Les possibilités sont illimitées : nouvelles de Washington et points à retenir de Farnborough
Animateur : Roman Schweizer, directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Invités : Tony Bertuca, rédacteur en chef, Inside Defense; Aaron Mehta, rédacteur en chef, Breaking Defense; Robert Wall, directeur de la rédaction, Aviation Week; Richard Aboulafia, directeur général, AeroDynamic Advisory
Dans cet épisode, Roman Schweizer, analyste, Géopolitique et Défense, Groupe de recherche de Washington de TD Cowen, anime une table ronde avec les rédacteurs en chef Tony Bertuca de Inside Defense, Aaron Mehta de Breaking Defense et Robert Wall de Aviation Week. Ils discutent des plus récents sujets liés aux politiques sur la géopolitique et la défense, des points à retenir du meeting aérien international de Farnborough et des principaux programmes de production d’avions. Écoutez aussi notre conversation avec l’invité vedette Richard Aboulafia, expert renommé de l’aviation civile et militaire d’AeroDynamic Advisory.
En-têtes de chapitre : | |
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Table ronde des rédacteurs en chef | |
01:28 | Principaux points à retenir du sommet de l’OTAN et de Farnborough |
07:30 | Influence du nouveau gouvernement britannique sur la défense |
12:10 | Sociétés sud-coréennes du secteur de la défense à Farnborough |
16:37 | Nouvelles de Washington et perspectives budgétaires pour l’exercice 2025 |
22:06 | Réflexions sur les avions de combat collaboratifs |
29:28 | Ce qui est sous-évalué ou ce qui est prévu |
Conversation avec l’invité vedette | |
36:15 | Point de vue actuel du marché de l’aérospatiale |
39:50 | Adoption de la robotique et nouvelles techniques de fabrication |
41:50 | Taux de production d’avions de chasse |
44:40 | Discussion sur le AIM-174 |
47:10 | Réflexions sur le Global Combat Air Programme (GCAP) |
51:28 | Perspectives sur le programme Next Generation Air Dominance (NGAD) |
57:00 | Accent de Farnborough sur les moteurs |
Ce balado a été enregistré le 29 juillet 2024.
Richard Aboulafia :
Oh, mon Dieu, avez-vous vu le budget stratosphérique des services? La facture va être salée; je pense aux avions F-35A, KC-46, B-21, T-7 et au système GBSD. Il va falloir faire des choix.
Roman Schweizer
À l’affût de l’information qui circule du département de la Défense au Congrès et de la Maison-Blanche à Wall Street, le balado « Ce qu’il faut savoir sur la sécurité nationale » présente sans filtre des discussions et des prévisions éclairées sur les principaux enjeux de l’heure en matière de sécurité nationale et de défense. Nos commentateurs se lancent dans une table ronde sur les principaux enjeux de sécurité nationale à Washington. Je suis en compagnie d’une brochette aussi étincelante que chevronnée de commentateurs et de journalistes : Tony Bertuca, d’Inside Defense, Aaron Mehta, de Breaking Defense, et Robert Wall, d’Aviation Week. Ils couvrent Washington et le Pentagone depuis des années et leurs sources d’information sont solides. Merci de vous joindre à nous. J’entre dans le vif du sujet. La première question s’adresse à Aaron Mehta. Vous connaissez plutôt bien le salon de Farnborough. Vous avez aussi couvert largement le sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Washington ce mois-ci. Sans faire de lien entre les deux, parlez-nous de vos principales constatations. Comment s’est passé le sommet de l’OTAN? A-t-il eu des retombées? Et, à propos de Farnborough, avez-vous senti cette bonne volonté européenne, et quelle était l’ambiance?
Aaron Mehta :
Pour le sommet de l’OTAN, il faisait chaud et humide à Washington; le centre-ville était difficile d’accès en raison du cordon de sécurité. Mais c’était vraiment intéressant et, à certains égards, honnête. On devait souligner le 75e anniversaire de l’OTAN et lui en souhaiter autant à venir, mais la possible victoire de Trump a monopolisé la conversation. Le sommet a eu lieu environ une semaine après le débat désastreux de Joe Biden. Tout à coup, on aurait dit que l’élection ne pouvait se solder que par la victoire de Trump. De nombreuses délégations ne se cachaient pas pour dire qu’il fallait dépenser plus. Elles ont aussi pris leur bâton de pèlerin afin d’obtenir des entrevues et des rencontres à la Heritage Foundation avec des membres de l’équipe Trump pour s’entendre dire par l’arrière-garde : « Oh, mon Dieu, on pense que Trump va gagner. Comment va-t-on gérer ça?»
C’était avant que le président Biden abandonne la course. Évidemment, les choses ont changé sur le plan électoral. Mais un réel pessimisme était palpable en parlant aux Européens lors du sommet. Ça devait être une grande célébration de l’OTAN, mais on sentait une réelle appréhension. On a conclu quelques ententes intéressantes, entre autres le Pacte de collaboration sur les brise-glaces entre la Finlande, le Canada et les États-Unis. Il y a eu aussi des annonces sur les armes pour l’Ukraine. Mais, en fait, l’issue de l’élection au mois de novembre était au centre des discussions. Et ça s’est insinué en partie à Farnborough. Par nature, le salon n’est pas aussi politisé, mais bien du monde à Farnborough se demandait : « Que va-t-il se passer si Trump l’emporte? Est-ce que ça va influencer le contexte d’investissement en Europe? À quel point les Européens sont-ils prêts à augmenter leur budget de défense? » Ce genre de questions et de craintes quant à l’avenir de la relation transatlantique constitue une tendance et un fil conducteur au sein de l’OTAN, et ç’a déteint sur Farnborough.
Roman Schweizer
Eh bien, tout le monde va être sur les dents en novembre, peu importe que l’on soit Américain ou d’une autre nationalité. Tony ou Robert, voulez-vous ajouter quoi que ce soit, en particulier à propos de l’OTAN? Avez-vous des réflexions à ce sujet avant qu’on aborde Farnborough?
Robert Wall :
J’ai trouvé ça très intéressant. Pour faire suite à ce qu’Aaron vient de dire, je me demande comment les Européens réagissent à tout ça. Ils ont profité de l’événement pour faire des annonces en Europe, notamment une nouvelle initiative pour des missiles. Les Européens tâchent de se regrouper pour en faire plus. On sent qu’il y a une tendance; le sujet les préoccupe depuis des décennies. Les tentatives demeurent timides ou n’ont souvent pas connu beaucoup de succès. Je pense vraiment qu’il y a un sentiment d’urgence, et ce n’est pas seulement en raison de la guerre en Ukraine. C’est aussi à cause de ce qui se passe ou de ce qui pourrait se passer aux États-Unis.
Ironiquement, d’une certaine façon, ça pourrait être presque une bonne chose pour ceux qui craignent d’investir en Europe, parce que tout ça ne fait que renforcer le point de vue du milieu politique ici. On se dit qu’il faut dépenser plus pour la défense tout court, mais aussi pour la défense souveraine. Évidemment, ce serait une bonne chose pour le secteur de la défense d’ici.
Tony Bertuca :
Oui. Je dirais qu’Aaron a raison quand il parle de ceux qui ont pris leur bâton du pèlerin pour aller discuter à la Heritage Foundation avec des initiés de la défense et d’anciens employés du Pentagone devenus des lobbyistes et des dirigeants en expansion des affaires. C’était tout à fait le cas il y a quelques semaines ou un mois. Les initiés consultaient leur fichier Rolodex pour connaître les membres de MAGA en exil qui pourraient retourner au pouvoir. Ils se demandaient comment rétablir le contact avec eux, comment accéder à leur numéro d’appel rapide, etc. C’est la direction que les choses prenaient, je pense. Tout ça a pris fin, du moins selon mes sources.
Roman Schweizer
Intéressant. La candidature de Mme Harris a relancé la course, à tout le moins, et l’écart par rapport aux attentes va se refermer.
Robert Wall :
Roman, à ce propos, ça me rappelle justement une anecdote survenue à Farnborough. La veille, j’assistais à un événement quand les médias ont annoncé que le président Biden n’allait pas briguer un deuxième mandat. D’une certaine façon, c’était étrange. Les conversations ont cessé et tout le monde cherchait à comprendre ce que ça signifiait. L’émission n’était pas commencée que l’annonce venait de changer le cours de la conversation.
Roman Schweizer
Bien évidemment. Je veux juste conclure cette discussion sur le sommet de l’OTAN en disant à quel point je suis soulagé que le gouvernement du Canada ait annoncé qu’il atteindra 2 % du PIB d’ici 2032 pour montrer qu’il fait sa part et qu’il ne restera pas à la traîne, sachant que 23 des 32 pays dépassent la norme de 2 %. Je ne sais pas. On verra ce que la prochaine administration aura à dire à ce sujet.
Tony Bertuca :
Oui. Ils ont mis les bouchées doubles.
Aaron Mehta :
Oui. Le Canada était vraiment un bouc émissaire à l’OTAN. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais les gens étaient vraiment à cran contre Ottawa, à qui on en voulait de ne pas investir assez, l’argent allant au nord.
Roman Schweizer
Oui. Non, j’ai trouvé ça plutôt étonnant. J’enchaîne avec le prochain sujet. Je m’adresse maintenant à Robert. C’est une histoire locale, pour ceux qui ne la connaîtraient pas. Robert travaille à Londres. Après son élection, le nouveau gouvernement Starmer prévoit pour le secteur de la défense un examen qui risque d’avoir des répercussions sur les dépenses et les programmes. J’aimerai vous entendre sur le sujet. Évidemment, tout ça a jeté de l’ombre sur Farnborough. Mais, selon vous, comment le gouvernement va-t-il traiter le secteur de la défense, et qu’est-ce que cet examen réserve?
Robert Wall :
Oui, c’est intéressant. Dans une certaine mesure, on a télégraphié qu’il y aurait un examen. Quelques jours après son entrée en fonction, le gouvernement est passé aux actes. On en a confié la direction à Lord Robertson, l’ancien secrétaire général de l’OTAN. Ce n’est donc pas une grande surprise. C’est peut-être même un bon signe pour la défense. On s’est tout de suite mis à la tâche. On ne veut pas attendre. Fait intéressant, lors de la Global Air Space Chief’s Conference, on a demandé au ministre des Forces armées si le Global Combat Air Program (GCAP), version britannique du programme américain Next Generation Air Dominance (NGAD), et le programme de développement d’avions de chasse auquel collaborent le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon étaient en péril. Sans trop se mouiller, il m’a répondu que l’examen venait de commencer et qu’il ne fallait inclure ou exclure aucun programme.
Et ça a créé un peu d’agitation ici, certains jugeant que le GCAP ne ferait pas long feu Et je pense qu’au cours de la semaine à Farnborough, la trame narrative a un peu évolué. Fait intéressant, M. Starmer s’est montré très discret. La sécurité était réglée au quart de tour et il n’y a eu aucun incident. Quand on compare ça à ce qui se passe habituellement à Washington... Quoi qu’il en soit, il a fait une apparition – il n’avait pas à le faire – pour montrer son engagement envers l’aérospatiale et la défense en général. Lorsque les participants ont quitté, surtout ceux du GCAP, ils se sont sentis rassurés en se disant qu’il s’agissait seulement d’un examen et qu’il n’allait pas nécessairement arriver quoi que ce soit, en bien ou en mal. Il ne fallait préjuger de rien.
Le gouvernement Starmer répète depuis le début qu’il y a en fait beaucoup d’éléments favorables au GCAP. Premièrement, on veut faire plus pour rétablir le rôle de partenaire international de la Grande-Bretagne, en l’occurrence avec l’Italie et le Japon. On veut de bons emplois, en ingénierie et éventuellement dans la production, et le GCAP répond probablement à ces objectifs. On parle de bons emplois syndiqués. D’un autre côté, bien sûr, c’est un programme coûteux et l’argent se fait rare. Il est vraiment difficile de voir comment ils vont tout payer, et pas seulement pour la défense. Mais c’était intéressant. Fait peut-être tout aussi intéressant, le sujet n’a pas monopolisé la conversation. Oui, c’était en sous-texte à Farnborough. Mais ça n’a pas occupé la discussion comme on l’aurait peut-être pensé il y a quelques années. Et ça montre peut-être un peu aussi où en est le Royaume-Uni dans l’ordre de ses priorités en matière de défense.
Roman Schweizer
C’est vrai. Non, je pense que l’examen est intéressant et, évidemment, le ministère de la Défense cherche avant tout à moderniser la marine. Les forces aériennes viennent sans doute au deuxième rang et, un peu comme ici aux États-Unis, l’armée ferme la marche. Pour ce qui est du GCAP, je vais continuer de l’appeler le Tempest jusqu’à ce qu’une personne importante me l’interdise. Et je pense que vous avez entièrement raison, Robert. C’est une occasion en or pour les partenaires industriels : BAE, Leonardo et Mitsubishi, d’élaborer un programme de développement de la sixième génération d’avions qui seront fabriqués par centaines. Comme vous l’avez mentionné, ça cadre probablement bien avec ce que le gouvernement aimerait voir.
Robert Wall :
Oui. Et vous avez raison pour le programme Tempest. Les gens y reviennent lentement. Mais, autre point intéressant à souligner, l’une des politiques de sécurité nationale clairement énoncées vise à « rétablir la relation avec l’Europe après le Brexit, et plus précisément avec l’Allemagne ». Il y a tellement de questions à propos du programme entre la France, l’Allemagne et l’Espagne visant à développer le système de combat aérien du futur, le SCAF. On se demande, en cas de difficulté, si on va inviter les Allemands à participer au programme Tempest. Il y aura beaucoup de choses à surveiller dans les mois et les années à venir.
Roman Schweizer
Je poursuis sur le thème de Farnborough. Aaron, vous avez écrit un article sur certaines initiatives de Hanwha, une société sud-coréenne du secteur de la défense. Et je crois comprendre que d’autres entreprises sud-coréennes étaient assez importantes. Eric, j’aimerais vous entendre sur ce que vous avez vu et sur ce que vous croyez être l’occasion à saisir aux yeux de Hanwha.
Aaron Mehta :
Oui. Hanwha propose un prototype de moteur. La société estime que si elle trouve un partenaire industriel, elle va pouvoir mener le projet à terme en neuf ans. Son prototype devrait avoir une capacité et une poussée comparables à celles du moteur GE 404, qui équipera le KF-21. Hanwah espère fabriquer d’autres pièces pour le KF-21 et peut-être aussi pour les drones. La technologie pourrait aussi propulser les navires militaires. Le moteur lui-même est loin d’être prêt. Ça le rend moins intéressant qu’un modèle local, ce qui est un peu le Saint-Graal de l’aviation militaire pour les pays qui tentent de se tailler une place dans le milieu.
Mais ça s’inscrit dans le contexte plus large de Hanhwa et du secteur de la défense, qui est en plein essor en Corée du Sud depuis deux ans. Le pays, un exportateur de deuxième ou troisième rang, a livré à la Pologne des commandes importantes d’obusiers, de véhicules chenillés et d’avions d’entraînement avant de signer un énorme contrat de véhicules sur roues pour le combat d’infanterie en Australie, battant ainsi Rheinmetall. Tout à coup, la Corée du Sud est devenue un gros exportateur en défense. Elle ne se gêne pas pour dire qu’elle cible les programmes de l’armée américaine et qu’elle veut percer le marché américain. Les tensions avec la Corée du Nord expliquent en partie pourquoi la Corée du Sud a toujours entretenu une forte capacité de production d’obusiers et d’obus. Ces armes sont très populaires depuis la guerre en Ukraine. La Corée du Sud en a profité. De plus, le gouvernement offre beaucoup de soutien à certaines de ces entreprises désireuses de se lancer dans l’exportation. Ç’a aussi aidé.
Mais je pense que la Corée du Sud va être assez présente aux grands salons consacrés à la défense. J’ai pu le constater dans le hall d’exposition 4 à Farnborough. Les représentants sur place m’ont dit que Hanhwa songeait à accroître sa participation. Ils avaient l’impression qu’ils auraient pu sortir le grand jeu. Ils disaient ne pas avoir assez d’espace pour les réunions prévues. On va probablement les voir au symposium de l’AFA. Je sais que Hanhwa va être très présent au salon de l’AUSA. Et je pense que ça va être la même chose pour la suite. Je veux aussi revenir un instant sur le GCAP, parce que ça m’a bien amusé. Ils ont dévoilé le GCAP Tempest, ou peut-être que c’est-le SCAF; on s’y perd dans tous ces acronymes. Ce sont deux choses distinctes.
La nouvelle version de ce à quoi le Tempest va ressembler paraît tout droit sortie de la bande dessinée Son of Vulcan : de grandes ailes déployées, beaucoup plus grandes qu’au précédent salon à Farnborough lors du dévoilement initial. Mais si on regarde la maquette de plus près, on voit que les ailes sont retenues par du ruban à conduits peint. C’est peut-être une bonne analogie par rapport à ce qu’on a entendu dire sur le programme cette semaine, parce que, comme Robert l’a dit, tout le monde se demandait si ça signifiait que le programme n’était pas protégé durant l’examen de la conception du système.
Je pense, comme Robert, que le gouvernement a su corriger le tir en partie. Mais, il y a encore beaucoup de questions sur l’avenir du GCAP, simplement à cause du prix et aussi parce que la US Air Force hésite à préciser à quoi le programme NGAD va ressembler. Ces deux programmes sont tout à fait distincts, mais visent la même architecture de dissuasion. Les planificateurs britanniques, italiens et japonais échangent avec leurs homologues américains, qui disent : « Hé, cette idée ne fonctionnera pas vraiment. » On peut présumer que ça va influencer les autres programmes.
Roman Schweizer :
Très bien. Tout ça se tient. Mais je continue de douter que le programme NGAD soit voué à l’échec. Je pense toujours que c’est davantage le coût de certaines propositions qui risque d’ébranler la US Air Force. Une fois que Lockheed et Boeing ont chiffré exactement les exigences de la US Air Force, les gestionnaires du budget ont sans doute sursauté. La conversation se déroule à un train d’enfer. Je voudrais faire intervenir Tony pour parler de ce qui mijote à Washington cette semaine. Assurément, le comité sénatorial des finances va délibérer à la fin de la semaine. La commission sur la stratégie de défense nationale va tenir audience. Qu’en pensez-vous? Ensuite, le Congrès prend congé le mois prochain après avoir siégé autant d’heures. Tony, à quoi peut-on s’attendre à Washington sur le plan législatif?
Tony Bertuca :
Oui. Après s’être couverte de gloire, la Chambre des représentants prend une pause une semaine plus tôt, mais le Sénat continue de siéger. Le comité sénatorial des finances va discuter jeudi, entre autres projets de loi, de celui sur la défense. Selon l’entente conclue entre républicains et démocrates, 21 milliards de dollars devraient servir à constituer un fonds d’urgence pour la défense. On soutient que, techniquement, ça ne dépasse pas le plafond imposé par la Fiscal Responsibility Act. Mais, oui, c’est 21 milliards de plus que le plafond. Et je pense que 13,5 milliards de dépenses autres que pour la défense ont permis de dégager une certaine marge sur les 21 milliards. On va connaître les détails jeudi de cette semaine. Pour ce qui est des rajustements aux dépenses, le comité sénatorial des forces armées participe à une audience de la commission de la stratégie de défense nationale. Ce qu’on entend de la part de cette commission bipartite, un peu comme à la dernière commission en 2018, c’est que les dépenses militaires doivent afficher une croissance réelle de 3 % à 5 % chaque année.
Évidemment, ce n’est pas ce qu’on observe avec le budget de la défense. Et si vous vous souvenez, le regretté sénateur Jim Inhofe brandissait tout le temps le rapport sur la stratégie de défense nationale pendant les audiences. Le prochain a déjà été dévoilé et sera discuté jeudi. C’est le genre de document que le sénateur brandirait encore s’il était toujours là. Il y aura encore beaucoup de discussions sur les dépenses militaires. Mais tout le monde sait que, à moins d’un miracle, une résolution temporaire risque fort d’avoir été adoptée quand le Congrès reprendra ses activités. Et aucun des niveaux de dépenses, militaires ou autres, ne sera déterminé avant les élections. Mais, au moins, jeudi, le comité sénatorial des finances va présenter son offre initiale. Le montant est un peu inférieur à ce qu’autoriserait le projet de loi du comité sénatorial des forces armées. On voulait autoriser un dépassement de 25 milliards de dollars du plafond fixé par la Fiscal Responsibility Act, alors que le montant atteint 21 milliards pour le comité sénatorial des finances.
Roman Schweizer
J’aimerais entendre Aaron et Robert sur le sujet. Et, malgré les rumeurs, je ne défends pas cette croissance de 3 % à 5 % des dépenses militaires. Mais je pense qu’il y a, tant chez les républicains que chez les démocrates, un mouvement qui soutient la croissance continue des dépenses militaires, peu importe si les autres dépenses doivent en égaler le montant. On verra bien. Et Tony, à propos de l’ancien sénateur Inhofe, l’actuel sénateur Roger Wicker a rapidement pris le relais en demandant que 5 % du PIB soient consacrés à la défense et qu’on accorde un surplus de 50 ou 55 millions, je crois. De ce point de vue, il a fait preuve d’ambition dès le début. Aaron ou Robert, vous avez peut-être des réflexions sur la trajectoire générale des dépenses militaires ou sur ce qui se trame ici à Washington pour l’année prochaine.
Aaron Mehta :
Oui. Sans vouloir plagier le groupe Green Day, je vous demande de me réveiller à la fin de novembre. On verra après la résolution temporaire, qui va probablement nous amener à la fin de janvier. Il faut attendre de voir la composition du Congrès et ce qu’il est prêt à faire à ce moment-là.
Robert Wall :
Je note que, depuis des années, les dépenses militaires mondiales augmentent surtout au rythme des États-Unis; les autres pays n’en font pas autant. Curieusement, pour une rare fois, les États-Unis cèdent la place cette année. Les dépenses militaires américaines sont relativement stables; la hausse dans le monde est largement attribuable à d’autres pays. Jusqu’à un certain point, les Européens se contentent de combler les besoins. De toute évidence, c’est qui se passe en Asie. Je ne suis pas sûr que ce soit significatif à long terme, mais c’est une anomalie étrange.
Roman Schweizer
Oui, votre observation est juste. Du point de vue des investisseurs ou, du moins, des stratèges qui envisagent le secteur à long terme, il y a un certain risque associé à ce que le Congrès ou l’administration américaine, que ce soit Biden, Harris ou Trump, fera à propos du soutien financier à l’Ukraine. Il faut noter que le président Vladimir Zelinsky s’est entretenu au téléphone avec Donald Trump. On verra si l’appel s’est bien déroulé. Mais, au moins, on discute et on réfléchit peut-être à long terme à ce que pourrait signifier une solution négociée ou un cessez-le-feu dans ce conflit. Ça s’applique aussi au soutien à l’Ukraine, au renforcement de ses défenses, au rôle des entreprises américaines, etc.
D’accord. Autre sujet... J’aimerais revenir sur nos échanges précédents. À ce que je comprends, on a beaucoup discuté à Farnborough des avions de combat collaboratif (ACC), sujet pour lequel les États-Unis manifestent un certain intérêt. Robert, je vous cède la parole. On verra ensuite ce que chacun pense dans ce dossier.
Robert Wall :
Oui. Ç’a été certainement le sujet de l’heure. Mais, en parlant à une douzaine de personnes, Aaron et moi on a sans doute obtenu deux fois plus de points de vue. On dirait que tout le monde était d’accord, tant l’industrie que les clients, sur l’importance des ACC. L’enjeu est énorme. Ces appareils peuvent transformer la dynamique, tant du point de vue industriel que militaire. Mais on ne s’entend pas, semble-t-il, sur leur vocation. Et, curieusement, ça s’est reflété du côté industriel quand une prise de bec a éclaté après l’attribution par la US Air Force d’un contrat pour des ACC de première génération à Anduril et General Atomics. Un dirigeant de Northrop a pris la parole en disant : « Il faut viser plus haut de gamme », ce qui revenait à insulter les concurrents tout en essayant de rapprocher les exigences des forces de l’entreprise.
Mais, comme je l’ai dit à des clients, il faut aussi faire la distinction entre les drones remplaçables (qu’on ne prévoit pas récupérer), attritionnables (qu’on pense récupérer, mais qui pourraient être abattus) et « exquis » (qui s’approchent d’un avion de combat haut de gamme, mais sans pilote). Il y a tellement de débats pour savoir à quoi s’en tenir, à quoi correspond le cadre financier idéal et quels appareils peuvent faire le travail sur le plan opérationnel. Selon certains adeptes du haut de gamme : « Peu importe le nombre de drones bon marché déployés, ils vont tous être abattus. Ça ne change pas vraiment l’équation. » C’est un débat fascinant qui est loin d’être terminé. Mais je serais curieux de savoir comment Aaron interprète la chose.
Aaron Mehta :
Oui. Le résumé est assez juste. Tout le monde a une idée de ce que les drones devraient faire, des missions qu’ils devraient remplir, du montant qu’ils devraient coûter et de la façon qu’il faut les construire. Mais, personne ne s’entend sur aucun de ces points. Le problème remonte en partie au message initial envoyé par la US Air Force, pour qui les drones seraient attritionnables et [inaudible 00:24:48] nous pourrions lancer. Au fil du temps, on en est venu à dire que ces appareils allaient coûter plus cher et qu’ils n’étaient pas en fait attritionnables parce que ce sont pour ainsi dire de petits avions vendus quelques centaines de millions de dollars chacun, etc. Puis, on se retrouve avec des systèmes « exquis » capables de mener une mission à longue portée en Chine, mais qui ne sont plus vraiment attritionnables, même si on parle encore de leur confier un ensemble de missions.
Et il semble y avoir un réel décalage, du moins entre la US Air Force et les fonctionnaires, quand ils en parlent. Quand on observe toutes les autres armées dans le monde, chacun semble avoir sa petite idée. En visitant le salon de Farnborough, on pouvait constater que les ACC en montre, du moins du côté européen, n’étaient pas des systèmes Sheep. C’est révélateur. Ces systèmes « exquis » haut de gamme de [inaudible 00:25:43].
Et les options proposées par les entreprises en disent long, du moins sur ce qu’elles croient entendre des gouvernements en privé au sujet des exigences à respecter. Ça ne correspond pas à la mission publique décrite ces dernières années par les fonctionnaires, surtout du côté de la US Air Force, mais aussi ailleurs. Comment les entreprises vont-elles pouvoir rapprocher l’idéal de la réalité et rentabiliser leur projet? La question va peser lourd.
Robert a tout à fait raison de souligner les commentaires de Northrop, qui a déclaré au cours des 18 derniers mois : « On ne va pas concurrencer des systèmes bon marché, mais plutôt proposer des modèles « exquis », haut de gamme. » Anduril et General Atomics ont décroché la première tranche du contrat, mais il y en aura une deuxième. Personne ne sait vraiment quelle va être la différence entre les deux. On peut aussi bien aller dans le plus haut de gamme que l’inverse. On verra bien. Mais les ACC suscitent beaucoup d’enthousiasme. Tout le monde veut être du projet Loyal Wingman et obtenir sa part du gâteau. Pourtant, personne ne semble vraiment comprendre de quoi il s’agit.
Robert Wall :
Je suis tout à fait d’accord. En particulier, avec l’idée que tout le monde veut sa part du gâteau. Chez les fabricants, tout le monde lance des idées : des moteurs gonflés pour missiles de croisière jusqu’aux modèles perfectionnés légèrement détarés pour avions de chasse. L’appétit est là malgré l’incertitude.
Tony Bertuca :
Et, Roman, vous avez parlé des coûts élevés. Voilà le fond du problème. On tente d’établir un plan quinquennal à partir de l’exercice 2026, alors que les coûts du système Sentinel ont explosé de 81 % et que, selon les projections, il faudra dépenser plus de 2000 milliards de dollars pour le F-35 durant sa vie utile. C’est pourquoi on veut prendre un temps d’arrêt avant de déterminer toute forme d’engagement pour les cinq prochaines années. Les coûts viennent brouiller les cartes.
Roman Schweizer
C’est certain. La US Air Force n’a pas les moyens de ses ambitions. Aaron, vous avez cité le groupe Green Day. Je vous relance avec le film Zoolander en disant que les ACC sont en feu en ce moment. Je tiens à souligner une autre chose qui ne me dérange pas vraiment, mais que je n’ai jamais oubliée. En novembre 2017, un drone MQ-9 Reaper a abattu pour la première fois, je crois, un drone cible à l’aide d’un missile AIM-9X Sidewinder. Le 20 septembre, la US Air Force a déclaré qu’un MQ-9 avait utilisé un missile AIM-9X pour abattre un drone cible en simulant un missile de croisière. Il faut savoir que General Atomcis fabrique le drone MQ-20. La US Air Force en a acheté six ou sept, je pense, et les cache à la base aérienne Wright-Patterson pour en faire on ne sait pas trop quoi.
Les ACC, c’est très bien. Ça montre publiquement la capacité d’innover de la US Air Force. Mais je serais vraiment étonné d’apprendre que ça ne joue pas du coude en secret défense. Je lance l’idée comme ça, sans attendre de commentaires. Ces capacités existent et leur coût est assez élevé par rapport aux chasseurs de quatrième et cinquième génération. J’espère simplement qu’on cherche à déployer cette capacité un peu plus rapidement qu’on le croit en général. D’accord, messieurs, on est dans les temps. J’enchaîne avec le segment où je demande à chacun de frapper le plus fort possible en soulignant quelque chose qui est sous-estimé, quelque chose auquel vous avez hâte dans votre calendrier et quelque chose qui devrait retenir l’attention, selon vous. N’importe qui peut se lancer le premier.
Robert Wall :
Je veux bien me sacrifier. On a beaucoup parlé des programmes NGAD et GCAP. Durant la conférence téléphonique sur les bénéfices de Northrop, une question m’a vraiment frappé à propos de la US Navy et de son programme F/A-XX, auquel on a souvent retiré des fonds. J’ai trouvé intéressant d’entendre la chef de la direction de Northrop, Kathy Warden, dire qu’elle a l’impression ou qu’elle croit que le programme suit son cours, malgré toutes les discussions, et qu’il devrait remporter un prix l’an prochain. Je suis ça de près.
Roman Schweizer :
Très bien, merci. J’accorde des points en primes dans le cas d’une mise à niveau du Super Hornet. On verra bien. D’accord, à qui le tour, maintenant?
Robert Wall :
Dans sa version améliorée, ce sera le Super Duper Hornet.
Roman Schweizer :
Bien dit. N’oubliez pas d’enregistrer vos droits d’auteur. Le Super Duper Hornet. J’adore! Très bien. Tony, c’est à vous.
Tony Bertuca :
Oui. La semaine dernière, le sous-comité de surveillance de la Chambre des représentants a tenu une audience sur le dysfonctionnement du système d’acquisition du ministère de la Défense, en particulier les programmes d’acquisitions majeures en défense (MDAP). Tout le monde s’en est pris aux F-35, aux LCS et à la classe Ford. Les législateurs étaient à bout de nerfs. Mais il n’y avait personne du ministère de la Défense avec qui discuter durant l’audience. Ils voulaient qu’on leur rende des comptes, mais il n’y avait aucun interlocuteur que l’on pouvait tenir responsable. En fait, ils discutaient avec des experts externes : Brian Clark, de l’Hudson Institute, McKenzie Eaglen, de l’American Enteprise Institute, et Moshe Schwartz, de la National Defense Industrial Association. Il y avait aussi un représentant de groupe « Project On Government Oversight ». Ils demandaient aux experts ce qu’il fallait faire, quelle était la solution. À la fin, un législateur, Steven Lynch, du Massachusetts, a déclaré : « C’est vraiment formidable de tenir ces audiences. Mais peut-être qu’on devrait essayer de faire quelque chose; il faut passer à l’action. »
Un membre du Congrès, Steve Rothman, qui présidait le sous-comité, a déclaré : « J’espère sincèrement que le House Armed Services Committee porte attention à ce que nous faisons ici, parce que c’est lui qui rédige la National Defense Authorization Act (NDAA), et non le groupe « Project On Government Oversight. » En terminant, je souligne que cette audience aurait normalement eu beaucoup de visibilité. Mais, vu le moment de l’année où elle s’est déroulée, il n’y avait personne du département de la Défense. Peu de monde surveillait ça. En plus, c’est tombé le jour où Nétanyahou est venu donner une conférence. Les gens à qui j’ai parlé étaient un peu surpris et disaient : « Ah bon, comment c’était? » Ça montre à quel point les programmes MDAP représentent un casse-tête pour le Pentagone en ce qui a trait aux coûts, au calendrier et à la mise en place.
Roman Schweizer :
Oui. Tout un chacun y est allé de ses doléances. Mais, comme vous l’avez mentionné, c’est un moulin à vent contre lequel on se bat depuis longtemps, malheureusement. Aaron, avez-vous un commentaire avant de conclure?
Aaron Mehta :
Il y a quelques semaines, le Defense Innovation Board a publié un rapport dans lequel il recommande notamment de recréer l’ancien bureau AT&L (Acquisition, Technologie et Logistique), qui avait été scindé en vertu de réformes menées au Congrès par John McCain en 2016. C’est ce qui nous a donné les sous-secrétaires à l’acquisition et au maintien en puissance, à la recherche et à l’ingénierie. Le Defense Industrial Base (DIB) demande qu’on revienne à un seul bureau. En fin de compte, c’est un retour vers le futur pour nous tous. Tony a suivi le dossier de près à ce moment-là, comme moi. C’est un peu un coup de barre, parce que les arguments avancés pour justifier la fusion des deux bureaux sont les mêmes qui ont servi à expliquer pourquoi il fallait scinder le bureau en deux.
Le BID exerce une influence sans avoir de réel pouvoir. À quoi peut-on s’attendre? Je ne sais pas. Mais c’est quelque chose que je ne comprends pas trop. Je revois Frank Kendall, le dernier dirigeant du bureau AT&L et l’actuel secrétaire de la US Air Force. Assis à son bureau, il avait l’air de se dire en lisant l’information qu’il avait raison depuis le début. On va surveiller ça. Au risque de me répéter, je ne sais pas à quoi on peut s’attendre. Mais cette histoire a retenu mon attention. Et je pense à ce que Tony a dit au sujet de l’audience. Il flotte dans l’air cette impression qu’on n’a toujours pas de bureau d’acquisition et qu’il faudrait peut-être faire les choses différemment. Il s’agit peut-être de revenir à ce qu’on faisait auparavant.
Roman Schweizer :
Oui. La boucle est bouclée quand on s’associe au comité de surveillance de la Chambre des représentants pour scruter les programmes boiteux du ministère de la Défense. Je dirai simplement que ce sera intéressant à voir... Ça peut aller dans tous les sens... Mais si Donald Trump est élu prochain président, son choix à la tête du département de la Défense et aux acquisitions va refléter son point de vue sur le F-35 dès le début de son mandat. Il faut se rappeler les ententes de prix réduit qu’il a soutirées à Dennis Muilenburg chez Boeing. Certaines pressions pourraient favoriser une réforme ou des changements en matière d’acquisition. Mais on verra. Messieurs, on aurait pu continuer, mais le temps file. La discussion était fantastique. Je vous remercie beaucoup de votre temps et de vos réflexions. On se reprendra!
J’enchaîne maintenant avec les programmes américains et étrangers de défense aérospatiale. Pour cette discussion de fond, je suis en compagnie de mon bon ami Richard Aboulafia, directeur général d’AeroDynamic Advisory et sommité en aéronautique. En plus de travailler comme conseiller auprès des plus grandes entreprises commerciales et de défense du monde, il publie une lettre mensuelle sur son site Web éponyme. Dans sa lettre de juin publiée au début de juillet, il évalue la situation actuelle des principaux programmes de défense aérospatiale aux États-Unis. Maintenant qu’il a visité Farnborough, je voulais discuter avec lui des programmes américains et étrangers de défense aérospatiale.
Richard, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci de vous joindre à nous. Avant d’entrer dans les détails, j’aimerais vous entendre sur le marché de la défense aérospatiale en général. Quel est votre point de vue sur le marché en ce moment? À quoi ressemble la demande? Quels sont les facteurs à considérer concernant l’offre? Selon vous, comment la transition a-t-elle évolué ces dernières années?
Richard Aboulafia :
Oui. Je dirais tout d’abord que je suis un peu le type qui n’a pas d’emploi parce que j’ai passé environ 35 ans comme spécialiste des marchés. Les marchés se portent bien. La demande semble très vigoureuse. Il y a bien quelques irritants, mais dans l’ensemble la demande n’a jamais été aussi forte, surtout en défense, mais aussi dans le secteur commercial. Le problème vient exclusivement de l’offre; on l’a bien senti au salon aéronautique de Farnborough. Tout repose sur la capacité de production, plutôt que sur les goûts des acheteurs. Bizarrement, à Farnborough, on surveille surtout les commandes. Pourtant, ça n’a pas vraiment d’importance. On ne peut pas obtenir ces avions de toute façon. Globalement, l’offre est limitée. Et c’est particulièrement vrai pour le maintien en puissance, l’entretien, les réparations, la révision, etc. Tant dans le secteur civil que militaire, la production est très limitée.
Roman Schweizer :
Dans quelle mesure pensez-vous que la reprise profite encore de la COVID-19? Le contexte est-il si favorable à la demande ou est-ce que la production s’était tellement atrophiée? Beaucoup d’entrepreneurs principaux et de sous-traitants se demandent si ça tient à l’embauche, à la machinerie ou à autre chose. Mais où en est la dynamique et que faudra-t-il selon vous pour produire à plein régime?
Richard Aboulafia :
En pensant à la COVID-19, les gens étaient stupéfiés et n’arrivaient pas à le croire. Il y a eu des fermetures d’usines, des difficultés logistiques et la mise à pied de nombreux travailleurs qui seraient maintenant très utiles. C’est vrai. Mais, ce qui est tout aussi important, selon moi, c’est que pour la première fois depuis presque le début de ma carrière et probablement de la vôtre, le secteur de la défense profite d’un environnement extraordinaire. Depuis trois décennies, il oscillait entre déclin et stagnation. Maintenant il revient en force, la capacité de production étant sa seule limite. Ce facteur est encore plus important que la COVID-19. Compte tenu des répercussions sur la main-d’œuvre du contexte démographique général, l’éclosion de la COVID-19 est survenue au pire moment. Bien des travailleurs en fin de carrière qui étaient censés former la relève ont préféré devancer leur retraite. Ils sont partis le cœur léger.
Et pour la toute première fois, du moins dans ma carrière, tous les autres secteurs de l’économie ont redémarré plus rapidement et avec plus de force que l’industrie aérospatiale. Normalement, on ouvre la voie. Pas cette fois-là. On s’est retrouvés les derniers à embaucher et on n’avait plus nos gens d’expérience pour évaluer les nouveaux employés. C’était une catastrophe annoncée. On le vit actuellement, et ça va prendre des années pour nous en remettre. Oui, la COVID-19 a pesé lourd, mais surtout ses effets indirects, combinés à une reprise sans précédent du secteur de la défense.
Roman Schweizer :
Oui. Évidemment, les dépenses militaires mondiales, l’angoisse, l’inquiétude, la Russie, la Chine, tout ça trahit notre âge et évoque le début de notre carrière quand on était jeunes, vigoureux et chevelus. Je sais qu’il y a une évolution dans la conception et l’ingénierie numériques. Qu’en est-il de l’adoption de la robotique ou des nouvelles techniques de fabrication? Combien de temps cette transition prendra-t-elle, le cas échéant?
Richard Aboulafia :
Oui. Après toutes ces années – et c’est vrai qu’à l’époque on n’avait pas encore de cheveux gris – je sais pour l’avoir souvent entendu qu’on vante souvent exagérément les technologies innovantes. La conception/fabrication assistée par ordinateur a certainement été utile, mais on y ajoute maintenant l’ingénierie des systèmes basée sur les modèles (MBSE) et toutes sortes de produits pour la conception numérique. C’est à se demander si on n’en vante pas exagérément les mérites. Je ne veux pas insister sur un programme en particulier, mais Boeing présente son avion d’entraînement supersonique T-7 comme l’aboutissement de la MBSE et de la conception numérique pur, rien de moins. Vous savez quoi? Les retards se sont multipliés et les coûts ont explosé. On dirait qu’un programme sur deux a éprouvé des difficultés ces dernières décennies. Je pense que le potentiel est énorme. Les choses pourraient s’améliorer, et de nouvelles technologies intéressantes risquent de voir le jour. Mais il ne faut rien exagérer.
Roman Schweizer :
Je suis bien d’accord. Je pense qu’il faut aussi que les entreprises investissent et fassent le pas. Et c’est difficile quand on s’inquiète de la rentabilité, des actionnaires ou même des flux de trésorerie disponibles.
Richard Aboulafia :
Vous avez raison. J’aimerais ajouter rapidement qu’à Saint-Louis ils ont fait des choses remarquables pour amener à l’ère numérique le F-15, un avion incroyable sorti de la planche à dessin dans les années 1970 [inaudible 00:41:33]. Mais tout le processus a grippé l’engrenage et probablement fait augmenter les coûts.
Roman Schweizer :
On n’a rien écrit ni répété, mais voilà l’occasion parfaite d’enchaîner la prochaine question. L’autre jour, en réfléchissant sur tout et sur rien comme je le fais souvent, je me suis dit que presque tous les grands programmes américains de développement de chasseurs, sauf le F-22, sont encore opérationnels. Vous avez mentionné le F-15. Le F-16 en Caroline du Sud approche du rythme de production prévu. Le F-18 progresse péniblement, mais maintient ce qu’on pourrait appeler une pleine cadence de production, soit deux appareils par mois, ou peu importe l’objectif. Et puis, le F-35 vient de réussir l’inspection. Tous atteignent la pleine cadence de production ou s’en approchent, du moins pour ce qui se trouve en usine. Que pensez-vous de la cadence? Si une guerre menace dans le monde, c’est bien d’avoir tous ces avions en production. Et comme vous l’avez mentionné, la demande est au rendez-vous. Pensez-vous que la cadence peut s’accélérer? À quoi va-t-elle ressembler dans cinq ans pour ces appareils?
Richard Aboulafia :
Oui, je vois. C’est un exemple parfait des contraintes de production qui compliquent mes prévisions. En tenant compte des marchés, si on pouvait construire des avions en claquant des doigts, la cadence de production annuelle du F-35 pourrait atteindre facilement 230, 240 ou même 250 appareils au cours des prochaines années. Les acheteurs de F-35 au Canada, en Finlande, en Suisse et en Allemagne veulent en prendre livraison maintenant. Mais, ils doivent prendre leur mal en patience; même la US Air Force les reçoit au compte-gouttes. Même si on écarte la mise à jour logicielle TR3/Block 4 et les retards, et qu’on relance la production, il faudrait être très chanceux pour atteindre l’objectif de 156 appareils dans un an. C’est un excellent exemple. Dans le cas du F-16, oui, on devrait en produire quatre par mois et maintenir ce rythme pendant quelques années. Ce n’est pas facile, mais on devrait y arriver.
Concernant le F-15, Israël va sans doute en commander, de même que quelques autres acheteurs ou clients récurrents. La production devrait atteindre deux ou trois unités par mois pendant un certain temps. Seul le programme du F/A-18 éprouve des difficultés aux États-Unis. Il doit prendre fin en 2027. On peut y croire. Personne ne sait ce que vos vieux copains de la US Navy vont faire. Une pénurie de chasseurs d’attaque sévit depuis quelques années, et personne ne sait comment l’enrayer; surtout que le programme F/A-XX a encore été repoussé. En Europe, l’Eurofighter reprend du poil de la bête. Dans le cas du Rafale, là aussi, si on pouvait en claquant des doigts en construire trois ou quatre par mois, mais c’est à peine si on en produit 20 par année, et le Gripen est encore en service. Seul le programme du F/A-18 est en difficulté et stagne ou n’arrive pas à progresser.
Roman Schweizer :
Comme vous le savez, je m’intéresse aux théories du complot. J’en raffole, surtout quand c’est bien ficelé. C’est mon opinion, et non celle du département de la Défense, de la Marine ou de qui que ce soit d’autre, mais je soupçonne la US Navy de vouloir abandonner le F/A-XX au profit du F-18. Et la chose que je remarque, vous l’avez peut-être aussi noté, c’est que la US Navy a récemment mis en service l’AIM-174, un missile SM-6 fabriqué par Raytheon et suspendu sous un Super Hornet, ce qui nous ramène avec nostalgie à l’époque de l’AIM-154, le missile Phoenix, qui servait à éloigner les ours et les bombardiers Backfire. Je suis vraiment surpris. C’est peut-être l’élément positif qui m’a étonné. Qu’en pensez-vous?
Richard Aboulafia :
Oui. C’est notre chance de délirer un peu sur les théories du complot et la technologie. Je me souviens que le F-14 équipé du AIM-154 a conservé pendant des années le record pour la destruction des cibles au-delà de la portée visuelle. Je dirais 130 ou 140 milles, si ma mémoire est bonne. Ce que vous dites se tient. Ce n’est peut-être pas simplement une théorie du complot. C’est peut-être aussi une hypothèse très éclairée. Si la US Navy cherche un avion de type PCA (Penetrating Counter-Air) et qu’on a affaire à un nid de Hornet dans l’environnement A2/AD, pourquoi ne pas employer des munitions tirées à distance de sécurité, comme le nouveau missile Raytheon lancé à partir de plateformes existantes. C’est peut-être la meilleure façon de protéger les groupes aéronavals et de projeter sa puissance. Ça me parait très sensé.
Roman Schweizer :
Et c’est un bimoteur, non pas un monomoteur comme le F35-C, un avion très efficace qui ne soulève toutefois pas les passions, disons. C’est malheureusement l’un de ces dilemmes que la US Navy n’arrivera peut-être jamais à résoudre.
Richard Aboulafia :
Oui, c’est intéressant. Les F-35 ont été livrés en majorité à la marine côtière, et non à la marine océanique. De toute évidence, on manifeste encore, comme vous le laissez entendre, une vive résistance à l’égard du F-35.
Roman Schweizer :
J’enchaîne avec le prochain sujet : les chasseurs de sixième génération. BAE participe au programme GCAP et collabore avec Leonardo et Mitsubishi Heavy à la mise en place d’un nouveau modèle conceptuel pour son chasseur de sixième génération. Je continue de l’appeler le Tempest. Je ne sais pas si c’est permis, mais je prends cette liberté. Que pensez-vous du GCAP et quelle était l’ambiance sur place?
Richard Aboulafia :
Depuis le dévoilement, j’appuie avec enthousiasme le concept, surtout l’alliance entre la Grande-Bretagne et le Japon, deux pays dont les exigences assez coûteuses en matière de défense aérienne s’harmonisent. En visitant le chalet de BAE à Farnborough, j’ai vu le nouveau modèle. Et je me suis dit : « Mon Dieu, c’est aussi gros qu’un monstre au cinéma ou quelque chose du genre. C’est gigantesque. » Si on ouvre grand les yeux lors d’un salon aéronautique, on arrive toujours à repérer aux abords de l’aérodrome, emmitouflé dans un anorak, un scientifique en pâmoison devant son avion. On compare l’appareil à un mini Vulcan. Ça nous ramène à l’époque du merveilleux bombardier britannique à ailes delta des années 1960, 1970, et même du début des années 1980. L’avion est gigantesque.
Toutefois, le gouvernement de Keir Starmer avait son mot à dire, et le nouvel examen stratégique va s’amorcer sous peu. C’est un poste budgétaire très important. Et, même avec l’appui des Japonais et des Italiens, qui sait, peut-être va-t-on inviter les Saoudiens; on en discute âprement. Le programme se trouve à une étape de grande vulnérabilité.
Roman Schweizer :
Je sais que vous êtes pour le moins dubitatif à l’égard des programmes collaboratifs européens. Mais c’est probablement plus à propos des programmes franco-allemands. Pourtant, voilà une excellente occasion pour BAE; vous y avez fait allusion. Les Japonais en ont vraiment besoin. Ils ont été écartés du programme de F-22. Leur participation à l’accord AUKUS reste à voir. Ils n’obtiennent pas le traitement favorable souhaité de la part des États-Unis. Mis à part l’aspect politique, cette équipe industrielle solide est capable de produire un appareil de cinquième ou en réalité de sixième génération qui pourrait être exporté, contrairement au programme NGAD.
Richard Aboulafia :
Oui, je suis tout à fait d’accord. Évidemment, le chasseur de BAE demeure un candidat de choix. L’appareil de Mitsubishi est un aspirant assez capable. Le F2 était le chasseur suivant dans l’ordre. Ensuite, il y a la question du moteur. Rolls-Royce est sans doute le seul motoriste digne de ce nom pour les avions de combat en Europe. Je déplore le courrier haineux que je vais recevoir de Safran, mais c’est en grande partie vrai. IHI travaille avec Rolls-Royce; c’est une question de détails ici. Le contrat peut-il être établi en fonction de la répartition des coûts? Que se passe-t-il lorsque des entrepreneurs fortunés, mais sans expérience ou capacité industrielle, comprenez les Saoudiens, veulent se joindre aux Italiens? Quel pourcentage vont-ils demander à Meccanica et à Avio? Qui d’autre va bénéficier de cette liberté dans le secteur de l’aviation? Les entrepreneurs américains détenteurs de financement mezzanine vont-ils être libres de se joindre au fonds, je pense à Collins, GE, etc.?
Ce sont des questions capitales. Bien sûr, il y a cet examen budgétaire, mais le potentiel est énorme. Les entreprises concernées regorgent de talents. Les exigences sont très relevées. La Force aérienne d’autodéfense japonaise et la RAF ont besoin d’appareils qui offrent davantage quant au rayon d’action, à la vitesse ascensionnelle et à la rapidité. En d’autres mots, pas un F-35. Ces contraintes exigent un appareil plus gros, comme le monstre que j’ai vu à Farnborough.
Roman Schweizer :
C’est vraiment un énorme bimoteur dans un monde où la supériorité aérienne semble avoir beaucoup d’importance.
Richard Aboulafia :
Tout à fait.
Roman Schweizer :
Je change un peu de sujet, mais on a entendu parler ici du programme NGAD pour le développement d’appareils de sixième génération aux États-Unis. Je continue de croire qu’il s’agit d’une négociation publique après le choc subi devant les coûts des propositions de Lockheed et de Boeing. Je pense aussi qu’il y a une petite différence. Le nouveau chef nommé au commandement du combat aérien a indiqué qu’une première sélection aura lieu d’ici la fin de l’année, il me semble. Et le secrétaire Kendall parle du rôle des ACC sans pilote. Les opinions divergent entre les dirigeants civils nommés à la tête des services, les généraux quatre étoiles qui ont gravi les échelons et, en particulier, les pilotes qui veulent un chasseur à manœuvrer. Qu’entendez-vous au sujet du programme NGAD? Les entreprises ne divulguent probablement pas cette information classifiée. Mais que pensez-vous des perspectives de ce programme à l’approche d’une première sélection potentielle, de l’élection, etc.?
Richard Aboulafia :
Oui. Tout d’abord, je suis de votre avis. Ça va se traduire par plus d’appareils de type PCA. Je ne peux pas croire que la culture et l’orientation des services puissent changer au point de ne pas en faire une priorité. Il y a deux problèmes qui s’expriment, l’un par une contradiction et l’autre par une source de mécontentement. Le mécontentement vient du fait qu’on se dit : « Oh, mon Dieu. Avez-vous vu le budget stratosphérique des services? » La facture va être salée; je pense aux avions F-35A, KC-46, B-21, T-7 et au système GBSD. Il va falloir faire des choix. Il n’y a pas moyen d’augmenter les rentrées pour se procurer tout ça, sans oublier le programme NGAD. Même si les choix n’étaient pas déchirants en matière de conception, de capacités technologiques et de performance, il faudrait tout de même glisser vers la droite, surtout avec l’explosion des coûts du système GBSD.
Comme je travaille dans l’aviation, ça ne me dérangerait pas que le système GBSD écope. Malheureusement, c’est un programme qui, pour des raisons immobilières, est favorable aux États républicains redécoupés. Il ne va pas disparaître. Quant à la contradiction, le secrétaire Kendall a laissé entendre que ça coûtait très cher, peut-être trop cher. D’autres auraient préféré un rayon d’action encore plus grand. On devrait approcher ou dépasser celui du Tempest. OK. Ce sont deux orientations très différentes. Moins cher et plus efficace ou plus gros et rayon d’action plus grand. Il faut choisir entre les deux. Voilà le problème.
Roman Schweizer :
D’accord, la US Air Force a du mal à définir ses exigences, ce qui est toujours un défi en soi ou une source de frustration. Sans vouloir changer de sujet, je pense qu’on oublie une chose par rapport à la guerre menée par la Russie en Ukraine, au débat que ça suscite ou aux leçons à retenir : si l’une des parties arrivait à dominer l’espace aérien, que ce soit les Ukrainiens ou les Russes, le conflit prendrait fin. La US Air Force doit absolument envisager l’achat d’un chasseur bimoteur pour dominer l’espace aérien. Et peut-être l’idée de délaisser un peu le programme NGAD. Un général de la US Air Force a proposé de mettre à niveau quelque chose comme 30 F-22 du bloc 20 au lieu de les mettre au rancart. De la sorte, on obtient 30 appareils très performants en peu de temps. Si vous vous inquiétez de ce qui pourrait survenir à Taïwan dans trois ans, le fait d’avoir 30 F-22 de plus a de quoi rassurer.
Richard Aboulafia :
Oui, tout à fait. On a beaucoup dénigré les capacités de mise à niveau des premiers F-22, vu leurs ressources informatiques rudimentaires et tout le reste. Mais, comme véhicules aériens, ils font tout à fait l’affaire. Même s’ils ne servent qu’à l’entraînement, je pense que ça aiderait probablement la force déployable des F-22. Je suis bien d’accord.
Roman Schweizer :
Pour nos auditeurs qui ne le savent pas, si ça se trouve, vous publiez sur votre site Web éponyme une lettre mensuelle que je recommande de lire. Dans celle de juin, publiée à la fin de juin ou au début de juillet, vous passez en revue les principaux programmes américains de développement de chasseurs ou de défense aérienne. A-t-on oublié quelque chose ou avez-vous un dernier commentaire sur les ACC ou sur quoi que ce soit d’autre? Dans le cas des ACC, j’espère que la US Air Force cherche simplement à nous appâter et, par un tour de passe-passe, à nous cacher sous couvert de secret défense que 500 de ces appareils volent quelque part au-dessus de la mer de Chine méridionale. On verra bien. Un mot pour conclure?
Richard Aboulafia :
Oui, et vous avez bien raison. Les ACC compliquent énormément les choses. Je pense que l’IA, la superconnectivité et les autres améliorations technologiques vont changer le portrait, que ça se produise en 2030, 2040 ou peu importe. Mais ce qui est intéressant à propos du salon aéronautique, c’est que les participants ont parlé de l’élément essentiel, c’est-à-dire les moteurs. Il y a eu une entente entre GE et Kratos.
GE est à la recherche d’une famille complète de turboréacteurs à double flux et faible poussée. On souhaite aussi monter en gamme, parce que, franchement, si la déployabilité des ACC vous inquiète, il faut une plateforme plus grande pour accroître le rayon d’action de l’appareil. On ne peut pas tous les déployer à Guam. Dans ce cas, il faut se demander s’il existe un bon moteur d’avion de combat dans la catégorie des 8000 lb [inaudible 00:58:04]. Les gens surveillent ça aussi. Alors, oui, je m’attends à ce qu’on expérimente beaucoup plus avec la cadence, mais peut-être pas jusqu’à atteindre la production de masse que certains souhaitent, parce qu’on ne connaît pas la taille optimale d’un ACC. Mais au moins, on commence à mettre en place les éléments de base, en particulier, les moteurs de la prochaine génération.
Roman Schweizer :
C’est un excellent point. Je ne devrais pas dire quoi que ce soit avant de l’avoir formulé en pensée, mais je vais me mouiller. On assiste presque à une renaissance de la propulsion quand on parle de superstatoréacteur, de moteurs à propergol solide et de la demande pour des modèles moins chers à produire. Et, comme vous l’avez mentionné, quand on parle de propulsion par réaction, ça touche vraiment l’ensemble du matériel volant. Évidemment, je m’incline devant votre savoir à ce sujet. Mais est-ce que je me trompe?
Richard Aboulafia :
Il faut toujours s’exprimer avant d’avoir trop réfléchi. On se trompe alors rarement. Je suis bien d’accord. De fait, on remarque un regain d’intérêt pour la recherche et tout ce qu’il est nécessaire de faire. Le problème, c’est que personne ne connaît la bonne réponse. Dans le cas des modèles hypersoniques, par exemple, a-t-on affaire à un moteur à détonation rotative? À un superstatoréacteur? Ou à quelque chose de complètement nouveau? Est-ce qu’on va prendre un pas du recul face aux planeurs hypersoniques au profit des missiles de croisière hypersoniques? Je devine qu’il se passe bien des choses en coulisses. Mais il est intéressant de voir ce regain d’intérêt de l’industrie pour la propulsion, qui risque d’attirer beaucoup plus de fonds. Après tout, on ne conçoit pas une turbine en fonction d’un avion, mais plutôt un avion en fonction de la turbine et de la propulsion développée. C’est la première étape.
Roman Schweizer :
Oui. Je pense au programme NGAP et au programme du turboréacteur F135. J’oublie l’acronyme. Ça touche diverses plateformes, catégories de poids, plages de performances, armes. Oui. C’est une hypothèse intéressante. On pourrait continuer ainsi et entrer dans des détails très pointus de certains de ces programmes, mais on va s’arrêter ici. Richard, je ne vous remercierai jamais assez. J’apprécie vraiment. C’est toujours un plaisir de vous recevoir; j’ai hâte à la prochaine fois. Merci infiniment.
Richard Aboulafia :
Oui, ça m’a fait plaisir, Roman. Merci beaucoup. Je reviens quand vous voulez.
Roman Schweizer :
Merci beaucoup d’avoir été des nôtres pour ce balado intitulé « Ce qu’il faut savoir sur la sécurité nationale ». À bientôt.
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Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer
Directeur général, Groupe de recherche de Washington – Analyste des politiques de défense et de l’aérospatiale, TD Cowen
Roman Schweizer s’est joint au Groupe de recherche de Washington de TD Cowen en août 2016 pour s’occuper des questions de politique de défense. Il a auparavant occupé des postes chez Guggenheim Securities et MF Global. Le Groupe de recherche de Washington de TD Cowen a récemment été nommé premier dans la catégorie Institutional Investor Washington Strategy. Le Groupe a toujours été classé parmi les meilleures équipes de macro-politique au cours de la dernière décennie. M. Schweizer compte plus de 15 ans d’expérience à Washington (D.C.), où il a occupé les postes de représentant officiel des acquisitions gouvernementales, de consultant sectoriel et de journaliste.
Avant de se joindre au Groupe de recherche de Washington, il était un professionnel en acquisition dans le cadre du programme Littoral Combat Ship de la U.S. Navy. Auparavant, il dirigeait une équipe qui fournissait un soutien stratégique en matière de communications au Congrès et dans les médias aux hauts dirigeants de la Navy dans le cadre de programmes d’acquisition de navires de grande envergure. M. Schweizer a également offert des conseils sur les secteurs de la défense, de l’aérospatiale, de la sécurité intérieure et des marchés technologiques aux clients de Fortune 100 au nom de DFI International et de Fathom Dynamics LLC.
Il a été publié dans Inside the Navy, Inside the Pentagon, Armed Forces Journal, Defense News, ISR Journals, Training and Simulation Journal, Naval Institute’s Proceedings et Navy League’s Seapower.
M. Schweizer est titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’American University de Washington (D.C.).