Les légendes de l’automne : Période des conférences et perspectives sur les politiques de Washington et la crise des sous-marins
Animateur : Roman Schweizer, directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Invités : Tony Bertuca, rédacteur en chef, Inside Defense; Aaron Mehta, rédacteur en chef, Breaking Defense; Joe Gould, journaliste, Défense, Politico
Dans cet épisode de Ce qu’il faut savoir sur la sécurité nationale, nous avons une version prolongée de la table ronde des journalistes pour discuter des perspectives à Washington relativement au Congrès de transition et pour discuter des salons très en vue des forces aériennes et de l’armée. Nous abordons également en profondeur les difficultés de la marine à acheter et à construire des sous-marins.
Ce balado a été enregistré le 4 octobre 2024.
Aaron Mehta :
Le plus marquant dans cette conférence de l’AFA, c’est qu’il n’y avait rien de marquant.
Roman Schweizer :
À l’affût de l’information qui circule du département de la Défense au Congrès et de la Maison-Blanche à Wall Street, le balado « Ce qu’il faut savoir sur la sécurité nationale » présente sans filtre des discussions et des prévisions éclairées sur les principaux enjeux de l’heure en matière de sécurité nationale et de défense. Nos commentateurs se lancent dans une table ronde sur les principaux enjeux de sécurité nationale à Washington. Je suis accompagné d’une équipe de choc de rédacteurs et de journalistes chevronnés spécialistes des questions de défense à Washington. Tony Bertuca, de Inside Defense, Aaron Mehta, de Breaking Defense, et, se joignant à nous pour la première fois, Joe Gould de Politico. Ils couvrent Washington et le Pentagone depuis des années et leurs sources d’information sont solides. Merci de votre présence. Messieurs, j’entre dans le vif du sujet.
On traverse actuellement une zone de turbulence. Nous entamons la belle saison automnale à Washington, et comme le Congrès a adopté une résolution de continuation, on a évité une paralysie du gouvernement. C’est super. Il y a eu quelques conférences, comme celle de l’Air & Space Forces Association (AFA), dont on n’a pas parlé, et une autre à venir, celle de l’Association of the United States Army (AUSA). J’aimerais vous en donner un aperçu. Ensuite, on abordera la crise de la construction navale et d’autres choses. Mais tout d’abord, parlons de la situation actuelle en ce qui concerne les crédits, de la résolution de continuation et des perspectives pour les trois prochains mois. Et j’aimerais mentionner que Joe Gould se joint à nous pour la première fois, alors on va le laisser ouvrir la marche. Joe, la parole est à vous.
Joe Gould :
Oui. Merci et bonne année fiscale, pour ceux que ça intéresse! Au Congrès, ça va être plutôt tranquille jusqu’au 12 novembre. Tout fier de sa résolution, le Congrès se repose sur ses lauriers sans avoir voté ni les crédits pour l’ensemble de l’exercice ni la Loi d’autorisation de la Défense nationale, en laissant une foule d’autres questions en suspens que ses membres devront régler à leur retour. La Chambre a examiné un certain nombre de projets de loi de finances assez partisans et le Sénat n’a pas vraiment fait les siens. Et Mike Johnson promet de ne pas présenter de projet de loi générale portant ouverture de crédits, ce qui complique les choses, parce que c’est ce qu’ils font d’habitude. Ils vont donc avoir beaucoup de pain sur la planche une fois de retour.
Roman Schweizer :
Et bien sûr, à Washington, on cherche toujours à profiter d’une bonne crise quand il y en a une. Et on a aussi des ouragans qui ont ravagé le sud-est. La marine américaine lance des missiles Standard pour défendre Israël et bombarde les Houthis de temps à autre. Il faudra donc compléter le budget prévu à un moment donné. Est-ce qu’on a une idée de combien ça coûtera? J’ai entendu parler de plus de 35 milliards de dollars pour l’ouragan, mais on ne sait pas vraiment pour Israël et les autres dépenses. Avez-vous un avis à ce sujet?
Tony Bertuca :
C’est Tony. J’ai entendu de tout sur la colline, par exemple qu’ils n’auraient pas besoin de soutien pour la mer Rouge parce qu’ils en ont déjà eu en avril et qu’il ne faut pas tout leur donner. Mais de l’autre côté, il y a des gens qui disent qu’il faut y aller à fond parce qu’on ne sait pas ce qui va se passer s’il y a un changement d’administration. Concernant les prochaines augmentations de budget du département de la Défense, on entend vraiment de tout. J’essaie de démêler le flot d’informations comme je peux. Ce qui est sûr, c’est que le soutien à Israël et les opérations en mer Rouge seront maintenus. Cela va du carburant aux missiles qui interceptent d’autres missiles. Donc je n’ai pas honte de dire que je ne sais pas. J’ignore vraiment ce qui va se passer.
Roman Schweizer :
Mais je suis certain que ce sera plus que ce que nous anticipons tous pour le moment. Je me demande aussi pourquoi il y a autant d’ouragans, de tornades et d’autres catastrophes naturelles qui se produisent pendant le Congrès de transition. On dirait presque qu’il y a une forme de corrélation. Un autre problème en suspens, c’est la NDAA, la Loi d’autorisation de la Défense nationale, avec peut-être les conférences en arrière-plan. La Commission des forces armées du Sénat a envoyé sa « trousse de gestionnaire ». Je dois admettre que j’ai été en déplacement et j’aime conserver un minimum de vie personnelle. Je n’ai donc pas lu tous les 90 amendements inclus, mais est-ce que quelqu’un a une idée de ce que nous réserve la NDAA et de son évolution?
Joe Gould :
Comme vous l’avez évoqué, la Chambre a adopté sa version de la NDAA. Le Sénat, quant à lui, a tergiversé puis a élaboré cette liste d’amendements. D’après ce que je comprends, elle n’y est pas vraiment liée, mais je pense qu’elle contient des amendements en rapport avec la défense. Elle comprend en grande partie des éléments qu’il doit traiter avec d’autres commissions. Mais c’était suffisant, et ils ont entamé le processus de rapprochement entre le projet de la Chambre et celui du Sénat pour ce qui est de la NDAA. Probablement qu’à ce stade précoce, ils travaillent sur les problèmes de niveau inférieur liés au personnel. Et je pense que si on considère que le passé est garant de l’avenir, d’ici décembre, qui est probablement aussi la date limite pour les crédits, puisque tout le monde veut partir pour Noël, ce sera le moment où les chefs des commissions, les dirigeants des Commissions des forces armées de la Chambre des représentants et du Sénat, et aussi les figures de proue du Congrès, Schumer et Johnson, auront réglé les problèmes plus importants. Bien sûr, d’ici là, nous aurons un nouveau président désigné.
Roman Schweizer :
Oui, je dirais simplement que l’un des autres problèmes annexes dans mon domaine concerne les relations entre les États-Unis et la Chine. Il y a évidemment une loi sur la biosécurité que la Chambre a adoptée durant sa semaine spéciale Chine, ainsi qu’une foule d’autres choses. Il s’agit ici avant tout de mettre sur liste noire un groupe de sociétés chinoises de biotechnologie. Et on pense que ça pourrait être intégré à la NDAA en fin de compte, ce qui, encore une fois, fait dire à un certain nombre d’éminents sénateurs qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale. Et bien sûr, pendant le récent débat, J.D. Vance a évoqué le danger qu’il y a à ce que les gens qui nous détestent soient ceux qui fabriquent nos médicaments. C’était une marque de reconnaissance implicite pour le projet de loi sur la biosécurité. Alors oui, je pense qu’on peut prévoir toute une série de choses qui devraient se produire après les élections de novembre, et on verra bien.
Est-ce que l’un d’entre vous a des informations ou un point de vue sur la question de savoir si les crédits seront prêts d’ici le 20 décembre, au terme prévu par la résolution de continuation, ou si leur vote sera reporté à l’année prochaine? Je vais d’abord répondre moi-même. J’ai entendu des gens respectables des deux côtés dire qu’ils veulent que ça se fasse pendant que le Congrès de transition, parce que l’an prochain, on aura un festival d’augmentations du plafond de la dette, de mesures fiscales, etc. L’objectif serait d’y parvenir avant janvier, avant la prise de fonction du nouveau Congrès ou de la nouvelle administration, peu importe qui gagne. Qu’en pensez-vous?
Joe Gould :
Oui, je dirais que le président de la commission des crédits, Tom Cole, a dit exactement la même chose à un groupe d’entre nous. Son conseil serait de se préparer à l’action. Il connaît très bien la question de l’allocation des crédits. Je pense que c’est ce que les personnes responsables veulent probablement, mais on a bien vu que les personnes responsables n’ont pas toujours le dernier mot. Il a aussi affirmé que cela dépend probablement du président désigné. Toutefois, si Kamala Harris gagne, je ne crois pas qu’une Chambre contrôlée par les républicains se plie à ses désirs, surtout si ces députés sont sur le départ. Ils peuvent utiliser le temps qui leur reste pour lui mettre des bâtons dans les roues. Et aussi… Il y a l’autre question à laquelle j’ai fait allusion, à savoir, si Johnson refuse un projet de loi générale, et on est ici dans le meilleur des cas, comment peut-on surmonter cet obstacle? Et il est possible qu’il y ait un blocage et qu’on se retrouve avec une nouvelle résolution de continuation l’année prochaine, peut-être même jusqu’en mars ou quelque chose du genre. Comme je l’ai dit, ce n’est pas ce que souhaitent les personnes responsables, mais c’est un scénario à envisager.
Tony Bertuca :
Oui, je pense que Joe l’a bien dit. Cela dépend de qui gagne et de la façon dont il gagne. Et est-ce que le gagnant aura ce qu’il faut pour remettre le compteur à zéro, ou pensera plutôt que semer le chaos après la victoire est une meilleure décision politique? Il faut juste attendre de voir.
Aaron Mehta :
Je vais faire mon cynique, mais s’il y a un débat sur la question d’une fraude électorale, les membres auront-ils toujours autant d’énergie, d’attention ou même d’intérêt à gouverner? Ou est-ce qu’ils penseront simplement : « Tant pis pour le reste, concentrons-nous sur cette seule question », et on voit que la Chambre en particulier sera probablement la protagoniste d’une telle situation, en refusant de faire son travail dans les délais.
Tony Bertuca :
C’est à ce moment-là qu’on se retrouve avec une autre résolution de continuation, n’est-ce pas? On prolonge cette mesure provisoire.
Aaron Mehta :
S’ils peuvent la prolonger.
Roman Schweizer :
Dans le cas contraire, le gouvernement est paralysé, non?
Aaron Mehta :
Oui.
Roman Schweizer :
Parce qu’alors…
Aaron Mehta :
Tout à fait.
Roman Schweizer :
Oui, exactement. Pour tous ceux qui s’inquiètent, et certainement très peu d’entre nous, tout va bien se passer. À titre de rappel, la décision Bush V. Gore a été rendue le 12 décembre 2000 par la Cour suprême. Certes, ça pourrait être un mois assez mouvementé, mais ce dont on vient de parler, c’est le scénario du pire. OK. On a beaucoup parlé de Washington et des manœuvres politiques. On peut laisser tomber le débat des vice-présidents. Je n’ai pas vraiment… À moins que quelqu’un ait quelque chose à dire sur la question… En fait, j’aimerais revenir un peu en arrière. On dirait que ça s’est passé il y a un million d’années, mais il y a quelques semaines, l’armée de l’air a tenu un congrès. Et c’est juste mon avis, mais j’ai trouvé cela assez décevant vu qu’on a eu peu d’informations sur leurs grands programmes, leur orientation future et ce genre de choses. M. Kendall, le secrétaire général, est toujours prêt pour un ou deux beaux discours, tout comme Andrew Hunter et d’autres hauts gradés. Qu’est-ce que vous en retenez, concernant ce qui a été dit ou ce qui n’a pas été dit?
Aaron Mehta :
Aucun programme n’a été annoncé. Le plus marquant, c’était les deux répliques d’avions de combat collaboratifs des contractants retenus qui étaient exposées. OK, super. Mais si c’est l’élément le plus important de votre grand événement national, ce n’est pas un bon signe. Une partie du problème a découlé des élections, n’est-ce pas? Comme personne ne sait qui va diriger le pays, personne ne veut prendre de décisions. Même s’il a dit qu’il serait heureux de faire bouger les lignes, ce qui n’est pas surprenant pour quiconque le connaît, Frank Kendall veut rien annoncer de nouveau, car cela risque de devenir une cible facile pour son successeur si Harris perd. De plus, il préfère ne pas parler de son programme d’avions de sixième génération parce que, comme vous l’avez évoqué, il faut d’abord jeter aux orties ce qui a été accompli pour repartir à zéro. Il en va de même du joli programme de missiles balistiques intercontinentaux nucléaires, dont les coûts dépassent de 80 % le budget prévu.
Le programme d’avions de combat collaboratifs est un programme dont on peut parler en toute sécurité, mais on en est actuellement au processus d’appel d’offres et beaucoup d’informations sont encore classifiées, alors on ne peut pas donner trop de détails. Il n’y a donc pas eu beaucoup de nouvelles notables. On n’a pas vraiment eu de grandes annonces de la part des entreprises présentes. Les discours ont été assez creux. Après, il y avait quand même des choses intéressantes, et on a réussi à en tirer de beaux articles, parce qu’on est bons pour faire feu de tout bois. Mais le plus marquant dans cette conférence de l’AFA, c’est qu’il n’y avait rien de marquant.
Roman Schweizer :
Tout ça se tient. Joe, quelque chose à ajouter?
Joe Gould :
Eh bien, Aaron, il y a une chose que vous avez omise en ce qui concerne les avions de combat collaboratifs, c’est la rivalité entre General Atomics et Anduril dans ce domaine. C’est l’une des choses qu’on ne voit pas forcément, lorsque des entreprises s’affrontent directement. On retient quand même qu’un porte-parole de General Atomics a qualifié Anduril de Theranos de la défense. Je pense qu’on a tous beaucoup entendu parler d’Anduril, et il a frappé là où ça fait mal. Le sous-entendu, c’est : « Est-ce que ces gens vont tenir leurs promesses? Est-ce qu’ils vont être à la hauteur? » J’ai trouvé ça particulièrement intéressant. D’accord, il n’y a pas forcément grand-chose derrière, mais on a eu droit à quelques étincelles.
Aaron Mehta :
Vous savez, General Atomics est maintenant un pilier de l’industrie de la défense, mais c’est quelque chose d’assez nouveau, des quinze dernières années, et l’entreprise conserve une position de franc-tireur. Ensuite, Anduril a comme stratégie de perturber le secteur au lieu de jouer selon les règles traditionnelles. Alors oui, comme Joe l’a dit, un porte-parole de General Atomics a appelé Anduril les Theranos de la défense, et en apprenant la nouvelle, Palmer Luckey, le fondateur et patron d’Anduril, a publié un montage photo de sa tête sur le corps d’Elizabeth Holmes. Donc on s’amuse bien des deux côtés. Mais ça montre bien que pour ces deux entreprises, la question des avions de combat collaboratifs est importante. C’est en partie parce qu’en ce moment, comme je l’ai dit, il s’agit du seul programme mis en œuvre par l’armée de l’air. C’est un peu ce qui se passe quand les acteurs de la défense mettent la politesse de côté et passent aux choses sérieuses. Et c’est amusant d’en suivre les péripéties.
Roman Schweizer :
Et juste, pour rester sur un sujet qui m’amuse moi aussi, tous ceux qui prennent les transports en commun dans la région de Washington ont sûrement remarqué les publicités de General Atomics. C’est quelque chose comme : « La seule solution logique, les avions collaboratifs », en gros.
Aaron Mehta :
Je pense qu’Anduril avait aussi des publicités dans les autobus, alors son rival contre-attaque. Vous aviez un groupe d’usagers du bus qui choisissaient un côté.
Joe Gould :
Eh bien, et à l’aéroport, je viens de… Enfin, c’est un jeu vieux comme le monde. Et peut-être même en commanditant des publicités dans des nouvelles, mais je ne vais pas… On en reparlera.
Roman Schweizer :
Je vais profiter de l’occasion pour soulever un certain point, car je sais que ces messieurs ne le feront pas. Je dois trouver une façon plus éloquente de le dire, mais qu’est-ce que Anduril et General Atomics ne font pas et que Boeing, Lockheed et Northrop font? Que ne font pas ces deux entreprises?
Joe Gould :
Allez-y.
Roman Schweizer :
Elles ne rachètent pas d’actions. Elles n’émettent pas de dividendes, et leurs dépenses indépendantes de recherche et développement ne sont pas publiques. Elles n’ont donc pas à rendre compte chaque trimestre et chaque année à la Securities and Exchange Commission (SEC) de la façon dont elles dépensent leurs flux de trésorerie disponibles. Frank Kendall et d’autres, y compris le secrétaire de la Marine, se sont plaints à plusieurs reprises de la nature de leurs investissements. Maintenant, la dernière chose que j’aimerais souligner, c’est que d’après ce que je comprends du communiqué de presse de l’armée de l’air relatif à l’appel d’offres, le contrat de production pour la première augmentation sera décidé au cours de l’exercice 2026. Donc, encore deux ans et demi, et ce sera une mise en concurrence complète et ouverte où tout le monde pourra participer, n’est-ce pas? Anduril et General Atomics ont obtenu des contrats pour la construction de prototypes. Cela fait 30 ans qu’on travaille sur des prototypes.
Ce n’est pas… Je suis consterné. La vraie question est de savoir qui pourrait envoyer un millier de ces appareils au-dessus du détroit de Taïwan demain. Mais c’est une tout autre histoire. Je pense qu’il faut déployer beaucoup d’efforts, y compris en ce qui a trait aux exigences, au concept d’opération, à l’intelligence artificielle et aux algorithmes, mais pour construire un véhicule aérien selon un certain cahier des charges, n’importe laquelle de ces entreprises pourrait le faire. On pourrait même probablement le faire dans mon garage en fin de semaine. Je plaisante, bien sûr, mais je suis plus préoccupé par le fait que le programme Next Generation Air Dominance (NGAD)… Encore une fois, j’ai dit tout au long de l’année que le NGAD ne serait pas annoncé avant les élections présidentielles, parce que pourquoi vouloir contrarier ces chers habitants de Saint-Louis, n’est-ce pas? Ou bien l’État de la Géorgie, en leur refusant un programme de chasseurs de nouvelle génération. On verra sûrement tout cela après les élections, au cours du mois de décembre, mais je pense que tout le monde, y compris Frank Kendall, sait qu’on ne peut pas avoir un super chasseur bimoteur dernier cri au prix d’un F-35. C’est juste un fait.
Je ne crois pas que ça va se produire. Bon, je pense que ça ne sert à rien d’en discuter davantage. Parlons de ce qui s’en vient dans environ une semaine et demie : la conférence de l’AUSA. C’est toujours un vrai spectacle. Je peux vous dire que le monde dans lequel je travaille et dans le monde des investisseurs, elle suscite beaucoup d’intérêt. On aura bien sûr les discours sur l’Ukraine, sur les drones haute technologie, sur l’avenir du char d’assaut, sur les aéronefs de transport d’assaut long-courriers du futur, etc. De nombreuses questions importantes sont en jeu, même si l’Armée de terre est la perdante budgétaire nette dans le grand schéma du département de la défense. Est-ce que vous avez des attentes concernant la conférence de l’AUSA? Je ne sais pas. Je suis aussi curieux de savoir si vous pensez que ce sera aussi soporifique que l’a été celle de l’AFA.
Aaron Mehta :
De manière générale, il faut s’attendre à ce que les mêmes contraintes s’appliquent à l’AUSA qu’à l’AFA, c’est-à-dire que personne ne voudra s’avancer par rapport aux élections et que personne n’annoncera quoi que ce soit de vraiment nouveau, parce qu’on ne sait pas qui sera le futur patron et qu’on ne va pas prendre le risque de le contrarier d’avance. Cela dit, cet événement a une envergure et un rayonnement qui dépassent de loin ceux de la conférence de l’AFA. Rien que la salle d’exposition est probablement six ou sept fois plus grande et expose les véhicules réels. C’est tout un spectacle. Il y aura de grandes annonces. Les acteurs du secteur vont s’exprimer. Je pense que les drones et les systèmes anti-drones vont être sur le devant de la scène. Nous avons déjà eu beaucoup de présentations préalables sur les technologies de lutte contre les drones. Ce n’est pas vraiment nouveau. C’est vrai depuis le début du conflit ukrainien, mais je pense que si on est dans le cycle de développement ces deux dernières années et qu’on a vu ce qui se passait en Ukraine, on a commencé à mettre au point quelque chose de nouveau, et deux ans plus tard, on est prêt à le déployer.
C’est ce qu’on va voir, à mon avis. Personnellement, ce qui m’intéresse, ce sont les sociétés internationales. L’an dernier, Hanwha était plus présente que par le passé. Je m’attends à ce qu’elle gagne encore en importance cette année. Cette société sud-coréenne a connu beaucoup de succès avec ses ventes de matériel terrestre en Europe, en particulier en Pologne, récemment. Je pense qu’il y aura d’autres sociétés internationales. Je suis curieux de voir ce qu’on aura côté ukrainien. L’autre chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que c’est littéralement le premier jour de la conférence de l’AUSA de l’an dernier qu’a eu lieu l’attentat du 7 octobre en Israël. Cela s’est passé pendant la nuit précédant l’ouverture. On va parler des leçons tirées de l’année passée, des points à retenir, puis de la présence israélienne. L’an dernier, un certain nombre de sociétés israéliennes ont carrément fermé leurs kiosques et sont reparties chez elles parce qu’on appelait leurs représentants comme réservistes. Il sera donc intéressant de parler avec les représentants de certaines de ces entreprises et d’en apprendre plus sur ce qu’elles font depuis un an.
Tony Bertuca :
Je vais rebondir sur ce qu’a dit Aaron au sujet des systèmes anti-drones. Je pense qu’on en verra beaucoup à l’événement de l’AUSA. C’est le dernier grand sujet d’engouement dont tout le monde parle. Ça devient plus… La question était déjà très médiatisée, mais ça a attiré d’autant plus l’attention quand Lloyd Austin, le secrétaire à la Défense, a publié sa note sur le programme Replicator 2. On est sur un sujet très secret et classifié, qui est quand même sous le feu des projecteurs. Et la note dit « Ce qu’on va faire pour Replicator 2, c’est investir dans les systèmes anti-drones ». Je trouve aussi intéressant que vous ayez aussi entendu Doug Bush, le haut responsable des achats de l’armée, déclarer au Center for Strategic and International Studies (CSIS) que sa mission s’inscrit au service du Replicator. Il estime que sa mission porte essentiellement la mise en service de drones et de systèmes anti-drones. Il sera donc intéressant de voir s’ils peuvent en dire plus à la conférence.
Joe Gould :
Je rejoins ce qui a été dit. J’aimerais aussi savoir comment les fabricants de véhicules blindés mettent de l’avant leur marchandise. Blindés, char d’assaut. Est-ce que les chars qu’on a envoyés en Ukraine ont changé la donne sur le champ de bataille? Que disent ces entreprises quant à la pertinence de ces armes pour les conflits à venir? Sur quelles améliorations travaillent-ils par rapport à ce que nous observons sur le terrain en Ukraine?
Roman Schweizer :
J’aimerais revenir sur quelques points. Vous avez tous été très pertinents. J’ai déjà fait cette blague et je ne veux pas gâcher la fin de semaine de qui que ce soit en leur suggérant de regarder War Porn sur YouTube, mais ce qui m’intrigue, c’est que certains véhicules américains de combat Bradley semblent faire des merveilles contre les Russes, y compris contre leurs grands blindés. Mais l’armée va dépenser, je ne sais pas, 35 milliards de dollars sur le XM30 OMFV. Quel est l’intérêt si les véhicules Bradley rendent déjà la vie impossible à notre grand méchant loup préféré? Je suis curieux de connaître le bilan de ces armes, des M1 Abrams et des enseignements à en tirer pour la stratégie de modernisation sur le terrain de l’Armée de terre? Parce que tout est là. Si on arrive à repousser les Russes avec de l’équipement américain, la messe est dite. Dans le cas contraire, il y a évidemment une autre conclusion qui pourrait être plus dure à entendre.
Et en effet, je pense que pour ce qui est des systèmes anti-drones, il a été quelque peu décourageant, du moins pour un observateur externe tel que moi, de constater la lenteur des progrès concernant l’introduction des drones tueurs, qu’il s’agisse de drones à pilotage en immersion ou d’appareils plus gros. Je tiens également à souligner que l’unité d’innovation, la DIU, a annoncé qu’elle travaillait sur des drones unidirectionnels à longue portée, ce qui, pour moi, ressemble beaucoup au Kratos Valkyrie, mais encore une fois, qui suis-je? Après, il faut prendre en compte le potentiel offensif, mais aussi, évidemment, le potentiel défensif, n’est-ce pas? Lorsque le Switchblade 300 a été lancé il y a 10 ans, je me souviens d’avoir dit à quelqu’un : « c’est un engin explosif improvisé volant, et c’est une mauvaise nouvelle quand on voit ces choses en masse. Ça va même être pire quand elles seront plus rapides, auront des charges utiles différentes et voleront en essaim commandées et coordonnées par une intelligence artificielle qui leur permettra de plonger, de s’écarter, d’esquiver, etc. ».
J’ai oublié la référence au ballon-chasseur, mais vous voyez ce que je veux dire. C’est vraiment vers là qu’on se dirige, et ce n’est pas très réjouissant si vous avez une force blindée traditionnelle ou une armée comme la nôtre. Et je m’intéresse aussi beaucoup aux sociétés internationales, et pas seulement aux entreprises coréennes. On entend aussi beaucoup parler de Rheinmetall. Ils viennent d’obtenir un nouveau contrat pour des véhicules terrestres sans pilote. Et même des sociétés norvégiennes comme Kongsberg ou Nammo, le fabricant de fusées à propergol solide, se lancent sur le marché américain. Oui, je pense que vous l’avez bien vu. Ce sont des choses qu’on va continuer à observer. J’ai vraiment hâte. Je suis certain que je vous reverrai là-bas et que je vais rencontrer beaucoup de gens intéressants. De tous les secteurs, je pense que l’Armée de terre a probablement le plus grand potentiel de roulement, ne serait-ce qu’en raison des événements que nous avons vus en Ukraine au cours des deux dernières années.
J’aime bien… Je dis cela en plaisantant, d’accord, mais l’histoire nous offre une foule d’exemples où des moyens techniques tels que le fouet d’attelage ou la ligne Maginot sont devenus obsolètes, et j’espère vraiment qu’on en tirera des enseignements. Bon, changeons un peu de sujet, je veux aussi parler d’une étude que nous avons publiée cette semaine. Après, si on s’intéresse à ces choses-là, ce n’est pas si important. Mais comme Joe l’a mentionné, l’exercice financier a pris fin le 30 septembre et les ventes de matériel militaire américain, selon mes calculs et les chiffres prospectifs publiés, s’élevaient à 127 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 18 % par rapport au record de 108 milliards de dollars de l’exercice 2023. Et j’ai été paresseux dans mes calculs, alors ça n’inclut pas le soutien à l’Ukraine ni les ventes commerciales directes. La seule façon de faire le compte définitif, c’est lorsque le département d’État l’annoncera dans quelques semaines.
Mais il s’agit d’un carnet de commandes incroyable, et évidemment, notre note présente la répartition géographique, le changement de système et ce genre de choses. Juste quelques observations à ce sujet. Premièrement, l’Europe est bien sûr une zone qui dépense beaucoup, comme on pouvait s’y attendre. Encore une fois, cela n’inclut pas l’argent ukrainien, ce sont juste les achats de matériel américain par les pays de l’OTAN. Je ne dirais pas que c’est le grand gagnant, mais Lockheed dégage la valeur monétaire nette la plus élevée, suivie de Boeing, puis de RTX. C’est la deuxième fois qu’un chiffre record de ventes militaires à l’étranger d’une année à l’autre est annoncé. Ce sont des ententes qui doivent encore être négociées et transformées en contrats et en revenus, mais le monde est dangereux et ces entreprises américaines ont beaucoup de succès à l’international. Je vais juste soulever ce point, si vous avez quelque chose à ajouter…
Tony Bertuca :
Je dirais que c’est une bonne chose qu’une équipe spéciale travaille là-dessus, parce qu’il y a beaucoup de ces ententes de vente qui n’ont pas vraiment évolué. Je vais interroger mes collègues journalistes au sujet de cette équipe spéciale. Depuis qu’ils l’ont annoncée, qu’ils ont reconnu qu’il s’agissait d’un problème de taille et qu’ils ont dit qu’on allait s’en occuper, rien ne s’est passé et ils n’ont même pas fait de commentaire. On aurait pu penser qu’ils diraient : « Regardez, on l’a fait et ça va plus vite. » Mais ils n’ont mentionné aucune avancée.
Joe Gould :
Beaucoup de bruit pour rien.
Tony Bertuca :
C’est le moins qu’on puisse dire.
Aaron Mehta :
Avant, à la conférence de l’AUSA, il y avait un discours du directeur de la Defense Security Cooperation Agency (DSCA), dans lequel il présentait les chiffres annuels. On m’a dit que ce ne serait pas le cas cette année. Ils ne l’ont pas fait l’an dernier; ils vont attendre jusqu’en décembre ou en janvier pour les publier avec les chiffres des ventes commerciales directes. Bon nombre des chiffres de Roman sont tout à fait conformes à ce qui a été annoncé, je crois. Je pense que nous savons, d’après les recherches de Roman, à quoi ça ressemble. Je m’attends à ce qu’ils parlent un peu de cette équipe spéciale lors de cette table ronde en Australie. C’est leur état annuel du processus. S’ils n’abordent pas la question avec des solutions concrètes, comme Tony l’a dit, je pense qu’on peut se dire : « D’accord, c’était un échec et on va trouver autre chose. »
Roman Schweizer :
Eh bien, j’allais juste dire, corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que je l’ai vu passer au cours des derniers jours, et certes j’ai pris un avion ici ou là, mais la DSCA a déployé un nouveau logo, non? C’est bien ça? Est-ce que c’est juste, Tony? Est-ce...
Tony Bertuca :
Je n’ai pas vu de nouveau logo, mais si c’est quelque chose avec un tigre, des flammes et des billets qui volent partout, c’est génial. Mais non, pas au courant.
Roman Schweizer :
Très bien.
Joe Gould :
Oui, je ne sais pas ce que c’est, comme Aaron, j’ai remarqué à quel point la DSCA était discrète sur ses activités. Vous avez mentionné le chiffre de 127 milliards, et je pense le record sous Trump était de 120. C’est peut-être le chiffre le plus élevé, et quel contraste entre Trump, le grand homme d’affaires, qui présente des graphiques et invite la presse à ses réunions et l’administration Biden, qui affiche sobrement ses résultats sur le site Web du département d’État ou autre. C’est un changement de style marqué. On peut considérer que ce chiffre s’explique par la situation géopolitique actuelle, en particulier avec les ventes d’armes à Israël, mais on leur en vendait déjà l’an dernier, quand ce n’était pas encore un sujet brûlant. Donc je me demande quelle est la raison derrière. C’est peut-être simplement une question d’inertie administrative.
Roman Schweizer :
Je pense que vous avez abordé une partie de la question. C’est qu’on n’a pas non plus envie d’en parler à son de trompe, si vous me permettez ce jeu de mots. C’est délicat de mettre de l’avant le chiffre des ventes militaires à l’étranger quand son parti compte un grand nombre de partisans du contrôle des armements. Et j’ajouterais, juste parce que j’aime bien être précis et ne pas faire dire n’importe quoi aux chiffres, que les résultats de certaines des années Trump, en particulier de la dernière année, sont douteux, étant donné que les approbations de vente ont été comptabilisées deux fois. Par exemple, on a autorisé les ventes de F-18 et de F-35 à la Finlande, qui a fini par acheter uniquement des F-35. Mais vous ajoutez 6 milliards pour le Super Hornet… Il y a eu une sorte de bricolage. Ils ont vraiment gonflé ces chiffres l’an dernier. J’essaie donc de faire abstraction de tout cela et d’assortir mes chiffres d’une grande mise en garde.
D’accord, changeons un peu de sujet. Vous en avez parlé brièvement. Il y a ce que j’appellerais des manigances « sous-marines » au Capitole en ce moment concernant les submersibles de classe Virginia et Columbia. Kenny Calvert semble fou de rage, mais je me demande toujours si c’est juste avant qu’il ne fasse un chèque de 17 milliards de dollars ou quelque chose comme ça. Ce que nous faisons en privé, ce n’est pas nécessairement ce que nous disons toujours en public, rien de nouveau sous le soleil. Où en sommes-nous en ce qui concerne les sous-marins de la marine américaine et le Congrès?
Joe Gould :
Juste pour information, il y a eu cette proposition d’intégrer 2 milliards de dollars pour les sous-marins à la résolution de continuation. Puis, on a découvert qu’il y avait une autre proposition, un programme de soutien à la main-d’œuvre et à la responsabilité des chantiers navals, qui consiste dans l’essentiel à réaffecter des fonds pour les navires de classe Virginia et Columbia afin que les chantiers navals puissent couvrir leurs augmentations de coûts liées à l’inflation et combler les déficits de main-d’œuvre. Je ne sais pas pour mes collègues, mais je n’ai jamais vu de chiffre associé à cela. J’ai l’impression que c’est peut-être un chiffre plus élevé. La Maison-Blanche n’a pas accepté. Ils ont plutôt choisi les 2 milliards. Mais les responsables de l’attribution des crédits ont semblé surpris par tout cela. Et au moment où on les a rencontrés, ils invitaient le secrétaire de la Marine, Carlos del Toro, à s’entretenir avec eux, puis c’était au tour des acteurs du secteur le lendemain.
C’était apparemment une séance d’information à huis clos très pénible pour Carlos Del Toro. Les participants en sont ressortis furieux. M. Calvert nous a dit, à nous et à d’autres, qu’il venait tout juste d’apprendre qu’il manquait 17 milliards de dollars dans le programme des sous-marins de classe Virginia. Entre-temps… Ce que j’ai entendu dire, c’est que les acteurs du secteur ont reçu un meilleur accueil et que cette rencontre s’est en quelque sorte mieux déroulée. Mais alors, au moment où ils demandaient plus d’argent pour leurs salariés, on nous sort une autre histoire, à savoir qu’il y a des soudures défectueuses à Newport News et qu’on ne sait pas exactement ce qui se passe. Est-ce que le personnel a bâclé le travail? Ou est-ce qu’ils étaient tellement sollicités qu’on peut considérer que les problèmes de main-d’œuvre dont parle le secteur sont vraiment graves? Je ne sais pas. On dirait bien qu’on est dans une situation inextricable.
Tony Bertuca :
Oui, et je tiens à souligner que Calvert n’a pas mâché ses mots. Voici ce qu’il a dit : « Franchement, la seule raison pour laquelle nous ne discutons pas des violations commises à la loi Nunn-McCurdy, c’est que le système de mesures et de rapports de la Marine est, au mieux, compliqué et défectueux, au pire, trompeur. » On ne fait pas plus clair. Il s’en prend à la Marine, et je ne pense pas que cette affaire se dissipe de sitôt, car il doute de son honnêteté vis-à-vis du Congrès. C’est un problème important pour la Marine, n’est-ce pas?
Aaron Mehta :
Maintenant, il faudrait probablement dire que… Honnêtement, je ne sais pas exactement pourquoi, mais c’est assez constant depuis au moins les deux dernières années : les républicains au Congrès détestent vraiment le secrétaire de la Marine, Carlos Del Toro, d’une façon que je n’avais jamais observée avec ses prédécesseurs. C’est devenu une affaire personnelle. Il m’est arrivé d’aborder le sujet. La meilleure explication que j’ai trouvée, c’est qu’il a beaucoup parlé de diversité et d’inclusion et de choses comme ça. En mettant de l’avant ces enjeux sociétaux alors même que la construction navale ne se porte pas très bien, il est devenu une cible facile. Mais on dirait qu’il y a un contentieux personnel entre lui et certains de ces haut placés, Calvert en particulier. Je ne sais pas ce qu’il en est, mais ça me frappe toujours quand j’entends ce genre de choses. Ce n’est pas pareil avec les autres secrétaires.
Tony Bertuca :
Oui, je suis d’accord. Il n’entretient pas une bonne relation avec les républicains du Capitole.
Joe Gould :
J’ajouterais même que Dan Sullivan lui a demandé de but en blanc lors d’une audience s’il allait démissionner.
Tony Bertuca :
Je ne sais pas. J’essaie de comprendre moi aussi. Est-il issu du milieu des affaires? Je ne sais pas si… Il semble qu’il essaie… Il a présenté de nouvelles idées. Je ne peux pas imaginer qu’il soit le seul qui… La construction navale se fait sur le temps long. La question, c’est toujours qui porte le chapeau à la fin? Peut-être qu’il n’arrive pas à assumer ses responsabilités correctement. Je veux juste ajouter qu’il ne s’est pas rendu service en enfreignant la loi Hatch et qu’il a dû s’excuser d’avoir émis des commentaires d’ordre politique dont il aurait dû s’abstenir.
Roman Schweizer :
Il y a beaucoup de choses qui se passent! Comme j’ai travaillé dans le domaine de la construction navale dans la Marine pendant une dizaine d’années, je ne veux pas porter préjudice à mes excellents anciens collègues, mais je tiens à souligner que le secrétaire s’est aussi plaint des rachats d’actions et des dividendes et de la façon dont ils se préparent. Il a également invité des constructeurs étrangers à investir davantage aux États-Unis, ce qui a probablement fait froncer quelques sourcils du côté des industriels américains. J’ajouterais qu’il a demandé cet examen très médiatisé des chantiers navals, qui a abouti à un joli petit rapport, sans que de véritables mesures soient prises en conséquence. Vous voyez? Honnêtement, s’il fallait annoncer de mauvaises nouvelles au sujet des sous-marins ou des programmes de construction navale, il fallait le faire depuis environ un an… Je ne sais plus quand cette analyse a été publiée, mais il aurait fallu avoir cette discussion avec le Congrès tout au long de l’année en amont.
Encore une fois, je ne peux pas vraiment dire à quel point la situation est critique, mais j’ai clairement l’impression que la confiance entre le Congrès, la Marine et les acteurs du secteur est au plus bas, voire au niveau zéro. Et… Vous voyez cette case de Spider-Man où tous les Spider-Men se pointent du doigt les uns les autres, c’est un peu ce qui se passe. L’autre point que j’aimerais souligner, c’est qu’à un moment donné, il faut bien remédier au problème de la main d’œuvre, et c’est une question d’embauche et de fidélisation. Et je vais vous le dire, ça me fait plaisir de vous le montrer, mais il y a un graphique, un graphique public du chef de la Division des réacteurs nucléaires de la Marine qui montre la charge et la demande de travail que va nécessiter chaque année la construction de deux Virginias et un Colombia. Je ne sais pas comment nous y parviendrons en ce qui a trait aux heures de travail et à la main-d’œuvre qualifiée, mais tout le monde en est arrivé à la conclusion qu’il faut payer davantage les travailleurs des chantiers navals.
Évidemment, nous avons évité une grève des débardeurs. Il y a eu des grèves chez Boeing, Spirit et UPS. C’est un bon moment pour faire partie d’un syndicat, et la construction de ces navires et de ces sous-marins va coûter plus cher. Et je ne sais pas si cela a bien été pris en considération. Mis à part la chaîne d’approvisionnement, le simple fait d’embaucher des salariés à plus de 20 $… Si vous pouvez gagner 20 $ l’heure dans un Starbucks climatisé et fumer la marijuana pour vous détendre, ça ne vaut pas le coup d’aller construire des navires de guerre, n’est-ce pas? C’est vraiment difficile pour eux, et je leur suis reconnaissant. L’autre information que j’aimerais souligner et pour laquelle je tiens à vous féliciter, c’est que le Government Accountability Office (GAO) a publié un rapport sur le sous-marin de classe Columbia cette semaine.
Cela vaut la peine de le lire pour plusieurs raisons. Premièrement, il y a eu une version de ce rapport plus tôt cette année qui n’a pas été tout à fait divulguée. Je l’ai remarqué et j’ai fait une blague sur le titre. Le rapport n’a pas été publié. Le GAO travaille avec la Marine depuis, je crois, le mois de juillet, à la rédaction d’une version grand public du rapport. Mais la seule chose que je dirais, c’est que le GAO estime que les dépassements de coût réels sont de cinq à six fois plus élevés que les estimations de la marine et de Electric Boats. Et l’autre chose que je dirais, c’est que j’ai été surpris. Le commentaire de Calvert au sujet de l’année précédente évoquait des dépassements concernant les sous-marins actuellement commandés. Mais je pense qu’à l’avenir, la Marine souhaite se doter d’une flotte de 12 Virginias, soit deux navires Block V, puis dix blocs Block VI l’an prochain, puis cinq Colombias, qu’elle a l’intention d’acheter à raison d’un bâtiment par année.
C’est un contrat énorme. Si déjà les sous-marins déjà commandés coûtent plus cher en raison de la main-d’œuvre, je n’imagine même pas ce que ça va donner à l’avenir. Et puis on devient plus efficace, etc. Mais je dirais simplement que les trois composantes de la triade stratégique et le programme GBSD coûtent plus cher. Et il semblerait bien que les sous-marins de classe Colombia vont aussi coûter davantage. Et la seule raison pour laquelle le B-21 n’est pas plus onéreux, c’est que Northrop s’est engagé à le produire à prix fixe. La demande augmente donc, mais le budget ne suit pas nécessairement. On a beaucoup discouru sur la construction navale, et je pourrais en parler toute la journée. Avez-vous quelque chose à ajouter?
Aaron Mehta :
Oui, la seule chose que je dirais… Bon, en fait, il y en a deux. D’abord, il faut noter que la Marine a attribué quelques contrats au groupe Blue Forge Alliance, dont vous avez probablement vu les publicités lors des courses de voitures ou des matches de baseball ou de football. Je crois qu’ils ont décroché dernièrement un contrat à 900 millions de dollars, et c’est le deuxième ou troisième contrat de cet ordre qu’ils ont obtenu. Et le but, c’est précisément d’inciter à aller travailler sur les chantiers maritimes. La Marine est assurément au courant et essaie au moins d’aider. Je veux aussi rebondir sur vos commentaires sur les ventes militaires à l’étranger. En plus de l’important carnet de commande de matériel, il y a des difficultés de production dans à peu près tous les domaines en ce moment. Alors, comment faire en sorte de produire suffisamment pour répondre aux demandes de matériel militaire de l’étranger, mais aussi au niveau national? Je pense que c’est un problème qu’on a tendance à oublier et dont on n’a pas parlé, car la demande étrangère a pris de l’ampleur après l’invasion de l’Ukraine. Et je pense qu’on va commencer à en parler beaucoup plus au cours de la prochaine année.
Roman Schweizer :
Oui, non, je veux dire… C’est juste une idée en passant. Il y a beaucoup de rumeurs au sujet des Jeux olympiques et de l’invasion de l’Ukraine, selon lesquelles Xi Jinping n’a jamais été consulté lorsque Vladimir Poutine a attaqué Ukraine. Or, à la place de M. Xi, vous devez soutenir Poutine, bien sûr, parce que c’est votre acolyte. Mais le résultat, c’est que les États-Unis ont eu un déclic. Sans parler de l’Europe, dont la capacité industrielle de défense était atrophiée, qui a réalisé de grands investissements. C’est essentiellement dû à Poutine. On voit bien que les États-Unis se concentrent davantage sur le Pacifique, et sur Taïwan, et renforcent leurs capacités en vue d’une possible invasion que certains au département de la Défense entrevoient en 2027. Si Xi Jinping avait des vues sur Taïwan, ce n’est vraiment pas de chance. Je ne dis pas que c’est le cas, mais c’est le bruit qui court. Messieurs, on a parlé de budget, de géopolitique, des différents services. C’est le moment de conclure. Merci beaucoup. On se reprendra!
Ce balado ne doit pas être copié, distribué, publié ou reproduit, en tout ou en partie. Les renseignements contenus dans cet enregistrement ont été obtenus de sources accessibles au public, n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante de la part de Valeurs Mobilières TD, pourraient ne pas être à jour, et Valeurs Mobilières TD n’est pas tenue de fournir des mises à jour ou des changements. Toutes les références aux cours et les prévisions du marché sont en date de l’enregistrement. Les points de vue et les opinions exprimés dans ce balado ne sont pas nécessairement ceux de Valeurs Mobilières TD et peuvent différer de ceux d’autres services ou divisions de Valeurs Mobilières TD et de ses sociétés affiliées. Valeurs Mobilières TD ne fournit aucun conseil financier, économique, juridique, comptable ou fiscal ou de recommandations dans ce balado. Les renseignements contenus dans ce balado ne constituent pas des conseils de placement ni une offre d’achat ou de vente de titres ou de tout autre produit et ne doivent pas être utilisés pour évaluer une opération potentielle. Valeurs Mobilières TD et ses sociétés affiliées ne font aucune déclaration ou ne donnent aucune garantie, expresse ou implicite, quant à l’exactitude ou à l’exhaustivité des déclarations ou des renseignements contenus dans le présent balado et, par conséquent, déclinent expressément toute responsabilité (y compris en cas de perte ou de dommage direct, indirect ou consécutif).
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer s’est joint au Groupe de recherche de Washington de TD Cowen en août 2016 pour s’occuper des questions de politique de défense. Il a auparavant occupé des postes chez Guggenheim Securities et MF Global. Le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen a récemment été nommé premier dans la catégorie Institutional Investor Washington Strategy. Le Groupe a toujours été classé parmi les meilleures équipes de macro-politique au cours de la dernière décennie. M. Schweizer compte plus de 15 ans d’expérience à Washington (D.C.), où il a occupé les postes de représentant officiel des acquisitions gouvernementales, de consultant sectoriel et de journaliste.
Avant de se joindre au Groupe de recherche de Washington, il était un professionnel en acquisition dans le cadre du programme Littoral Combat Ship de la U.S. Navy. Auparavant, il dirigeait une équipe qui fournissait un soutien stratégique en matière de communications au Congrès et dans les médias aux hauts dirigeants de la Navy dans le cadre de programmes d’acquisition de navires de grande envergure. M. Schweizer a également offert des conseils sur les secteurs de la défense, de l’aérospatiale, de la sécurité intérieure et des marchés technologiques aux clients de Fortune 100 au nom de DFI International et de Fathom Dynamics LLC.
Il a été publié dans Inside the Navy, Inside the Pentagon, Armed Forces Journal, Defense News, ISR Journals, Training and Simulation Journal, Naval Institute’s Proceedings et Navy League’s Seapower.
M. Schweizer est titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’American University de Washington (D.C.).