnologie en phase de démarrage, mais de nombreuses décisions stratégiques et financières clés doivent être prises en cours de route, notamment en ce qui concerne la vente de l’entreprise ou le fait de se lancer seul dans l’aventure. Appuyez sur Play pour écouter le balado.
Intervenant 1 :
Bienvenue à Insights de TD Cowen. Ce balado réunit des penseurs de premier plan qui offrent leur éclairage et leurs réflexions sur ce qui façonne notre monde. Soyez des nôtres pour cette conversation avec les esprits les plus influents de nos secteurs mondiaux.
Yaron Werber :
Merci de vous joindre à nous pour un autre épisode passionnant de notre série de balados Biotech Decoded.
Je m’appelle Yaron Werber et je suis analyste, Biotechnologie à TD Cowen. Je suis très heureux d’être en compagnie de Jean-François Formela, d’Atlas Ventures, et d’Otello Stampacchia, d’Omega Funds, dans cet épisode intitulé « Construire pour se retirer ou construire pour se lancer seul. » On va discuter de la vision interne de la création d’entreprises à partir de la base et de la façon dont les décisions sont prises pour vendre une entreprise ou de rester autonome. Jean-François et Otello, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Merci beaucoup d’être là. C’est vraiment un plaisir de vous revoir.
Otello Stampacchia :
Je suis ravi d’être ici.
Jean-François Formela :
Content de vous voir.
Yaron Werber :
Je dois commencer par poser une question évidente. Ce balado s’intitule Biotech Dealmakers. L’industrie pharmaceutique dispose d’importantes liquidités alors que ses portefeuilles vieillissent et font l’objet de réclamations concernant les brevets. On est confrontés à des questions sur les volumes de fusions et acquisitions et sur les raisons pour lesquelles il n’y a pas plus de transactions. Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas plus de transactions? Qu’est-ce qu’il se passe? Jean-François, peut-être que vous voulez commencer?
Jean-François Formela :
Les fusions et acquisitions ne sont pas déclenchées en un jour ou en une semaine. Ce n’est pas comme si les entreprises pharmaceutiques se disaient soudainement : « D’accord, il est maintenant temps de faire des fusions et acquisitions. » On a donc connu une période où le coût du capital était très faible et je pense que l’équipe de direction et les conseils d’administration souhaitaient faire moins de transactions et de fusions et acquisitions, parce qu’il y avait une quantité énorme de capital disponible. Ça ne me surprend pas. Je ne pense pas qu’il faut s’attendre à ce que les fusions et acquisitions reprennent soudainement, sur une période de trois semaines. Je pense que les gens vont revoir leurs listes d’achats. Ils vont se pencher sur les étapes à venir. L’industrie pharmaceutique suit toujours un processus. Je crois qu’on va voir une augmentation de l’activité, mais ça ne va pas recommencer maintenant. Ce n’est pas une surprise pour moi.
Yaron Werber :
C’est vraiment une question de processus, et les grands acheteurs ne peuvent pas réagir aussi rapidement à l’affaiblissement des conditions du marché.
Jean-François Formela :
Oui. Je pense que l’industrie pharmaceutique a beaucoup de qualités, mais réagir rapidement n’en est peut-être pas une.
Yaron Werber :
Oui. J’aime vraiment cette réponse.
Otello, vous recevez beaucoup d’information et de points de vue sur le volume et la taille des demandes au cours des 12 derniers mois, mais qu’en pensez-vous?
Otello Stampacchia :
Non, je pense que le niveau d’activité est assez sain, tout compte fait. Encore une fois, comme dit Jean-François, on investit principalement dans le secteur biopharmaceutique. Comme on en a parlé plus tôt, je pense qu’il y a eu 16 transactions de plus de 1 milliard de dollars dans ce secteur en 2021, ce qui est un nombre assez élevé, pratiquement un record, ainsi qu’un nombre plus petit, des transactions plus nombreuses à un montant d’évaluation plus faible. Je ne pense pas que l’activité ait baissé.
Je pense que beaucoup de gens se disent : « Eh bien, le marché est maintenant en difficulté. Espérons que les fusions et acquisitions augmenteront considérablement. » Je ne pense toujours pas que les activités de la dernière année aient été très faibles. Je pense que ça va augmenter, parce que, pour répondre à votre question précédente, ces conversations sont habituellement un dialogue où le vendeur doit être potentiellement disposé à vendre. Bien sûr, lorsqu’il s’agit de sociétés privées, et même lorsqu’elles sont cotées en bourse, bon nombre d’entre elles ont des actionnaires très proches les uns des autres. Et un acheteur a son propre processus, comme l’a dit JF, et l’évaluation est un élément important de ce processus.
Je pense donc qu’au cours de ces dernières semaines en particulier, même si le XBI est en baisse depuis février de l’an dernier, on a observé une baisse assez importante. Je pense donc qu’il est juste de dire, du moins d’après nos propres conversations, qu’un certain nombre de sociétés pharmaceutiques font cette vérification de leur liste de cibles. Je m’attends à ce qu’il y ait beaucoup d’activité au cours des prochains mois, mais encore une fois, le niveau de référence n’était pas si bas au départ.
Yaron Werber :
Oui. C’est tout à fait juste. Est-ce que vous vous attendez à ce que plus d’entreprises soient motivées à vendre maintenant que le marché est en baisse, ou sont-elles toujours assez optimistes quant à leur capacité à réunir des capitaux?
Otello Stampacchia :
Oui. Non, je pense que JF a soulevé un point très intéressant tout à l’heure, qui est en grande partie lié au coût du capital. Lorsque vous êtes une société privée ou une société ouverte et que le capital est disponible à un coût relativement bas, le calcul de la vente de l’entreprise est un peu différent. Alors que si vous êtes une société privée, les marchés publics sont difficiles et potentiellement instables. Je ne pense pas que ça va durer éternellement, mais c’est la situation en ce moment. Ensuite, la dilution se traduit par la question suivante : « Je dois réunir ce montant de capital. À quel prix devrais-je réunir ce montant de capital? » Ça devient un facteur très important.
Par exemple, dans un cas récent de notre portefeuille, c’est-à-dire Amunix que nous avons vendu à Sanofi, c’est ce qui a été pris en compte. Certaines plateformes, certaines sociétés et certains pipelines de conception de produits nécessitent des capitaux importants. Et parfois, c’est dans une grande entreprise que le capital doit être déployé. Encore une fois, c’était un facteur important dans cette transaction, et c’est probablement un facteur dans de nombreuses autres.
Yaron Werber :
Jean-François, qu’est-ce que vous en pensez?
Jean-François Formela :
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qu’Otello a dit. Je pense que ça va être intéressant de voir s’il va y avoir une certaine divergence entre les sociétés ouvertes et les sociétés privées. Je soupçonne que ça va être le cas. Je soupçonne que les sociétés ouvertes et le marché public seront potentiellement plus touchés que le marché privé. Ce qui est un peu paradoxal parce qu’historiquement, on a tous grandi en sachant qu’on peut toujours accéder à plus de capitaux lorsqu’on est public que lorsqu’on est privé. Mais pour une raison ou une autre, je crois que les répercussions sur les sociétés ouvertes, en particulier celles qui sont en retard ou qui ont peut-être déjà raté une étape, sont beaucoup plus prononcées que sur les sociétés privées, qui ont encore une partie de ces perspectives devant elles et qui sont soutenues par des gens qui ont beaucoup d’argent.
C’est certain que pour Omega, Atlas et un tas d’autres sociétés, de Flagship à TRV en passant par ARCH, les investisseurs ont beaucoup d’argent à portée de main. Et s’ils croient à la vision et au plan d’une entreprise privée, ils vont continuer de l’appuyer. Il y a peut-être une plus grande ouverture d’esprit à l’égard de la conclusion d’entente. Je ne suis pas certain qu’ils vont être instantanément ouverts à la vente, parce que je pense qu’on croit tous que les bonnes entreprises auront accès aux marchés financiers.
Quoi qu’il en soit, je pense que c’est un peu délicat parce qu’il va y avoir différents paliers dans les sociétés ouvertes. De toute évidence, il y a des sociétés ouvertes dans ce secteur. La grande différence entre ce cycle et les autres, c’est que si on regarde le bilan moyen, on voit qu’il est très différent. La situation est très différente de ce qu’elle était en 2000, c’est le jour et la nuit, ou de ce qu’elle était en 2008 et en 2020. Bien qu’en 2020, la correction a été très courte et le bilan était déjà assez solide.
Yaron Werber :
Revenons en arrière et oublions la liquidation du marché au cours du dernier mois, depuis le début de l’année. Revenons même à 2021. J’essaie de me faire une idée. Il y a beaucoup de discussions; on en parle constamment à Wall Street. Malgré le niveau élevé de transactions, est-ce qu’on n’en voit pas davantage, compte tenu du besoin dans le secteur pharmaceutique, en raison d’un arbitrage sur l’évaluation? Ou est-ce qu’il y a une pénurie et un manque de vendeurs volontaires? Jean-François, je m’adresse d’abord à vous. Qu’est-ce que vous en pensez?
Jean-François Formela :
Eh bien, je pense que c’est probablement un peu des deux. On a déjà parlé du coût du capital, qui est évidemment très important et qui a probablement contribué à réduire le nombre de fusions et d’acquisitions, dans une fourchette de capitalisation boursière que les gens n’ont peut-être pas remarquée. La tendance n’est peut-être pas très évidente, mais je pense qu’en moyenne, les gens étaient probablement moins disposés à vendre à un moment donné. Le défi, c’est qu’il faut ajuster les étapes. Tout le monde regarde les données globales, mais c’est un peu délicat parce que ça devrait être vu en fonction de l’état ajusté. C’est donc une discussion différente. On peut en parler, mais ce sera plus long.
L’autre chose, c’est que je pense aussi que les sociétés pharmaceutiques ont changé un peu, pas tellement leur processus, mais leur point de vue ou leur stratégie d’acquisition. Je pense qu’elles sont plus disposées à mettre en œuvre les acquisitions qu’elles ont faites dans le passé. Chaque fois que vous avez un nouveau jouet, tout le monde essaie de s’en acheter un rapidement. Maintenant, lors de nombreuses discussions, on entend les sociétés pharmaceutiques dire : « Oh, on a déjà ça. On a acheté la meilleure entreprise dans ce domaine, et ainsi de suite. » Et ça devient un peu plus compliqué. En revanche, l’évolution de la technologie est si rapide que ce qui était une acquisition très intéressante il y a 18 mois n’est peut-être plus aussi concurrentiel aujourd’hui.
La question s’adresse donc à l’équipe pharmaceutique, en particulier pour ce qui est de la tension intéressante entre le développement des affaires et la recherche et développement, cette dernière pouvant dire : « Écoutez, c’est ce qu’on a fait. On est les meilleurs. On a fait cette acquisition. » L’équipe technique de développement des affaires peut répondre : « Les choses ont beaucoup changé. Vous devriez peut-être y réfléchir à deux fois. Êtes-vous vraiment certain qu’on est concurrentiels? » Je pense qu’il y a un peu de ce processus. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a un petit problème des deux côtés : d’une part, il y a moins d’incitation à vendre du côté du vendeur, en raison du coût du capital. Mais, bien sûr, ça change. Et puis, les entreprises pharmaceutiques sont un peu plus déterminées à passer à la prochaine étape.
Yaron Werber :
C’est ça.
Jean-François Formela :
Je serais curieux de savoir ce qu’Otello en pense, mais je m’en doute un peu.
Otello Stampacchia :
Je ne suis pas en désaccord. Je pense qu’il y a un point très intéressant ici : si on regarde toutes ces acquisitions, ou du moins bon nombre de ces acquisitions pour des sociétés ouvertes et privées, du côté public, il est très clair que pour toutes ces transactions, il y avait vraiment un acquéreur crédible. Je pense qu’au moins pour notre ensemble de données, on a effectué quelques transactions juste avant Noël, et la même chose semble s’appliquer au secteur privé. Je pense que les sociétés pharmaceutiques ont fait leurs devoirs à l’interne et se sont dit : « D’accord, voici ce dont on a besoin. » Et ça se reflète aussi dans la rapidité de ces transactions.
Bon nombre de celles-ci se font maintenant littéralement en l’espace de quelques semaines. Et c’est aussi quelque chose qui est un peu choquant par rapport à ce que les sociétés pharmaceutiques avaient l’habitude de faire, c’est-à-dire ces processus incroyablement longs. C’est parce qu’elles savent que ça doit cadrer avec une idée préétablie de leurs besoins. Et une fois qu’elles se retrouvent à la table de négociation, je crois que ces conversations vont un peu plus vite. Je veux dire, en moyenne. Il y a toujours des exceptions.
Je suis d’accord. Elles ont certainement une idée plus claire de leurs besoins. En même temps, comme vous l’avez dit, l’évolution des technologies sous-jacentes est aujourd’hui tellement plus rapide que certaines des plateformes qu’elles achètent pour leurs produits sont presque obsolètes. C’est un peu différent, mais ces plateformes sont dépassées après quelques années. Comme tu le sais, JF, on a dans nos portefeuilles communs quelques sociétés qui sont exactement celles de la prochaine génération.
Yaron Werber :
Otello et Jean-François, je sais que vous êtes tous les deux très sensibles à l’évolution de l’environnement de la FTC. Les transactions biopharmaceutiques font maintenant l’objet d’une surveillance beaucoup plus étroite. Ce qui était auparavant un examen en une seule étape est maintenant susceptible de faire l’objet d’une deuxième lettre. Même lorsqu’on parle de pipelines précoces, il se peut que les sociétés pharmaceutiques, qui ont un portefeuille massif, ne se trouvent même pas dans le même domaine. Qu’en pensez-vous? Est-ce que ça va vraiment ralentir les transactions? Ou est-ce que ça va prendre un peu plus de temps pour conclure un accord?
Otello Stampacchia :
Oui, je pense que ça va être plus qu’un simple ralentissement des transactions de grande envergure. Bien sûr, il y a toujours des exceptions, mais je pense qu’elles sont presque impossibles à réaliser dans le contexte actuel. Je pense que pour les petites transactions, ça devient plus granulaire, et ça dépend vraiment du potentiel de l’acquisition d’offrir une domination sur le marché dans un domaine thérapeutique. Et on a vu des exemples de vente de ce type : BMS a dû vendre Otezla en raison de sa présence dans le secteur TYK2, et il va y en avoir d’autres.
De façon générale, je pense que les petites transactions, les acquisitions-intégrations et les améliorations apportées au pipeline sont beaucoup moins susceptibles, à mon avis, de déclencher le refus de la FTC. En ce qui concerne les transactions de grande envergure, je pense tout d’abord qu’on devrait dépasser ce type d’ingénierie financière, de grandes fusions et acquisitions qui n’ont rien apporté pour l’innovation. En un sens, je pense que oui. Je sais que beaucoup de gens se plaignent de la FTC lorsqu’ils examinent le contexte des fusions et acquisitions. Pour le type de sociétés qu’on soutient, qu’on aime bâtir, je crois qu’il s’agit d’une mesure macroéconomique positive.
Jean-François Formela :
Oui. Je suis d’accord. On a conclu quelques ententes depuis le nouveau régime à la FTC. Bien sûr, tout le monde était un peu préoccupé, compte tenu du nouveau chef de la FTC, et le contexte réglementaire et politique. On a vu le traitement de ces ententes, de petite et moyenne capitalisations. Par exemple, dans le secteur de la biotechnologie. On a reçu la lettre; mais ça a pris plus de temps. Mais ce qui était intéressant, c’est que même le personnel de la FTC disait : « Ne vous inquiétez pas. C’est un peu fou, mais il faut passer par là. On doit répondre à ces questions qui n’ont pas beaucoup de sens, mais c’est ainsi. » Je pense qu’on va surtout voir des retards pour les sociétés à petite et moyenne capitalisation.
Pour ce qui est de celles à forte capitalisation, je suis tout à fait d’accord avec Otello. C’est très différent, parce qu’il s’agit d’une stratégie et d’une philosophie politiques qui seront probablement différentes. Je pense qu’il pourrait y avoir des ententes qui seraient tout de même logiques s’il n’y a pas de véritable regroupement d’une catégorie de maladie, où il y a moins de concurrence selon l’analyse. Mais pour ces ententes, ça va prendre une combinaison de processus, de rigueur et de philosophie, parce que certaines pourraient ne pas être approuvées, ce qui serait beaucoup plus difficile. Donc oui, ça va avoir un impact.
J’ajoute que ça pourrait être une bonne chose pour nous. C’est peut-être une bonne chose pour les sociétés à petite et moyenne capitalisation, parce que si vous pouvez stimuler le chiffre d’affaires, ou du moins le taux de ralentissement de la croissance, si vous ne pouvez pas régler le problème au moyen d’une fusion, vous devrez chercher d’autres façons de stimuler la croissance. Il est trop tôt pour le dire, mais je pense que ce sera intéressant.
Yaron Werber :
D’accord. Il y a un proverbe célèbre dans le secteur du développement des affaires, que je n’ai jamais compris avant de quitter Wall Street et de devenir opérateur. Chez Wall Street, on a l’impression que tout le monde va acheter qui il veut, mais les fusions et acquisitions ne sont pas des mariages. Vous achetez parfois qui vous pouvez et non qui vous voulez. Il y a un aspect pratique.
Je veux changer un peu de sujet et parler un peu de vous. Vous êtes tous les deux là depuis longtemps, vous avez investi dans les entreprises en début de croissance et à un stade avancé de leur développement. De plus en plus, vous faites tous les deux beaucoup d’exercices de création d’entreprise en phase de démarrage. Quand vous investissez en phase de démarrage, comment décidez-vous si vous allez vous construire pour vous retirer ou si vous allez construire pour vous lancer seul? Jean-François, on va commencer par vous.
Jean-François Formela :
Oui, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Je sais que c’est un peu comme un principe universel. Une entreprise est achetée, elle n’est pas vendue, mais c’est fondamentalement vrai. Notre stratégie au début, évidemment, on en est essentiellement aux premières étapes, tandis qu’Otello fait les deux. Au début, c’est une étape entièrement axée sur la science. Peu importe qu’il s’agisse de biologie, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une cible ou d’un mécanisme très intéressant qu’on aimerait mettre en marché et qu’on est prêt à prendre le risque de la capacité de traitement, ou qu’il s’agisse d’une nouvelle modalité, c’est une grande plateforme. Ce n’est pas important pour nous.
Pour nous, c’est vraiment l’attrait et la qualité de la science qui comptent. C’est ce qu’on appelle la capacité de transposition, c’est-à-dire la probabilité que vous puissiez convertir cette science en un programme qui est pertinent et qui a une chance d’aboutir d’un point de vue réglementaire. Évidemment, c’est une entente de véritable partenariat. Même si vous êtes un investisseur en début de croissance, vous devez réfléchir à au moins une structure approximative d’une entente de véritable partenariat, qu’il s’agisse d’une modalité ou d’une nouvelle cible. Ensuite, le reste se met en place. L’exception à ça, c’est qu’on a conclu quelques ententes de ce type.
Rappelez-vous, il y a eu l’entente entre Arteaus et Eli Lilly pour le CGRP, une classe de médicament. En fait, c’est nous qui avons généré la première démonstration de faisabilité des données avec Emgality. Lilly l’a ensuite rachetée. C’était donc un exemple clair de création d’entreprise à partir d’un achat. Mais j’aimerais souligner qu’il s’agissait de marchés financiers très différents, où on cherchait un rendement en capital très efficace, parce que le coût du capital était beaucoup plus élevé. De plus, la taille de notre fonds, ou parce qu’on était toujours un fonds de technologie et de biotechnologie, était beaucoup plus petite. Il y avait donc deux problèmes : non seulement le coût du capital était plus élevé, mais on avait une plus petite allocation en tant qu’investisseur. On cherchait donc des transactions très efficaces et ciblées sur le plan du capital. On continue à utiliser la plateforme, mais on doit limiter le nombre de choses qu’on fait dans cette configuration.
Je pense que j’ai terminé. Oui, on ne se dit pas : « Oh oui, cette société va être géniale pour entrer en bourse. Et celle-ci va être géniale à vendre. » Évidemment, on est conscient de la différence de probabilité en fonction d’un seul actif dans la plateforme, mais on ne décide pas le jour où on le finance que l’un ira dans un sens et l’autre dans un autre sens.
Otello Stampacchia :
Non, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Pour présenter les choses dans un cadre un peu plus normatif, je pense qu’il s’agit d’une interaction entre, comme l’a dit JF, le coût du capital, qui dépend à la fois de la taille des fonds et des conditions du marché public et du contexte de financement général; c’est un facteur. Ensuite, il y a la différence évidente entre un seul actif, qui a objectif clair dans la clinique et une indication très bien définie. C’est ce qu’on aime, mais ça n’arrive pas tous les jours. Par rapport à l’ensemble de la plateforme, on doit quand même déterminer quelle astuce fonctionnera le mieux ici, ce qui nécessite habituellement une certaine exploration de la biologie et une certaine construction. Le reste se trouve juste entre les deux. Ce sont les objectifs généraux, mais évidemment, il y a beaucoup de place au milieu sur le plan du spectre.
Je pense qu’il est important de se rappeler ce que JF a mentionné plus tôt, à savoir qu’il y a encore beaucoup de capitaux disponibles sur les marchés privés. C’était une observation très pertinente sur l’inversion possible entre les transactions privées et publiques. En fait, si vous prenez deux exemples aléatoires des deux plus importantes conventions de prêt et d’acquisition précliniques à ce jour, soit Vividion et Immunic, les deux sociétés étaient sur le point d’être cotées en bourse. Un acheteur très motivé est apparu et a dit : « D’accord, faisons-le avant que vous n’entriez en bourse. Parce qu’une fois que vous serez cotés en bourse, qui sait à combien s’élèvera votre évaluation? »
Je ne suis pas certain que la dynamique se reproduirait dans le contexte actuel exigeant, mais c’était une dynamique intéressante. L’un des calculs du conseil d’administration d’Immunic sans révéler trop de renseignements confidentiels était le suivant : on va avoir besoin de X centaines de millions pour bâtir cette société jusqu’à la preuve clinique du concept, stade auquel vous augmentez encore la valeur, par rapport à l’offre sur la table. Évidemment, l’offre sur la table l’a emporté.
Yaron Werber :
Alors, qu’est-ce qui se passe exactement au sein du conseil d’administration? Et quand la décision de vendre se concrétise-t-elle vraiment? Y a-t-il un moment précis ou est-ce habituellement une série de réflexions et d’évaluations stratégiques qui mènent à une vente?
Otello Stampacchia :
Oui. Écoutez, il y a aussi un continuum. Évidemment, les conseils d’administration sont des entités à composantes multiples avec, dans certains cas, des investisseurs financiers comme nous, ainsi que des membres indépendants du conseil d’administration et la direction. La direction a évidemment son mot à dire. En fait, je dois dire que pour l’une des deux transactions qu’on avait annoncées, pas Immunic, l’autre transaction annoncée avant Noël, j’étais très heureux de continuer à investir dans la société. C’était important pour la direction. C’était excellent pour nous aussi, mais j’ai tout de même eu l’impression qu’il y avait un prix plus important à la fin du parcours clinique. La direction a donc un rôle à jouer.
Je pense que le reste du conseil a aussi un rôle très important à jouer, évidemment, en ce qui a trait aux décisions. Il est très difficile de pousser la direction à vendre une entreprise si elle ne veut pas le faire. Tout d’abord, on n’est pas des investisseurs comme les autres. En ce qui concerne les investisseurs financiers, les motivations sont assez simples. Je ne prétends pas qu’on est des créatures complexes. Encore une fois, il faut investir un montant X dans cette entreprise pour passer à l’étape suivante, qui est habituellement un résultat clinique. Quel est le risque associé à ça? Quelles sont les conditions des marchés financiers? Où sont nos fonds? À quelle étape du cycle se situent nos fonds? Est-ce maintenant la 10e ou la 2e année? Ça change radicalement le calcul. Ensuite, on va peser le pour et le contre.
Certaines transactions ont des structures très complexes. Il ne faut pas l’oublier. Il y a des compléments de prix, des étapes importantes, etc. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais on a fait une étude il y a quelque temps sur le nombre de ces étapes qui finissent par être payées par les sociétés pharmaceutiques. Et je dois dire que la probabilité d’un paiement complet des étapes importantes est une question délicate. Vous devez donc vraiment tenir compte de ça dans la structure de l’entente. Mais encore une fois, je ne pense pas qu’il s’agisse de discussions très complexes. C’est vraiment qu’une fois que vous avez une offre sur la table, il est assez clair si elle est viable ou non pour les actionnaires, qui devraient avoir leur mot à dire en fin de compte.
Jean-François Formela :
Oui. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, je dirais. La question du conseil d’administration est intéressante. Et on pourrait parler longtemps des différents types de conseils d’administration. Je pense qu’il est préférable d’éviter d’être trop franc, mais je ne peux pas résister et je vais aborder quelques points.
Dans notre cas, en particulier pour les sociétés privées, je soupçonne que c’est la même chose pour Otello et Omega, parce que 90 % du temps on a été le principal investisseur lors de la dernière ronde et qu’on est habituellement les cofondateurs d’entreprises. Alors évidemment, à l’étape privée, on a tendance à jouer un rôle assez important au sein du conseil d’administration. Mais en même temps, on croit en la gouvernance. On ne croit pas dans les conseils d’administration d’une seule société, parce que ce n’est pas une bonne gouvernance. On a donc tendance à travailler avec des personnes aux vues similaires, y compris Omega et quelques autres. C’est ce qui a donné lieu à ce que j’appelle une dynamique de conseil d’administration assez saine et très fluide, où on examine une offre et où tout le monde arrive plus ou moins rapidement au même point, c’est-à-dire que c’est logique selon un certain nombre de paramètres, ou que ça n’est pas logique, et/ou il est peu probable qu’une transaction soit effectuée.
Lorsqu’une entreprise est cotée en bourse, elle est confrontée à différents types de conseil d’administration. Les deux grandes catégories sont les conseils d’administration dysfonctionnels et les conseils essentiellement fonctionnels. Dans le cas, des conseils d’administration dysfonctionnels, la question est de savoir comment le conseil d’administration gère ça. Je ne peux pas vous aider. C’est dysfonctionnel. On se dit : « Que Dieu les aide. » Le conseil d’administration fonctionnel, en général l’équipe de direction, pour reprendre l’argument d’Otello, va probablement avoir un rôle important à jouer pour une raison très simple : si vous avez un conseil d’administration fonctionnel et une équipe de direction en place, vous supposerez que c’est la bonne équipe de direction si le conseil d’administration est bon et fonctionnel. C’est une sorte d’arbre de décision et de logique simple, et les transactions tombent dans une autre catégorie. Mais oui, dans certains conseils d’administration, je suis sûr que c’est un processus très intéressant de faire cette analyse, dont une partie est une perte de temps, parce que dans une entreprise privée, vous savez très rapidement si c’est logique ou non.
Yaron Werber :
Jean-François, quels sont les plus grands défis actuels pour la création de nouvelles entreprises? Est-ce qu’il faut embaucher des gens? Est-ce qu’il faut trouver la technologie? Est-ce qu’il faut faire un appel d’offres pour la technologie et un transfert à partir d’un établissement d’enseignement?
Jean-François Formela :
C’est très simple. La ressource la plus rare est le talent. Plus encore, le talent, c’est avoir une relation où vous pouvez être efficace rapidement, soit parce que vous savez comment les gens travaillent, soit parce que vous êtes très proche de personnes qui travaillent avec eux. C’est là que la syndication est très importante. Encore une fois, que ce soit avec Otello, son équipe et d’autres investisseurs en phase de démarrage, habituellement, notre réseau se chevauche, mais pas complètement. Ensemble, lorsqu’on fait une recherche, il est très probable qu’on puisse atteindre à peu près n’importe qui sur le marché. Ça ne veut pas dire qu’on gagne, parce qu’il y a un syndicat concurrent qui a aussi un très bon investisseur.
C’est la relation qui fera la différence. Votre capacité à choisir les bons talents et à faire bouger les gens sera fondée sur une relation durable. Elle ne va pas être fondée sur la discussion sur les transactions où vous vous présentez à la table en disant : « Oh, on est une entreprise XYZ. On a beaucoup d’argent. » Ça n’a pas d’importance. Tout le monde a de l’argent, du moins toutes les bonnes entreprises. « Oh, on a beaucoup d’expertise et on a de bons antécédents. » Oui, c’est excellent. C’est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant, car beaucoup d’autres personnes ont de bons antécédents. La prochaine étape consiste à déterminer la qualité de l’entreprise. Ce qui est très important. Donc, la qualité de ce que vous investissez fera une différence, mais encore une fois, pas complètement parce que les autres investisseurs intelligents investissent dans de bonnes sociétés.
Qu’est-ce qui va faire la différence au bout du compte? La différence, c’est de savoir si je sens que ça va être un bon endroit, si j’aime la science, les gens, le conseil d’administration et la philosophie de l’investisseur. Je serais très curieux d’entendre Otello à ce sujet, mais selon moi, c’est là que se trouve la plus grande partie du défi. L’ingrédient spécial se trouve à ce niveau.
Otello Stampacchia :
Écoutez, tout le monde est d’accord. Le talent, c’est la ressource la plus rare. Je suis tout à fait d’accord avec JF pour dire que bon nombre des facteurs gagnants ne sont plus pertinents pour le capital. Oui, le capital est toujours important, bien sûr, mais c’est vraiment une question de positionnement des entreprises elles-mêmes.
Pour ce qui est des progrès technologiques, je pense qu’ils ont été absolument incroyables au cours des 10 dernières années. Je pense que notre propre logiciel s’est aussi amélioré pour ce qui est de trouver des personnes plus haut placées pour diriger ces entreprises, mais les autres firmes l’ont aussi fait. Ce type de concurrence pour attirer les talents est absolument dingue, en particulier dans les centres comme Boston, qui sont principalement axés sur la recherche et le développement biopharmaceutiques. C’est fou.
C’est ce qu’on voit dans les statistiques. Je crois qu’en 2021, il y a eu plus de 12 milliards de dollars de nouveaux investissements biopharmaceutiques dans la région de Boston. C’est un chiffre énorme. Et je pense que c’est plus que le reste des États-Unis combinés. C’est une seule année, alors on ne devrait pas prendre ça comme un paramètre énorme, mais c’est tout de même significatif. Boston est un écosystème incroyablement connecté. Encore une fois, ça renforce l’argument de JF selon lequel, il très important que nos entreprises et notre façon de nous comporter avec ces personnes nous positionnent sur le marché.
Yaron Werber :
Dernière question, et on va y répondre rapidement. Au cours des cinq prochaines années, comment le risque va-t-il changer, Jean-François?
Jean-François Formela :
Une minute pour revenir sur le point précédent. On dit que l’argent n’est pas le facteur de différenciation, mais ça a mené à une tendance intéressante, c’est-à-dire que certaines entreprises ont repoussé les limites et ont effectué des mégacycles. D’une certaine façon, on peut considérer que c’est une tentative de différenciation. La question est de savoir s’il s’agit d’une sélection positive ou d’un phénomène de sélection défavorable, au sens où elle élimine presque entièrement le risque financier de l’équation. Je vois les avantages d’une part, et je vois aussi certains pièges, parce qu’en fin de compte, cette entreprise repose entièrement sur une allocation rigoureuse du capital.
Je tenais à le souligner, parce que certaines personnes qui écoutent le balado diront : « Eh bien, c’est pas vrai, parce que je peux investir 200 millions de dollars dans l’entreprise, alors qu’eux peuvent seulement investir 100 millions de dollars. » D’accord. C’est une discussion philosophique intéressante que de savoir si c’est un véritable facteur de différenciation. On peut mettre ça de côté peut-être pour un autre balado avec d’autres personnes.
Pour les cinq prochaines années, je ne vois pas beaucoup de changements dans notre segment du marché. Le secteur de la création d’entreprises est assez inélastique pour diverses raisons qui nous ramènent au point précédent, c’est-à-dire qu’il y a un nombre limité d’entreprises. Le bassin de talents a augmenté, mais à mon avis, il ne croît probablement pas aussi rapidement que le bassin technologique, parce qu’on n’a pas abordé la question de technologie la dernière fois. L’offre de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes biologiques, c’est-à-dire la modalité et d’autres outils, est presque illimitée. On peut donc presque répéter sans cesse l’innovation. La question est de savoir dans quelle mesure l’innovation est suffisante.
On ne veut pas être seulement progressif, même si les gens l’ont déjà fait. Tout le monde a sauté sur une sorte de plateforme. Je dirais qu’en ce moment, dans certains segments de l’édition génomique, on voit des gens arriver avec des nucléases différentes ou un système de transmission légèrement différent, mais c’est en quelque sorte progressif. Et ils s’accumulent dans la même indication. La drépanocytose en est un bon exemple. Je veux dire, combien d’autres entreprises ont besoin de s’attaquer à la drépanocytose avec des technologies qui ne sont pas clairement différenciées?
Je pense qu’il faudrait un changement. Je n’ai pas dit grand-chose. Et notre modèle ne va pas changer fondamentalement. On lance des entreprises en nous appuyant sur d’excellentes données scientifiques, et on commence à intégrer des gens formidables. C’est assez simple. Ce n’est pas évident à faire, mais vous pouvez le faire. Ce qui pourrait changer, ce sont les critères pour définir ce qui est progressif et ce qui est vraiment de la prochaine génération, je pense. Et ils incluront probablement l’intégration de la réflexion sur l’indication dans la biologie dès le début, même dans les sociétés de plateformes. Soit dit en passant, c’est une excellente nouvelle pour notre secteur et notre entreprise. Je dois dire que pour notre secteur de la médecine, ça signifie que, même pour les nouvelles modalités, on va essayer très rapidement de voir où on peut différencier nos propres indications. Voilà ce qu’il en est. J’ai peut-être oublié quelque chose, mais c’est à ça que je pense pour l’instant.
Yaron Werber :
Absolument. Otello, et pour vous?
Otello Stampacchia :
Oui. Par souci d’intérêt pour le balado, je dois essayer d’être en désaccord avec JF. Je ne suis pas en désaccord avec les principes fondamentaux de nos activités. Encore une fois, quand on crée une entreprise, il est peu probable que sa croissance change de façon spectaculaire au cours des cinq premières années. Toutefois, et ça découle en partie de certains des points que JF vient de soulever, il faut vraiment déterminer comment faire croître nos entreprises. Et je ne parle pas de croissance au sens de faire une levée de fonds de plusieurs milliards de dollars, mais d’une compréhension fondamentale dès le début, avant de démarrer ces sociétés, c’est-à-dire de l’étendue complète de ces contextes concurrentiels. Quels sont les pièges de la stratégie de développement clinique? C’est quelque chose d’extrêmement difficile à faire, même pour les grandes entreprises.
On vient de voir aujourd’hui que Regeneron et Sanofi doivent retirer le Libtayo pour le traitement de deuxième ligne du cancer de l’ovaire, malgré ce que je pensais être des données cliniques exceptionnelles. C’est parce qu’ils ont soumis les données à la FDA juste après que le Keytruda et la chimiothérapie soient devenus des traitements de première ligne. Ce que je veux dire, c’est que ces choses doivent être prévues des années à l’avance pour s’assurer qu’on a toujours un produit viable. Ça va être impossible d’y parvenir à 100 %, mais je pense que ça va être incroyablement important pour des sociétés comme la nôtre d’intégrer une partie de cette réflexion. Je dois dire que dans le petit monde d’Omega, c’est quelque chose qui nous préoccupe énormément. Comment est-ce qu’on peut intégrer ces algorithmes à notre processus de prise de décisions? Ce n’est pas quelque chose de facile à faire sans faire évoluer les entreprises à un niveau très fondamental.
L’autre problème, pour être honnête, c’est qu’on est sur le point d’entrer dans ce que je considère comme une nouvelle ère, une nouvelle chronologie pour une entreprise dans notre domaine. Avant, on pouvait faire un travail phénoménal avec quelqu’un qui ressemblait à JF et peut-être, dans une certaine mesure, à moi, et bâtir une société très prospère autour de nous. Je pense que dans cinq ans, ça va être très difficile, parce qu’il est impossible de cloner le phénotype de ces investisseurs qui ont la connectivité, la compréhension de la science et, dans certains cas, du développement clinique, à un point où vous pouvez être vraiment sceptique. Je pense qu’une approche trop étroite en matière d’investissement ne fonctionne pas bien pour nos sociétés non plus.
On pourrait commencer par passer d’une approche complètement individuelle à une approche axée sur le travail d’équipe. Je pense qu’il sera intéressant de voir si ça arrivera, quoique je le vois déjà. On essaie vraiment très fort de le faire au sein de notre entreprise, mais c’est une transition intéressante.
Yaron Werber :
J’aimerais savoir…
Otello Stampacchia :
L’expérience n’est pas encore terminée, alors on va voir. Désolé, Yaron.
Yaron Werber :
Oui. Au cours des cinq dernières années, on a connu les marchés publics les plus accueillants de l’histoire, ce qui nous a permis d’accroître rapidement nos investissements et d’obtenir un rendement rapide. Ça a aussi créé une incitation à innover de façon itérative et progressive. Et il y a beaucoup trop de densité thérapeutique dans certaines cibles, ce qui est un problème auquel on fait face et qui nous vient du côté public.
Otello Stampacchia :
Oui.
Yaron Werber :
Quand vous pensez que les marchés des capitaux pourraient devenir plus difficiles, comment ça change votre horizon d’investissement et le montant de capital que vous pouvez déployer avant d’en arriver à un point d’inflexion?
Jean-François Formela :
Ce genre d’équation ou d’algorithme est démontré depuis des décennies. C’est comme les périodes de détention. Une période de détention dans une catégorie d’actifs a tendance à varier en fonction du marché des capitaux et du coût du capital. Si vous regardez les données de la NVCA, pendant des années et des années, la période de détention moyenne dans les secteurs des technologies et de la biotechnologie a duré de 7 à 10 ans. La durée moyenne des premiers appels publics à l’épargne était probablement aussi de 7 à 10 ans dans certains cycles. Puis, au cours des cinq dernières années, elle a littéralement diminué de moitié. Du moins dans notre portefeuille, je pense qu’au sommet ou au creux, on avait probablement une période de détention moyenne de 3 ans et demi, ce qui explique la vitesse des fonds, du capital et des transactions.
On peut donc s’attendre à ce que, dans un marché moins optimiste ou peut-être plus stable, ou même dans un marché à la baisse, les périodes de détention reprennent. Est-ce que c’est une mauvaise chose? Ça n’a pas nécessairement d’incidence sur le multiple. De toute évidence, ça a une incidence sur le taux de rendement interne, qui est également pris en compte dans les primes de liquidité, mais le taux de rendement interne a tendance à fluctuer en tant qu’indice. Il est très rare qu’une personne soit en mesure de se distinguer dans le même cycle, car ça vous indique qu’elle fait quelque chose de fondamentalement différent au sujet de la stratégie d’investissement, ce qui pourrait être une bonne ou une mauvaise chose.
Je dirais qu’en général, ce sont les investisseurs en phase avancée qui essaient de se concentrer sur le taux de rendement interne dans un marché stable, parce que c’est une façon de se démarquer. Je dirais qu’en tant qu’investisseurs en phase de démarrage, on doit continuer de mettre l’accent sur les multiples, parce que vous savez ce qu’on dit : vous ne mangez pas le TRI, vous mangez des multiples. On veut être conscients des deux. C’est ma réponse à la question.
Otello Stampacchia :
Je ne suis pas nécessairement en désaccord. Évidemment, il y a un décalage entre une période de turbulences sur les marchés publics et une refonte fondamentale des stratégies d’investissement en ce qui a trait à la répartition du capital, etc. Et la fonction de décalage fonctionne dans les deux sens : sur la rétroaction positive qui augmente et sur la rétroaction négative qui diminue. Encore une fois, en 2021 et en 2020, je crois qu’il y avait près de 100 sociétés qui s’inscrivaient en bourse chaque année. Maintenant, bon nombre d’entre elles sont massivement à la dérive. Je pense qu’il y a encore beaucoup de capitaux disponibles du côté privé. Je n’ai jamais vu la taille des fonds diminuer.
Dès que la taille des fonds va commencer à diminuer, ce qui, à mon avis, ne va se produire qu’en cas de repli prolongé et important des marchés publics, ça va indiquer très clairement qu’on doit revenir à des méthodes d’investissement très prudentes. Mais encore une fois, comme l’a dit JF, il y a beaucoup de façons de faire de l’argent, même en étant efficace sur le plan du capital. Je ne vois pas nécessairement ça comme un défi. Je pense, et JF a également raison, que c’est plus difficile pour ce que j’appelle les investisseurs de dernière étape, ceux qui sont plus opportunistes et qu’on a vus émerger au cours des dernières années.
Je ne pense toujours pas que ce marché sera un marché baissier ridiculement faible pendant une très longue période. Et il y a plusieurs raisons pour lesquelles je dis ça. La première, c’est qu’il y a encore des entrées importantes dans les fonds pour les soins de santé. Ceux-ci vont surtout dans les sociétés à grande capitalisation, parce qu’elles sont considérées comme plus défensives, mais il s’agit tout de même d’un afflux de capitaux. La deuxième raison, c’est que je ne pense pas qu’il s’agisse d’un repli fondamental motivé par des raisons fondamentales. Je pense que c’est attribuable au fait que beaucoup de FNB sont en train de se défaire de leurs actifs. Je suppose qu’on peut penser que oui. Qui sait? Mais je ne pense pas que ça durera très longtemps.
Yaron Werber :
Passons aux questions en rafale. C’est ma partie préférée du balado, une partie un peu plus personnelle. Otello, on va commencer avec vous. Dites-nous une chose que personne ne sait sur vous.
Otello Stampacchia :
Je suis un excellent cuisinier.
Yaron Werber :
Otello…
Jean-François Formela :
Eh bien, beaucoup de gens le savent.
Otello Stampacchia :
Beaucoup de gens le savent. D’accord. Alors, quelque chose d’autre. J’enseignais le merengue pour pouvoir payer mon doctorat.
Jean-François Formela :
Très bien. Je ne savais pas ça! C’est bien. C’est pas mal.
Otello Stampacchia :
Voilà.
Yaron Werber :
Étiez-vous bon?
Otello Stampacchia :
Eh bien, si je l’enseignais, j’imagine que je suis assez bon.
Yaron Werber :
Jean-François, et vous?
Jean-François Formela :
D’accord. Il y a une chose que la plupart des gens ne savent pas, je pense que certains de mes partenaires le savent, mais vous l’avez probablement oubliée, mais quand j’étais aux études préparatoires en médecine, j’ai signé un contrat comme chanteur dans un groupe de pub à Paris. On a fait un seul morceau qui a été lancé en Allemagne et qui n’a pas vraiment marché. Et c’est tout. C’était plutôt amusant. J’avais 20 ans ou quelque chose comme ça. Mais c’est très bien.
Yaron Werber :
Je dois trouver ce morceau maintenant. Je vais consacrer ma vie à le trouver.
Jean-François Formela :
Je peux vous dire que le titre du morceau était Oh, Denise, ce qui est censé vous indiquer à quel point j’étais profond. C’est tout ce dont je me souviens.
Yaron Werber :
C’est quelque chose.
Otello Stampacchia :
Je connais cet homme depuis plus de 25 ans et je n’en avais jamais entendu parler. C’est très intéressant. Merci, Yaron.
Jean-François Formela :
Super.
Yaron Werber :
Qu’est-ce qui vous a permis de réussir dans votre carrière, dans votre carrière hors chant, Jean-François?
Jean-François Formela :
Écoutez, selon moi, le succès est multifactoriel. Je pense qu’une part de chance entre toujours en ligne de compte. Et je ne dis pas ça pour minimiser mes réalisations. Je ne pense pas être la personne la plus intelligente du secteur. Il y a beaucoup de gens très brillants dans ce secteur.
Je dirais que ce qui a fait la différence, c’est les relations. Je veux dire que la capacité d’avoir de bonnes relations durables est un facteur de différenciation. Ce n’est pas le seul facteur. Mais pour de nombreux facteurs, on les a tous : on est tous raisonnablement brillants, on travaille tous raisonnablement fort, on a tous eu une chance raisonnable, on est tous allés dans de bonnes écoles. Tout comme on a parlé d’un facteur de différenciation pour les fonds ou une stratégie. Alors, qu’est-ce qui différencie les gens? Dans mon cas, c’est probablement les relations.
Yaron Werber :
Otello, et pour vous?
Otello Stampacchia :
Oui. C’est difficile de ne pas être d’accord avec le fait qu’il y a beaucoup de facteurs communs, bien sûr, en ce qui concerne les personnes qui ont réussi dans notre secteur. En ce qui me concerne, oui, les relations sont importantes pour moi. Je suis un Italien du Sud, donc c’est un peu génétique. Je parle plusieurs langues, alors je pense que ça m’a aidé à établir des relations personnelles plus étroites avec quelques personnes, malgré mon origine du sud de l’Italie.
En fait, je suis incroyablement discipliné. Et je crois en cette capacité d’accumulation de l’information. À un moment donné, j’ai appris comment mieux mémoriser les choses, ce qui m’a bien servi dans ma vie. Ma femme est encore sous le choc lorsque je me souviens de choses qui se sont passées il y a 23 ans.
Et puis, je suis extrêmement curieux sur le plan intellectuel. C’est important pour beaucoup de gens dans notre secteur. Je pense qu’il y a un moteur fondamental dans ce qu’on fait. Le succès n’est pas défini comme un capital ou une accumulation de capital, mais plutôt comme une meilleure compréhension des choses et une collaboration avec des gens formidables. Et quand je vois des gens qui ont cette même curiosité intellectuelle, comme JF, c’est vraiment un plaisir de travailler avec eux. Comme je fais partie de ces gens, je pense que ça aide aussi sur le plan des relations, parce que, fondamentalement, les membres de la haute direction de notre secteur et de notre unité sont brillants, accomplis, mais ils veulent aussi vraiment travailler, interagir et avoir des relations personnelles avec des personnes qui savent ce qu’il faut faire et qui peuvent les mettre au défi et les aider à se développer en tant qu’individus. Et je pense qu’ils ont cette capacité étonnante de retenir l’information, et je pense que ça m’a vraiment aidé à établir ce groupe d’amis formidables dans notre secteur. Je les considère vraiment comme des amis; ce n’est pas seulement des relations de travail.
Je suppose que les facteurs sont multiples, comme l’a dit JF, mais les réponses sont différentes pour chacun d’entre nous, je pense.
Yaron Werber :
C’est formidable. Otello et Jean-François, merci beaucoup de vous être joints à nous. C’était divertissant, instructif et incroyablement pertinent, comme d’habitude. On vous en est très reconnaissants. Merci.
Intervenant 1 :
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Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber, M.D., MBA
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber, M.D., MBA
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en biotechnologie, TD Cowen
Yaron Werber est directeur général et analyste de recherche principal au sein de l’équipe Biotechnologie, TD Cowen. À ce titre, M. Werber est responsable de fournir des analyses sur les actions de biotechnologie à grande, moyenne et petite capitalisation. M. Werber compte plus de 20 ans d’expérience à titre d’analyste de recherche dans le secteur des services financiers et a été dirigeant d’une société de biotechnologie publique.
Avant de se joindre à TD Cowen, M. Werber était membre fondateur de l’équipe, chef des affaires et chef des finances, trésorier et secrétaire d’Ovid Therapeutics, une société de biotechnologie axée sur la mise au point de médicaments transformateurs pour les maladies orphelines du cerveau. Dans le cadre de ses fonctions, M. Werber était responsable de la planification financière, de la production de rapports, du développement des affaires, de la stratégie, des opérations/TI, des relations avec les investisseurs et le public, ainsi que de la fonctionnalité des ressources humaines. M. Werber a également mené des négociations pour obtenir plusieurs composés du pipeline, y compris un partenariat novateur avec Takeda Pharmaceutical Company, une entente qui a élargi le pipeline d’Ovid et qui a lancé une approche novatrice pour établir un partenariat entre l’expertise ciblée des petites sociétés de biotechnologie et les grandes sociétés pharmaceutiques.
Cette offre a été choisie par Scrip comme finaliste pour le Best Partnership Alliance Award en 2017. De plus, M. Werber a supervisé toutes les activités de financement et a bouclé une série B de 75 millions de dollars en 2015 et le premier appel public à l’épargne de 75 millions de dollars d’Ovid en 2017. À ce titre, M. Werber a été sélectionné comme Emerging Pharma Leader par le magazine Pharmaceutical Executive en 2017.
Avant de se joindre à Ovid, M. Werber a travaillé à Citi de 2004 à 2015, où il a récemment été directeur général et chef de la recherche sur les actions dans les secteurs des soins de santé et de la biotechnologie aux États-Unis. Au cours de son mandat à Citi, M. Werber a dirigé une équipe qui a effectué des analyses approfondies des sociétés des sciences de la vie à toutes les étapes de développement, qu’il s’agisse de sociétés prospères et rentables ou récemment de sociétés ouvertes ou fermées. Auparavant, M. Werber a été analyste principal en biotechnologie et vice-président à la SG Cowen Securities Corporation de 2001 à 2004.
M. Werber a reçu plusieurs distinctions pour son rendement et sa sélection de titres; il a obtenu un classement élevé par le magazine Institutional Investor, a reçu des prix provenant de Starmine et a été élu parmi les cinq meilleurs analystes en biotechnologie dans le sondage de Greenwich Best on the Street du Wall Street Journal. Il a souvent été invité par CNBC, Fox News et Bloomberg News et a été cité dans le Wall Street Journal, le New York Times, Fortune, Forbes, Bloomberg thestreet.com et BioCentury.
M. Werber est titulaire d’un baccalauréat ès sciences en biologie de l’Université Tufts, avec distinction, et d’une maîtrise en administration des affaires combinée de la Tufts University School of Medicine, où il a été boursier Terner.