Invité : Sean Duffy, cofondateur et chef de la direction, Omada Health
Animation : Charles Rhyee, directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en technologies de soins de santé, TD Cowen
Dans cet épisode, nous discutons des prochaines étapes pour la santé numérique. Alors que de nombreuses sociétés autrefois très performantes se retrouvent dans une situation difficile après la pandémie, nous sommes à la croisée des chemins, en particulier avec les investisseurs.
La santé numérique a fait son apparition au milieu des années 2010, offrant de nouvelles façons d’accéder aux soins au moyen d’une approche privilégiant le numérique. Elle a perturbé le modèle de soins traditionnel, qui était de nature épisodique, et l’a fait passer à un modèle plus continu. Depuis, la santé numérique est devenue un élément clé de la prestation des soins de santé. Pour de nombreuses personnes, la santé numérique est devenue un aspect courant de leurs avantages sociaux.
Pour explorer les prochaines étapes, nous accueillons Sean Duffy, cofondateur et chef de la direction d’Omada Health. Sean a été notre premier invité lorsque nous avons commencé ce balado en 2020. Il est considéré comme un pionnier de la santé numérique et un leader éclairé dans le secteur, non seulement dans la gestion des maladies chroniques, mais aussi dans la façon dont les outils numériques peuvent être utilisés pour mobiliser et guider les patients dans leur parcours de soins.
Ce balado a été enregistré le 19 avril 2024.
Voix hors champ :
Bienvenue à Insights de TD Cowen. Ce balado réunit des penseurs de premier plan qui offrent leur point de vue sur ce qui façonne notre monde. Soyez des nôtres pour cette conversation avec les esprits les plus influents de nos secteurs mondiaux.
Charles Rhyee :
Bonjour, ici Charles Rhyee, analyste en distribution et technologies de soins de santé chez TD Cowen. Bienvenue à notre série de balados FutureHealth. Cette série mensuelle s’inscrit dans les efforts de TD Cowen visant à réunir des leaders d’opinion, des innovateurs et des investisseurs pour discuter de la façon dont la convergence des soins de santé, de la technologie, de la consommation et des politiques change notre façon de voir la santé, les soins de santé et le système de santé. Dans cet épisode, on discutera des médicaments spécialisés, qui sont habituellement composés de grosses molécules administrées par injection ou perfusion et qui représentent aujourd’hui environ 50 % des dépenses en produits pharmaceutiques, un chiffre qui continue d’augmenter. Contrairement aux médicaments plus traditionnels que les gens peuvent obtenir à leur pharmacie locale, ces molécules sont distribuées par des pharmacies spécialisées, qui viennent souvent avec des exigences de traitement particulières. Comme la majorité des activités de recherche et de développement dans le secteur biopharmaceutique sont axées sur des catégories spécialisées, l’importance des pharmacies spécialisées devrait augmenter. Aujourd’hui, on se penchera sur le secteur des pharmacies spécialisées et sur son rôle dans le système de santé d’aujourd’hui et de demain. Pour discuter de ce sujet, je suis accompagné du Dr Surya Singh. Le Dr Singh possède plus de 20 ans d’expérience au sein de la chaîne d’approvisionnement des soins de santé. Avant de se joindre à InformedDNA à titre de chef de la direction, il était médecin en chef pour CVS Specialty et médecin traitant au Brigham and Women’s Hospital. Il est également président de Singh Healthcare Advisors et conseiller principal à l’Institute for Clinical and Economic Review (ICER). Dr Singh, merci d’être des nôtres.
Dr Surya Singh :
C’est un plaisir d’être ici. Merci de l’invitation.
Charles Rhyee :
Tout d’abord, pour les personnes qui ne connaissent pas bien le sujet, que font les pharmacies spécialisées et comment ont-elles vu le jour?
Dr Surya Singh :
Je vais poursuivre sur ce que vous avez dit dans l’introduction. Je crois que c’est un bon point de départ pour comprendre. Revenons en arrière et parlons de l’arrivée de ces pharmacies. Il y a un groupe de patients – ils ont toujours été là, surtout depuis la prolifération des médicaments et des options thérapeutiques – qui nécessitent davantage de consultations cliniques parce que leur dossier, leur état de santé, leurs médicaments ou leur traitement sont complexes d’une façon ou d’une autre. Peut-être que leurs médicaments nécessitent une manipulation spéciale ou qu’ils doivent être réfrigérés avant d’arriver en pharmacie. C’est une des raisons pour lesquelles les pharmacies spécialisées ont vu le jour. Vous avez parlé de grosses molécules, mais pour le dire différemment, alors que les petites molécules synthétiques étaient administrées surtout par voie orale et parfois par voie injectable, les médicaments biologiques et les grosses molécules gagnaient en popularité et nécessitaient un autre type de structure. Il fallait offrir aux patients plus de soutien sur ce premier sujet : comment acheminer les médicaments en toute sécurité au lieu de ramassage ou chez le patient?
Deuxièmement, même si le médicament ou traitement ne nécessite pas une manipulation spéciale, il est devenu de plus en plus évident pour le personnel de pharmacie qu’il existait un groupe de patients qui, même s’ils prenaient des médicaments à petites molécules, avaient besoin de plus de consultation, de plus de temps avec un pharmacien qualifié et d’une plus grande spécialisation de la part de l’équipe de pharmacie. Les pharmacies ont commencé à spécialiser les équipes dans le domaine de l’hémophilie quand l’utilisation des facteurs a commencé à augmenter. On peut aussi penser aux traitements pour la sclérose en plaques, qui sont devenus de plus en plus nombreux à être disponibles et approuvés par la FDA, et aux domaines du cancer et de l’oncologie, pour ne donner que trois exemples. On a beaucoup de choses à dire sur les maladies auto-immunes, et je sais qu’on va parler des médicaments pour les maladies cardiovasculaires et des contrats fondés sur les résultats, mais voilà comment tout a commencé. Il fallait aussi être en mesure de consacrer plus de temps aux surspécialités pour discuter des effets secondaires, du délai de soulagement des symptômes et de l’efficacité avec les patients. Les pharmacies de détail n’ont tout simplement pas le temps, la formation ou la spécialisation pour le faire.
Voilà les deux principaux éléments. Mais aujourd’hui, les pharmacies spécialisées sont surtout reconnues comme l’endroit où sont délivrés les médicaments à coût élevé. N’est-ce pas? Les centres médicaux spécialisés utilisent même un seuil en dollars par mois pour définir ce qu’est un médicament pharmaceutique spécialisé. La définition a évolué au fil du temps, et c’est d’ailleurs l’un des défis à relever. Même au sein des différentes sociétés pharmaceutiques, il n’existe pas de définition unifiée de ce qui constitue un médicament spécialisé. On ne semble pas s’entendre sur le sujet.
Charles Rhyee :
Je suis certain qu’on va en parler dans un instant. Vous avez parlé de certains des services qui répondent aux besoins des patients. Y a-t-il des services offerts par les pharmacies spécialisées que vous considérez comme les plus importants? Parmi les différents services cliniques – peut-être avez-vous d’autres exemples – lesquels sont les plus importants en ce qui concerne les soins aux patients?
Dr Surya Singh :
Je dirais probablement… Pour revenir à la structure dont j’ai parlé au début – c’est très simple, mais c’est vrai, surtout avec les molécules biologiques plus complexes qu’on trouve aujourd’hui –, avant de parler des thérapies cellulaires et géniques, il faut mentionner le transport et la chaîne d’approvisionnement requis pour les molécules biologiques, ou tout ce qui nécessite plus qu’une manipulation sécuritaire de base offerte par des services comme UPS, qui conviennent aux médicaments à petites molécules. Ces médicaments sont parfaitement sûrs tant que la température n’atteint pas un niveau extrême d’un côté ou de l’autre. Dans de nombreux cas, les molécules biologiques doivent être transportées par une organisation ou des acteurs de la chaîne d’approvisionnement capables de répondre aux exigences de manipulation. C’est important pour les soins aux patients; on ne veut pas qu’une molécule partiellement dénaturée arrive chez une personne sans qu’elle le sache, et que le traitement soit inefficace pendant un certain temps.
Je pense encore que c’est important, mais sur le plan clinique, ce qui m’a vraiment frappé quand j’étais médecin en chef pour CVS Specialty, que j’examinais ce qu’on faisait pour les patients et que j’écoutais les appels de mes équipes, c’est une compréhension beaucoup plus approfondie du moment où les patients peuvent s’attendre à ce que leurs médicaments soulagent leurs symptômes. Dans quel délai le médicament prendra-t-il effet? Il faut répondre à ces questions, car les gens ont des niveaux de compréhension très différents, même après avoir pris le médicament pendant trois mois, six mois ou un an. C’est important de pouvoir dire : « Oh, vous allez… Votre démarche ne reviendra pas à la normale aussi tôt que vous le pensez. Ça va prendre un peu plus de temps. Continuez à observer votre traitement. » Pour le triage et l’ajustement de la dose, il faut être en mesure d’expliquer l’efficacité, les effets secondaires auxquels le patient peut s’attendre et ceux pour lesquels il doit consulter le médecin prescripteur ou appeler la pharmacie immédiatement.
Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez faire dans une… Si vous allez au comptoir d’une pharmacie de détail ou que vous recevez vos médicaments par la poste, on vous dira de plus en plus souvent d’appeler à un numéro si vous avez des questions sur votre ordonnance. On ne va pas vous parler de votre médicament contre la sclérose en plaques pendant 20 minutes. C’est une chose très importante que font les pharmacies spécialisées, et il a été démontré à plusieurs reprises que cette méthode favorise l’observance et la persistance, surtout chez les patients qui commencent un traitement. Je dis souvent que c’est une des choses les plus importantes que font les pharmacies spécialisées.
Enfin, vous avez dit que près de la moitié des coûts sont attribuables aux médicaments spécialisés maintenant, mais l’autre partie de cette équation, c’est que ces produits ne représentent qu’environ 2 % des ordonnances. C’est donc un volume très faible par rapport au nombre total d’ordonnances délivrées au pays. Ce qui est le plus important, c’est que vous pouvez vous assurer que vous embauchez assez de personnel et que le modèle de dotation permet d’offrir plus de services pour que vous puissiez joindre les patients là où ils se trouvent. Le modèle de dotation en personnel des pharmacies spécialisées est habituellement un peu plus… Je ne dirais pas « flexible », mais la capacité est un peu plus élastique pour les différents domaines cliniques. On a utilisé toutes sortes de nouveaux modèles pendant que j’étais là pour offrir de meilleurs renseignements aux patients, même lors d’une consultation de 20 ou de 30 minutes pour une nouvelle ordonnance, afin qu’ils soient plus susceptibles de poursuivre et d’observer leur traitement, notamment en faisant appel à des membres du personnel infirmier pour aider les pharmaciens. Dès qu’un patient termine un appel avec un pharmacien, un membre du personnel infirmier lui donne des conseils un peu plus pragmatiques sur ce à quoi il peut s’attendre, surtout s’il utilise un médicament injectable ou s’il va recevoir une perfusion à domicile.
Charles Rhyee :
Ce qui est intéressant aussi, c’est que vous avez mentionné que seulement 2 % des ordonnances représentent 50 % des coûts aux États-Unis. Évidemment, ces médicaments coûtent cher. Je me souviens qu’à l’époque, une des valeurs ajoutées des pharmacies spécialisées était qu’elles aidaient aussi les patients à obtenir un remboursement et une assurance s’ils n’étaient pas entièrement couverts. Les pharmacies spécialisées remplissent-elles encore cette fonction aujourd’hui?
Dr Surya Singh :
Absolument. Je sais qu’on va se pencher un peu plus sur le sujet, et je n’essaie pas d’en diminuer la valeur relative en l’écartant de ma liste. Je pense que c’est une fonction très précieuse, mais qui dépend beaucoup du domaine clinique. Dans certains domaines, on offre énormément de soutien et les pharmacies spécialisées aident les patients avec l’aspect clinique, comme je le disais tout à l’heure, mais aussi avec le côté financier, parce que les médicaments spécialisés coûtent très cher. Pour en revenir à l’évolution du rôle des pharmacies spécialisées et à la définition d’un seuil financier, il ne faut pas oublier que le principal obstacle à l’arrêt du traitement pour les patients atteints de certaines maladies est le coût, c’est-à-dire la part du prix qui leur a été transférée. De nos jours, les pharmacies spécialisées jouent un rôle essentiel pour aider les patients à trouver des programmes d’aide dans certains domaines cliniques précis où elles délivrent les médicaments, non seulement auprès des fabricants, mais aussi auprès d’organismes de défense des intérêts et d’autres sources.
Charles Rhyee :
J’aimerais revenir à quelque chose de très logique que vous avez dit plus tôt. Vous entrez dans une pharmacie de quartier, et il y a une longue file d’attente au comptoir. Évidemment, le pharmacien n’a pas le temps de s’asseoir avec vous pour tout passer en revue, ou peut-être qu’il n’a pas la spécialisation dont vous avez besoin pour votre état de santé. Est-ce la principale raison pour laquelle les pharmacies de détail n’ont pas été en mesure d’offrir autant de médicaments spécialisés jusqu’à maintenant?
Dr Surya Singh :
C’est tout à fait vrai. Permettez-moi de dire la même chose d’un point de vue légèrement différent et en d’autres mots. Les pharmacies de détail n’ont pas le personnel qu’il leur faut pour consacrer le temps nécessaire dans leur flux de travail et documenter ce qui a été dit aux patients comme le ferait une pharmacie spécialisée. Il faudrait repenser le modèle de dotation en personnel des pharmacies pour soutenir les activités quotidiennes des pharmaciens et des techniciens en pharmacie et offrir ces soins aux patients. On pourra peut-être y revenir dans ce balado, mais on voit émerger une variété d’outils et de technologies qui pourraient soutenir le travail des pharmaciens de détail au comptoir et permettre à certaines personnes d’offrir un niveau de soins pour les médicaments spécialisés qui n’est pas seulement suffisant, mais élevé. Je pense que les pièces du casse-tête commencent à émerger et à s’assembler, mais aujourd’hui, en raison de la complexité, de l’aspect humain et du fait qu’on ne peut pas encore transférer une grande partie des consultations à l’intelligence artificielle, il faut encore une expertise humaine, sophistiquée et spécialisée pour la consultation.
Charles Rhyee :
Une des choses auxquelles je pensais, c’est que beaucoup de produits biologiques qui arrivent sur le marché aujourd’hui sont considérés comme des médicaments à distribution limitée. On en parle beaucoup, et si je ne me trompe pas, c’est en fait le fabricant qui dit : « On veut que notre produit soit distribué par un petit groupe de pharmacies pour qu’on puisse avoir plus de contrôle ou être en mesure de suivre les patients. » Il peut y avoir plusieurs raisons. Selon vous, dans quelle mesure les médicaments à distribution limitée ont-ils joué un rôle dans la croissance du modèle des pharmacies spécialisées?
Dr Surya Singh :
Je dirais que les médicaments à distribution limitée sont davantage une conséquence du modèle. Je m’explique. Peut-être que les deux se font écho, mais les médicaments à distribution limitée sont arrivés après les pharmacies spécialisées. Pour résumer, on voit de plus en plus de gestionnaires de prestations acheter des pharmacies spécialisées, qui deviennent alors mieux intégrées avec le type d’infrastructure de données dont bénéficient les grandes organisations de soins de santé. J’ai passé beaucoup de temps dans une grande organisation du genre, et je dirais que les patients accordent une grande importance à cette intégration parce qu’elle leur permet de faire beaucoup de choses, comme récupérer ou recevoir leurs médicaments non spécialisés et spécialisés en même temps. Par exemple, les interactions médicamenteuses sont détectées beaucoup plus rapidement grâce au profil des pharmacies.
Revenons aux médicaments à distribution limitée et à ceux dont la distribution demeure limitée pendant une longue période. Je parle surtout de médicaments spécialisés, bien qu’on puisse penser à certains cas qui se situent à la limite des pharmacies spécialisées et de détail. Le principal facteur de décision pour faire de ces produits des médicaments à distribution limitée est que les fabricants – et je l’ai entendu directement de beaucoup d’entre eux – veulent s’assurer que leurs médicaments sont délivrés par des pharmacies spécialisées et souhaitent avoir le contrôle sur la relation entre leur organisation et ces pharmacies. Ce que je veux dire, c’est que dans bien des cas, ils n’avaient pas le même niveau d’analyse de données et de rapports des pharmacies spécialisées à moins de dire : « La distribution de notre médicament est limitée, et on va choisir certaines pharmacies qui seront nos partenaires privilégiés pour la délivrance de notre produit. On peut donc déterminer quels rapports vous devez nous envoyer pour rester dans le réseau. »
Selon mon expérience, les pharmacies spécialisées disent : « Super, on veut pouvoir distribuer votre médicament, alors on va accepter les conditions. » Les pharmacies peuvent négocier un peu et vérifier si elles peuvent obtenir tous les éléments de données et les envoyer en temps voulu ou à la bonne fréquence. C’est une façon pour les fabricants d’exercer un certain pouvoir sur la relation et un certain contrôle qui n’existait pas autrement.
Charles Rhyee :
Les fabricants doivent-ils suivre un processus d’appel d’offres pour sélectionner le réseau? Quels sont les critères habituels que les fabricants recherchent lorsqu’ils choisissent des pharmacies spécialisées pour un réseau limité?
Dr Surya Singh :
Ils veulent connaître l’étendue et la présence du réseau. Le réseau peut-il distribuer le médicament partout où le fabricant croit pouvoir trouver des patients? Fait intéressant, vers la fin de mon mandat, les fabricants commençaient à nous poser plus de questions sur le type d’intégration de données dont on disposait, pas nécessairement avec eux, mais avec le reste de l’écosystème de soins de santé. Ils savent que, notamment pour la déclaration des effets indésirables à la FDA, il peut y avoir des éléments du dossier clinique qui ne viennent pas directement de la pharmacie et dont ils auront besoin. Ils essaient de comprendre si une pharmacie spécialisée peut être le centre de données qui recueille ces renseignements pour eux dans les dossiers électroniques, etc. C’est la deuxième chose. Je n’énumère pas les éléments en ordre d’importance; ce sont simplement des catégories dans les questionnaires ou le processus d’appel d’offres.
La troisième chose qui, à mon avis, est d’une importance capitale et a davantage été un facteur de décision clé dans le processus, c’est de s’assurer que nous, les pharmacies spécialisées, pouvons leur fournir tout ce dont ils ont besoin. Ce n’est pas tout à fait clé en main, mais on essaie de se rapprocher le plus possible de leurs besoins en matière de production de rapports, parce qu’une partie des renseignements doivent être transmis à la FDA. Ils en ont besoin pour ce qu’ils ont convenu dans le cadre de la phase 4 avec la FDA ou pour le suivi de leurs propres essais, et ils utilisent des données probantes ou des données réelles pour appuyer leurs objectifs ou leurs indications supplémentaires, ou encore afin de prouver la valeur de leur médicament pour des programmes d’éducation pour la santé, des études sur l’économie de la santé ou des recherches sur les résultats. Ces appels d’offres contenaient toute une série de questions, et la plupart d’entre elles ne portaient pas sur des enjeux strictement économiques, mais sur ce qu’on pouvait offrir en retour en termes d’offre de service. Une grande partie du service offert concerne les données, les rapports et les analyses.
Charles Rhyee :
Si j’ai posé la question, c’est que l’argument de vente de certaines sociétés du marché des pharmacies spécialisées est qu’elles ont accès à tous les médicaments à distribution limitée. Quand je pense au nombre de sociétés qui disent la même chose, je commence à me demander à quel point ces réseaux sont limités. Pouvez-vous nous donner une idée? Si un fabricant a un médicament à distribution limitée, combien de pharmacies font habituellement partie de son réseau?
Dr Surya Singh :
Je dirais que la taille moyenne d’un réseau se situe entre trois et cinq pharmacies. Vous verrez presque inévitablement au moins une des trois grandes pharmacies spécialisées, c’est-à-dire une des trois grandes organisations de soins gérés consolidées verticalement. Optum Rx, Accredo ou CVS Specialty font presque toujours partie de ces réseaux. J’ai vu quelques exceptions à cette règle, par exemple des réseaux de quatre pharmacies spécialisées de taille moyenne, dont une ou deux qui étaient des gestionnaires de prestations complètement indépendants. Il existe de plus petits partenariats entre des gestionnaires de prestations et des pharmacies spécialisées en dehors des trois grands que j’ai mentionnés, mais en général, les fabricants qui choisissent leur réseau de distribution limitée veulent inclure au moins une des grandes pharmacies – ils doivent s’assurer que toutes les personnes qui peuvent bénéficier de leur produit ou de leur traitement peuvent avoir un fournisseur –, en plus de rechercher l’expérience d’acteurs de petite ou de moyenne taille.
Parlons de la fréquence à laquelle l’une des trois principales pharmacies est incluse dans les réseaux de distribution limitée. J’ai cherché avant notre discussion d’aujourd’hui, mais je n’ai pas trouvé de bonnes statistiques. Mais d’après mon expérience de quatre ans, je dirais que c’est… Pas toujours, mais presque. La plupart du temps, dans 90 % ou 95 % des cas, une des trois grandes pharmacies fait partie du réseau dès le départ.
Charles Rhyee :
Oui, on en a parlé un peu jusqu’à maintenant. J’aimerais vraiment parler de cette dynamique et de ces organisations verticalement intégrées. Pensons à Cigna, à CVS ou à United. Je me souviens que les pharmacies et les sociétés de distribution spécialisées étaient autrefois indépendantes. Je collaborais à l’époque avec Accredo et Priority Healthcare. Au fil du temps, ces sociétés ont été acquises par les principaux gestionnaires de prestations, qui ont à leur tour été acquis par des fournisseurs de soins gérés. Plus tôt, vous avez mentionné l’intégration des données comme un point important. Selon vous, qu’est-ce qui a poussé les gestionnaires de prestations à se lancer dans les pharmacies spécialisées?
Dr Surya Singh :
Si on prend une vue d’ensemble et qu’on regarde ce qui s’est passé avec les gestionnaires de prestations, on remarque qu’ils ont connu un premier chapitre de création de valeur grâce aux commandes postales, et un deuxième grâce à la délivrance de médicaments génériques et à la première grande vague d’expiration de brevets. Ensuite, ils avaient besoin de quelque chose pour continuer à croître. Le coût élevé et la nécessité de ce dont je parlais au début, les services spécialisés, les ont amenés à prendre une décision. Allaient-ils accroître leur personnel et leurs capacités pour demander un prix plus élevé et faire concurrence aux pharmacies spécialisées, ou allaient-ils simplement acheter ces pharmacies, qui avaient déjà développé cet ensemble de capacités et étaient en mesure de demander un prix plus élevé parce qu’elles répondaient à un besoin clinique? De plus en plus, pas vraiment d’un point de vue réglementaire, mais du point de vue de la conformité clinique, et pour être conforme aux bonnes pratiques fondées sur des données probantes, il fallait être en mesure de faire certaines choses. Les pharmacies spécialisées pouvaient faire ces choses, ce qui n’était pas possible pour les gestionnaires de prestations, parce qu’ils avaient un modèle à faible coût et n’avaient pas le personnel adéquat. C’était simplement plus rapide d’ajouter ces capacités au moyen de fusions et acquisitions plutôt que d’essayer de les développer de manière organique.
Je pense que l’histoire aurait pu se dérouler très différemment si l’un d’eux avait décidé – je parle de Medco et d’autres – de construire cet ensemble de capacités de façon organique. Mais au lieu de ça, ils ont tous acheté des pharmacies spécialisées avant de commencer à se pencher sur la question. Ce n’était pas vraiment une question d’intégration des données à l’époque. Ce qui comptait, c’était l’intégration des différents services, du personnel, des pratiques d’orientation, etc.
Charles Rhyee :
Pensez-vous que les pharmacies spécialisées sont aussi importantes pour les soins gérés, compte tenu de leur nature clinique et des coûts?
Dr Surya Singh :
Je pense que parce que c’est… Il y a deux choses. Premièrement, puisque les pharmacies spécialisées représentent une part si importante… Je ne veux pas trop me répéter, mais quand on représente 50 % des coûts, que les prix des médicaments augmentent, qu’il y a plus de traitements offerts à des populations auparavant non traitées et de plus en plus petites et qu’on traite des maladies rares – on a déjà un peu parlé des thérapies cellulaires et géniques – on ne peut pas s’occuper de… On ne peut pas être une organisation axée sur la santé de la population au sens où l’entendent la plupart des organisations de soins gérés sans avoir cette fonction. C’est essentiel. Je ne vois pas comment fonctionner sans ça. Vous ne pouvez pas mettre en place un partenariat suffisamment solide sur le plan contractuel pour fonctionner comme une organisation intégrée. Même si vous êtes une filiale en propriété exclusive, que vous agissez comme une unité fonctionnelle distincte et que vous avez vos propres profits et pertes, vous aurez encore une meilleure intégration et un meilleur échange de données que si vous faisiez partie d’un partenariat, et je ne pense pas qu’on puisse s’en sortir aujourd’hui.
Charles Rhyee :
Ce qui est intéressant, c’est que vous parlez de l’évolution du modèle des gestionnaires de prestations. J’ai vu diverses estimations, mais selon les nôtres, les pharmacies spécialisées elles-mêmes représentent une part importante des bénéfices des principaux gestionnaires. Avez-vous une idée de la part que représentent les pharmacies spécialisées dans les bénéfices des gestionnaires de prestations?
Dr Surya Singh :
Pas pour le moment, et je n’ai pas regardé les formulaires 10-K. J’ai regardé certains formulaires avant notre rencontre pour connaître les résultats les plus récents... La répartition des données permet de voir le rendement des pharmacies spécialisées en tant qu’unité fonctionnelle. Je vais vous donner une réponse très courte et générale. La majorité. Certainement la majorité. Je ne vais pas vous donner de pourcentage précis, mais ça fluctue un peu. N’oubliez pas non plus que le calcul utilisé pour déterminer quelle unité fonctionnelle augmente le plus les bénéfices et génère le plus de rentabilité dépend de la façon dont les ristournes sont attribuées, surtout dans le monde des pharmacies. S’il s’agit d’un contrat global, les ristournes pour les médicaments spécialisés sont-elles réparties sur l’ensemble des ordonnances pour ce client, ou sont-elles uniquement attribuables aux médicaments spécialisés et à la pharmacie spécialisée? C’est un élément important, et c’est au moins une réponse partielle. Je n’ai pas complètement évité la question.
Charles Rhyee :
Oui, et j’allais vous demander si vous auriez été surpris que ce chiffre soit de 40 ou 50 %. Je crois bien que oui.
Dr Surya Singh :
Oui, certainement.
Charles Rhyee :
Oui. Je pense que les organismes de réglementation portent une attention particulière aux gestionnaires de prestations, en particulier sur l’orientation des patients vers leurs pharmacies spécialisées captives. J’aimerais connaître votre opinion. Selon vous, les pharmacies spécialisées pourraient-elles bien fonctionner de façon indépendante? Est-ce que ce serait mieux pour les soins aux patients en général? Si on pense à… Je ne dis pas que ça va arriver, mais que se passerait-il si on demandait de changer les règles, de séparer les pharmacies spécialisées ou d’empêcher l’orientation forcée des patients vers les pharmacies captives des gestionnaires de prestations?
Dr Surya Singh :
C’est une bonne question. Je pense que la question continuera à se poser. Même quand je faisais ça tous les jours, j’étais toujours frappé par le nombre de personnes, même si je croyais démontrer et expliquer très clairement que ce n’était pas le cas, qui me disaient : « Vos incitatifs ne sont pas bien alignés, vous ne devriez pas avoir le contrôle, et vous, ou l’organisation de soins gérés, voulez intrinsèquement favoriser les ordonnances, la délivrance des médicaments et leur utilisation. » Je vais vous dire ce que je disais à l’époque, et je le crois encore. Si ces organisations qui sont regroupées avaient vraiment cet objectif et suivaient cette logique selon laquelle une plus grande utilisation est une bonne chose pour les affaires, elles perdraient leurs gros contrats parce qu’elles ne tiendraient pas leurs promesses en ce qui a trait au contrôle global des coûts, en raison de l’utilisation accrue.
C’est contre-productif. Si vous pensez vraiment à un contrat de trois ans, vous saurez que vous devrez rendre compte de l’utilisation et que vous devrez vous justifier, parce qu’il y a des gens intelligents de l’autre côté de la table de négociation qui vous demanderont pourquoi l’utilisation a augmenté. Si c’est en raison du retrait d’une autorisation préalable ou de quelque chose du genre, vous allez probablement perdre votre client, et ça vaut beaucoup plus que les ordonnances supplémentaires dans l’ensemble. Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble, je ne pense pas que la séparation des pharmacies spécialisées, d’un point de vue strictement économique, serait très logique pour le marché et pour ces organisations. J’ai deux autres points de vue sur cette question. Du point de vue des soins aux patients, ça dépend. Je continue de penser qu’il serait mauvais pour les soins aux patients en général que ces pharmacies soient indépendantes dans le contexte actuel, et ce, pour deux raisons.
Je vais d’abord revenir à un concept dont j’ai déjà parlé quelques fois et expliquer ce que je veux dire. L’intégration des données pour ces patients est très importante. Le patient moyen qui prend un médicament spécialisé prend aussi cinq ou six autres médicaments. Si vous n’avez pas le dossier de pharmacie – oubliez la « carte blanche », c’est-à-dire le dossier de la pharmacie pour les autres médicaments –, la capacité d’anticiper et de corriger les ajustements posologiques qui doivent être apportés en raison d’un changement de médicament ou d’une autre complication… Pensez aux antihypertenseurs. Les doses sont constamment ajustées, et beaucoup de patients qui prennent des médicaments spécialisés ont d’autres maladies chroniques pour lesquelles ils prennent les cinq ou six autres médicaments. Le problème, c’est qu’en tant que pharmacie spécialisée, on n’a aucune idée des changements. La dose a-t-elle été ajustée ou est-elle la même? On n’en a aucune idée, parce que dans bien des cas, aujourd’hui, malgré le HL7 et l’interopérabilité des données, l’information n’est pas aussi présente qu’on le souhaiterait dans toutes les parties du dossier de pharmacie et on n’a pas une vue d’ensemble des médicaments.
C’est le premier gros problème. Le deuxième problème concerne l’observance du traitement par le patient. Encore une fois, les patients doivent être en mesure d’obtenir leurs médicaments. On a beaucoup travaillé là-dessus au sein de l’organisation dont je faisais partie, et maintenant, je pense que pratiquement tous les acteurs regroupés dont je parlais peuvent atteindre cet objectif. Ils synchronisent le script afin qu’il soit beaucoup plus facile pour le patient de renouveler ses ordonnances à temps, d’éviter de sauter des journées, etc. C’est une autre raison pour laquelle il est logique de rester regroupés. Je vous ai dit qu’il y avait du bon et du mauvais. Les pharmacies spécialisées indépendantes devraient être en mesure de faire un meilleur travail, comme je l’ai dit plus tôt, en offrant des services de haute qualité. Je parlais des besoins cliniques, et vous avez parlé des programmes d’aide financière. Je pense que d’une certaine façon, vous pouvez mieux adapter le modèle de service aux patients en tant qu’organisation indépendante. C’est donc intéressant, mais ça ne l’emporte pas sur tous les autres aspects.
Charles Rhyee :
C’est tout à fait logique. C’est intéressant, et on va évidemment surveiller la situation. Passons à un autre sujet. Je pense qu’il est difficile de parler des pharmacies et de ce qui se passe dans le monde pharmaceutique sans parler des agonistes des récepteurs du GLP-1. Si je ne me trompe pas, même s’ils sont injectables, ces médicaments ne sont pas considérés comme spécialisés, et les pharmacies de détail sont devenues leur principal lieu de distribution. Corrigez-moi si je me trompe. Sont-ils considérés comme des médicaments spécialisés?
Dr Surya Singh :
Pas pour l’instant, et je ne sais pas trop si ça va changer. Je reviens un peu en arrière, à la dernière catégorie de médicaments cardiovasculaires qui, selon nous, allait être beaucoup plus révolutionnaire qu’elle ne l’a été. Je parle des inhibiteurs de la PCSK9, qui sont arrivés vers 2015. On a eu de longs débats pour savoir si ces médicaments devaient être délivrés par les pharmacies spécialisées ou les pharmacies de détail, et on a finalement décidé… C’était un des premiers modèles hybrides à grande échelle, où les deux pouvaient être utilisées selon la situation. Je pense que ce qui va se passer avec les agonistes des récepteurs du GLP-1 est un peu similaire. Dans ce contexte-ci, je ne sais pas si je devrais dire « moderne », mais au moment de choisir le type de pharmacie qui délivrera le médicament, le protocole de prise de décisions sera davantage lié à l’identité du client final et au type de services de soutien dont il dispose de la part du système de santé.
Je crois que le modèle par défaut, d’après ce que j’ai lu et vu sur le marché, va être celui des pharmacies de détail. Je ne sais pas si c’est nécessairement la meilleure chose, mais compte tenu du volume et du point de vue clinique, c’est probablement plus logique de… Ces médicaments exigeraient trop d’attention et auraient une importance disproportionnée dans les activités des pharmacies spécialisées, ce qui entraînerait une réduction des services et de tout le reste. Le cancer, les maladies neurodégénératives et auto-immunes et d’autres domaines seraient mis de côté, parce que c’est tellement... Le volume est déjà énorme.
Charles Rhyee :
Oui, et je suis sûr qu’on pourrait en parler pendant des heures, mais je suppose que ça revient au point que vous avez mentionné plus tôt, à savoir que la définition d’un médicament spécialisé n’est pas universelle et que les centres médicaux spécialisés se fient au coût. En ce qui a trait au coût, ces médicaments sont-ils spécialisés? Je pense que le seuil est censé être de 5 000 $ par an selon les centres médicaux spécialisés. Je ne m’en souviens plus. Je me trompe peut-être.
Dr Surya Singh :
Auparavant, c’était… Je peux regarder. La dernière fois que j’ai vérifié, je crois que c’était 740 $ par mois selon les centres médicaux spécialisés, donc environ 8 500 $ par année.
Charles Rhyee :
Ces traitements seraient donc admissibles, non? C’est quoi, 1 600 $ par mois à la charge du patient?
Dr Surya Singh :
C’est ça, à la charge du patient. Mais si on pense au programme LillyDirect pour Zepbound – je ne sais pas si on va y arriver –, le prix se situe juste en dessous du seuil mensuel. Ce n’est pas un médicament spécialisé selon cette définition, mais c’est un modèle très différent. Ce n’est pas vraiment… J’aurais de la difficulté à classer le modèle LillyDirect comme un modèle spécialisé ou non spécialisé. C’est une nouvelle méthode.
Charles Rhyee :
Ce que je veux dire, c’est que d’un point de vue clinique, il y a beaucoup de services supplémentaires que vous pourriez offrir aux patients qui prennent des agonistes des récepteurs du GLP-1. Mais je pense à des médicaments comme Humira. Mis à part les consultations initiales sur la façon de faire l’injection et des discussions de base sur les effets secondaires, c’est assez explicite, non? Comme les patients n’ont pas besoin de beaucoup d’aide, est-ce qu’Humira pourrait être distribué par des pharmacies de détail? Je sais qu’une partie du volume l’est déjà, mais à l’heure où les fabricants mettent au point de nouveaux médicaments injectables dont les effets secondaires sont si graves que les patients ont besoin d’une surveillance constante, les pharmacies de détail pourraient-elles jouer un rôle plus important que par le passé dans le domaine des médicaments spécialisés? Les pharmacies spécialisées pourraient alors se concentrer sur les maladies auto-immunes, l’oncologie, ce genre de choses.
Dr Surya Singh :
Je pense que oui, et j’y ai fait allusion un peu plus tôt. Je parlais des outils qu’on a aujourd’hui – et je parlais davantage de technologie –, mais je pense qu’il y a une convergence… Vous parlez d’un autre aspect du retour des médicaments spécialisés aux pharmacies de détail. Ça pourrait être possible pour certains médicaments, surtout les médicaments auto-injectables. Vous avez parlé d’Humira, mais j’inclurais tous les médicaments auto-injectables pour lesquels il n’y a pas de changement probable ou il n’y a que deux formes posologiques. C’est très simple. Il faut un service de proximité pour que les patients atteignent l’énergie d’activation initiale et pour leur expliquer le produit, mais ensuite, on pourrait passer à un modèle axé sur les pharmacies de détail. D’une certaine façon, le programme Specialty Connect, qu’on a lancé alors que j’étais encore chez CVS, a été le premier à le faire. Les patients étaient en mesure de récupérer leurs médicaments spécialisés dans n’importe quelle pharmacie de détail CVS.
Au lieu d’expédier la plupart des médicaments spécialisés – on avait 40 ou 50 pharmacies spécialisées dans les grandes agglomérations du pays –, on a fait en sorte que les patients pouvaient se rendre à n’importe quelle de nos pharmacies. Je crois qu’il y en avait environ 10 000 à l’époque. Vous pouviez aller à n’importe quelle pharmacie pour récupérer vos médicaments spécialisés. Les médicaments étaient envoyés dans un délai précis et vous pouviez en faire le suivi. C’est à peu près au moment où on a établi notre présence numérique, notre première application intégrée et tout ça, et vous pouviez faire le suivi de vos médicaments, vous rendre à votre pharmacie, faire vos emplettes et ramasser vos médicaments sur ordonnance, y compris les médicaments spécialisés. À l’avenir – si on exclut CVS de l’équation –, n’importe quelle pharmacie ou chaîne de pharmacies de détail, y compris Walgreens, les petites chaînes et Amazon, pourraient conclure des ententes avec des pharmacies spécialisées. Les pharmacies spécialisées pourraient s’occuper des patients qui viennent de recevoir un nouveau diagnostic ou une nouvelle ordonnance, puis les orienter vers les pharmacies de détail.
La pharmacie spécialisée est une solution de secours si le patient a besoin de quelque chose. Tant qu’il y a la technologie et l’intégration des données dont on a parlé plus tôt, il y a un moyen d’orienter le patient, au besoin. Les pharmacies spécialisées n’ont pas à s’occuper de chaque renouvellement d’ordonnance comme c’était le cas avant. On a fait beaucoup d’efforts pour discuter avec les patients en personne chaque fois qu’ils renouvellent une ordonnance, mais ce ne sera peut-être plus nécessaire à l’avenir. Les pharmacies spécialisées se sont d’ailleurs déjà rendu compte qu’elles n’avaient pas besoin de le faire, et que l’inscription des patients pouvait devenir de moins en moins utile après une période initiale de 90 jours.
Charles Rhyee :
J’aimerais passer à un autre sujet : les biosimilaires. Je pense que ces produits pourraient être une excellente occasion pour les pharmacies spécialisées. Si on pense à la façon dont les pharmacies qui exécutent des commandes postales ont profité du cycle des médicaments génériques dans les années 2000 et au début des années 2010, il semble qu’on soit sur le point d’entrer dans un cycle majeur de nouveaux produits biosimilaires qui pourrait s’étendre sur les dix prochaines années. Dans quelle mesure est-ce une occasion pour les pharmacies spécialisées?
Dr Surya Singh :
Je crois que… Revenons aux pharmacies spécialisées en général, surtout que les règles sont… Je ne dirais pas qu’elles sont souples, mais qu’elles sont au moins plus claires en ce qui concerne l’interchangeabilité. L’interchangeabilité est plus accessible, et on pourrait dire que la barre n’est plus au même niveau, sans toutefois dire qu’elle a été abaissée. Je pense que c’est une énorme occasion pour les pharmacies avec l’arrivée de tant de nouveaux médicaments. Je crois qu’on pourrait se rapprocher de l’érosion des prix et des économies de coûts qui avaient été modélisées à l’époque où il n’y avait que quelques produits biosimilaires sur le marché pour le facteur de croissance des cellules, etc. C’est une très bonne chose. Je pense qu’il y a une occasion pour les pharmacies spécialisées, mais pour revenir à ce qu’on disait il y a une seconde, peut-être qu’après la période initiale… Revenons au même modèle et à la plupart des médicaments biologiques qui ont ou auront des biosimilaires, surtout ceux utilisés pour traiter les maladies auto-immunes, dont tout le monde était si inquiet. Maintenant qu’on a de la concurrence en raison des produits biosimilaires dans cette catégorie et qu’on observe une érosion des prix, on essaie de se convaincre qu’avec assez d’expérience et de données, les patients se porteront bien s’ils ont accès à un spécialiste pendant la période initiale avant de retourner à un autre modèle, par exemple une pharmacie de détail ou des commandes postales auprès d’une pharmacie non spécialisée.
On se dit qu’ils pourraient revenir à certains des acteurs que j’ai mentionnés plus tôt. Je crois que les pharmacies spécialisées pourraient tirer parti de cette période initiale, car ces ordonnances sont parmi les plus faciles à délivrer. Encore une fois, « interchangeable » signifie que les pharmacies peuvent choisir. Je pense que ces médicaments, surtout ceux qui sont très simples à prendre ou à injecter, pourraient être délivrés dans les pharmacies de détail si le marché commence à adopter cette approche.
Charles Rhyee :
Est-ce qu’on a besoin d’une interchangeabilité complète – les cotes A et B – pour passer d’un produit biosimilaire à un autre et obtenir le plein avantage? À l’heure actuelle, l’interchangeabilité demeure limitée à certains produits biosimilaires et au produit d’origine.
Dr Surya Singh :
Je pense qu’à mesure que l’expérience et les preuves s’accumuleront, on va… Je ne sais pas si ce sera un modèle différent. Ce ne sera pas tout à fait la même chose ni les mêmes cotes A et B. Peut-être que je me trompe, mais en principe, si on a ça, je pense qu’on doit atteindre le même niveau pour obtenir le plein avantage économique et la pleine réduction des coûts. Jusqu’à ce que ce soit le cas, ce ne sera pas aussi simple qu’il l’a été de faire augmenter les taux de distribution de médicaments génériques.
Charles Rhyee :
Oui. CVS a créé Cordavis l’an dernier, et son objectif était en partie de mettre en marché des produits biosimilaires à moindre coût. Ça touche un peu à ce dont on a parlé, c’est-à-dire que ça me semble être une façon d’offrir plus de médicaments spécialisés au sein des pharmacies de détail. Selon vous, la dynamique a-t-elle suffisamment changé pour que d’autres médicaments spécialisés soient délivrés dans les pharmacies de détail?
Dr Surya Singh :
Je pense que oui. Je ne sais pas à quel point le changement sera rapide, mais je pense qu’on en verra davantage. Je ne crois pas que ce sera un changement radical, parce qu’il y aura beaucoup de difficultés. Qu’est-ce que ça signifie pour la valeur globale du contrat? Pour les garanties? Il y a plusieurs aspects de l’économie des pharmacies dont on n’a pas parlé en détail aujourd’hui. En bref, je pense que oui, mais c’est un « oui, mais ». Je m’attends à ce que ce soit lent. Je ne pense pas que ça se fera rapidement.
Charles Rhyee :
Qu’en est-il des thérapies cellulaires et géniques? C’est une nouvelle catégorie de médicaments qui coûtent très cher au départ. En théorie, ils deviennent des remèdes, non? Idéalement, il s’agirait de traitements définitifs. Selon vous, quel sera le rôle des pharmacies spécialisées à mesure que ces produits feront leur entrée sur le marché?
Dr Surya Singh :
Encore une fois, je vais devoir répondre à la question de manière nuancée. Je ne dis pas que les pharmacies spécialisées n’auront pas de rôle à jouer, mais la majorité des thérapies cellulaires et géniques qui sont sur le marché en ce moment et de celles qui arriveront bientôt sur le marché sont en grande partie administrées par un système de santé. Ce sont des médicaments de la partie B administrés en milieu médical, et les pharmacies spécialisées n’ont pas toujours joué un rôle aussi important pour ces médicaments. Je pense que ce sera vrai pour la majorité – 80 % du volume, même si le volume est faible dans l’ensemble –, surtout en ce qui concerne les thérapies cellulaires, parce que même avec… Les thérapies cellulaires CAR-T, les thérapies par les lymphocytes d’infiltration tumorale et les autres nouveautés sur le marché dans le domaine du cancer, elles sont toutes… Elles nécessitent soit une forme de conditionnement de la part du patient qui s’apparente davantage à une greffe de moelle osseuse, soit un processus intensif de préparation du patient, de prélèvement, de préparation et de réintroduction des cellules. La plupart des patients sont hospitalisés.
On entend parfois parler de consultations externes, comme vous le savez probablement, notamment pour les thérapies cellulaires CAR-T, mais il est peu probable que… Les pharmacies spécialisées ne joueront pas un grand rôle dans ce domaine, ni maintenant ni à l’avenir. En ce qui concerne l’utilisation des vecteurs viraux dans les thérapies géniques et peut-être même l’édition génomique utilisant la technologie CRISPR, qui a fait son entrée sur le marché, les pharmacies spécialisées peuvent participer au processus, mais elles n’ont pas joué un gros rôle jusqu’à maintenant. Accredo avait l’exclusivité pour Luxturna quand le produit est arrivé et les pharmacies spécialisées ont joué un rôle pour quelques autres thérapies géniques, mais dans l’ensemble, ces produits étaient administrés en milieu médical.
Charles Rhyee :
Oui, je pensais justement à l’exemple de Luxturna et au rôle que les pharmacies spécialisées pouvaient jouer. J’aimerais vous poser une question pour conclure. Quelles sont certaines des choses que les gens devraient surveiller? Voyez-vous d’importants changements au cours des prochaines années qui pourraient être bénéfiques ou dont les gens devraient être au courant en ce qui concerne les pharmacies spécialisées?
Dr Surya Singh :
En ce qui a trait aux pharmacies spécialisées en particulier? On vient tout juste d’aborder le sujet, mais les approbations de thérapies cellulaires et géniques ont été très rapides, et leur adoption sur le marché a quant à elle été très lente. En y repensant aujourd’hui, c’était assez prévisible, parce qu’il en faut beaucoup pour changer les pratiques et convaincre les patients, surtout les patients hémophiles ou atteints de drépanocytose, qu’un nouveau traitement est non seulement sécuritaire, mais envisageable. Je pense que ça va continuer à faire évoluer le marché et notre façon de penser aux pharmacies spécialisées et à ce dont elles sont réellement responsables. Pour ce qui est des thérapies géniques dont le coût est de plus d’un million de dollars – pas tant les thérapies cellulaires, comme je le disais tout à l’heure –, je pense que les pharmacies spécialisées vont jouer un plus grand rôle et s’assurer que leur offre de services est adaptée.
Le deuxième grand changement concerne la convergence entre les pharmacies spécialisées et les pharmacies de détail dont on a parlé plus tôt. Je crois que ce sera un facteur et que les pharmacies spécialisées vont changer leur… Je dirais « évoluer » plutôt que « changer ». Elles vont faire évoluer leur modèle d’affaires pour pouvoir définir la population de patients plutôt qu’un seuil de coût. Je ne sais pas si les centres médicaux spécialisés emboîteront le pas, s’ils participeront ou s’ils dirigeront le processus, mais je pense que les pharmacies elles-mêmes vont dire : « On s’occupe de ces patients, et on va s’occuper d’eux quoiqu’il arrive. »
Charles Rhyee :
Ce sera intéressant à voir. Je crois qu’on va devoir s’arrêter là. Dr Singh, ce fut un plaisir de discuter avec vous aujourd’hui. Merci pour toutes vos observations. On restera évidemment attentifs à tout ce qui se profile à l’horizon pour cette part importante et toujours croissante du marché. Merci de votre temps, et merci à tous de vous être joints à nous pour ce balado. Au plaisir de vous compter parmi nous pour les prochains. Merci.
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Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en technologies de soins de santé, TD Cowen
Charles Rhyee
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en technologies de soins de santé, TD Cowen
Charles Rhyee
Directeur général, Soins de santé – Analyste de recherche en technologies de soins de santé, TD Cowen
Charles Rhyee est directeur général et analyste de recherche principal en distribution et technologies de soins de santé. M. Rhyee a été reconnu dans les sondages menés par le Wall Street Journal et le Financial Times. En 2023, il s’est classé au troisième rang du sondage All-America dans le segment de la distribution et des technologies de soins de santé du magazine Institutional Investor et a été nommé Best Up & Coming Analyst en 2008 et en 2009.
Avant de se joindre à TD Cowen en février 2011, il a occupé le poste de directeur général de la distribution et des technologies de soins de santé pour Oppenheimer & Co. M. Rhyee a commencé sa carrière en recherche sur les actions à Salomon Smith Barney en 1999.
Il est titulaire d’un baccalauréat en économie de l’Université Columbia.